Je tiens à remercier nos collègues présents bien que le Sénat ne siège pas en cette période. Je me permets de faire observer très amicalement à notre rapporteur que l'opposition sénatoriale est beaucoup plus représentée aujourd'hui que la majorité - j'enfonce le clou ! (Sourires.)
Monsieur Choné, je vous remercie de suppléer M. Xavier Caïtucoli, dont j'excuse bien volontiers l'absence. Je sais qu'il tenait à être entendu et je suis sûr que vous le remplacerez parfaitement.
Je procéderai tout d'abord à un rappel sur les raisons de votre présence devant cette commission d'enquête. Le groupe écologiste a utilisé son « droit de tirage » pour créer une commission d'enquête sur le coût réel de l'électricité dans notre pays et son imputation aux différents acteurs économiques et a choisi de confier à un de ses représentants le poste de rapporteur. Celui de président est donc revenu à un membre de l'opposition sénatoriale.
Je rappelle que toutes les informations relatives aux travaux non publics d'une commission d'enquête ne peuvent être divulguées ou publiées, et qu'un faux témoignage devant notre commission serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal. En ce qui concerne la présente audition, la commission a souhaité qu'elle soit publique, et un compte rendu intégral en sera publié.
Avant de donner la parole à M. le rapporteur pour qu'il vous pose ses questions préliminaires, je vais maintenant vous faire prêter serment, monsieur Choné, conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête.
Monsieur Choné, prêtez serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, levez la main droite et dites : « Je le jure. »
(M. Fabien Choné prête serment.)
Je vous remercie, monsieur Choné.
Monsieur le rapporteur, je vous laisse le soin de préciser ce qu'attend notre commission, sachant que M. Choné aura ensuite à répondre aux questions complémentaires que vous-même, si vous le souhaitez, et l'ensemble des membres de la commission d'enquête pourrez lui poser.
Vous avez la parole, monsieur le rapporteur.
Monsieur Choné, comme l'a rappelé M. le président, je vous ai adressé six questions, que je vais résumer.
Premièrement, les différents tarifs régulés de l'électricité reflètent-ils actuellement, selon vous, les « coûts réels » complets de production, de transport, de distribution et de fourniture ?
Deuxièmement, quelle forme pourrait prendre demain, d'après vous, un mix électrique compétitif, et comment se traduirait-il en termes de prix de l'électricité ?
Troisièmement, que pensez-vous des récentes déclarations de M. Philippe de Ladoucette, président de la Commission de régulation de l'énergie, la CRE, selon lesquelles les tarifs régulés de l'électricité devraient augmenter d'environ 30 % d'ici à 2016 ?
Quatrièmement, quel commentaire faites-vous sur la structure actuelle de la consommation d'électricité en France et sur sa « pointe » particulièrement élevée en cas d'hiver rigoureux ? Sur quels leviers préconisez-vous d'agir afin de diminuer l'ampleur de ce phénomène ?
Cinquièmement, quel jugement portez-vous, filière par filière, sur le mécanisme actuel de soutien aux différentes énergies renouvelables et à la cogénération ?
Sixièmement, Direct énergie a déjà pris des parts dans le secteur de la distribution d'électricité. Quels seront les investissements nécessaires en ce domaine dans les années à venir ? Leur coût dépendra-t-il des choix opérés en matière de production d'électricité ?
Telles sont les six questions que nous vous avons adressées.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à vous remercier d'avoir invité un représentant de l'Association nationale des opérateurs détaillants en énergie, l'ANODE, à venir témoigner devant votre commission d'enquête. M. Xavier Caïtucoli, président-directeur général de la société Direct Énergie, membre de l'ANODE, ne pouvait être présent parmi vous aujourd'hui et vous prie de bien vouloir l'en excuser.
L'intitulé de votre commission d'enquête nous semble très judicieux, notamment en raison de la nécessité de déterminer l'imputation des coûts réels de l'électricité aux différents agents économiques. En effet, on s'interroge souvent sur le niveau de ces coûts, mais plus rarement sur la manière de les imputer aux agents économiques. Or vous pourrez constater, en prenant connaissance des questions posées par l'ANODE et des solutions qu'elle propose, que cette problématique est vraiment centrale de notre point de vue.
Permettez-moi tout d'abord de présenter en quelques mots l'ANODE. Cette association a été créée en septembre 2006, sous le nom d'Association nationale des opérateurs détaillants en électricité, dans le contexte du débat parlementaire sur le projet de loi relatif au secteur de l'énergie, qui a notamment abouti à la création du tarif réglementé transitoire d'ajustement au marché, le TARTAM, afin de promouvoir la création, en France, d'un marché libéralisé de l'électricité qui permette au consommateur de bénéficier pleinement de la concurrence, d'une part, et des avantages de la politique énergétique française, d'autre part. Autrement dit, l'ANODE a été créée pour faire en sorte que les Français puissent bénéficier du développement de la concurrence ainsi que des avantages résultant de la politique française en faveur de l'énergie nucléaire. L'ANODE est devenue l'Association nationale des opérateurs détaillants en énergie en 2010, date à laquelle elle a également accueilli des opérateurs actifs dans le secteur du gaz. Elle réunit aujourd'hui Altergaz, Gaz de Paris, Direct Énergie, Planète Oui et Poweo, c'est-à-dire les fournisseurs qui alimentent près de 90 % des clients ayant quitté les deux opérateurs historiques, EDF et GDF-Suez.
Je vais répondre à vos questions, monsieur le rapporteur, en essayant de les relier à un certain nombre de sujets qui nous préoccupent particulièrement.
La première porte sur l'évolution de la concurrence face aux tarifs réglementés de vente et sur le prix de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique, l'ARENH.
Je procéderai tout d'abord à un rappel historique. En 2006, lors de la création de l'ANODE, nous étions en présence d'un « effet de ciseaux » tarifaire. De nombreuses voix se sont élevées pour dire que cette situation était due à l'existence de tarifs réglementés calés sur le coût de production de l'énergie nucléaire. Telle n'a pas été la position adoptée par l'ANODE à l'époque. En effet, nous considérons, comme je vous l'ai expliqué tout à l'heure, que le consommateur doit pouvoir bénéficier, en France, de la concurrence dans le domaine de la fourniture d'électricité, mais aussi de l'avantage résultant du choix politique national de créer un parc de centrales nucléaires. Pour cette raison, l'ANODE a proposé, dès 2006, la création d'une « offre de gros nucléaire ». En effet, en présence d'un effet de ciseaux, on peut essayer d'agir sur la branche supérieure ou sur la branche inférieure : beaucoup déclaraient que les tarifs réglementés étaient trop bas, nous estimions quant à nous que le problème était dû à l'absence d'une « offre de gros » représentative de la politique nucléaire.
Cette proposition n'a malheureusement pas été retenue en 2006. Toutefois, à la suite de la publication du rapport Champsaur et de la promulgation de la loi portant nouvelle organisation du marché de l'électricité, dite loi NOME, cette « offre de gros nucléaire » existe désormais, sous la forme de l'accès régulé à l'énergie nucléaire historique, que vous connaissez bien. La question principale est de savoir si le niveau de l'ARENH et celui des tarifs réglementés permettent à la concurrence de se développer.
Tout d'abord, il faut bien comprendre que le législateur - du moins, c'est ainsi que nous l'interprétons - a décidé d'intégrer à terme dans le prix de l'électricité nucléaire, et donc dans les tarifs réglementés de vente, des éléments qui n'avaient pas été retenus initialement, notamment les coûts futurs résultant de la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires. À cet égard, nous ne disposons que de très peu d'informations, qu'il s'agisse des conséquences de cette décision sur le niveau des prix ou des méthodes de calcul employées. Le tarif de 42 euros par mégawattheure est-il satisfaisant ? Nous ne sommes pas capables de répondre à cette question, parce que nous ne disposons pas des paramètres qui nous permettraient d'évaluer ce prix et que nous ne connaissons pas non plus la méthode de calcul utilisée. Je rappelle que la loi NOME prévoit qu'un décret en Conseil d'État définira celle-ci, mais pour l'heure nous ne la connaissons pas, non plus que les paramètres retenus, et nous pouvons seulement affirmer - cela a été souvent répété - que ce niveau de prix, aujourd'hui, toutes choses égales par ailleurs, ne permet pas le développement de la concurrence sur le « segment bleu » : cela est très clair !
La loi NOME a posé le principe de la convergence du prix de l'accès régulé à l'énergie nucléaire historique et des tarifs réglementés - à l'horizon de 2015 -, auxquels s'ajoute le tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité, le TURPE. Le niveau de ces trois éléments va déterminer l'espace économique où les opérateurs fournisseurs pourront se développer.
Plusieurs dispositions de la loi sont très rassurantes pour nous. En effet, celle-ci prévoit de confier à terme à la Commission de régulation de l'énergie la responsabilité de fixer les trois éléments que je viens d'évoquer : elle le fait déjà pour le tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité, elle le fera bientôt, à la fin de 2013, pour l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique et, à la fin de 2015, pour les tarifs réglementés de vente. Aujourd'hui, pour l'ANODE et les producteurs alternatifs, il importe avant tout de rendre très rapidement cohérents ces trois éléments, afin que la concurrence puisse se développer - puisse survivre, ai-je envie de dire. Par conséquent, il est essentiel que les évolutions à venir du TURPE et de l'ARENH permettent d'atteindre cet objectif le plus rapidement possible.
J'insiste particulièrement sur cette notion de cohérence : pour nous, depuis que nous avons obtenu ce que nous souhaitions, à savoir une offre de gros nucléaire, la cohérence est désormais prioritaire. Nous ne sommes pas opposés, bien au contraire, à ce que le prix de l'ARENH soit plus élevé que ce que l'on pouvait espérer l'année dernière, pour permettre d'accroître la sûreté du parc nucléaire. Maintenant, il faut assumer les conséquences des choix relatifs au développement du parc nucléaire, à la fois dans la fixation du prix de l'ARENH et dans celle des tarifs réglementés. Si ces choix ne sont pris en compte qu'au travers du prix de l'ARENH, on ne donne pas à EDF les moyens de réaliser les investissements correspondants, puisque les tarifs réglementés sont aujourd'hui malheureusement très largement majoritaires sur notre marché.
Vous posez la question de l'incidence du niveau de l'ARENH sur les tarifs réglementés. Effectivement, à partir du moment où le coût de la production nucléaire augmente, les tarifs réglementés en subissent les conséquences, mais leur hausse devrait être limitée à 10 % pour les cinq ans qui viennent. Si cette augmentation doit permettre à la fois de sécuriser davantage le parc nucléaire et de prolonger de dix ou vingt ans le bénéfice économique que les Français tirent aujourd'hui de l'existence d'un parc nucléaire performant, nous estimons qu'elle est évidemment tout à fait souhaitable. Pour que cela fonctionne, il faut des évolutions tarifaires - je viens d'évoquer une augmentation de 10 % en cinq ans uniquement pour la part de la production nucléaire, j'évoquerai plus tard les autres parts. L'important est de ne pas rater les premières marches, car si nous attendons trop, les suivantes seront d'autant plus élevées et nous aurons du mal à les franchir.
Cette augmentation tombe mal, parce qu'elle se conjugue avec l'évolution des tarifs réglementés de vente rendue nécessaire par celle des autres composantes de ces derniers, à savoir l'accès au réseau, la contribution au service public de l'électricité, ou CSPE, et le coût de la commercialisation, qui doit évoluer significativement pour tenir compte du mécanisme d'économies d'énergie.
Pour répondre à votre question sur notre estimation de ces trois éléments, monsieur le rapporteur, j'indiquerai qu'elle est relativement cohérente avec celle qu'a présentée le président de la Commission de régulation de l'énergie. On pourrait ouvrir un débat sur la hausse des tarifs réglementés : celle-ci devrait s'établir autour de 20 %, plutôt que de 30 %, sur les cinq prochaines années, parce que la CSPE n'est pas incluse dans les tarifs réglementés, dans la mesure où elle s'applique à toutes les offres, libres et réglementées. Pour nous, l'essentiel n'est pas de savoir si les prix vont augmenter ni de combien ; nous en aurons une idée à mesure que nous obtiendrons des informations, notamment sur les investissements dans le réseau ou sur les investissements effectifs en vue de la prolongation de la durée de vie du parc de centrales nucléaires. En revanche, il est capital de savoir qui doit payer et selon quelles modalités - c'est la question judicieuse qui est posée par votre commission d'enquête - et comment rendre la facture le plus acceptable possible. Je rappelle que le montant de cette facture dépend de deux éléments : le prix et la consommation ; nous devons nous intéresser non seulement au niveau de cette dernière, mais aussi à sa forme.
De notre point de vue, la tendance haussière des prix de l'énergie, notamment de l'électricité, justifie plus encore que l'on développe la concurrence. La concurrence est source de modération tarifaire ; j'ai bien dit « modération tarifaire », et non pas « baisse des prix » - toutes choses égales par ailleurs, on peut souhaiter que les prix baissent grâce à la concurrence, mais vous savez que la conjoncture est telle que cela ne sera pas possible. La concurrence doit aussi favoriser les innovations en matière d'offres et de services, pour consommer moins et pour consommer mieux. Dans la situation où nous sommes, nous estimons que la concurrence doit plus que jamais être encouragée.
À cet égard, nous craignons énormément que cette conjoncture très défavorable n'incite à une « politisation des tarifs », c'est-à-dire au maintien des tarifs à un niveau très bas. Telle est la situation actuellement en Belgique. L'Espagne a aussi choisi de recourir à cette politique, il y a plusieurs années : pour information, elle connaît aujourd'hui un « déficit tarifaire », c'est-à-dire une dette de l'État espagnol envers les opérateurs énergétiques, de 23 milliards d'euros environ, ce qui contribue évidemment aux difficultés budgétaires que rencontre le gouvernement de ce pays. Pour régler le problème, les Espagnols devraient augmenter leurs tarifs non pas de 30 % sur les cinq prochaines années, mais de 37 % dès maintenant ! Ils se trouvent donc dans une situation très inconfortable, que la France doit à tout prix éviter de connaître.
Ces mauvaises nouvelles nous obligent à nous poser un certain nombre de questions sur la manière dont on consomme l'énergie en France. En particulier, la précarité énergétique augmentant forcément avec la croissance des prix, nous devons refonder globalement notre vision de cette problématique, et je vous présenterai les propositions de l'ANODE sur ce point. Par ailleurs, la maîtrise de la demande devient un enjeu de plus en plus important ; je distinguerai la maîtrise de la demande d'énergie de la maîtrise de la demande de puissance.
En ce qui concerne la précarité énergétique, nous pensons qu'il faut revoir de fond en comble les tarifs sociaux, notamment en termes de périmètre - la hausse des prix provoque une augmentation du nombre de clients en situation de précarité énergétique, c'est-à-dire qui consacrent plus de 10 % de leur budget au paiement de leurs factures d'énergie - et en termes de niveau. Il faut sans doute coupler ces tarifs sociaux à des politiques de soutien à une meilleure maîtrise de la consommation ; j'y reviendrai.
Les membres de l'ANODE demandent avec insistance qu'on les autorise, comme les opérateurs historiques, à proposer à leurs clients le tarif social de l'électricité, ce que la loi ne permet pas actuellement. Il est fort regrettable que les clients en situation de précarité ne puissent pas bénéficier à la fois des avantages du tarif social de l'électricité et de ceux des offres compétitives des opérateurs alternatifs, alors que cela est possible dans le secteur du gaz, par exemple. Cette demande a donné lieu à une polémique dans le cadre de la préparation du décret en vue de l'automatisation des tarifs sociaux : l'Autorité de la concurrence et la Commission de régulation de l'énergie, dans leurs avis respectifs, ont estimé qu'il était urgent de faire évoluer le tarif social de l'électricité pour que l'ensemble des fournisseurs puissent le proposer à leurs clients, dans l'intérêt même des consommateurs concernés.
En ce qui concerne la maîtrise de la demande d'énergie, je voudrais tout d'abord exposer notre vision du dispositif des certificats d'économie d'énergie, dont les objectifs étaient louables mais que nous estimons aujourd'hui très insatisfaisants.
À l'heure actuelle, sur le marché des certificats d'économie d'énergie, le prix du mégawattheure cumulé actualisé est d'environ 4 ou 5 euros, ce qui représente plusieurs centaines de millions d'euros pour l'ensemble du dispositif. Nous estimons qu'à peine 20 % de cette dépense revient effectivement à ceux qui investissent dans les systèmes destinés à améliorer l'efficacité énergétique. Le reste est capté, par pur effet d'aubaine, par des intermédiaires ou par de nouveaux opérateurs créés en réponse à la lourdeur administrative du dispositif. Cette organisation n'est absolument pas efficace, d'autant que le dispositif est très peu sélectif : il oriente les obligés que nous sommes vers les actions qui rapportent le plus de mégawattheures cumulés actualisés, et pas forcément vers les actions les plus rentables du point de vue de celui qui investit dans l'efficacité énergétique. La raison en est simple : ce dispositif est très opaque. Nous n'avons pas fait de sondage, mais je pense que les consommateurs français ne le connaissent quasiment pas, voire pas du tout, ce qui est regrettable.
L'autre motif d'inquiétude tient à nos yeux au financement du dispositif. Aujourd'hui, il est prévu, notamment dans le contrat de service public, que les tarifs réglementés de vente doivent intégrer le coût du dispositif pour les opérateurs historiques, or tel n'est manifestement pas le cas. Aucune des évolutions tarifaires récentes n'a répercuté ce coût qui, pour nous, pourrait être à l'origine d'un effet de ciseaux tarifaire très inquiétant. En effet, il va croissant et fait partie des éléments qui vont entraîner une augmentation des tarifs réglementés, si l'on suit le contrat de service public et la logique consistant à faire payer au consommateur, par le biais du prix de l'énergie, le coût du dispositif d'efficacité énergétique. Nous pensons que ce n'est pas une bonne chose, parce qu'il n'y a pas de corrélation, aujourd'hui, entre la quantité d'énergie électrique consommée et l'efficacité énergétique : un foyer qui dispose d'une habitation très bien isolée et a fait le choix d'avoir une voiture électrique pour des raisons écologiques aura une consommation d'électricité importante et sera amené à verser une contribution très élevée au dispositif d'économies d'énergie, alors qu'il est déjà très vertueux dans ce domaine.
