Je vous remercie d'avoir eu la patience d'attendre que mon état de santé s'améliore pour m'entendre.
J'ai eu un grave accident le 11 mars dernier. Vous m'avez convoqué dans les jours qui ont suivi. J'ai répondu que j'étais très honoré et que je serais présent, mais qu'il me fallait pour cela retrouver mes capacités physiques et pouvoir me déplacer.
Les choses se sont améliorées depuis, mais je pensais que je récupérerais plus vite. Les traitements médicaux que je prends pour soulager mes douleurs altèrent parfois ma concentration. C'est cependant un honneur pour moi de me trouver dans cette enceinte pour traiter d'un sujet qui, en ma qualité d'observateur, tant du milieu sportif en général, que du cyclisme en particulier, revient de façon régulière.
J'ai effectivement pratiqué beaucoup de disciplines. J'ai démarré le sport amateur à l'âge de douze ans. J'ai eu la chance de faire une carrière professionnelle et, aujourd'hui encore, je pratique le sport de façon régulière et intense, sauf événement fâcheux, comme cela a été le cas dernièrement.
J'ai été cycliste professionnel il y a de nombreuses années, mais je suis également un observateur du monde du sport et du cyclisme en particulier, notamment par le biais de prestations de consultant technique auprès de certains médias. J'ai aussi assumé le rôle de manager de l'équipe de France durant quatre années, pour les championnats du monde et les Jeux olympiques, période pendent lesquelles j'ai été directement en relation avec les coureurs actuels.
Mon analyse du cyclisme et des autres disciplines que j'ai pu pratiquer a évolué au fil du temps. J'ai aujourd'hui un regard plus transversal, ayant eu l'occasion, grâce aux Jeux olympiques, de côtoyer de près certaines disciplines et en pouvant apprécier la valeur des exploits réalisés par les athlètes.
Je suis ici pour évoquer avec vous les questions concernant l'efficacité de la lutte contre le dopage. Il me semble qu'aujourd'hui, quand on suit un événement sportif - le vélo en particulier - les gens ne se posent pas tant la question de savoir combien gagne l'athlète, quel braquet il a utilisé ou en combien de temps il a remporté l'épreuve, mais plutôt s'il est « chargé » ou non...
Cette question, le grand public, les journalistes, les commentateurs, les pouvoirs politiques, les instances du cyclisme se la posent. C'est une suspicion parfois lourde à porter quand on est passionné par un sport, et il est difficile d'admettre que tous les sports ne soient pas placés sur un pied d'égalité en matière de lutte antidopage.
J'ai essayé de réfléchir à des solutions efficaces en matière de lutte antidopage, bien qu'elle le soit à mon sens aujourd'hui dans le vélo, même si ce n'est pas l'image que le public en retient. On peut même dire que pour le cyclisme, c'est quelque peu contre-productif. Il a fait, après l'affaire Festina, les efforts qui s'imposaient. Il y a eu une prise de conscience générale d'un phénomène qu'il fallait enrayer. Les pouvoirs sportifs ont décidé de mettre en place des contrôles plus rigoureux, d'abord sanguins, puis un suivi longitudinal et la détection des transfusions sanguines. Il existe en outre aujourd'hui le passeport biologique, la géolocalisation ; les coureurs cyclistes professionnels sont enfin parmi les rares athlètes à devoir fournir leur emploi du temps quotidien...
Le cyclisme a donc été pilote en matière de mise en place de mesures antidopage. Je pense qu'il y a eu un avant et un après Festina. On a pris conscience que le cyclisme n'était pas sur la bonne voie, qu'il fallait évoluer et changer les choses.
Je pense qu'il y a toujours eu du dopage dans le sport... Il y en a eu dans le cyclisme ; il y en a probablement beaucoup moins aujourd'hui, mais je ne suis pas convaincu qu'il n'y en a plus du tout. C'est une lutte de tous les instants, qu'il faut continuer, mais qui doit aussi s'élargir pour qu'il y ait équité entre le cyclisme, souvent montré du doigt, et les autres sports, où on a l'impression, comme avant 1998 dans le monde du vélo, que le problème ne les concerne pas !