Intervention de Marie-Luce Penchard

Réunion du 9 décembre 2009 à 14h30
Consultation des électeurs de la guyane et de la martinique sur le changement de statut de ces collectivités — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Marie-Luce Penchard, ministre :

J’en viens maintenant aux options précises qui seront présentées aux électeurs lors des consultations des 10 et 24 janvier prochains et aux conséquences de leurs votes.

La consultation du 10 janvier portera sur l’institution en Martinique et en Guyane d’une collectivité régie par l’article 74 de la Constitution, dotée d’un statut particulier.

Ce statut sera établi par une loi organique, qui définira la nouvelle organisation institutionnelle de la collectivité, ainsi que la répartition des compétences entre l’État et la collectivité.

Cela signifie que le degré d’autonomie, le choix des compétences transférées par l’État et le régime juridique des lois et règlements qui s’y appliquent est adapté aux capacités, aux besoins et aux responsabilités que la collectivité entend assumer.

Certaines collectivités, comme Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy et Saint-Martin, disposent de compétences qui ne sont pas très éloignées de celles des départements et des régions, et les lois et règlements s’y appliquent, pour la plupart, de plein droit. D’autres collectivités, comme la Polynésie française et Wallis-et-Futuna, jouissent, au contraire, de davantage d’autonomie et l’État n’y exerce plus que des compétences purement régaliennes.

Les élus martiniquais et guyanais désirent disposer d’importantes prérogatives en matière fiscale ainsi que de compétences nouvelles, par exemple en matière d’aménagement du territoire, d’environnement et d’urbanisme. En revanche, ils ont exprimé le souhait que, dans les matières qui demeureront de la compétence de l’État, comme la protection sociale, la logique d’identité législative continue de prévaloir.

Le Gouvernement donne acte aux congrès de Martinique et de Guyane de leurs demandes, qu’il prendra naturellement en compte dans le cadre de la concertation sur le futur statut de ces collectivités.

Je tiens cependant à rappeler que, conformément à l’article 74 de la Constitution, qui fixe certaines limites aux compétences transférées, l’État conservera l’exercice de ses prérogatives régaliennes, comme la garantie des libertés publiques, la défense, la sécurité et la justice, qui demeureront de sa compétence.

J’ajoute qu’un passage au régime de l’article 74 n’entraînerait aucune conséquence automatique pour ce qui concerne le statut de région ultrapériphérique au sein de l’Union européenne dont jouissent ces collectivités. Depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, ce statut ne peut être modifié que par une décision prise à l’unanimité du Conseil européen et le Gouvernement n’envisage nullement un tel changement, sauf si les collectivités le demandaient ultérieurement.

Le régime de l’article 74 ne constitue donc ni un abandon de la République ni une exclusion de l’Union européenne, mais bien plutôt une façon de reconnaître le droit de ces populations à la différence et leur aspiration à plus de responsabilités, dans le respect des garanties fondamentales des libertés publiques et sous le contrôle toujours attentif des autorités de l’État.

Si le « non » l’emporte lors de cette consultation du 10 janvier, une seconde consultation sera organisée le 24 janvier. Elle portera cette fois sur l’institution d’une collectivité qui exerce les compétences dévolues au département et à la région tout en demeurant régie par l’article 73 de la Constitution.

Cette organisation administrative résultera d’une loi ordinaire intervenant, là encore, après une phase de concertation locale avec les élus locaux. Elle ne se traduira par aucun changement en ce qui concerne les compétences dont dispose la collectivité ou dans les conditions d’application des lois et règlements. Elle permettra uniquement de mettre fin à une situation introduite en 1982 en raison de la jurisprudence du Conseil constitutionnel d’alors, souvent critiquée pour sa complexité administrative et totalement inédite en Europe : l’existence, sur un même territoire, de deux collectivités distinctes, qui font de la Martinique et de la Guyane des régions « monodépartementales ».

Cette dualité institutionnelle peut être source de coûts, de confusion et d’inefficacité. Elle peut nuire aux politiques menées localement, en particulier en matière d’aménagement du territoire et de développement économique.

Est-il ainsi concevable que, dans les départements d’outre-mer, le conseil général et le conseil régional disposent chacun de compétences spécifiques en matière de transports, ce qui rend difficile la mise en place d’une politique cohérente dans ce domaine à l’échelle du territoire ?

Cette dualité institutionnelle n’offre pas non plus aux collectivités un cadre adapté à l’exercice satisfaisant des pouvoirs spécifiques d’adaptation que leur confère l’article 73 de la Constitution.

Une réponse positive à l’une de ces deux questions permettrait ainsi d’en revenir à davantage de simplicité et de cohérence : un territoire, une collectivité ; une assemblée élue, un exécutif responsable devant cette assemblée.

Ce nouveau statut résulterait d’une loi organique, si le « oui » l’emporte le 10 janvier, ou d’une loi ordinaire, si le « oui » l’emporte le 24 janvier, élaborée après une phase d’étroite concertation avec les élus locaux.

Si le « non » l’emporte à ces deux consultations, nous ne resterons pas pour autant dans l’immobilisme. Le projet de réforme des collectivités territoriales aura en effet vocation à s’appliquer dans les départements et régions d’outre-mer qui n’auront pas fait le choix d’une évolution spécifique. Comme en métropole, le projet prévoit que des conseillers territoriaux siègeront à la fois dans les conseils généraux et dans les conseils régionaux.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’avez compris, la première consultation portera sur l’autonomie institutionnelle, et la seconde, si elle est organisée, sur la rationalisation des structures administratives. Comme je l’ai rappelé en préambule, le Gouvernement n’entend pas prendre parti entre l’une et l’autre de ces options.

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