L'ANODE propose donc de modifier radicalement le système, puisqu'il n'est pas satisfaisant. Notre première suggestion est de faire supporter le coût du dispositif par les responsables de l'inefficacité énergétique de l'habitat, qui sont également les décideurs en matière d'investissements, à savoir les propriétaires - je ne m'intéresse pas à la partie du dispositif relative aux transports -, et non par les locataires qui acquittent les factures d'électricité. Notre proposition est simple : il s'agit de créer une contribution, payable avec la taxe foncière, établie en fonction d'un diagnostic de performance énergétique, qu'il faut généraliser et sans doute améliorer. Ce dispositif serait assez lourd, mais, de notre point de vue, les enjeux sont colossaux en France, notamment du fait du niveau de développement du chauffage électrique : il faut faire évoluer la situation.
Nous pensons que la mise en oeuvre du dispositif que nous préconisons aurait des effets vertueux, parce que le propriétaire disposera de tous les éléments lui permettant de faire évoluer son bien et pourra rentabiliser les investissements consentis en matière d'amélioration de l'efficacité énergétique de trois manières : premièrement, il pourra réduire le montant de la taxe dont il doit s'acquitter, selon un schéma similaire à celui de la taxe écologique pour les voitures, s'il améliore le diagnostic de performance énergétique de l'habitat ; deuxièmement, il pourra répercuter sur le loyer une partie du coût de ces investissements, comme le prévoit la loi, dans la mesure où le locataire bénéficie de ces derniers sous forme d'une réduction de sa facture d'électricité ; troisièmement, il pourra bénéficier du fonds qui sera alimenté par cette contribution.
Nous proposons que les fournisseurs restent au centre du dispositif, parce qu'ils sont en mesure de définir ce que le locataire va pouvoir économiser sur sa facture électrique, en termes à la fois de consommation et d'offres tarifaires. Les fournisseurs ont donc un rôle important à jouer. Je n'entrerai pas davantage dans le détail, mais il me semble que traiter ce sujet est crucial pour permettre enfin une évolution dans le domaine de l'efficacité énergétique de l'habitat en France.
La maîtrise de la demande en pointe et en puissance constitue un enjeu majeur pour la France. Je rappelle que la surconsommation de notre pays due à sa « thermosensibilité » représente la moitié de celle de l'Europe, avec environ 2 300 mégawatts de consommation électrique supplémentaire pour une baisse de température de 1°C, soit deux fois la consommation d'une ville comme Marseille. Cela oblige à mobiliser des moyens de production utilisés assez rarement et en outre particulièrement polluants : l'enjeu est donc crucial tant sur le plan économique que du point de vue écologique.
L'ANODE a sensibilisé très tôt les différentes parties prenantes à la question de la pointe électrique, notamment le Sénat dans le cadre de la mission commune d'information sur la sécurité d'approvisionnement électrique de la France et les moyens de la préserver, lors d'une audition en date du 22 février 2007. Depuis sa création, l'ANODE est favorable à l'instauration d'un dispositif de rémunération de la capacité de production : nous pensons qu'un marché qui ne rémunère que l'énergie n'est pas efficace pour rentabiliser les moyens de production de pointe, mais surtout - et c'est le plus important - pour valoriser à leur juste niveau les effacements de consommation qui permettront de lisser cette dramatique pointe de consommation en période de froid.
À cette fin, nous soutenons la mise en place de deux dispositifs fondamentaux. Le premier est d'ordre économique : il s'agit du mécanisme de capacité, qui est prévu par la loi NOME. Le second est d'ordre technique : il s'agit du « compteur intelligent », c'est-à-dire du projet Linky.
En ce qui concerne le dispositif économique, des discussions ont lieu en ce moment même sur un projet de décret qui sera présenté par l'administration au Conseil supérieur de l'énergie la semaine prochaine. Ce projet nous inquiète assez fortement, parce que nous estimons que le mécanisme prévu n'est pas cohérent avec l'objectif visé, à savoir permettre une rentabilité correcte des moyens de production d'énergie ou d'effacement, en complément de ce que ces moyens de production vont rapporter sur le marché de l'énergie. Sur ce marché, lorsqu'il y a des tensions dues à des sous-capacités de production, les prix sont élevés, donc la rémunération de la capacité doit être faible pour que le complément se fasse de manière constante. A contrario, en présence d'une surcapacité de production, il n'y a pas de tensions sur les prix, donc les producteurs ne récupèrent pas de « valeur puissance » : il est alors nécessaire que la rémunération de la capacité soit importante.
Nous estimons donc que la rémunération de la capacité doit être inversement corrélée avec les tensions du système. Je reconnais que ce raisonnement est contre-intuitif, mais le mécanisme qu'il sous-tend permettrait d'assurer une rentabilité stable aux producteurs d'énergie et d'effacement. Il est également nécessaire pour garantir le financement des investissements correspondants, qui sont assez lourds.
Or tels ne sont pas les principes qui fondent le dispositif qui nous est proposé aujourd'hui, car il opère une corrélation directe entre la rémunération de la capacité et les tensions du système, donc les périodes de sous-capacité. Cette perspective nous inquiète, parce que les producteurs seront clairement incités à maintenir une sous-capacité. Ils récupéreront ainsi beaucoup d'argent sur le marché de l'énergie grâce à la fois aux pointes de prix et au mécanisme de rémunération des capacités. Il ne nous paraît pas souhaitable de mettre les opérateurs en situation de maintenir une sous-capacité de production en France, or le mécanisme aggrave fortement la volatilité du prix de la capacité et de la rémunération des producteurs d'énergie et d'effacement. Cette forte volatilité n'étant pas favorable à l'investissement, il convient de l'éviter. Par ailleurs, en cas de sous-capacité effective, le consommateur va payer très cher l'énergie complémentaire à l'énergie nucléaire en cas de pointe de prix, de même qu'il paiera très cher la rémunération de la capacité, parce que la loi NOME prévoit de l'intégrer aux tarifs réglementés : il va subir les conséquences de l'insuffisance des moyens de production...
Permettez-moi de vous interrompre un instant, monsieur Choné. Un élément ne me semble pas clair : un certain nombre de membres de l'ANODE sont devenus également producteurs, donc votre raisonnement n'est plus tout à fait logique. Vous ne pouvez plus défendre les membres de l'ANODE comme s'ils étaient des intermédiaires vendant de l'électricité produite par d'autres opérateurs : vous êtes devenus des acteurs, notamment Direct Énergie, c'est pour cela que nous vous auditionnons.
Ce que je viens de dire est très important pour les nouveaux entrants que nous sommes : pour développer de nouveaux moyens de production, il faut pouvoir les financer. Lorsque nous présentons un plan d'affaires à une banque en vue de la création d'un nouveau moyen de production, elle examine deux points : le niveau de rémunération - nous souhaitons que le dispositif de rémunération de la capacité nous permette d'atteindre un seuil acceptable - et la stabilité de cette rémunération, son degré de risque. Or le dispositif de rémunération de la capacité qui nous est proposé aujourd'hui va entraîner une volatilité très forte des prix de l'énergie et des prix des capacités : il n'est pas acceptable par une banque, c'est donc une mauvaise chose.
Si je vous ai bien compris, monsieur Choné, pour les opérateurs investisseurs, le fait de laisser filer les prix en période de tension, où les capacités de production sont insuffisantes, peut être intéressant ponctuellement, mais il est compensé par une très grande incertitude en période de surcapacité, où l'on ne sait pas ce que sera le prix de l'énergie ? Vous voulez donc une régulation...
Non, il ne s'agit pas de cela. Cette question est l'un des « dadas » de notre collègue Jean-Pierre Vial. L'inquiétude est que cet arrêté ne favorise les producteurs nouveaux entrants. Or la loi NOME était bien précise : il fallait favoriser les investissements en capacités de production, mais aussi l'effacement. Cet arrêté oublie un peu l'effacement ou ne le favorise pas de la même manière...
Non ! Notre inquiétude tient au fait que le dispositif proposé ne va pas favoriser les investissements - à cet égard, la production et l'effacement sont logés à la même enseigne -, parce que sa mise en oeuvre aboutira à une rémunération très volatile. Cela n'est pas souhaitable pour les nouveaux entrants, en particulier, parce qu'ils ne pourront pas financer de nouveaux moyens de production. En effet, cette organisation des rémunérations incitera globalement les producteurs à rester en situation de sous-capacité : c'est ce que l'on constate aujourd'hui avec ce que l'on appelle le marché energy only. Avec un tel système, les nouveaux entrants ne sont pas incités à venir concurrencer les producteurs déjà installés, parce qu'alors le marché basculerait de la sous-capacité vers la surcapacité et tout le monde y perdrait !
J'ai bien suivi votre logique en ce qui concerne l'effacement, monsieur Choné. Je partage d'ailleurs votre avis jusqu'à un certain point, mais c'est un point de rupture. Je ne parlerai pas du prix de l'énergie pour ne pas donner l'impression d'être partial dans mon analyse. Vous nous expliquez que la rémunération de la capacité devrait être faible en période de pointe et plus importante en période basse, soit exactement l'inverse de ce qui est prévu.
Excusez-moi de revenir à des données de base, mais je n'ai jamais vu de marché où l'on essaie d'accroître l'offre alors qu'il n'y a déjà pas suffisamment de clients ! À l'inverse, sur un marché où l'offre est insuffisante au regard de la demande, les prix augmentent et il faut essayer d'élargir l'offre pour satisfaire les clients et faire baisser les prix.
Très sincèrement, je ne comprends donc pas votre argumentation sur la nécessité de mieux rémunérer les producteurs en période basse qu'en période de pointe. Certes, en période de basse consommation, on constate depuis peu que de l'électricité est disponible à très bas prix - moins de 20 euros le mégawattheure -, parfois même à prix négatif, c'est-à-dire qu'il faut payer les utilisateurs !
En ce qui concerne la rémunération de l'effacement, le mécanisme que vous proposez m'étonne, parce qu'il va tout à fait à l'encontre de ce qui est aujourd'hui étudié et mis en place.
J'ai bien conscience que ce raisonnement n'est pas du tout intuitif. Je vais donc essayer de mieux m'expliquer.
Quand j'évoque le niveau plus ou moins élevé de la rémunération de la capacité, je ne parle pas de sa variation dans le courant de l'année, pour une bonne et simple raison : la rémunération de la capacité s'évalue de manière annuelle, puisque le dispositif a prévu des certificats annuels. Je ne dis donc pas que la rémunération de la capacité doit être forte quand les prix, à une heure donnée, sont bas, voire négatifs - vous avez raison de souligner que cette situation peut se produire -, et faible quand les prix, à une période de grand froid, sont élevés ; je dis simplement que, en moyenne, certaines années présentent des pointes de prix caractéristiques d'une situation de sous-capacité, alors que d'autres ne connaissent aucune pointe de prix, ce qui peut refléter une situation de surcapacité.
Encore une fois, ce que je dis est valable pour les producteurs d'énergie comme pour les fournisseurs d'effacement. Je tiens d'ailleurs à souligner que Direct Énergie et les autres membres de l'ANODE souhaitent investir dans les capacités d'effacement. Pourquoi avons-nous défendu depuis le départ la rémunération de la capacité ? Ce n'est pas uniquement pour pouvoir développer de nouveaux moyens de production ! En France, le bon sens voudrait que l'on renforce les effacements, notamment dans la situation actuelle, où le chauffage électrique est très développé, plutôt que les moyens de production de pointe.
Pour qu'un investissement puisse être réalisé, qu'il s'agisse de production ou d'effacement, il est crucial que sa rémunération soit la plus stable possible, évidemment à un juste niveau, c'est le principe même de la rémunération la capacité. Il faut également que cette rémunération soit la plus légitime possible.
Je voudrais poser une question non pas au président de l'ANODE, mais au directeur général de Direct Énergie. Vous avez investi dans deux centrales, pour le moment...
Aucune centrale à cycle combiné gaz n'est dans ce cas. En revanche, notre filiale Poweo a investi dans une centrale, à Pont-sur-Sambre, qui a fonctionné cet hiver...
J'ai assisté à son inauguration. Gagnez-vous ou non de l'argent avec cette centrale ? Vous ne pouvez pas en même temps demander l'instauration d'un marché libre et attendre une garantie de rémunération des investissements !
Je n'ai pas parlé de garantie de rémunération. Je dis simplement que, pour que le marché libéralisé fonctionne, notamment dans le domaine de la production, qui est compliqué, il faut que son organisation permette de traiter correctement la question du prix de l'énergie et celle de la rémunération de la capacité de production.
L'exemple de Pont-sur-Sambre est intéressant. Avant-hier, la société Poweo Pont-sur-Sambre Production a demandé l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, parce qu'elle perd énormément d'argent et ne peut plus assumer ces pertes, alors même que le fonctionnement de cette centrale, qui a fourni plus de 400 mégawatts pendant les pointes de consommation, a permis de surmonter les pics de demande de cet hiver. Nous nous trouvons dans une situation aberrante, car cette centrale est absolument nécessaire pour la sécurité d'approvisionnement et dans le cadre de la programmation pluriannuelle des investissements. Les centrales à cycle combiné gaz sont des moyens de production qui jouent un rôle important, notamment par la flexibilité de leur fonctionnement, sachant que les deux piliers de la politique énergétique française, les énergies renouvelables et l'énergie nucléaire, n'offrent pas cette souplesse. La centrale de Pont-sur-Sambre, qui est l'une des toutes premières de sa catégorie en France et que tout le monde reconnaît comme absolument nécessaire, est aujourd'hui en faillite !
Nous sommes donc dans une situation dramatique ! Pour répondre à une de vos questions sur le coût de production de l'électricité, on peut estimer qu'il s'établit, pour une centrale à cycle combiné gaz, à environ 75 euros par mégawattheure, or les prix de l'électricité sur le marché se situent entre 50 et 55 euros par mégawattheure. Nous avons donc absolument besoin d'un mécanisme de rémunération des capacités.
Supposons maintenant que ce mécanisme soit mis en place comme il est envisagé aujourd'hui et que survienne une reprise économique, entraînant un besoin important en moyens de production, sans que les investissements nécessaires aient été réalisés, comme nous le craignons : dans ce cas, les prix de l'électricité vont s'envoler, des pics apparaîtront très régulièrement, on atteindra même les 3 000 euros par mégawattheure à plusieurs reprises. Les producteurs vont alors bénéficier, outre de ce niveau élevé de prix, d'une rémunération de la capacité attrayante, corrélée avec les tensions du marché. Ce serait aberrant ! Nous sommes aujourd'hui en situation de surcapacité par rapport à la demande, celle-ci étant très faible parce que l'activité industrielle a beaucoup baissé depuis la crise de l'année dernière : si ce mécanisme de rémunération de la capacité fonctionnait déjà aujourd'hui, on peut estimer que la centrale de Pont-sur-Sambre serait quand même en faillite. J'espère avoir été clair.
Vous nous présentez, dans un même modèle, un dispositif qui doit répondre à la demande en régime ordinaire annuel et un autre qui doit permettre de faire face aux pointes de consommation. La centrale que vous évoquez est un outil de production qui a été effectivement utile dans la période de pointe. Dans le cadre de l'élaboration de la loi NOME, l'Assemblée nationale avait réalisé une étude d'impact montrant que le recours à de tels équipements devait être rémunéré à un prix plus fort, d'environ 250 euros ou 300 euros par mégawattheure, dans la mesure où ils ne fonctionnaient que peu de temps dans l'année, pendant les périodes de pointe.
J'ai le sentiment que vous préconisez que ces investissements soient rémunérés toute l'année, et pas seulement pendant les périodes de pointe. Or les équipements en question ont précisément vocation à fonctionner durant ces seules périodes !
Prenons l'exemple de l'énergie hydraulique. Les propriétaires de certaines petites installations, plutôt que de turbiner toute l'année pour une rémunération basse, préfèrent concentrer leur production sur les périodes de pointe, où elle est mieux rémunérée. Quand on investit dans un équipement, il faut savoir à quelle demande on choisit de répondre : la demande en régime de croisière ou la pointe ; c'est l'une ou l'autre !
La centrale à cycle combiné gaz de Pont-sur-Sambre - mais c'est aussi le cas des autres projets de Direct Énergie dans l'est de la France ou en Bretagne - est un moyen de production de semi-base, pas de pointe. La production de base est assurée par les centrales nucléaires, la production de semi-base par les centrales à cycle combiné gaz, la production de pointe ou d'extrême pointe par les turbines à combustion ou les centrales hydroélectriques. Vous avez plutôt évoqué des moyens de pointe, ce que l'on appelle des turbines à gaz ouvertes.
Pour être précis, nous estimons qu'un moyen de production doit être rémunéré sur le marché de l'énergie uniquement quand il fonctionne ; on ne peut pas envisager de le rémunérer quand il ne tourne pas. On doit additionner à cette rémunération, qui est déjà corrélée avec les tensions du système, une rémunération de la capacité de production, qui est annuelle et que l'on ne peut pas figer sur une période donnée de l'année - mais si l'on devait le faire, ce serait plutôt l'extrême pointe, où se manifeste le plus fort besoin de puissance et de capacité, qu'il faudrait prendre en considération. À partir du moment où les investissements dans les moyens de production sont fixes, si l'on veut que la rentabilité soit stable, la rémunération de la capacité doit être « anti-corrélée » avec la rémunération sur le marché de l'énergie. Je vous concède que ce raisonnement n'est pas intuitif, mais si l'on veut faire en sorte que le marché de l'énergie soit correctement organisé, il convient de traiter cette question importante.
