Armstrong est, selon moi, un athlète hors norme depuis son plus jeune âge. Il était déjà physiquement très fort lorsqu'il était, aux États-Unis, champion junior de triathlon. Il a déboulé dans le cyclisme avec beaucoup d'arrogance. C'est ce qui a d'ailleurs beaucoup déplu, y compris aux coureurs. Il ne respectait pas vraiment la hiérarchie, mais il s'est imposé par la force, en étant champion du monde. Il a démontré qu'il avait une faculté de se concentrer sur un seul objectif, sans jamais en dévier : gagner le Tour de France. On a appris trop tard que, pendant toute cette période, il nous avait bernés !
Je l'ai connu avant qu'il ne soit atteint d'un cancer. C'était déjà un rival de taille, mais j'arrivais à le suivre sans problème sur des épreuves d'une semaine, ou sur des classiques d'un jour. Après sa guérison, il a incarné le héros américain de bandes dessinées, qui a survécu à la mort, et qui devient plus fort que quiconque.
Beaucoup de spectateurs ou de compétiteurs ont ensuite éprouvé un sentiment d'impuissance : quand la course était dure, il était intraitable. On ne savait comment se débarrasser de ce garçon, bien plus fort que tout le monde !
J'ai eu le malheur de dire, à Hawaï, où je me trouvais pour un triathlon, en octobre, au moment où l'affaire Armstrong touchait à son terme, et au moment où l'Union cycliste internationale (UCI) l'a déchu de ces sept couronnes remportées lors du Tour de France, que c'était malgré tout un immense champion. Les mots ont sans doute dépassé ma pensée mais c'est un athlète hors norme, j'en suis convaincu. Je pense que ce garçon a des qualités physiques et mentales largement au-dessus de la moyenne, même s'il a fauté. Peut-être son envie de pouvoir l'a-t-elle poussé à devenir ce qu'il est devenu... La justice est passée. Cependant, il est dommage que la sanction soit tombée treize ans après sa première victoire.
Il y a, je crois, un effort à faire en matière de délais de condamnation entre l'acte frauduleux et la sanction. On attend parfois en effet plusieurs années. Il a fallu, par exemple, quatre ans pour que Floyd Landis soit déchu de son titre de vainqueur du Tour de France. Ce sont des procédures beaucoup trop longues ! Je ne sais dans quelle mesure on peut y remédier, mais il me semble que tout le monde y gagnerait, le vélo et - surtout - le public. J'imagine que cela coûterait en outre bien moins cher...