Intervention de Fabien Choné

Commission d'enquête sur le coût réel de l'électricité — Réunion du 14 mars 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Fabien Choné directeur général de direct énergie et président de l'association nationale des opérateurs détaillants en énergie

Fabien Choné :

Il ne s'agit pas de faire payer les investissements de renforcement, il s'agit de créer pour les producteurs un tarif d'accès au réseau qui tienne compte de critères géographiques, de manière à orienter les investissements vers les zones où ils sont le plus efficaces pour la collectivité. Il ne s'agit pas de faire payer des renforcements au cas par cas : ce sujet est dépassé, nous sommes bien d'accord.

Nous soutenons la proposition de la CRE, parce que nous estimons qu'elle a vocation à imputer correctement aux agents économiques les coûts de leur activité pour le système électrique. Nous regrettons que l'ensemble des charges du réseau soient supportées par les consommateurs, parce qu'il serait beaucoup plus efficace d'en faire payer une partie aux producteurs. L'explication est simple : en matière de consommation, un système de péréquation tarifaire existe en France, sur lequel personne ne souhaite revenir, alors qu'en termes de production, tel n'est pas le cas. Or les producteurs, par la localisation de leurs équipements et leur programme de fonctionnement, influent directement sur la structure des coûts du réseau, mais également sur l'importance des pertes. Vous savez que le plan de pertes dépend aujourd'hui directement du plan de production : s'il existait une tarification de l'accès au réseau pour les producteurs, on pourrait influer sur le plan global de production du parc français, et donc réduire les pertes dans notre pays. En imputant correctement aux agents économiques le vrai coût des pertes, on pourrait diminuer celles-ci, ce qui correspond à l'intérêt général !

Vous avez également posé une question sur le mix énergétique idéal pour la France et sur les coûts dans dix ans ou vingt ans. Je n'entrerai pas dans le détail de ces sujets, car je pense que l'ANODE n'est pas la mieux placée pour vous donner des éléments d'information. Je souhaite simplement rappeler que nous sommes en phase avec la politique énergétique française actuelle, qui favorise les énergies décarbonées. Aujourd'hui, notre système électrique est très décarboné : il faut continuer d'en profiter, effectuer les substitutions nécessaires au bénéfice de l'électricité, par exemple avec le véhicule électrique, ce qui signifie qu'une augmentation de la consommation française électricité ne serait pas nécessairement une mauvaise nouvelle en termes d'efficacité économique et écologique.

Pour cela, il faut s'appuyer sur les deux piliers de la politique énergétique française, à savoir le développement des énergies renouvelables, d'une part, et la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires, d'autre part. Ces deux objectifs ne paraissent nullement contradictoires : bien au contraire, ils sont complémentaires. Nous pensons que l'avantage économique que représente le nucléaire historique permet de rendre acceptables les efforts que nous devons consentir pour développer les énergies renouvelables jusqu'à ce que ces filières deviennent matures.

Il est donc tout à fait cohérent de conserver ces deux piliers, maintenus par une clé de voûte, le développement des cycles combinés gaz. En effet, sans ces centrales qui assurent la flexibilité du système électrique, l'ensemble ne fonctionnera pas. La clé de voûte est une toute petite pierre par rapport à l'ensemble de l'édifice, mais elle lui permet de tenir debout : le développement des cycles combinés gaz nous paraît donc absolument nécessaire. Enfin, on l'a évoqué tout à l'heure, il faut que les obligations d'achat participent le plus possible aux efforts visant à faire évoluer notre consommation.

Pour conclure, j'ajouterai un dernier mot sur la situation du marché français : nous pensons que de nombreuses évolutions sont nécessaires pour tenir compte du contexte économique général, notamment de l'évolution des prix des matières premières. La concurrence a selon nous un rôle important à jouer, en termes à la fois de modération tarifaire et d'innovation, notamment dans les services. Aujourd'hui, la concurrence est critiquée : certains estiment qu'elle n'a rien apporté. Il faut le reconnaître, la concurrence n'a pas apporté beaucoup, mais elle a été étouffée jusqu'à maintenant, pour ne pas dire asphyxiée. Il est donc nécessaire de lui permettre de trouver très rapidement un espace économique, afin qu'elle puisse apporter tout ce qu'elle doit aux Français, notamment en termes d'innovation. Il convient également de la rendre compatible avec les dispositifs de précarité énergétique, parce qu'il faut absolument éviter que les évolutions que nous proposons ne laissent au bord de la route des Français en difficulté.

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