D'un point de vue macroéconomique, votre demande ne me choque pas. La France a besoin d'un certain nombre de centrales à cycle combiné gaz pour répondre aux périodes de pointe et elle n'en a pas assez, cela est très clair ! Nous étions bien contents de pouvoir compter sur trois centrales à cycle combiné gaz, me semble-t-il, le 8 février dernier, jour du pic extrême de consommation.
L'anomalie serait de rémunérer à un prix très élevé l'électricité d'origine solaire ou éolienne - ce message s'adresse aussi à M. le rapporteur ! -, qui ne pourra vraisemblablement pas assurer l'appoint nécessaire en période de pointe ; il est heureux que l'on puisse s'appuyer alors sur l'hydraulique et les centrales à cycle combiné gaz ! Mais il est normal, même si l'on paie cher l'électricité produite aux heures de pointe, que ceux qui investissent dans ces centrales puissent tabler sur un amortissement sur un certain nombre d'années. Il n'est donc pas choquant de rechercher un équilibre : nous sommes bien contents que des groupes privés aient investi dans des centrales à cycle combiné gaz.
Je voudrais souligner deux aspects qui me semblent importants, monsieur le président.
Tout d'abord, les certificats qui pourront ouvrir droit à rémunération de la capacité seront octroyés aux différentes filières de production. Il est clair qu'accorder des certificats de capacité à un producteur d'électricité photovoltaïque, alors que le pic de consommation en France se situe plutôt vers 19 heures en hiver, à un moment où il fait nuit, peut sembler problématique.
Ensuite, M. Vial a posé une question très intéressante, celle de l'obligation d'achat, qui rémunère très basiquement le producteur en fonction de ce qu'il produit, quel que soit le moment de l'année. On est en droit de se demander s'il ne faudrait pas revenir sur ce système pour inciter les acteurs concernés, de plus en plus nombreux, à produire au moment où l'on en a le plus besoin, c'est-à-dire lors des pics de consommation.
Les turbines à gaz comme les centrales hydrauliques peuvent produire de l'électricité à n'importe quel moment, alors que le vent ne se stocke pas, pas plus que le soleil !
Monsieur Choné, vous avez évoqué un prix de 75 euros par mégawattheure, à quoi correspond-il ?
Il s'agit du coût de production par une centrale à cycle combiné gaz standard, en semi-base.
Pour pouvoir développer des offres qui permettent d'obtenir des avancées en matière de maîtrise de la demande en puissance de la part des consommateurs, il est nécessaire de disposer de compteurs qui mesurent efficacement les consommations lors des périodes de pointe. Il est évident que, pour tous les membres de l'ANODE, la réalisation du projet Linky est éminemment souhaitable. Il faut faire évoluer le comptage en France, afin d'envoyer aux consommateurs les bons signaux tarifaires, correspondant à la réalité des coûts de la production électrique et reflétant notamment leur horosaisonnalité. Cette évolution est fondamentale pour rationaliser la consommation des clients et même « effacer » la demande liée au chauffage électrique. Je lisais récemment dans la presse, et notre association souscrit à cette appréciation, que le chauffage électrique est aujourd'hui un boulet pour le système français de production électrique ; il pourrait représenter demain un atout si l'on était capable de maîtriser correctement cette consommation grâce au système de comptage. L'ANODE a donc présenté trois propositions sur ce sujet.
La première concerne l'évolution des tarifs réglementés de vente. Nous estimons que le déploiement de Linky, qui va coûter 5 milliards d'euros à la collectivité, doit être l'occasion de remettre en question, non pas en termes de niveau, mais de structure, la construction des tarifs réglementés de vente. Il serait aberrant d'investir une telle somme dans le déploiement d'un compteur intelligent permettant de proposer des offres qui incitent à consommer lorsque les coûts sont les plus faibles et de maintenir un tarif réglementé de vente dit « de base », le tarif bleu, à un niveau identique toute l'année. Or ce tarif concerne vingt millions de consommateurs français, dont environ cinq millions utilisent un chauffage électrique. Nous pensons qu'il est important de remettre en cause la structuration des tarifs réglementés et de faire disparaître ce tarif de base qui ne constitue absolument pas une bonne option dans la perspective du déploiement de Linky. Vingt millions de clients concernés, c'est important : il faut donc traiter ce sujet le plus rapidement possible ; cela figurait d'ailleurs parmi les préconisations du rapport Poignant-Sido, synthétisant les conclusions du groupe de travail sur la gestion de la pointe de consommation électrique de 2009. Nous souhaitons qu'un débat s'engage très rapidement sur la structure des tarifs réglementés de vente à la suite du déploiement de Linky.
Deuxièmement, l'arrêté relatif aux dispositifs de comptage du 4 janvier 2012 prévoit que Linky enregistre des index de consommation conformément au cahier des charges établi par la CRE en 2007. Or, depuis cette date, la loi NOME a instauré, ce qui était souhaitable, des dispositifs fondamentaux, à savoir l'accès régulé à l'énergie nucléaire historique et la rémunération de la capacité. Le projet Linky, tel qu'il est prévu aujourd'hui, et l'arrêté relatif aux dispositifs de comptage, tel qu'il a été publié le 4 janvier 2012, ne prévoient pas que le nouveau compteur enregistre les consommations qui permettent d'évaluer, d'une part, les droits d'allocation au titre de l'ARENH, et, d'autre part, la participation du consommateur aux obligations en matière de capacité. Cela est fort regrettable ! On met en place deux dispositifs, l'un économique, l'autre technique, pour gérer la pointe, mais ils ne sont pas en cohérence.
Non ! Il faut simplement organiser les index de consommation de manière à pouvoir mesurer les éléments pertinents. Aujourd'hui, les droits d'allocation au titre de l'ARENH sont construits en fonction de la consommation sur certaines périodes de l'année. Je ne vais pas entrer dans le détail, mais il s'agit en fait des périodes creuses. Les compteurs Linky ne sont pas conçus pour mesurer les consommations durant ces périodes en particulier.
De la même manière, le projet actuel de décret sur les mécanismes de capacité prévoit la définition d'une période dite « PP1 » où la consommation sera mesurée pour évaluer les obligations de capacité des fournisseurs. Linky ne comporte pas, aujourd'hui, d'index d'enregistrement des consommations qui permette de faire ressortir ces éléments...
Nous ne sommes pas là pour relancer le débat sur Linky. Monsieur Choné, vous remettez en cause un instrument qui va donner beaucoup plus d'informations aux consommateurs et, par ailleurs, permettre, dans les périodes de pointe, de mieux régler la production pour éviter que des régions entières subissent des ruptures d'alimentation. L'amélioration est évidente ! Ne critiquez pas cet instrument de manière caricaturale !
Vous êtes président de l'ANODE. On connaît votre opposition aux prix régulés, mais soyez prudent : reconnaissez que Linky apporte des améliorations ! Votre manière de présenter les choses est excessive !
Si c'est ce que vous avez compris, monsieur le président, alors je me suis mal exprimé, car tel n'est pas le message que je souhaite faire passer. Soyons bien clairs : le dispositif Linky est absolument nécessaire, il est fondamental pour le système électrique français, on ne fera rien sans lui ! On peut mettre en place un dispositif de rémunération de la capacité, mais si l'on est incapable de mesurer la consommation, il ne servira à rien.
Si l'ANODE vous présente aujourd'hui ces remarques, c'est parce qu'elle entend être constructive : elle ne veut pas que l'on investisse 5 milliards d'euros dans un dispositif certes nécessaire, mais qui ne serait pas optimal.
Le dispositif sera évolutif : il y aura trois générations de compteurs. Le premier appel d'offres ne portera que sur une partie des compteurs à déployer en France, de manière à permettre, lorsque des compteurs plus performants seront disponibles, de les installer au fur et à mesure. Mais il est sûr que le consommateur qui recevra son nouveau compteur dans un an disposera d'une information moins complète que celui qui obtiendra le sien dans cinq ans, parce que la première version sera moins « intelligente ».
Pour abonder dans votre sens, je soulignerai que notre proposition d'enregistrer les deux types de consommation que j'évoquais serait très simple à mettre en oeuvre dans le cadre de l'évolution du compteur et ne représenterait pas de surcoût. Nous estimons simplement qu'il est dommage de ne pas paramétrer correctement les compteurs avant de procéder à leur déploiement : quatorze index d'enregistrement sont prévus dans Linky, c'est largement suffisant pour faire ce que nous proposons. Dix index sont réservés à l'offre du fournisseur : c'est trop ! Est-il raisonnable d'envisager qu'un fournisseur propose à un consommateur lambda dix postes tarifaires par mois, soit cent vingt postes par an ? Ce n'est pas souhaitable ! C'est pourquoi nous avons suggéré à l'administration qui, malheureusement, ne nous a pas suivis, qu'un certain nombre des index d'enregistrement déjà prévus soient réservés aux mesures relatives à l'ARENH et au mécanisme de capacité.
Nos propositions sont donc vraiment constructives et, je le répète, leur mise en oeuvre n'entraînerait aucun coût supplémentaire.
Une troisième observation relative à Linky nous paraît également très importante. Ce dispositif est fondamental pour véhiculer l'information sur le coût réel de l'électricité vers le consommateur, mais sera-t-il suffisant, notamment pour assurer une meilleure maîtrise de la consommation du chauffage électrique ? Nous pensons que tel n'est pas le cas !
Si l'on veut que les Français agissent sur leur consommation, notamment au titre du chauffage électrique, il faut que le signal tarifaire arrive jusqu'à l'installation de chauffage. Autrement dit, une fois que le nouveau compteur sera posé, il faudra mettre en place des asservissements des radiateurs électriques en fonction des signaux tarifaires de Linky, de manière que les chauffages électriques s'effacent, en suivant exactement le modèle déjà mis en place pour les chauffe-eau électriques : onze millions de chauffe-eau électriques sont déjà ainsi asservis.
Pour aller au bout de la logique d'efficacité du dispositif de maîtrise de la demande en pointe, nous pensons qu'il est nécessaire d'asservir le chauffage électrique. Notre proposition exacte, puisque la mise en place de cet asservissement coûte très cher, notamment du fait de la nécessité de faire appel à un professionnel, consiste à coupler la pose du compteur à l'installation facultative simultanée du dispositif d'asservissement du chauffage électrique. Cet aspect est essentiel, parce que le coût de la mise en place de l'asservissement peut être évalué à 150 euros : si l'on arrive à associer les deux opérations, il sera réduit des deux tiers.
Ces auditions sont intéressantes parce que nous sortons toujours du sujet... (Sourires.) Je pense toutefois qu'une explication complémentaire est peut-être nécessaire pour certains de nos collègues.
Vous parlez de l'effacement chez le particulier. Ce débat a été très important et les associations de consommateurs ont défendu leurs mandants. Il ne faut pas instaurer d'effacement automatique pour les consommateurs, puisque le système d'effacement qui a été mis en place pour les industriels repose sur l'adhésion : certains industriels, en fonction de leur activité ou de leurs besoins, s'engagent par contrat à effacer leur consommation dans des périodes de pointe, mais ils ne souhaitent pas le faire à d'autres moments. Le même principe doit s'appliquer pour les particuliers : il ne faudrait pas que le fournisseur, au moment d'une pointe de consommation, puisse couper d'autorité le chauffage chez les particuliers pendant dix minutes, un quart d'heure, voire davantage. Le consommateur doit être libre d'adhérer ou non à cet effacement.
Je suis tout à fait d'accord avec l'idée d'équiper, dans l'avenir, les logements pour permettre la mise en oeuvre du système que vous avez décrit, car c'est indéniablement une solution intelligente, mais soyez prudent dans votre manière de présenter les choses !
Encore une fois, si je n'ai pas été suffisamment clair, veuillez m'en excuser. Il est évidemment inenvisageable qu'un tel dispositif soit imposé de manière autoritaire. D'ailleurs, en ce qui concerne les chauffe-eau électriques, le consommateur dispose d'un relais qui lui permet de rester maître de son utilisation. C'est évidemment fondamental !
Simplement, si l'on veut aller au bout de la logique, il faut asservir le chauffage électrique, chez les particuliers qui le souhaitent, afin de réduire les pics de consommation, voire de compenser l'intermittence des énergies renouvelables - on peut d'ailleurs imaginer que, demain, cela soit fait indépendamment des pics de consommation. Le coût de la mise en place de cet asservissement chez cinq millions d'utilisateurs du chauffage électrique, lié au déplacement d'un professionnel, peut être évalué entre 500 millions et 600 millions d'euros. Cette somme est déjà payée au travers de la mise en oeuvre de Linky : si l'on veut rentabiliser davantage ce projet et aboutir à un résultat effectif, il faut envisager l'application de notre proposition. Telle est notre réponse à votre question : « Sur quels leviers préconisez-vous d'agir afin de diminuer l'ampleur de ce phénomène ? »
J'en viens à votre question sur les coûts de distribution et leur couverture.
Les coûts des infrastructures de réseaux connaissent aujourd'hui une évolution très sensible, qui aboutit à envisager une hausse du tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité d'environ 10 % d'ici à 2015, si je reprends les chiffres du président de la CRE, qui est forcément bien placé pour les évaluer. Cette hausse est comparable à celle résultant de la prolongation de la durée de vie du parc nucléaire ; c'est un élément très important de la hausse attendue.
Deux types d'investissements nouveaux doivent être couverts : ceux qui concernent la qualité d'alimentation et ceux qui ont trait aux énergies renouvelables.
Sur le premier point, on nous explique aujourd'hui qu'il faut surinvestir dans les réseaux, notamment le réseau de distribution, pour retrouver le niveau de qualité moyen atteint en 2000, niveau qui s'est dégradé depuis. Mais de quel optimum économique parle-t-on ? Le niveau de qualité atteint en 2000 est-il celui qui était souhaité à cette époque ? Est-il celui que l'on attend aujourd'hui ? Nous ne disposons pas d'informations dans ce domaine. Quelle méthode permet de trouver le meilleur compromis entre les investissements réalisés, qui ont une incidence importante sur les coûts et donc sur les tarifs réglementés, et le niveau de qualité souhaité ?
Vous parlez de la dégradation du réseau de distribution, pas du réseau de transport ?
Je parle des réseaux de distribution.
La Commission de régulation de l'énergie, qui propose les tarifs d'accès au réseau, estime que des programmes d'investissement très importants doivent être engagés. Ces programmes sont également proposés par les gestionnaires de réseaux en fonction du besoin affiché d'améliorer le niveau de qualité. Tout le monde est favorable à l'augmentation du niveau de qualité : en tant que fournisseurs, nous estimons que cette démarche est dans l'intérêt de nos clients. Mais, dans le contexte haussier actuel de l'évolution des prix de l'électricité, nous nous demandons si le compromis entre le niveau des investissements lourds et le niveau de qualité a été correctement envisagé. Nous ne disposons d'aucune information sur ce point et nous aimerions savoir si ce compromis a été judicieusement évalué.
J'ajoute que l'impression qui se dégage des contacts que nous avons avec nos clients et l'ensemble des parties prenantes est que le problème ne se pose pas en termes de niveau de qualité moyen, mais en termes de disparités régionales. Certaines régions bénéficient d'une qualité de service excellente, alors que dans d'autres elle est exécrable...
Effectivement, il s'agit plus d'une opposition entre la France rurale et la France urbaine que d'une véritable disparité géographique. Nous évoquerons ce sujet lors de l'audition de Mme Bellon.
La question du compromis entre coûts et qualité me paraît donc importante.
Aujourd'hui, le tarif d'accès au réseau doit se situer aux environs de 40 euros par mégawattheure, soit environ 45 % de la facture hors taxes reçue par les clients.
Contrairement au gaz, pour l'électricité, le coût de la distribution inclut celui du transport, puisque c'est le distributeur qui paie l'accès au réseau de transport.
M. Maillard, que nous avons auditionné hier, indiquait un coût de 10 euros pour la partie transport, ce qui voudrait dire que celui de la partie distribution s'élèverait à 35 euros par mégawattheure.
Ces chiffres me paraissent tout à fait raisonnables. Il faut les entendre hors taxes et contributions.
En ce qui concerne les énergies renouvelables, nous constatons que leurs promoteurs paient le raccordement au réseau, mais pas le renforcement de celui-ci. Or le coût du renforcement du réseau de distribution, qui est très important et représente des centaines de millions d'euros, voire des milliards d'euros à l'horizon de 2020, est supporté par les consommateurs. Au regard de l'objectif affiché par votre commission d'enquête, nous estimons qu'il est légitime d'imputer ce coût aux agents qui l'induisent, à savoir les promoteurs des énergies renouvelables ; c'est la meilleure manière de le limiter.
Nous sommes donc favorables à la proposition de la Commission de régulation de l'énergie, qui procède actuellement à une consultation sur le prochain tarif d'accès au réseau, de mettre en oeuvre un « timbre d'injection » pour traiter cette question. Il faut que vous sachiez que le tarif d'utilisation des réseaux, aujourd'hui, est payé par les seuls consommateurs. Les producteurs ne paient rien, ou quasiment rien : ils acquittent une participation au titre du système électrique européen.
Non. Est-ce une bonne chose que les producteurs ne paient rien ? Nous ne le pensons pas, notamment au regard de votre interrogation sur la bonne imputation des coûts aux agents économiques.
Grâce au Sénat, un changement est intervenu : les producteurs supportent au moins les coûts de raccordement ! Auparavant, même le raccordement était mis à la charge du distributeur. En revanche, le producteur ne supporte effectivement pas le coût du renforcement du réseau : c'est le distributeur, autrement dit les consommateurs français.
