Intervention de Brigitte Gonthier-Maurin

Réunion du 9 décembre 2009 à 14h30
Consultation des électeurs de la guyane et de la martinique sur le changement de statut de ces collectivités — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Brigitte Gonthier-MaurinBrigitte Gonthier-Maurin :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, un profond débat anime les sociétés martiniquaise et guyanaise, qui sont appelées à se prononcer, comme le stipule l’article 72-4 de la Constitution, sur le changement de statut de leurs départements.

Les mouvements sociaux du début de l’année ont révélé combien la crise économique et sociale a été rude, particulièrement en 2009, pour nos concitoyens ultramarins.

Le débat d’aujourd’hui ne doit donc pas nous faire perdre de vue l’urgence sociale dans laquelle sont placés ces territoires. Il y va même de la responsabilité de l’État qui, confronté à une situation d’une grande gravité, doit adopter une stratégie offensive et des mesures d’urgence, pour permettre à nos concitoyens d’accéder à une vie décente.

Ainsi, les comptes rendus des états généraux de l’outre-mer soulignent combien la population des DOM attend de l’État qu’il tienne ses engagements, qu’il soit garant de la cohésion sociale, de l’égalité des citoyens et de la prise en compte de leurs aspirations.

Chômage et précarité toujours en progression, prix en hausse, crise du logement, besoin d’éducation montrent combien, en dépit des mesures transversales prises par le conseil interministériel de l’outre-mer, le CIOM, ces territoires appellent une tout autre politique, et tout de suite !

Ainsi, notre collègue Éric Doligé, à propos de l’éventualité d’un changement de statut, insistait dans son rapport sur la nécessité d’organiser une campagne d’information permettant d’éclairer véritablement le choix des électeurs.

C’est bien tout l’enjeu de ce moment et de ce scrutin.

Il s’agit en effet de demander aux populations de faire un choix, dans un contexte de crise multidimensionnelle, alors que l’État semble incapable de remédier à la situation et d’exiger que ce changement de statut éventuel ne rime pas avec un nouveau désengagement de sa part.

Avant le 10 janvier prochain, le Président de la République doit donc prendre des engagements fermes de maintien de la dotation publique, de versement des minima sociaux, des retraites, de lutte contre le chômage. De mon point de vue, ces engagements devraient d’ailleurs être pris indépendamment du changement statutaire.

L’aspiration à l’émancipation de ces hommes et de ces femmes a été relayée par le choix de l’autonomie législative par le congrès de leurs élus. Cette aspiration débouche sur la contestation d’un système économique et financier qui privilégie l’argent, l’exploitation, l’opposition des uns aux autres.

Cela, le Président de la République et le Gouvernement ne semblent pas l’avoir entendu. J’en veux pour preuve, entre autres, la réflexion du Président de la République, qui, en octobre dernier, cite, comme premier axe des actions à mener après les états généraux de l’outre-mer, le « renforcement de la concurrence dans le secteur privé ».

On le sait bien, ces solutions ne fonctionnent pas, ni en métropole ni en Europe ni dans le reste du monde !

Quel mépris pour les aspirations de milliers de gens, qui, en manifestant début 2009, demandent l’opposé, c’est-à-dire plus de contrôle des pouvoirs publics sur le secteur privé, contre le racket organisé des populations, contre la fixation libre et opaque des prix. La concurrence ne fait pas baisser les prix, on le constate en métropole.

Dans le cadre de cette campagne sur le changement de statut, qui pourrait constituer une étape importante dans l’histoire de la Martinique et de la Guyane, le Gouvernement doit entendre les revendications populaires et prendre des engagements immédiats.

Concernant la baisse des prix et la hausse des salaires, un avis rendu par l’Autorité de la concurrence montrait l’état de fait inacceptable de la fixation des prix dans les DOM.

Au prétexte d’un coût important des transports de marchandises et de l’octroi de mer, les grandes enseignes gonflent les prix. Ainsi, certains produits sont payés dans les DOM jusqu’à 50 % plus cher qu’en métropole !