Et c'est tout à fait regrettable, parce que si le producteur assumait ce coût, il choisirait les sites les plus adaptés pour implanter ses installations...
Ce débat a été tranché. D'ailleurs, sur cette question, le vote du Sénat avait été unanime. Nous n'allons pas refaire les lois tous les deux ans. On n'avance pas beaucoup avec des remises en cause permanentes de la loi. J'entends le même discours chaque année !
Une nouvelle fois, je me suis mal exprimé : il est hors de question pour nous de remettre en cause la loi sur ce point ! La CRE propose aujourd'hui, dans le cadre de ses attributions, de mettre en place un « timbre d'injection » différencié géographiquement pour inciter les producteurs à s'installer là où leur arrivée entraîne le moins de besoins en matière de renforcement du réseau. Notre approbation de cette proposition ne remet pas du tout en cause ce qui a été voté par le Parlement...
Cela consiste à faire payer par les producteurs le coût de l'injection de leur production dans le réseau électrique. Cela correspond en fait au tarif d'accès au réseau pour les producteurs...
Exactement ! Je suis désolé de devoir recourir à ce jargon technique !
Ce tarif est-il calculé en fonction de la quantité injectée ou de la situation géographique ?
Cela reviendrait à remettre en cause tout le schéma éolien français ! Ce schéma est à peu près équilibré - certains l'acceptent, d'autres le refusent. Selon votre logique, monsieur Choné, on rejetterait tout projet éolien là où le raccordement entraînerait des investissements trop importants en matière de renforcement !
Il ne s'agit pas de faire payer les investissements de renforcement, il s'agit de créer pour les producteurs un tarif d'accès au réseau qui tienne compte de critères géographiques, de manière à orienter les investissements vers les zones où ils sont le plus efficaces pour la collectivité. Il ne s'agit pas de faire payer des renforcements au cas par cas : ce sujet est dépassé, nous sommes bien d'accord.
Nous soutenons la proposition de la CRE, parce que nous estimons qu'elle a vocation à imputer correctement aux agents économiques les coûts de leur activité pour le système électrique. Nous regrettons que l'ensemble des charges du réseau soient supportées par les consommateurs, parce qu'il serait beaucoup plus efficace d'en faire payer une partie aux producteurs. L'explication est simple : en matière de consommation, un système de péréquation tarifaire existe en France, sur lequel personne ne souhaite revenir, alors qu'en termes de production, tel n'est pas le cas. Or les producteurs, par la localisation de leurs équipements et leur programme de fonctionnement, influent directement sur la structure des coûts du réseau, mais également sur l'importance des pertes. Vous savez que le plan de pertes dépend aujourd'hui directement du plan de production : s'il existait une tarification de l'accès au réseau pour les producteurs, on pourrait influer sur le plan global de production du parc français, et donc réduire les pertes dans notre pays. En imputant correctement aux agents économiques le vrai coût des pertes, on pourrait diminuer celles-ci, ce qui correspond à l'intérêt général !
Vous avez également posé une question sur le mix énergétique idéal pour la France et sur les coûts dans dix ans ou vingt ans. Je n'entrerai pas dans le détail de ces sujets, car je pense que l'ANODE n'est pas la mieux placée pour vous donner des éléments d'information. Je souhaite simplement rappeler que nous sommes en phase avec la politique énergétique française actuelle, qui favorise les énergies décarbonées. Aujourd'hui, notre système électrique est très décarboné : il faut continuer d'en profiter, effectuer les substitutions nécessaires au bénéfice de l'électricité, par exemple avec le véhicule électrique, ce qui signifie qu'une augmentation de la consommation française électricité ne serait pas nécessairement une mauvaise nouvelle en termes d'efficacité économique et écologique.
Pour cela, il faut s'appuyer sur les deux piliers de la politique énergétique française, à savoir le développement des énergies renouvelables, d'une part, et la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires, d'autre part. Ces deux objectifs ne paraissent nullement contradictoires : bien au contraire, ils sont complémentaires. Nous pensons que l'avantage économique que représente le nucléaire historique permet de rendre acceptables les efforts que nous devons consentir pour développer les énergies renouvelables jusqu'à ce que ces filières deviennent matures.
Il est donc tout à fait cohérent de conserver ces deux piliers, maintenus par une clé de voûte, le développement des cycles combinés gaz. En effet, sans ces centrales qui assurent la flexibilité du système électrique, l'ensemble ne fonctionnera pas. La clé de voûte est une toute petite pierre par rapport à l'ensemble de l'édifice, mais elle lui permet de tenir debout : le développement des cycles combinés gaz nous paraît donc absolument nécessaire. Enfin, on l'a évoqué tout à l'heure, il faut que les obligations d'achat participent le plus possible aux efforts visant à faire évoluer notre consommation.
Pour conclure, j'ajouterai un dernier mot sur la situation du marché français : nous pensons que de nombreuses évolutions sont nécessaires pour tenir compte du contexte économique général, notamment de l'évolution des prix des matières premières. La concurrence a selon nous un rôle important à jouer, en termes à la fois de modération tarifaire et d'innovation, notamment dans les services. Aujourd'hui, la concurrence est critiquée : certains estiment qu'elle n'a rien apporté. Il faut le reconnaître, la concurrence n'a pas apporté beaucoup, mais elle a été étouffée jusqu'à maintenant, pour ne pas dire asphyxiée. Il est donc nécessaire de lui permettre de trouver très rapidement un espace économique, afin qu'elle puisse apporter tout ce qu'elle doit aux Français, notamment en termes d'innovation. Il convient également de la rendre compatible avec les dispositifs de précarité énergétique, parce qu'il faut absolument éviter que les évolutions que nous proposons ne laissent au bord de la route des Français en difficulté.
Monsieur Choné, je vous remercie de cet exposé très complet. Monsieur le rapporteur, avez-vous obtenu toutes les réponses que vous souhaitiez aux questions que vous avez posées ?
Je me garderai bien d'ouvrir à nouveau le débat sur le compteur dit « intelligent ».
Monsieur Choné, vous avez dit tout à l'heure que les bénéfices de la mise en oeuvre des énergies nouvelles n'étaient revenus qu'à hauteur de 20 % dans la poche des investisseurs réels et que les 80 % restants avaient nourri la spéculation. Pouvez-vous nous fournir des éléments plus précis sur ce point, y compris les noms des entreprises qui auraient bénéficié indûment de cette manne ?
J'ai évoqué ces chiffres à propos non pas des énergies renouvelables, mais des certificats d'économie d'énergie. Représentant des opérateurs qui ne sont pas dominants en France, je ne saurais garantir leur exactitude.
Globalement, quand nous payons 4 ou 4,5 euros par mégawattheure cumulé actualisé un certificat d'économie d'énergie, nous avons le sentiment qu'une part importante de ce montant revient aux installateurs et une autre aux intermédiaires, ceux qui coordonnent les installateurs et mettent en place les procédures administratives liées aux certificats d'économie d'énergie. On peut estimer que ces intermédiaires créent des emplois, mais ces emplois, compte tenu de l'efficacité globale du système, ne créent pas beaucoup de valeur pour la France, de notre point de vue. C'est pourquoi nous souhaitons remettre en cause le dispositif.
En fait, 20 % seulement de la dépense globale liée au dispositif revient au consommateur qui isole son logement ou change ses fenêtres, sous forme de ristourne sur sa facture. Pourquoi le retour est-il aussi faible ? Parce que le consommateur ne connaît absolument pas le dispositif des certificats d'économie d'énergie et n'est pas responsabilisé. Il ne sait pas exactement à quoi il pourrait prétendre, quel est le coût du mégawattheure cumulé actualisé ni à combien de mégawattheures cumulés actualisés il aurait droit en fonction de son isolation. Le dispositif est tellement opaque que le consommateur n'a pas les moyens de négocier à armes égales avec celui qui lui propose d'en bénéficier, en général l'installateur. Pour nous, il est urgent, a minima, de communiquer très largement sur ce dispositif pour que les consommateurs sachent à quoi ils pourraient prétendre pour financer leurs investissements, ce qui n'est absolument pas le cas aujourd'hui. Demandez autour de vous qui sait ce qu'il pourrait récupérer en changeant ses fenêtres : je vous mets au défi de trouver une seule personne capable de répondre !
Je n'ai pas pu assister au début de cette audition, mais j'en lirai le compte rendu avec une grande attention.
Vous avez annoncé tout à l'heure un coût de production du mégawattheure en cycle combiné gaz de 75 euros. Aujourd'hui, sur le marché spot, en dehors des pics de consommation, le prix du mégawattheure s'élève à 50 euros environ. D'ici au milieu de la décennie, donc dans très peu de temps, nous pourrons disposer d'une production d'énergie renouvelable européenne beaucoup plus forte - environ 10 mégawatts supplémentaires l'année prochaine pour la seule Allemagne - et l'interconnexion se développe rapidement, comme nous l'avons vu hier. Je me pose donc la question suivante : si le coût de production du mégawattheure en cycle combiné gaz reste de 75 euros et si, en dehors des périodes de très grande pointe, l'Europe connaît une surcapacité de production électrique, notamment d'origine renouvelable, votre mégawattheure ne risque-t-il pas de ne pas être compétitif, hormis en cas d'extrême pic de consommation ? Quel est le modèle économique d'un tel investissement ? Prenons l'exemple de la centrale de Landivisiau, que je connais un peu : pour obtenir un retour sur investissement satisfaisant, faut-il qu'un équipement de ce type fonctionne 60 % du temps, voire 80 %, ou peut-il ne fonctionner qu'à la demande ?
Par ailleurs, avez-vous réfléchi au fait que vos centrales à cycle combiné gaz pourraient s'insérer dans un modèle de stockage de l'énergie, y compris de méthanation, en produisant à certains moments de l'hydrogène ou du méthane que vous réinjecteriez ensuite dans le cycle ?
Ces deux questions s'adressent plus au directeur général de Direct Énergie qu'au président de l'ANODE. En ce qui concerne la première d'entre elles, monsieur Choné, ne revenez pas sur tout ce que nous avez dit tout à l'heure avant que M. Dantec n'arrive.
Soyons clairs : un cycle combiné gaz, aujourd'hui, n'est pas rentable. Nous le disions tout à l'heure, la société qui gère la centrale de Pont-sur-Sambre a demandé l'ouverture d'une procédure de sauvegarde avant-hier : elle se trouve donc dans une situation dramatique.
Vos questions recouvrent deux sujets essentiels : la rémunération de la capacité de production, qui est nécessaire notamment pour financer la participation des équipements à la sécurité d'approvisionnement, et la meilleure participation au système électrique des moyens de production sous obligation d'achat. Aujourd'hui, les promoteurs de ces derniers se moquent éperdument de l'incidence de leurs installations sur le système électrique, ce qui peut avoir des conséquences dramatiques pour ceux qui sont soumis aux règles du marché concurrentiel, notamment les exploitants des centrales à cycle combiné gaz.
En ce qui concerne la durée de fonctionnement d'une centrale à cycle combiné gaz, que nous définissons comme un moyen de production de semi-base, un tel équipement a vocation à tourner entre 3 500 et 4 000 heures par an, soit environ 40 % de l'année.
Enfin, vous avez évoqué l'idée de coupler des moyens de production avec des systèmes de stockage de l'énergie. Les enjeux en matière de stockage de l'électricité sont effectivement cruciaux - cela ne concerne d'ailleurs pas seulement les cycles combinés gaz, mais aussi les énergies renouvelables et, plus globalement, tous les moyens de production du système électrique. J'attire votre attention sur le fait que les chauffe-eau électriques - je reviens sur la question des effacements diffus - pourraient être envisagés, demain, comme des dispositifs de stockage de l'énergie si l'on parvenait à les piloter plus efficacement qu'aujourd'hui. Le chauffage électrique pourrait également très bien participer à l'équilibrage global du système, à condition de gérer convenablement son asservissement.
Je souhaiterais poser une dernière question.
Selon vous, monsieur Choné, une incertitude demeure quant aux décisions d'investissement pour l'amélioration du réseau de distribution. Si je vous ai bien compris, il existe une demande pour revenir au niveau de qualité de l'année 2000, mais vous ne comprenez pas exactement ce qu'elle recouvre ?
Nous devons effectuer des choix économiques : si l'on réalise tous les investissements prévus, il en résultera des hausses de prix très importantes. Il nous paraît essentiel que les choix politiques entraînant des investissements, des coûts et des évolutions de prix soient clairement assumés et optimisés. En matière d'investissements dans les réseaux pour augmenter la qualité moyenne, nous ne disposons d'aucun élément pour déterminer quel est l'optimum. Or de tels investissements auront des conséquences très importantes sur l'évolution des tarifs réglementés à l'horizon de 2015, puisqu'ils représentent un tiers de la hausse envisagée par le président de la CRE.
Nous souhaitons donc que la doctrine technico-économique qui amène à décider ces investissements très lourds soit clarifiée, rendue plus transparente. Nous voulons connaître les paramètres pris en compte, notamment le niveau de qualité souhaité - le fameux « critère B », c'est-à-dire la durée moyenne annuelle de coupure. Ils doivent faire l'objet d'un choix assumé par tout le monde, ce qui ne nous paraît pas être le cas aujourd'hui. En tout cas, nous ne disposons d'aucune information.
Cette demande de qualité correspond aussi à une attente des élus. Pendant dix ans, on a cessé d'investir dans le réseau de distribution en France. Les investissements ont repris depuis 2008, le rattrapage est important, mais un terrible retard s'est accumulé ! Les élus, notamment tous les présidents de syndicat d'électricité de France, demandent qu'ERDF fasse preuve d'une plus grande transparence dans ses choix. Monsieur le rapporteur, nous recevrons prochainement Mme Bellon : vous aurez l'occasion de lui poser votre question directement !
Monsieur Choné, je vous remercie de la précision de vos réponses.
Présidence de M. Claude Léonard, vice-président -
Monsieur le rapporteur, mes chers collègues, j'ai l'honneur de présider cette séance en remplacement de M. Ladislas Poniatowski.
Nous poursuivons aujourd'hui nos travaux par l'audition de M. Henri Proglio, président-directeur général d'Électricité de France, EDF.
Comme vous le savez, notre commission d'enquête a été créée sur l'initiative du groupe écologiste, qui a fait application de son droit de tirage annuel, afin de déterminer le coût réel de l'électricité. Nous serons notamment conduits à nous interroger sur l'existence d'éventuels coûts cachés qui viendraient fausser l'appréciation portée sur l'efficacité de telle ou telle filière et à déterminer sur quels agents économiques reposent les coûts réels de l'électricité afin d'éclairer les choix énergétiques français.
À cette fin, la commission a souhaité vous entendre, monsieur Proglio, en votre qualité de dirigeant d'EDF. La position d'opérateur historique et de principal producteur et fournisseur d'électricité d'EDF en France rend bien évidemment incontournable votre audition sur le sujet qui occupe notre commission d'enquête.
Je vous remercie, monsieur Proglio, d'être présent aujourd'hui devant notre commission.
Je vous rappelle que toutes les informations relatives aux travaux non publics d'une commission d'enquête ne peuvent être divulguées ou publiées et qu'un faux témoignage devant notre commission serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal.
La commission a souhaité que la présente audition soit publique. Un compte rendu intégral en sera publié.
Avant de donner la parole à M. le rapporteur pour qu'il vous pose ses questions préliminaires, je vais maintenant faire prêter serment à M. Proglio, conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête.
Prêtez serment, monsieur Proglio, de dire toute la vérité, rien que la vérité. S'il vous plaît, levez la main droite et dites : « Je le jure ».
Henri Proglio prête serment.)
Je vous remercie.
Monsieur le rapporteur, je vous laisse préciser les attentes de notre commission, notamment les informations dont vous avez besoin pour votre enquête, sachant que M. Proglio aura ensuite à répondre aux questions complémentaires que vous-même, si vous le souhaitez, mais aussi l'ensemble des membres de la commission d'enquête pourront lui poser.
Vous avez la parole, monsieur le rapporteur.
Monsieur Proglio, nous vous avons adressé six séries de questions, car nous ne voulions pas vous poser de questions-surprises. Au contraire, nous souhaitions avoir de votre part des réponses argumentées, étayées.
Pour commencer, permettez-moi de rappeler ces questions.
Première série de questions : les différents tarifs régulés de l'électricité reflètent-ils actuellement, selon vous, les coûts réels complets de production, de transport, de distribution et de fourniture ?
Par ailleurs, après la mise en place de la loi portant nouvelle organisation du marché de l'électricité, la loi NOME, et l'obligation d'EDF de céder une partie de son électricité d'origine nucléaire à ses concurrents à un tarif spécifique - l'ARENH, l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique -, censé représenter le coût de production de son parc historique, vos concurrents sont-ils en mesure de proposer des offres attractives aux consommateurs ? Comme vous le savez, certains d'entre eux considèrent que le prix actuel - 42 euros le mégawattheure - procure une marge excessive à votre entreprise, notamment au regard du coût du nucléaire que GDF Suez opère en Belgique. Ce tarif est-il pertinent ?
Deuxième série de questions : quel est le coût actuel de la production d'électricité par les différentes filières ? À cet égard, comment réagissez-vous aux conclusions de la Cour des comptes sur le coût de la filière électronucléaire ?
Par ailleurs, quelle est l'évolution prévisible de ces coûts à une échelle de dix ou vingt ans ?
Quel sera demain, selon vous, un mix électrique compétitif et comment se traduira-t-il en termes de prix de l'électricité ?
Troisième série de questions : la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires n'est-elle pas un pari compte tenu des investissements qui sont nécessaires et de l'incertitude qui pèse sur la date de leur arrêt ?
Comme le rappelle la Cour des comptes, EDF a évalué le coût des investissements de prolongation de vie des centrales nucléaires à 50 milliards d'euros en valeur 2010 sur les quinze prochaines années, à comparer aux 73 milliards d'euros du coût de la construction du parc. Ce coût est-il raisonnable, alors même que l'on ne dispose pas de vision claire sur la durée de vie des éléments non remplaçables, comme la cuve des réacteurs ?
En tout état de cause, une prolongation de la durée de vie des centrales actuelles dispensera-t-elle EDF d'investir dès à présent dans des infrastructures de remplacement de ces centrales, construites dans un intervalle de temps resserré ?
Quatrième série de questions : pour succéder, à plus ou moins long terme, aux centrales nucléaires de la génération des années soixante-dix à quatre-vingt-dix, vous semble-t-il préférable d'investir dans une nouvelle technologie nucléaire comme l'EPR ou bien dans des technologies renouvelables matures, par exemple l'éolien terrestre ?
Des technologies comme la méthanation peuvent-elles permettre, à un horizon raisonnable, de répondre à la question de l'intermittence de ces moyens de production à des conditions économiques acceptables ?
Cinquième série de questions : que pensez-vous des récentes déclarations de M. Philippe de Ladoucette, président de la Commission de régulation de l'énergie, la CRE, qui considère que les tarifs régulés de l'électricité devraient augmenter d'environ 30 % d'ici à 2016 ? Partagez-vous ce diagnostic et, dans l'affirmative, pourquoi ?
D'une manière générale, la France peut-elle rester durablement compétitive en Europe en matière de prix de l'électricité ?
Enfin, sixième et dernière question : quel jugement portez-vous, filière par filière, sur le mécanisme actuel de soutien - la contribution au service public de l'électricité, la CSPE, et les dispositifs fiscaux - aux différentes énergies renouvelables et à la cogénération ?
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, madame, messieurs les sénateurs, je vais vous lire les réponses qui ont été préparées aux questions qui nous ont été adressées par écrit. Je vous prie de bien vouloir me pardonner l'emploi d'un vocabulaire technique. Je serai ensuite évidemment à votre disposition pour répondre à toutes vos questions complémentaires.
Je commencerai par les premières questions de M. le rapporteur sur les tarifs régulés et sur les coûts réels de l'électricité.
Aujourd'hui, les tarifs régulés de l'électricité, et plus globalement les prix payés par l'ensemble des consommateurs français, sont très largement inférieurs à la moyenne des prix des pays européens. Les prix européens sont en effet 50 % plus élevés en moyenne qu'en France. Cette donnée est facilement vérifiable.
Cela représente un gain de pouvoir d'achat pour les ménages de l'ordre de 300 euros par an. Quant aux entreprises, notamment les entreprises industrielles fortes consommatrices d'énergie, elles trouvent en France un avantage compétitif majeur.
Or, aujourd'hui, les tarifs réglementés de vente d'électricité ne reflètent plus l'intégralité des coûts complets de sa production, de son acheminement et de sa commercialisation.
Cette affirmation s'appuie sur les évaluations d'EDF, ainsi que sur le rapport de la Cour des comptes publié en janvier dernier, lequel y fait déjà référence. Le coût de production du parc nucléaire existant est évalué à 49,5 euros le mégawattheure en 2010.
Cette valeur est très inférieure à tout moyen de production neuf, qu'il s'agisse d'un parc nucléaire neuf, de cycles combinés gaz ou des énergies renouvelables, mais elle est supérieure au prix actuel de l'ARENH, qui s'établit à 42 euros le mégawattheure - vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur -, et aux tarifs réglementés.
Nous sommes en effet entrés dans une phase d'investissements massifs, qui permettront d'allonger la durée de fonctionnement du parc de production, de répondre aux exigences de sûreté de l'Autorité de sûreté nucléaire, l'ASN, et d'améliorer la qualité du réseau, afin de permettre aux Français de continuer de bénéficier d'un prix de l'électricité particulièrement compétitif.
La première chose à dire concernant le rôle du prix de l'ARENH dans le développement de la concurrence est qu'il est impossible qu'EDF cède une part de sa production à ses concurrents sans que ceux-ci en paient rapidement le coût complet.
Par ailleurs, j'observe que les concurrents d'EDF, qui trouvaient le prix de l'ARENH trop élevé, se sont tous portés acquéreurs dès le jour où l'ARENH a été disponible, et ce en grande quantité.
Je constate également que les concurrents d'EDF ont acquis un portefeuille de près de deux millions de clients et que la concurrence est très vive sur le marché des entreprises grandes consommatrices.
S'agissant des centrales nucléaires en Belgique, qui auraient un coût de 28 euros le mégawattheure, ce montant ne représente en rien le coût complet de production. Je l'ai déjà dit et je répète : je suis prêt à acheter toute la production à ce prix, en Belgique ou ailleurs. Ce coût ne tient pas compte des investissements nécessaires à la construction du parc, ce qui est un comble pour une industrie aussi capitalistique que la nôtre !
Je précise que, selon Eurostat, le prix de vente en Belgique est de 213 euros TTC le mégawattheure pour les ménages et de 75 euros le mégawattheure pour les grands industriels. Nous sommes donc très loin des coûts avancés et nettement - de l'ordre de 20 % à 60 % - au-dessus des prix français.
J'en viens à votre deuxième série de questions, monsieur le rapporteur.
L'entreprise EDF, leader mondial de l'électricité, présente sur l'ensemble des filières de production, est bien placée pour connaître les coûts des différentes filières et pour essayer de prévoir leurs évolutions.
En France, le parc nucléaire existant reste aujourd'hui le moyen le plus compétitif pour produire de l'électricité, après, bien sûr, l'hydraulique, dont l'essentiel du potentiel - les barrages - a été équipé depuis longtemps. Les barrages hydrauliques font d'ailleurs l'objet, comme vous le savez, d'un projet de mise en concurrence.
Le rapport de la Cour des comptes sur les coûts de la filière électronucléaire confirme ce point : le coût de production nucléaire est évalué à 49,5 euros le mégawattheure pour l'année 2010 en utilisant une approche économique - la seule qui soit pertinente -, dont la Cour dit elle-même qu'elle englobe l'ensemble des coûts, passés, présents et futurs de la filière nucléaire.
Cette valeur est proche de nos propres évaluations, dont, vous vous en souvenez, nous avions parlé voilà déjà dix-huit mois à l'occasion de la loi NOME. Elle est à la fois bien supérieure à la part production en base des tarifs régulés de vente actuels, qui est de l'ordre de 38 euros le mégawattheure, et bien inférieure au coût de tout autre moyen de production, actuel ou futur. Cela justifie que l'on cherche à tirer le meilleur parti du parc nucléaire existant, le plus longtemps possible, ce qui permettra de procéder à son renouvellement avec les meilleures technologies parvenues à maturité sur le plan industriel.
En effet, le coût complet de production de l'électricité à partir de charbon ou de gaz est aujourd'hui de l'ordre de 70 euros à 75 euros le mégawattheure, à comparer aux 49,5 euros du nucléaire, avec les technologies existantes et pour une production de base, c'est-à-dire constante tout au long de l'année. Je précise que ce calcul est effectué avec les prix actuels des combustibles, qui sont particulièrement bas pour le gaz. Ce prix est de l'ordre de 8 à 10 dollars par million de BTU, l'unité thermale britannique. Ils sont certes plus élevés pour le charbon - 100 dollars la tonne -, mais avec un prix du CO2 très bas, qui s'établit à 8 euros la tonne. Or celui-ci est prépondérant pour la filière charbon.
Ces équipements classiques au charbon ou au gaz connaîtront bien sûr des évolutions technologiques au cours des dix à vingt prochaines années, principalement pour le gaz. Le nouveau cycle combiné que nous engageons à Bouchain avec General Electric atteindra ainsi un rendement de 60 %, contre moins de 58 % aujourd'hui. Cette évolution devrait permettre de gagner entre 3 euros et 5 euros par mégawattheure. Pour autant, nos perspectives de prix du gaz et du CO2 sont à la hausse. Nous estimons que le coût du mégawattheure variera dans une fourchette raisonnable comprise entre 70 euros et 100 euros pour les équipements au charbon ou au gaz. Par exemple, un cycle combiné au gaz à haut rendement, avec un prix du gaz de 12 ou 13 dollars le million de BTU et un prix du CO2 de l'ordre de 40 euros par tonne, produit une électricité aux environs de 100 euros le mégawattheure.
Le nouveau nucléaire sera compétitif par rapport à ces moyens classiques, mais coûtera lui-même sensiblement plus cher que le parc existant, pour des raisons qui tiennent à la fois aux évolutions de conception, aux évolutions réglementaires et aux coûts de construction. La Cour des comptes indique que le coût de production de Flamanville 3, l'EPR en cours de construction, pourrait se situer entre 70 euros et 90 euros le mégawattheure. Celui-ci n'est évidemment pas représentatif du coût d'un réacteur génération 3 de série, car Flamanville est un pilote. Nous travaillons à l'industrialisation de ce réacteur avec Areva, afin d'intégrer le retour d'expérience de réalisation, mais aussi de conception.
Quant aux énergies renouvelables, ou plus exactement les énergies nouvelles - je rappelle que l'hydraulique joue un rôle déterminant parmi les énergies renouvelables -, elles ne rendent pas, il faut le noter, un service comparable aux équipements nucléaires, au charbon ou au gaz, du fait de leur intermittence. En Europe, un panneau solaire produit sa pleine capacité en moyenne seulement un jour sur huit et une éolienne terrestre un jour sur quatre. Même si le nucléaire peut fournir une certaine modulation de sa puissance, un développement fort des énergies renouvelables s'accompagnerait du développement de moyens thermiques et de stockage, afin d'assurer la compensation du caractère intermittent de ces énergies, avec le coût et les émissions de CO2 correspondants.
Par ailleurs, ces énergies nécessitent de coûteux développements du réseau, comme l'ont souligné à plusieurs reprises RTE, Réseau de transport d'électricité, et ERDF, Électricité réseau distribution France, nos filiales de transport et de distribution. L'ensemble de ces coûts, dits de « système », ne sont pas pris en compte aujourd'hui. Ils représentent de l'ordre de 20 euros le mégawattheure, qu'il convient d'ajouter à tous les coûts que je vais vous citer pour les énergies intermittentes.
L'éolien terrestre est racheté 85 euros le mégawattheure et se développe correctement dans ces conditions, ce qui signifie que son coût, non compris les surcoûts système que je viens d'indiquer, est légèrement inférieur. Ce coût évoluera assez peu dans le futur, d'autant que, progressivement, les meilleures zones de vent seront épuisées. Le potentiel français est estimé à environ 100 térawattheures, soit moins du quart de la production du parc nucléaire français.
L'éolien offshore ne s'est pas développé avec un tarif d'achat à 130 euros le mégawattheure. Comme vous le savez, les appels d'offres qui avaient été lancés n'ont pas reçu de réponse. Il fait désormais l'objet de nouveaux appels d'offres, dont un très ambitieux pour près de 3 000 mégawattheures, auquel EDF a concouru. Nous verrons le résultat, mais le coût pourrait se situer, selon toute vraisemblance, entre 170 euros et 200 euros le mégawattheure.
Le solaire photovoltaïque est racheté, pour les nouveaux contrats, jusqu'à 388 euros le mégawattheure lorsque les équipements solaires sont intégrés au bâti résidentiel. L'énergie produite par les fermes solaires est achetée moins chère, de l'ordre de 150 euros à 200 euros le mégawattheure dans les conditions d'ensoleillement de la France. Rappelons que la majorité des volumes rachetés le sont aux tarifs d'avant le moratoire, lesquels peuvent atteindre 600 euros le mégawattheure, sur vingt ans.
Quel est le mix énergétique idéal pour le futur ? Il n'existe pas de bon mix universel. Le mix relève d'une politique énergétique, dans laquelle les pouvoirs publics jouent bien sûr un rôle déterminant. Le mix privilégie plus ou moins certains critères : des critères de compétitivité économique, d'émission de CO2, d'indépendance énergétique, de prévisibilité des coûts, ... EDF s'inscrit dans le cadre de cette politique énergétique et s'astreint à rendre le meilleur service énergétique au moindre coût pour la collectivité. On pourrait d'ailleurs tenir le même propos pour les développements que nous faisons au Royaume-Uni, où nous sommes le principal opérateur, ou en Europe centrale et en Italie.
On pense aujourd'hui que les coûts des nouveaux moyens de production des différentes filières devraient être assez proches, entre 70 euros et 100 euros le mégawattheure, qu'il s'agisse du nucléaire, du charbon, du gaz ou de l'éolien terrestre. L'éolien offshore et le solaire sont encore loin de la compétitivité pour les dix à vingt ans qui viennent.
Aujourd'hui, il nous apparaît économiquement justifié, mais aussi prudent, de préserver le parc existant et de mettre à profit cette période pour mieux préparer, de façon industrielle, l'avenir énergétique avec le mix que choisira la France. C'est ce que nous faisons pour le nucléaire, l'hydraulique, le thermique et les énergies nouvelles, avec Alstom par exemple sur l'éolien offshore.
La troisième série de questions portait sur la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires actuelles, sur les investissements à y consacrer et sur le point de savoir si une prolongation de la durée de vie des centrales actuelles dispenserait EDF d'investir dès à présent dans les infrastructures de remplacement de ces centrales.
Comme je viens de l'indiquer, le nucléaire existant est le moyen de production le plus compétitif. En tirer le meilleur parti représente la meilleure stratégie économique et industrielle pour le pays. EDF a donc pour ambition de porter la durée de fonctionnement de l'ensemble des centrales nucléaires à soixante ans.
Cette démarche est celle de l'ensemble des exploitants nucléaires dans le monde. Les États-Unis, qui disposent de réacteurs de même technologie que les nôtres, mais qui sont en moyenne plus âgés, ont déjà étendu les licences de quarante ans à soixante ans pour plus de la moitié de leurs réacteurs, très exactement pour soixante de leurs cent quatre réacteurs. La Suède, pour prendre un autre exemple, a engagé la même démarche.
En France, la loi relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire de 2006 ne fixe pas de durée limite de fonctionnement à notre parc nucléaire. Elle conditionne la poursuite de l'exploitation à un avis de l'Autorité de sûreté nucléaire, l'ASN, tous les dix ans. Cependant, nous avons entamé avec l'Autorité de sûreté nucléaire des discussions techniques portant sur un plus long terme et sur les conditions techniques requises dans la perspective d'une durée d'exploitation de soixante ans. Pour un programme industriel de cette ampleur, une visibilité supérieure à dix ans est en effet totalement indispensable.
Une limitation à quarante ans de la durée de fonctionnement du parc serait très difficile d'un point de vue industriel et financier. Comme l'ont souligné la Cour des comptes et la commission Énergies 2050, le renouvellement du parc à quarante ans supposerait de mettre en service cinquante gigawatts, soit, par exemple, l'équivalent de trente EPR sur une période courte - une dizaine d'années -, en commençant dès 2020 : le rythme semble industriellement difficile à soutenir, quel que soit le mix énergétique choisi. De ce point de vue, un allongement de la durée de fonctionnement du parc existant permettrait de se donner du temps et des marges de manoeuvre afin de préparer et de programmer au mieux son renouvellement.
Ce projet industriel suppose la réalisation d'environ 55 milliards d'euros d'investissements dans les quinze ans à venir. Ce montant peut certes apparaître considérable, mais il est bien moindre que celui qui serait nécessaire en cas de renouvellement du parc, quelle que soit la technologie utilisée.
Dans ces conditions, le parc existant restera largement compétitif : la Cour des comptes a estimé à 54 euros le mégawattheure le coût du parc intégrant ce programme dans les années à venir. Encore une fois, ce coût est très inférieur à celui de tout autre moyen, qu'il s'agisse du nouveau nucléaire, du thermique à flamme ou des énergies renouvelables.
Ces investissements comprennent une large rénovation, sorte de « grand carénage », indispensable à l'approche des trente ans de fonctionnement. Une fois cette rénovation réalisée, les centrales pourront fonctionner pendant trente nouvelles années, sans préjuger, bien sûr, des avis qui nous sont délivrés tous les dix ans par l'ASN.
L'ensemble de nos investissements contribuent à trois objectifs indissociables : l'amélioration en continu de la sûreté, la performance de notre parc au quotidien, en particulier sa disponibilité, que nous avons déjà très fortement redressée en 2011 - peut-être l'avez-vous constaté -, et sa durée de fonctionnement.
Ces investissements visent à augmenter de manière significative la sûreté, conformément à la démarche d'amélioration continue qui est la nôtre depuis le début du programme nucléaire, tant à la conception qu'en exploitation.
Nous avons ainsi lancé la FARN, la force d'action rapide nucléaire. Certains médias en ont vu les premiers éléments à Civaux, vendredi dernier. Nous avons également annoncé, à la suite des recommandations de l'ASN, l'installation de diesels d'ultime secours et, plus largement, de « noyaux durs » de fonctions de sauvegarde. Le coût de ces travaux est évalué à une dizaine de milliards d'euros, dont 5 milliards d'euros étaient déjà prévus dans notre programme initial de 50 milliards d'euros. Globalement, EDF devrait donc effectuer 55 milliards d'euros d'investissements - soit 50 milliards plus 10 milliards, moins 5 milliards - dans les quinze ans à venir.
Ces investissements de rénovation et d'amélioration de la sûreté sont porteurs d'emplois et de développement pour l'ensemble de la filière nucléaire qui, rappelons-le, constitue le troisième secteur industriel français. Le nucléaire français a été construit dans les années soixante-dix et quatre-vingt, soit avec des générations qui partent aujourd'hui à la retraite. Il y a donc là une opportunité en termes d'emplois industriels de haute qualification, en particulier dans la métallurgie, la mécanique et l'électronique.