Dans un autre département d’outre-mer, la Guadeloupe, le LKP alerte depuis septembre : les produits dont les prix ont fait l’objet de négociations sont en pénurie organisée, alors que les prix des autres produits flambent. L’engagement de renforcer les effectifs de la direction de la concurrence n’est pas tenu, d’où une perpétuation de cette situation injuste.

De même, d’autres propositions pourraient être avancées pour soutenir le pouvoir d’achat, comme la baisse de la TVA ou la revalorisation des salaires.

Aujourd’hui, tous les voyants sont au rouge. J’ai eu moi-même l’occasion de le constater il y a quelques jours lors d’un déplacement en Martinique.

Il est nécessaire de rendre aux DOM les moyens financiers à la hauteur des enjeux et des graves inégalités que continuent de subir leurs populations. Nous condamnons les exonérations de charges et les exemptions fiscales, menées sans garantie ni contrepartie en termes de créations d’emplois et d’augmentation des salaires.

Avec la crise, les communes doivent faire face à un effondrement de leur principale recette, l’octroi de mer, alimenté par une taxe sur la consommation de produits importés. Quand on voit l’importance budgétaire locale de cet octroi, on peut comprendre l’inquiétude des domiens à l’annonce de la suppression de cette taxe à l’orée 2014, sous la pression libérale de l’Europe, qui y voit un droit de douane extravagant contraire à la concurrence libre et non faussée.

Madame la ministre, quels sont les engagements du Gouvernement sur cette question ?

Le chômage, je l’ai dit, est un des fléaux qui minent les DOM, avec la situation particulière de la jeunesse. Toutes tranches d’âge confondues, le taux est deux fois plus élevé que la moyenne nationale : il atteint 50 % pour les jeunes de quinze à vingt-quatre ans. On comprend que certains appellent à un plan Marshall !

La situation du logement est tout aussi catastrophique, avec un sous-développement du logement social et l’existence d’un habitat insalubre encore important.

La mise à disposition du foncier détenu par l’État et non utilisé, telle que décidée le 6 novembre par le conseil interministériel de l’outre-mer, pourrait contribuer à relancer la construction du logement social par les communes. Mais sous quels délais ? Et avec quel argent ? Le Gouvernement va-t-il très vite mettre en place un droit au foncier opposable ?

La gravité de la crise exige des mesures d’urgence pour stopper le glissement des départements d’outre-mer dans le sous-développement. Or les annonces et les décisions du conseil interministériel n’arrivent que plusieurs mois après les mouvements sociaux du début d’année.

De plus, même si certaines annonces sont reconnues comme appropriées, leurs effets ne seront sensibles que dans un avenir lointain. Aucun financement n’est venu relayer ces annonces, ce qui sème le doute sur leur mise en place effective, doute qui touche les populations mais aussi les élus locaux.

Avec cette proposition de changement statutaire, via l’article 74, nombre d’hommes et de femmes, d’élus locaux, généraux et régionaux, de parlementaires, voient l’opportunité non pas de revendiquer l’indépendance ni une quelconque sortie de la République française, mais d’avancer vers davantage d’autonomie et de conquête de pouvoirs réglementaires en matière d’adaptation et d’exécution de décisions les concernant.

Ils voient dans la simplification administrative que constitue la solution d’une collectivité unique gérée par une assemblée unique le moyen de garantir une plus grande efficacité des politiques publiques. Ce changement institutionnel pourrait, selon eux, contribuer à la définition de politiques qui prennent réellement en compte les réalités locales et leurs aspirations.

Ils y voient le moyen, en étant davantage maîtres d’œuvre, de participer ainsi, adossés à la métropole, à un développement plus durable, plus harmonieux, plus solidaire, contribuant au rayonnement de la France, de sa culture et de son économie dans cette partie du monde.

En réalité, tout ce qui va dans le sens de davantage d’autonomie pour ces populations est positif.

Il est dans ce cadre cependant impératif que l’inconnue que constitue la future loi organique qui en résultera soit levée. Le Gouvernement doit garantir l’intégrité pleine et entière des acquis sociaux dont bénéficient ces peuples.

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