Vous m'avez également interrogé, monsieur le rapporteur, sur les composants non remplaçables que sont la cuve et l'enceinte de confinement. Toutes nos études montrent leur capacité à atteindre les soixante ans. Ces deux composants font l'objet d'une attention particulière et de contrôles très sévères ou d'épreuves à chaque visite décennale, et ce dans une démarche de respect absolu des impératifs de sûreté, sous le contrôle indépendant de l'Autorité de sûreté nucléaire. Ces contrôles sont complétés par des programmes de modélisation, menés conjointement par EDF et le Commissariat à l'énergie atomique, le CEA, qui permettent d'anticiper l'évolution des matériaux.
Ce projet ne nous empêche pas de préparer d'ores et déjà l'avenir : exploiter notre parc sur la totalité des soixante ans permettra de développer des technologies matures et des filières industrielles complètes.
La construction de l'EPR de Flamanville est une première étape. Nous y construisons un nouveau moyen de production nucléaire, mais aussi un retour d'expérience, grâce à notre partenariat avec Areva : d'Olkiluoto à Flamanville, de Flamanville à Taishan en Chine, et de Taishan à nos projets futurs, notamment britanniques, comme vous l'avez compris.
Pour le thermique à flamme, j'ai déjà cité l'exemple du projet de Bouchain, avec General Electric.
Nous contribuons également au développement et à la maturation des filières d'énergies nouvelles. Au-delà de l'hydraulique, nous sommes engagés dans les énergies nouvelles depuis plus de dix ans. Nous avons poursuivi cet engagement en 2011 avec le rachat total d'EDF Énergies nouvelles. En 2011, pour les nouveaux moyens de production, le groupe EDF a plus investi dans les énergies nouvelles que dans le nouveau nucléaire. Nous développons la filière industrielle française tant dans le photovoltaïque que dans l'éolien. Nous avons ainsi, par exemple, le projet de créer une filière française de turbines offshore avec notre partenaire Alstom, dans le cadre des appels d'offres en cours.
Enfin, nous accroissons nos investissements dans la recherche et le développement, à hauteur de 490 millions d'euros pour l'année 2011. Ce budget continue de s'accroître d'année en année.
J'en viens maintenant à la quatrième série de questions, qui portait sur les centrales nucléaires de la génération des années soixante-dix à quatre-vingt-dix et sur les technologies renouvelables.
Il s'agit de renouveler à plus ou moins long terme de quoi produire 420 térawattheures par an, soit les trois quarts de la production française actuelle. Le « plus ou moins long terme » a bien sûr beaucoup d'importance.
Pour les dix à vingt ans qui viennent, nous venons de le voir, le parc existant offre la meilleure compétitivité et, sur des bases économiques, son remplacement ne nous semble pas justifié. Aujourd'hui, les technologies disponibles à moins de 100 euros le mégawattheure, soit le double du coût de production du parc nucléaire existant, sont l'EPR, les cycles combinés gaz et l'éolien terrestre, dont les coûts de production sont compris entre 70 euros et 100 euros le mégawattheure.
La question du choix entre les filières se pose donc à un horizon plus lointain.
Pour un déploiement au-delà de 2030, il serait prématuré d'annoncer aujourd'hui les technologies qui s'imposeront alors que certaines sont encore loin de la maturité : c'est le cas de l'éolien offshore, du photovoltaïque, du solaire à concentration, du nucléaire de génération 4 ou du stockage. À cet égard, il est difficile de comprendre l'exercice de la roadmap 2050 européenne, qui retient un jeu unique de coûts des filières à l'horizon 2050.
Alors que le coût des filières de l'éolien maritime, du solaire photovoltaïque et du solaire à concentration se situe aujourd'hui dans une plage comprise entre 150 euros et 300 euros le mégawattheure, il pourrait se rapprocher du coût des moyens conventionnels.
Le nucléaire de génération 4 et le charbon avec capture et séquestration peuvent également devenir une option, sans doute pas avant 2040 pour la génération 4.
Les moyens de stockage chimique ou le recours à l'hydrogène pourraient alléger les contraintes de la production intermittente, et permettre ainsi une plus grande part d'énergie intermittente - l'énergie solaire, l'éolien terrestre et maritime. Mais là encore, l'incertitude sur les coûts à long terme demeure très importante.
En conclusion, exploiter le parc existant au-delà de quarante années de fonctionnement, c'est se donner la possibilité de faire évoluer le mix en bénéficiant pleinement des progrès des filières du futur et en matière de maîtrise de la demande. Ce sujet est également très important.
J'évoquerai maintenant la méthanation : le développement de procédés de stockage compétitifs est effectivement crucial pour développer un système électrique plus intermittent. La méthanation est-elle le meilleur de ces procédés ? Les contraintes sont fortes, et il m'est difficile d'entrer ici dans un exposé trop technique.
La méthanation consiste à fabriquer du méthane à partir d'hydrogène et de C02. En amont, il faut donc produire de l'hydrogène, par électrolyse de l'eau, et capter du C02. Ce procédé est mis en avant par l'association Negawatt pour recycler la production d'énergie nouvelle renouvelable excédentaire en période de demande faible et coupler les réseaux d'électricité et de gaz.
Il existe de grandes incertitudes techniques et économiques concernant ce processus, qui en est aujourd'hui au stade de la recherche et du développement. Un démonstrateur de 25 kilowatts a été installé en Allemagne. Le coût du gaz fabriqué, estimé avec les techniques connues aujourd'hui, est très élevé.
Tous les procédés utiles pour lisser un paysage énergétique futur doivent faire l'objet de recherche et de développement : les pompages hydrauliques - cette technologie est mature mais n'est disponible qu'en capacité limitée en France, de l'ordre de quelques gigawatts -, les batteries sodium-soufre, ...
En conclusion, il faut poursuivre la recherche, mais ne pas trop attendre d'une technologie miracle pour le système énergétique de demain.
J'en viens maintenant à la cinquième série de questions, qui portait sur les déclarations du président de la CRE sur les augmentations du tarif de l'électricité.
Par définition, il m'est très difficile de commenter ces déclarations. Elles portaient sur la facture totale des ménages, toutes taxes comprises, et non sur le tarif de l'électricité.
Je rappelle simplement que la facture complète comporte une part relative aux coûts de production de l'énergie - nous en avons beaucoup parlé -, une part relative aux coûts des réseaux, ainsi qu'une part de taxes, dont la CSPE. C'est ce tarif intégré qui est concerné.
La CSPE, je le rappelle, permet de financer les charges de péréquation du tarif réglementé dans les zones non interconnectées du territoire - l'outre-mer, la Corse et les îles -qui, sinon, ne pourraient bénéficier de l'avantage comparatif du parc nucléaire d'EDF. C'est un élément de solidarité géographique. La CSPE permet également de financer les charges liées au tarif de première nécessité, c'est-à-dire la solidarité sociale. Ces deux éléments constituaient, à l'origine, la raison d'être de la CSPE.
S'y sont ajoutés les surcoûts résultants des politiques de soutien aux énergies renouvelables et à la cogénération.
Ces dernières charges sont en forte hausse depuis plusieurs années du fait de l'augmentation de la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique. Or le montant de la CSPE n'a pas suivi l'évolution de ces charges, qui sont présentées chaque année par la CRE au Gouvernement, de sorte qu'EDF supporte aujourd'hui - et elle seule - un déficit cumulé de 3,8 milliards d'euros sur ces charges à la fin de l'année 2011. Je rappelle que ce déficit cumulé, qui était de 600 millions d'euros à la fin de l'année 2008, est passé à 1,7 milliard d'euros à la fin de l'année 2009, à 2,7 milliards d'euros à la fin de l'année 2010 et à 3,8 milliards d'euros à la fin de 2011. Telles sont les évolutions récentes.
Un rattrapage doit donc être effectué. La question se pose de l'évolution de la CSPE dans la durée pour soutenir le développement des énergies nouvelles. Les montants nominaux sont très élevés. J'en dirai un mot en réponse à votre dernière question.
Quant aux projections pour 2016, elles dépendent, il faut le souligner, d'un grand nombre de paramètres qui sont par nature incertains.
Pour ce qui concerne la part fourniture du tarif, à l'horizon 2016, le coût complet du parc nucléaire devrait se situer autour de 50 euros le mégawattheure. Ces coûts sont maîtrisés et bien inférieurs à toute solution alternative, comme je l'ai indiqué à plusieurs reprises.
Quels investissements seront nécessaires au maintien de la qualité du réseau et à l'intégration des nouvelles installations d'énergies nouvelles ?
Pour la CSPE, les volumes d'énergie renouvelable effectivement développés et le prix de marché constituent également une incertitude.
Pour évaluer la facture en 2016, le président de la CRE a pris en compte ses propres évaluations des besoins de hausse de la CSPE et du tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité, le TURPE.
À votre dernière question, j'apporterai une réponse affirmative : oui, la France peut rester compétitive en Europe en termes de prix de l'électricité. J'oserai dire qu'elle le doit.
Le coût complet du nucléaire est très sensiblement inférieur à celui des autres moyens de production, après l'hydraulique. La performance industrielle du groupe EDF, en matière de production comme dans les domaines du transport et de la distribution, permet d'assurer à nos concitoyens une sécurité d'approvisionnement électrique à un coût tout à fait compétitif. La compétitivité de la France devrait s'accroître par rapport à celle de tous ses voisins européens dans les années qui viennent.
Aujourd'hui, je le répète, pour les ménages, le prix européen est 50 % plus élevé qu'en France. En Allemagne, la facture est 80 % plus lourde qu'en France. Même avec les évolutions nécessaires pour couvrir intégralement le coût du parc existant et soutenir le développement des énergies nouvelles, la facture française restera, je vous en donne la garantie, plus compétitive. J'ajoute en outre que le prix va augmenter dans les autres pays européens du fait du développement des énergies renouvelables et du recours plus important aux énergies fossiles, notamment en Allemagne.
Pour finir, j'en viens à votre sixième question : quel jugement EDF porte-elle, filière par filière, sur le mécanisme actuel de soutien aux différentes énergies renouvelables et à la cogénération ? Il s'agit là de la CSPE bien sûr.
La France vise 27 % d'électricité d'origine renouvelable en 2020. Elle s'est fixé des objectifs par filières qui ont été inscrits dans la programmation pluriannuelle des investissements. Il s'agit d'une ambition et de choix de politique publique.
Vous me demandez mon jugement, d'une part, sur le mécanisme de soutien mis en oeuvre pour atteindre ces objectifs et, d'autre part, sur le financement de ce soutien.
J'évoquerai d'abord le mécanisme de soutien.
Le principe du mécanisme de l'obligation d'achat adopté en France pour soutenir le développement des énergies renouvelables est simple : le Gouvernement décide des prix auxquels l'électricité produite doit être achetée afin de permettre à ces filières de se développer. Il peut aussi lancer des appels d'offres, comme on l'a vu sur l'éolien offshore.
Dans les deux cas, les prix sont naturellement beaucoup plus élevés que le prix du marché, car ces filières ne sont pas à maturité économique et ne se développeraient pas sans soutien public. EDF est obligée de signer des contrats avec les producteurs qui le demandent et d'acheter la production. Elle supporte donc, et elle seule, un surcoût en achetant à un prix plus élevé que le prix du marché l'énergie ainsi produite.
Que peut-on dire des montants en jeu filière par filière ? Examinons les quelques filières dont le développement est le plus significatif.
Le tarif d'achat de l'éolien terrestre est aujourd'hui de 85 euros le mégawattheure. L'objectif pour 2020 est un parc de 19 gigawatts installés. C'est de très loin la filière la plus compétitive pour contribuer à l'atteinte de l'objectif que s'est fixé la France. À l'horizon 2020, le surcoût associé est de l'ordre de 1 milliard d'euros par an.
Les prix d'achat de l'éolien offshore ne sont pas encore connus, je le rappelle. Les appels d'offres sont en cours pour la première tranche de 3 000 mégawatts. On estime que les prix d'achat se situeront entre 170 euros et 200 euros le mégawattheure. L'objectif pour 2020 est de 6 gigawatts installés. Le surcoût attendu est de l'ordre de 2 milliards d'euros par an.
Les prix d'achat du photovoltaïque se situent aujourd'hui entre 213 euros et 600 euros le mégawattheure, selon le type d'installation et la date à laquelle le contrat a été signé. Le développement très rapide de cette filière du fait du prix d'achat élevé a conduit le Gouvernement à modifier la réglementation au printemps dernier. Les contrats antérieurs à cette nouvelle réglementation sont bien entendu honorés, aux anciens tarifs et sur vingt ans. En suivant le rythme de 500 mégawatts par an que s'est donné le Gouvernement après le moratoire, 8 gigawatts seront installés en 2020, pour un surcoût attendu de l'ordre de 2,5 milliards d'euros par an, dont 1,5 milliard d'euros issus des contrats signés avant le moratoire et 1 milliard d'euros issu des contrats signés après cette date.
L'objectif pour la filière biomasse d'atteindre 2,3 gigawatts en 2020 conduit à un surcoût de l'ordre de 1 milliard d'euros par an.
Enfin, les volumes sous obligation d'achat de la filière cogénération décroissent sensiblement. Le surcoût en 2020 sera d'environ 450 millions d'euros par an. Le soutien de la cogénération par le secteur électrique a été très significatif, de l'ordre d'une dizaine de milliards d'euros en une douzaine d'années. Il se réduit donc aujourd'hui.
Au total, toutes filières confondues, le surcoût annuel à l'horizon 2020 est de l'ordre de 7 milliards d'euros. Mes chiffres, vous le voyez, sont assez proches de ceux de la CRE.
Une des difficultés majeures que pose le système de l'obligation d'achat est de réussir à caler les tarifs au bon niveau. On a pu constater en France, ainsi que dans nombre de pays européens, l'effet de prix mal calés par rapport aux coûts, qui occasionnent des phénomènes de bulles spéculatives.
Nos voisins allemands sont confrontés à cette même difficulté. Ils ont des objectifs ambitieux, mais ne cessent de les dépasser. La facture de l'éolien et du photovoltaïque est devenue lourde. Le montant de la taxe ENR est de 35,9 euros le mégawattheure, pour financer 13 milliards d'euros de charges annuelles. Face à ces montants, le développement est freiné brutalement. Des dizaines de milliers d'emplois sont concernés, notamment dans le solaire. L'expérience espagnole, plus ancienne, est similaire.
La maîtrise du pilotage du rythme de développement apparaît donc comme un enjeu clé, à la fois pour la maîtrise des coûts, mais aussi, bien sûr, d'un point de vue industriel. L'appel d'offres pluriannuel est de ce point de vue plus efficace et permet un meilleur pilotage des quantités. L'État y a de plus en plus recours, et je pense que c'est une bonne chose.
J'en viens maintenant à la question du financement.
Le surcoût dont je viens de parler est aujourd'hui exclusivement à la charge d'EDF. Il est en théorie compensé par la CSPE, qui est une taxe sur les consommations d'électricité.
Mon analyse du dispositif est, sur ce volet, plus critique, ce qui me conduira, si vous me le permettez, à formuler quelques propositions.
Comme vous le savez, la loi prévoit que : « Les charges imputables aux missions de service public assignées aux opérateurs électriques sont intégralement compensées. » C'est le cas.
Ces charges sont en très forte hausse depuis plusieurs années, principalement du fait du développement des énergies nouvelles. Or le montant de la CSPE n'a pas suivi l'évolution de ces charges.
Le déficit de compensation cumulé d'EDF s'élevait, à la fin de l'année 2011, à 3,8 milliards d'euros. Ce déficit pèse évidemment sur son bilan et sur sa dette. Il se traduit par des charges financières évaluées à environ 1 milliard d'euros sur la période. Un rattrapage doit être fait et les charges financières doivent être prises en compte dans les charges à compenser.
Pour faire face à l'augmentation des charges, il faudrait que la CSPE dépasse 20 euros le mégawattheure avant 2020, dont 15 euros le mégawattheure au moins du fait des énergies renouvelables.
Le dispositif de financement doit être aménagé. Quelles sont les solutions imaginables ? Une piste mérite, selon moi, d'être examinée. Le financement du soutien aux énergies nouvelles pourrait être assuré autrement que par la CSPE. Ce soutien répond à des objectifs de politique économique dans les secteurs de l'environnement, de l'industrie, de l'emploi, de l'aménagement du territoire. Il n'a donc pas lieu d'être financé par les seuls consommateurs d'électricité, celle-ci étant l'énergie la moins carbonée. Ce financement pourrait être assuré par un fonds alimenté par une assiette beaucoup plus large que la seule consommation d'électricité.
Tels sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, madame, messieurs les sénateurs, les réponses que je souhaitais apporter aux questions qui m'ont été adressées.
Je vous remercie, monsieur Proglio, d'avoir apporté des réponses complètes et très précises à nos questions.
Si je vous ai bien compris, vous pensez que, dans l'attente de la construction de l'EPR, du développement du photovoltaïque, de l'éolien offshore, de nouvelles technologies, des résultats de la recherche sur le stockage, le plus simple serait de prolonger les centrales existantes. Cette solution serait, selon vous, à la fois la plus économique et la plus prudente.
Vous avez par ailleurs évoqué les difficultés que pose la CSPE, en particulier le fait qu'elle ne soit pas compensée pour votre entreprise. Compte tenu du coût important de cette taxe - 20 euros, dont 15 euros pour les énergies renouvelables -, vous indiquez que le financement du soutien aux énergies nouvelles devrait reposer non pas simplement sur le consommateur, mais aussi sur d'autres acteurs. Pourriez-vous préciser lesquels ? S'agira-t-il du contribuable ou envisagez-vous d'autres financements ?
La subvention accordée aux énergies nouvelles explique l'essentiel de la croissance des besoins de la CSPE.
Je rappelle que cette contribution a été instituée pour garantir la péréquation tarifaire et la solidarité nationale. Si l'on s'en était tenu à ces deux seules raisons, on pourrait faire décroître son taux assez rapidement dans les années à venir. Mais la CSPE sert aussi aujourd'hui à subventionner les énergies nouvelles, ce qui explique le montant considérable qu'il reste à financer au titre de la compensation de ces subventions. Ces subventions sont destinées aux producteurs, diffus. Elles sont supportées actuellement par la seule entreprise EDF, à l'exclusion de tout autre acteur du paysage énergétique français.
Permettez-moi de vous donner un seul chiffre : le solde qu'il reste à compenser des subventions déjà accordées aux projets existants dans le secteur des énergies nouvelles s'élève aujourd'hui à 33 milliards d'euros. La compensation est due au titre des subventions déjà accordées, lesquelles n'ont rien à voir avec les besoins énergétiques du pays. Elles sont le résultat de décisions déjà engagées.
Compte tenu du taux actuel de la CSPE, on ne pourra récupérer cette somme - et je ne tiens pas compte des nouveaux projets qui sont lancés, lesquels entraîneront une hausse des subventions - que sur une durée très longue. EDF supportant seule les frais financiers liés à cette dette, laquelle ne lui incombe pas, cela représente des sommes tout à fait considérables. Si l'on souhaite que cette récupération intervienne dans des délais assez courts, il faudra alors augmenter le taux de la CSPE.
Au lieu de faire payer aux seuls consommateurs d'électricité cette taxe, qui a vocation à couvrir des subventions elles-mêmes destinées à favoriser le développement d'énergies non émettrices de CO2, il serait plus raisonnable de faire contribuer les énergies fortement émettrices de CO2, comme le gaz ou le pétrole. Je rappelle que, en France, l'électricité est décarbonée.
Il me paraîtrait plus rationnel d'augmenter le nombre de ceux qui contribuent au financement de cette subvention en faisant participer le gaz, le pétrole et l'ensemble des énergies. Certes, une telle solution serait assez compliquée à mettre en oeuvre, car il est plus facile de demander à un seul acteur de faire le sale travail et de récupérer les sommes. Si le client ne paie pas, il suffit en effet de lui couper l'électricité ! C'est assez simple.
Il est assez caricatural que cette taxe pèse sur le seul acteur qui produise une énergie, je le répète, totalement décarbonée. Le résultat est qu'il est contraint d'augmenter ses tarifs en raison non du coût de l'énergie qu'il produit, mais de cette taxe.
Une solution - si vous me permettez de suggérer une idée - pourrait être de solliciter les autres acteurs du paysage énergétique, et non pas seulement EDF.
Vous dites, monsieur Proglio, que ce n'est pas au consommateur de payer cette taxe, car elle sert à financer des subventions. Or le prix de l'électricité étant plus élevé dans les autres pays européens, où la part des énergies renouvelables est plus importante, on peut dire que, dans les autres pays, c'est le consommateur qui paie.
C'est le cas un peu partout. C'est le consommateur ou le contribuable qui paie, parfois les deux.
Ce n'est donc pas obligatoirement une subvention.
Vous suggérez que cette taxe pourrait être étendue à d'autres opérateurs, en particulier à ceux qui produisent des énergies émettant beaucoup de CO2.
Je dis aussi qu'il est assez caricatural que, dans un pays qui prône la concurrence, la contrainte pèse sur le seul opérateur historique...
À l'achat, oui.
Les nouveaux entrants, qui ont vocation à lui faire concurrence, ne sont pas soumis à cette contrainte. Je trouve cela assez spectaculaire.
Dernière question, monsieur Proglio : vous êtes donc pour l'ouverture de l'obligation d'achat aux autres opérateurs ?
Aux autres opérateurs, bien sûr, mais également aux autres énergies.
J'ai une question technique à vous poser, monsieur Proglio.
Le mix énergétique français comprend des énergies renouvelables, dont l'énergie hydraulique, historique, plus toutes les énergies nouvelles, qui en représentent 8 % ou 10 %.
Elles représentent plus que cela, 15 % ou 16 %. L'hydraulique doit représenter 12 %.
Quelle est la part de marché d'EDF dans le secteur des énergies renouvelables, en direct ou via ses filiales ? Je sais que vous êtes opérateur dans le domaine de l'énergie solaire. Quelle part de la production hydraulique détenez-vous ?
Dans le domaine hydraulique, nous détenons l'essentiel du marché, mais pas son intégralité.
Il y a d'autres producteurs, des petits et des plus importants. Quelques opérateurs hydrauliques ont bénéficié de conditions d'accès à ce marché, comme la CNR, la Compagnie nationale du Rhône. Je cite un exemple au hasard.
Dans le secteur des énergies nouvelles, notre part de marché doit être de l'ordre de 20 %. Nous détenons - en chiffres ronds - 80 % de la production hydraulique et 20 % de la production des énergies renouvelables en France.
Je vais maintenant donner la parole aux membres de la commission, en commençant par Mme Rossignol.
J'ai trois questions à vous poser, monsieur Proglio.
Ma première question porte sur les différences d'évaluations des frais d'exploitation entre le rapport Charpin de 2000 et le récent rapport de la Cour des comptes.
Dans le rapport Charpin, les frais d'exploitation étaient évalués à 3,7 milliards d'euros par an à l'horizon 2010. Dans le rapport de la Cour des comptes, ils sont aujourd'hui estimés à 5,6 milliards d'euros.
Comment expliquez-vous le différentiel entre l'estimation faite il y a dix ans sur la foi des indications données par EDF et celles qui figurent aujourd'hui dans le rapport de la Cour des comptes ? Que s'est-il passé ?
Ma deuxième question porte sur votre activité d'actionnaire principal de la société anonyme ERDF. J'aimerais connaître vos exigences d'actionnaire à l'égard de cette société anonyme. Attendez-vous des bénéfices de sa part ? Considérez-vous, à l'inverse, que cette filiale devant remplir une mission de service public, vous n'avez pas à en attendre de bénéfices ? Si vous en attendez des bénéfices, cela vous paraît-il compatible avec les investissements que doit réaliser ERDF ?
Enfin, ma troisième question est un peu éloignée de l'objet de notre commission.
Aujourd'hui, EDF développe une activité importante à l'international en tant qu'opérateur du nucléaire. L'un des enseignements que l'on peut tirer des accidents nucléaires, c'est que la sécurité et la sûreté dépendent en grande partie de la transparence une fois l'accident survenu. On l'a vu au Japon, qui est une démocratie relativement transparente. La manière dont s'est déroulé l'accident nucléaire, les difficultés qu'ont eues les Japonais à mettre en place des solutions un peu efficaces et la pression qu'ont dû exercer les États-Unis, en particulier, montrent qu'il y a une forte corrélation entre transparence et sûreté.
Certains pays engagés aujourd'hui dans l'énergie nucléaire ne satisfont pas à ces obligations de transparence. Je pense particulièrement à la Chine. Alors qu'elle n'est pas transparente sur l'essentiel de ses activités industrielles et de ses problèmes de pollution, elle ne le deviendra pas, comme par magie, dans le domaine du nucléaire. Je pense également à l'Inde, qui est une démocratie plus transparente, mais qui n'a pas d'autorité de sûreté indépendante et qui ne veut pas en avoir.
Comment pouvez-vous lier garantie de sûreté et absence de démocratie et de transparence à l'international ?
Votre première question portait sur la différence entre les évaluations des frais d'exploitation faites il y a dix ans et celles qui ont été réalisées récemment.
D'abord, les euros de l'époque ne sont évidemment pas les euros d'aujourd'hui. C'est significatif.
Ensuite, les extensions de durée de vie sont un phénomène nouveau. On intègre dans les coûts actuels les évaluations des investissements nécessaires à l'extension de la durée de vie, corrélés à l'amélioration continue de la sûreté. Voilà ce qui, pour l'essentiel, justifie la différence entre les évaluations que vous évoquez. Les chiffres d'EDF sont totalement transparents - ils sont d'ailleurs assez largement commentés dans le rapport de la Cour des comptes - et sont à votre disposition.
Vous m'avez ensuite interrogé sur mes exigences en tant qu'actionnaire d'ERDF. Les actionnaires n'ont pas des exigences différentes. Un actionnaire est exigent par essence, en termes d'efficacité, de qualité du service rendu et de résultat de l'entreprise, les trois n'étant en principe pas incompatibles, sinon l'entreprise, quelle qu'elle soit, aurait du mal à vivre. À cet égard, je ne vois pas pourquoi ERDF serait une entreprise différente des autres.
J'attends d'ERDF qu'elle respecte ses missions de service public, parce que c'est sa raison d'être et l'essentiel de son métier. J'attends d'elle qu'elle soit efficace économiquement - en tant qu'actionnaire, je suis particulièrement attentif à ce point - et, évidemment, j'attends un résultat.
Alors est-il interdit à une entreprise, parce qu'elle est économiquement bien gérée, de faire des investissements ? C'est là une vision un peu caricaturale du monde.
J'attends de n'importe quelle entreprise placée sous ma responsabilité qu'elle assume sa mission, qu'elle satisfasse à ses exigences de performance, qu'elle effectue des investissements et délivre des résultats à son actionnaire. Ces exigences ne sont en rien incompatibles entre elles. Voilà ce que j'attends d'ERDF au quotidien.
Vous m'avez enfin interrogé sur la transparence. Il y a bien sûr une corrélation entre transparence et sûreté nucléaire. Toutefois, il ne m'appartient pas de faire des commentaires sur transparence et démocratie, car cela nous éloignerait de l'objet de cette commission. Je ne sais pas si les deux sont corrélés. Je ne sais pas si on doit spécifiquement viser tel ou tel pays.
L'organisation de la sûreté nucléaire repose sur plusieurs axes lourds. Le premier, c'est la compétence et l'exigence de l'opérateur ou des opérateurs concernés.
Historiquement, les opérateurs se sont progressivement organisés. Compte tenu de la réputation du nucléaire et du fait que tout accident nucléaire, quel qu'il soit, porte préjudice à l'ensemble de la profession, une solidarité naturelle existe entre les opérateurs mondiaux.
Ces opérateurs se sont d'abord organisés aux États-Unis, après l'accident de Three Mile Island. Une organisation extrêmement exigeante et très compétente a alors été mise en place, l'INPO - Institute of nuclear power operations. Elle effectue des audits permanents des centrales et des installations nucléaires.
À l'échelon international, la WANO, la World association of nuclear operators - l'organisation des opérateurs nucléaires mondiaux -, a été créée sur l'initiative de l'ensemble des pays opérateurs. C'est d'ailleurs aujourd'hui l'un des collaborateurs d'EDF qui préside à sa destinée.
La WANO est un organisme exigeant qui s'inspire de l'INPO, qu'elle englobe, d'ailleurs. Elle audite tous les ans chacune des décisions nucléaires. Toutes les centrales nucléaires font l'objet d'audits permanents. Certes, certains pays sont plus transparents et plus rigoureux que d'autres. Parmi ceux que vous avez cités, les plus vertueux ne sont pas les premiers auxquels on aurait pu penser et le plus défaillant n'avait pas la réputation d'être le moins compétent. Je ne jette pas la pierre à nos camarades japonais.
La WANO s'est récemment réorganisée de manière à être encore plus exigeante. Ses audits sont désormais accessibles à tous.
Le second axe de l'organisation de la sûreté nucléaire repose sur les autorités indépendantes. Il est vrai que le nucléaire impose, par principe, l'existence d'autorités de sûreté indépendantes. Je reconnais que l'ASN fait partie des bons élèves de la classe des autorités de sûreté nucléaire et qu'elle constitue une référence, mais elle n'est pas la seule organisation de ce type.
Professionnalisme, exigence interne des opérateurs, exigences externes des autorités de sûreté, contrôle par les autorités de sûreté des opérateurs et contrôle en continu par les opérateurs de leurs homologues, et d'eux-mêmes d'ailleurs, sont des éléments clés de la sûreté nucléaire.
La WANO a vocation à aider les nouveaux entrants dans le club nucléaire agrandi, à leur donner les moyens d'accéder à ce type d'organisation. C'est ainsi que la profession s'est organisée.
Ou plutôt, vous n'y avez apporté qu'une réponse institutionnelle. Je vous avais demandé comment on peut garantir la sûreté nucléaire dans des pays où les conditions de transparence ne sont pas remplies.
Je ne veux pas stigmatiser tel ou tel pays.
Non, elle n'est pas théorique, elle est pratique.
J'ai des réponses concrètes à apporter, mais n'attendez pas de moi que je stigmatise tel pays en le désignant comme un mauvais élève.
En public, je ne le ferai pas. La responsabilité que j'assume n'est pas compatible avec ce genre de démagogie. Je ne le ferai pas, mais j'ai la réponse à votre question.
Je vous poserai deux questions qui appellent des réponses assez précises.
La première concerne l'EPR de la Grande-Bretagne. EDF Energy a engagé une négociation avec le gouvernement britannique sur un prix d'achat garanti de l'électricité de l'EPR, ...
De l'électricité nucléaire.
D'accord.
... sur la base du mécanisme contract for difference.
Cette négociation avec le gouvernement britannique est-elle toujours en cours aujourd'hui ? On peut lire ici et là que la négociation se ferait sur la base d'un certain prix. On évoque 115 euros le mégawatt. Cet élément est intéressant concernant le coût de sortie de l'EPR, sauf à considérer que ce réacteur est toujours en développement et qu'il n'est pas mature.
Par ailleurs, si vous ne parvenez pas à obtenir le tarif que vous souhaitez, investirez-vous et développerez-vous néanmoins un EPR en Grande-Bretagne ?
Ma seconde question porte sur le montage financier auquel a procédé EDF pour alimenter le fonds dédié au démantèlement des centrales nucléaires. Nous avons besoin d'un certain nombre d'éclaircissements sur ce montage, qui est tout de même assez étonnant. Je rappelle qu'EDF a décidé d'allouer la moitié du capital de RTE à ce fonds, y compris sa dette, ce qui représente une valorisation de 2,3 milliards d'euros.
Il est bien évident, comme nous l'a d'ailleurs dit le président du directoire de RTE lorsque nous l'avons auditionné, que le jour où vous aurez besoin de cet argent pour le démantèlement des centrales, vous ne vendrez pas RTE au plus offrant. Vous devrez obligatoirement la racheter. Cela signifie-t-il qu'EDF doive provisionner le rachat de RTE dans ses comptes ? Aujourd'hui, cet argent n'est provisionné nulle part. Or il faudra bien racheter RTE. Dès lors, il manque bien environ 4 milliards d'euros pour atteindre l'objectif fixé par la loi NOME pour le financement du démantèlement.
Comment comptez-vous atteindre cet objectif d'ici à 2015-2016 ?
Enfin, à combien estimez-vous le coût du démantèlement futur des centrales ?
La négociation avec les Britanniques est en cours. Par respect pour le gouvernement britannique, je ne préciserai évidemment ni les termes de cette négociation ni les prix auxquels elle est en train de se conclure. On ne fait jamais état de telles informations lorsqu'une négociation commerciale est en cours. Je pourrais vous donner de faux prix pour ne pas handicaper la négociation, mais comme je témoigne sous serment, je ne le ferai pas, ne m'en veuillez pas !
Ensuite, il y a une impropriété dans la question que vous posez. Les pouvoirs publics britanniques négocient non pas le prix de l'électricité de l'EPR, mais le prix du mégawatt électronucléaire. C'est à nous qu'il revient ensuite de savoir quel type de technologie utiliser. L'EPR est un choix d'EDF. L'entreprise est responsable de ses choix industriels.
Les pouvoirs publics britanniques négocient en fait ce qui se pratique dans un secteur que j'ai connu dans une autre vie - les transports publics -, à savoir une garantie de recettes. Des investissements sont effectués, un service public est rendu avec une garantie de recettes. Cela signifie que si les recettes dépassent la garantie, le surplus est reversé à la collectivité. En revanche, si les recettes sont inférieures à la garantie, le cocontractant, en l'occurrence le gouvernement, couvre la différence.
Il s'agit donc d'une négociation complexe, innovante, comme il n'y en a jamais eu dans le domaine électronucléaire. C'est parce que la Grande-Bretagne est un pays libéral que la négociation se fait en ces termes et que l'équation est assez complexe. Notre intérêt est évidemment que le prix permette de rendre un véritable service public accessible à tous. Notre but n'est pas d'optimiser je ne sais quelle formule afin de parvenir à un compte de résultat très favorable les premières années, mais incompatible avec la mission de service public qui est la nôtre.
Nous sommes donc engagés avec les pouvoirs publics britanniques dans une négociation importante, innovante, complexe, de nature à la fois économique, industrielle et politique. Elle débouchera dans les mois qui viennent. Ensuite, il appartiendra à EDF de faire ses choix industriels et de prendre ses responsabilités dans le cadre du contrat qui aura été négocié.
Quant aux prix que vous pouvez lire dans la presse, ils ne sont parfois pas réels, en tout cas, je ne les accrédite pas. Ensuite, ils n'ont rien à voir avec la technologie. Nous négocions le prix d'équilibre d'un service public. Il ne faut pas en tirer de conclusion sur le prix de revient de l'EPR ni même sur la conformité ou non du projet pilote avec celui de Taishan, de Flamanville ou d'ailleurs. Vous le voyez, le sujet est compliqué et ambitieux.
Vous m'avez ensuite interrogé sur le fonds dédié au démantèlement des centrales nucléaires. La date à laquelle ce fonds sera utilisé dépendra de la durée de vie des centrales. Si cette durée est portée à soixante ans, ce que j'estime raisonnable, la durée de vie moyenne du parc nucléaire français existant étant aujourd'hui de vingt-six ans, nous reparlerons de ce fonds dans trente-quatre ans.
Dans l'intervalle, nous allons constituer des provisions et ne pas laisser l'argent dormir dans une tirelire, sans rémunération. Nous investissons donc dans des titres dont la solidité, la pérennité et la performance nous permettent de nous assurer que cet argent sera convenablement placé.
Les investissements dans des infrastructures de service public régulés, dont le rendement est à ce titre garanti par les États souverains, et qui sont par ailleurs convenablement gérés, sont considérés comme des placements à la fois sûrs et raisonnablement rentables.
Peut-être vous seriez-vous réjouis si nous avions acheté des autoroutes à Hong-Kong, des infrastructures de transport aérien ou des aéroports en Asie du Sud-Est ou bien des infrastructures routières au Brésil ? Il n'est absolument pas exclu que nous le fassions, mais nous avons considéré que RTE, infrastructure régulée, portant un rendement garanti par l'État français, n'était pas plus méprisable qu'une infrastructure internationale et portant un rendement dans un pays ne faisant pas partie de la zone euro. Nous avons pensé que, s'agissant d'un investissement durable ayant vocation à être pérenne, il n'était pas stupide de choisir des titres RTE.
Nous avons donc soumis ce choix aux autorités de contrôle qui veillent à ce que les investissements effectués pour constituer les fonds de démantèlement soient rigoureux et sécurisés. Je rappelle que la réglementation européenne nous impose d'ériger une muraille de Chine entre le transporteur RTE et EDF. Plus les réglementations européennes et les directives se multiplient, plus la distance entre les deux entreprises s'accroît, à tel point que, aujourd'hui, EDF n'a plus le droit de gérer RTE. Or, nous en sommes actionnaires à 100 %.
Nous avons donc considéré que le fait de céder une partie de RTE au fond de démantèlement n'était ni absurde, ni dérisoire, ni ridicule.
Ensuite, nous avons pensé que RTE avait une valeur intrinsèque liée à son rendement garanti et, pour répondre à votre question, qu'il ne devait pas y avoir qu'un seul actionnaire possible. D'un point de vue comptable, lorsqu'on vend une participation, on vend aussi la quote-part de dette qui lui est associée. Pour des raisons tenant au mode de comptabilité, nous sommes passés d'une intégration globale à une intégration proportionnelle. La dette en consolidation a donc diminué, non parce que nous avons cédé la dette, mais du fait de notre mode de consolidation, conforme aux normes comptables IFRS, c'est-à-dire les normes internationales d'information financière qui s'imposent à nous.
L'opération que vous évoquez n'a donc rien d'un tour de passe-passe. Elle n'est pas non plus le fruit d'une gestion hasardeuse. Elle n'est pas le signe d'un mépris de la liquidité à terme. Au fond, il ne nous paraissait ni déraisonnable ni surréaliste, pour financer le fonds de démantèlement, d'investir en partie - à hauteur de 2,3 milliards d'euros - dans des titres RTE, en plus des titres d'entreprises cotées et - ou - des titres de fonds d'infrastructures.
Il s'agit là d'un choix fait par des financiers, pour des financiers. Cet investissement présente tous les critères de beauté d'un investissement dans un fonds de démantèlement.
Monsieur Proglio, je vous poserai trois questions.
La première porte sur les réseaux. En cette fin d'hiver, lequel a été rigoureux, nous savons que nous pouvons compter sur les importantes productions des autres pays. Quelle est votre réflexion aujourd'hui sur les interconnexions ? Certains programmes revêtent-ils un caractère urgent ?
Ma deuxième question porte sur la politique énergétique européenne, même si je me souviens de la réponse assez claire, pour ne pas dire brutale, que vous nous aviez donnée la dernière fois que nous vous avons interrogé sur ce sujet. Puisqu'on nous dit que l'Europe se met à beaucoup travailler dans ce domaine, pourriez-vous nous dire ce que vous attendez d'une telle politique ?
Troisième et dernière question, qu'espérez-vous de façon générale, plus particulièrement en termes de prix ou d'outil d'effacement, du compteur intelligent, lequel a donné lieu à des débats passionnants, pour ne pas dire passionnés, ce matin en commission ?
Il serait trop long ici de débattre de la politique européenne en matière d'interconnexions. Un tel débat serait en outre virtuel, car il n'existe pas de politique européenne dans ce domaine.
Ensuite, nous pourrions énumérer le nombre de sujets dans le domaine énergétique sur lesquels il serait intelligent ou utile que l'Europe se dote d'une politique, mais, je le répète, il n'existe pas aujourd'hui de politique européenne énergétique.
Tous les pays ont leur propre politique énergétique, entre lesquelles, on le voit, il existe des divergences, compte tenu des enjeux, qui sont considérables. On peut les décliner par thème : l'indépendance, le coût économique, le taux d'émission. Sur ces sujets, chaque pays a sa doctrine. Aucune d'entre elle n'est vraiment alignée, pour ne pas dire cohérente, avec les autres.
Il n'existe pas de politique sur les objectifs, mais il y en a une sur la pratique, sur les interconnexions.
Pas davantage : les interconnexions ont été réalisées sur le plan bilatéral, et non pas européen.
Non ! Nous allons vers des interconnexions, européennes certes puisqu'elles lient deux pays européens l'un à l'autre, mais il n'y a pas de politique européenne d'interconnexion globale. À ma connaissance, une telle politique n'a jamais été mise en oeuvre.
Certes, l'Espagne se préoccupe d'interconnexion afin de tenter de rompre son isolement, ne serait-ce que pour des raisons géographiques. L'Italie, l'Allemagne, la Grande-Bretagne s'en préoccupent également. Pour autant, il n'existe pas de politique d'interconnexion européenne. Les interconnexions sont une des manières d'optimiser les moyens de production. Elles permettront peut-être un jour à l'Europe de tirer profit de sa géographie et de ses cultures.
Il est vrai que les pointes de consommation ne sont pas les mêmes dans tous les pays, pour des raisons culturelles évidentes. En Allemagne, on dîne vers dix-huit heures trente, en Espagne, vers vingt-deux heures trente, en France, aux alentours de vingt heures. Vous voyez bien que s'il existait une politique européenne, cela se saurait ! Une telle politique aurait des conséquences en termes de capacités de production et de moyens de production de pointe, mais, je le répète, il n'en existe pas en soi.
Cet état de fait ouvre d'ailleurs des perspectives à la France, qui se trouve être au milieu de ce paysage et qui pourrait, mieux que d'autres, en tirer profit. Encore faudrait-il qu'il existe une véritable volonté de mettre en oeuvre une politique d'interconnexion et d'exporter. Une telle politique prend du temps. Il faut non seulement négocier avec les États voisins, mais également trouver les moyens de réaliser les interconnexions, ce sujet n'étant pas le plus facile. Que l'on songe aux difficultés provoquées par la volonté de construire une ligne à haute tension vers l'Espagne... Ce projet est enfin en passe de voir le jour, dans des conditions que vous avez suivies, mais cela aura pris vingt ans.
La question des interconnexions est absolument cruciale. À défaut d'être un sujet fondamental à l'échelon européen, il peut être un sujet très important de politique française en matière d'exportation. J'indique d'ailleurs, sans aucune vanité, qu'EDF a doublé ses exportations d'énergie l'année dernière par rapport à l'exercice précédent, année où l'entreprise avait déjà globalement été exportatrice d'énergie. S'il est difficile de chiffrer nos exportations en térawattheures, je peux en revanche vous indiquer qu'EDF a exporté pour environ 3 milliards d'euros d'électricité l'année dernière.
Le sujet des interconnexions mériterait d'être exploré et développé. C'est un véritable sujet industriel et commercial, comme le froid l'a montré cet hiver.
Les interconnexions posent cependant des problèmes techniques, en raison de la vulnérabilité des réseaux. Plus il y a d'interconnexions, plus les défaillances d'un pays peuvent retentir sur l'autre. Les interconnexions sont suffisantes pour que les réseaux soient vulnérables, mais pas assez pour que les exportations soient faciles. Ce sujet est complexe.
Le compteur intelligent est un compteur interactif.
Le compteur rend le réseau intelligent. On parle d'ailleurs de réseau intelligent, mais le compteur, lui, est interactif. Il apporte de la valeur ajoutée au réseau et fait partie de son intelligence. Placé en fin de réseau, le compteur est un élément important de l'optimisation du système. À terme, il permettra de réaliser des économies d'énergie, de mieux gérer la consommation, notamment les pointes, en ayant une meilleure connaissance des besoins, et de mieux utiliser les interfaces. Les réglages se feront à distance. Le compteur est un élément important d'évolution vers des réseaux intelligents.
Ce compteur, que nous avons développé, est encore en phase d'expérimentation. Il est pour l'instant installé dans 300 000 foyers en France et son utilisation a vocation à être généralisée. J'ai eu l'occasion de dire en d'autres lieux que je souhaitais que ce compteur ne soit pas facturé aux utilisateurs. Cela implique un certain nombre de décisions, dont certaines n'ont pas encore été prises. Pour cette raison, j'ai du mal à répondre totalement à votre question. En tout cas, EDF, en tant qu'entreprise de plein exercice, c'est-à-dire responsable d'une part, et qui se veut compétitive d'autre part, souhaite que ce compteur soit mis gratuitement à la disposition de ses clients. Elle est prête pour cela à prendre les risques industriels et les risques d'entrepreneur qu'il importe qu'elle prenne.
Je ne vous poserai qu'une question, monsieur Proglio, mon collègue vous ayant interrogé sur les compteurs.
Les opérateurs restent très discrets sur la capacité de l'hydraulique à participer à de nouvelles productions dans le domaine des énergies renouvelables. L'hydraulique, me semble-t-il, constitue une rente, ce n'est pas un secteur innovant. Dans le cadre de la remise en concession des barrages, EDF a-t-elle des propositions à faire qui lui permettraient de se distinguer de ses concurrents, sachant que, curieusement, le cahier des charges, dans ce domaine, ne dit pas grand-chose, ce que je trouve fort regrettable ?
EDF est le cinquième hydraulicien mondial, certains pays - le Canada, le Brésil, la Chine et la Russie - disposant de ressources naturelles plus importantes que nous.
Toutefois, nous estimons être les meilleurs sur le plan de la technique. J'ai notamment beaucoup renforcé les compétences et les moyens de l'ingénierie hydraulique au cours des deux dernières années, de manière à ce que nous puissions de nouveau partir à l'assaut du marché international, car c'est surtout à l'international que l'hydraulique va se développer.
Nous avons inauguré, il y a maintenant un an, un barrage à Nam Theun, au Laos, qui dessert à la fois le Laos et la Thaïlande. Référence pour la banque mondiale, il s'agit vraisemblablement de l'un des plus beaux barrages du monde en termes d'efficacité économique et de développement durable. C'est EDF qui l'a conçu et réalisé. Nous en sommes actionnaires à 40 %. Nous pouvons donc être modestement fiers des compétences d'EDF dans ce domaine. Nous avons vocation à continuer partout dans le monde.
En France, j'aimerais pouvoir vous dire que les développements en matière d'hydroélectricité sont importants, mais il n'est pas sûr, s'il fallait noyer une vallée pour créer un nouveau barrage, que j'obtienne un très grand succès auprès de la population. Il est possible que j'aie tort, mais bon... Nous nous contenterons donc vraisemblablement d'accroître l'efficacité des barrages existants, de faire progresser leur capacité de production par des adjonctions, des améliorations, des optimisations, et d'améliorer le service, mais les développements dans ce secteur resteront marginaux.
Quelques améliorations sont encore possibles. Toutefois, dans le contexte actuel de mise en concurrence de nos barrages, je n'ai pas envie de vous faire part de nos idées afin de ne pas les livrer à nos concurrents. Je dis « nos barrages » parce qu'ils nous appartiennent et que nous avons vocation à les garder. L'hydraulique est un très grand et beau métier, dans lequel la France et EDF, bien sûr, ont un rôle à jouer dans le monde.
Comme mon collègue Claude Léonard dans une vie antérieure, j'ai défendu l'implantation du laboratoire de Bure dans la Meuse. Or j'ai été troublé il y a quelque temps par une polémique, dont la presse s'est fait l'écho, entre EDF et Areva d'une part, et l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, l'ANDRA, d'autre part, sur les prescriptions de l'ANDRA et les montants engagés, que vous sembliez contester. Cette polémique a jeté le doute sur l'appréciation des uns et des autres sur les coûts du traitement et du stockage. Êtes-vous aujourd'hui en phase avec l'ANDRA ?
Je ne vais pas entrer dans une nouvelle polémique, d'autant que la situation s'est tout de même un peu calmée.
On est en général informé des polémiques lorsqu'elles commencent, plus rarement lorsqu'elles s'achèvent.
J'ai un caractère plutôt entier, me semble-t-il, je vais donc vous dire les choses clairement.
Depuis le lancement du projet, le cahier des charges n'a pas changé. Ma responsabilité d'entreprise et d'opérateur est de veiller à la sûreté et à l'efficacité du cycle du combustible nucléaire. Une fois que l'on a un projet, que le cahier des charges est défini, qu'il ne varie plus en termes de sûreté, de sécurité, de réversibilité, de durée, de contraintes techniques, les budgets sont établis.
Si vous aviez le projet de faire construire un logement, accepteriez-vous que le budget initialement prévu soit multiplié par trois en l'espace de deux ans sans qu'il y ait la moindre évolution du cahier des charges ?
En pareil cas, il me paraît légitime de poser des questions soit à l'opérateur, soit à celui qui est responsable du dépassement des coûts. N'importe quelle responsable de fonds qui ne lui appartiennent pas devrait avoir la même réaction.
Je n'ai pas engagé de polémique, j'ai simplement fait preuve d'exigence, d'efficacité et de responsabilité. Il semble aujourd'hui que les choses rentrent dans l'ordre, et je m'en réjouis. Il n'y a eu aucune sorte de polémique sur les normes, sur la sûreté, sur les exigences, sur les techniques et sur les contraintes liées à l'opération. Il s'agit juste pour nous de bien gérer l'argent qui nous est confié ou que nous allons chercher auprès de ceux qui font l'objet de la mission de service public que nous avons reçue. Il me paraît être de ma responsabilité d'y être attentif. C'est tout.
Le consommateur, le contribuable et nos concitoyens... Il me paraît nécessaire de vous rendre des comptes à cet égard et d'être intransigeant sur ces sujets. Il n'est pas question de polémiquer. C'est simplement ma responsabilité.
Sur ce point, la nouvelle estimation de l'ANDRA sur le coût du stockage - 35 milliards d'euros - peut-elle vous poser des problèmes budgétaires ? Quelles seront pour vous les conséquences de la multiplication par trois de la facture ?
Si j'avais accepté la multiplication par trois de la facture, je vous dirais quelles conséquences cela entraînerait, mais comme je ne l'ai pas acceptée, ce débat n'a pas lieu d'être.
Nous voici parvenus au terme de cette audition. Monsieur Proglio, nous vous remercions d'avoir été, comme à votre habitude, très réactif et très clair. Il est possible que la commission d'enquête ait besoin de vous auditionner de nouveau avant la fin de ses travaux, sachant que son calendrier est très contraint et qu'elle doit remettre ses conclusions définitives à la fin du mois de juin.
Je vous remercie de votre accueil, monsieur le président, monsieur le rapporteur, madame, messieurs les sénateurs. Je reste bien entendu à votre disposition. Par essence, l'opérateur qu'est EDF se doit d'être à la fois transparent, exigeant et à la disposition des représentants de ses mandants.
Je tiens à rappeler que si l'audition est publique et filmée par Public Sénat, rien ne doit filtrer des travaux de la commission d'enquête avant qu'elle ne remette ses conclusions définitives. Ces exigences s'appliquent également aux participants des réunions de la commission d'enquête et au public.
Mes chers collègues, nous poursuivons nos travaux par l'audition de M. Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables, le SER.
Comme vous le savez, notre commission d'enquête a été créée sur l'initiative du groupe écologiste, qui a fait application de son « droit de tirage annuel », devenu une institution dans la maison. Elle a pour objet de déterminer le coût réel de l'électricité : nous serons notamment conduits à nous interroger sur l'existence d'éventuels « coûts cachés » qui viendraient fausser l'appréciation portée sur l'efficacité de telle ou telle filière, et à déterminer sur quels agents économiques reposent les coûts réels de l'électricité, afin d'éclairer les choix énergétiques français.
Dans ce but, la commission a souhaité vous entendre, monsieur Bal, en votre qualité de président du Syndicat des énergies renouvelables, qui réunit les industriels français de l'ensemble des filières d'énergies renouvelables. Vous pourrez ainsi apporter à notre commission d'enquête des éléments d'information importants sur le développement et les coûts de production de ces énergies en France.
Je vous rappelle que toutes les informations relatives aux travaux non publics d'une commission d'enquête ne peuvent être divulguées ou publiées, et qu'un faux témoignage devant notre commission serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal.
En ce qui concerne la présente audition, la commission a souhaité qu'elle soit publique, et un compte rendu intégral en sera publié.
Avant de donner la parole à M. le rapporteur pour qu'il vous pose ses questions préliminaires, je vais maintenant vous faire prêter serment, conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête.
Monsieur Bal, prêtez serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, levez la main droite et dites : « Je le jure ».
(M. Jean-Louis Bal prête serment.)
Je vous remercie.
Monsieur le rapporteur, je vous laisse préciser ce qu'attend notre commission, notamment les informations dont vous avez besoin pour votre enquête, sachant que M. Bal aura ensuite à répondre aux questions complémentaires que vous-même, si vous le souhaitez, mais aussi l'ensemble des membres de la commission d'enquête pourront lui poser.
Vous avez la parole, monsieur le rapporteur.
Monsieur Bal, nous vous avons envoyé à l'avance un questionnaire détaillé pour que vous puissiez préparer des réponses précises.
Comme nous sommes en retard sur l'horaire prévu, je me contenterai de résumer les questions que nous vous avons adressées.
D'une façon générale, à la lumière du récent rapport de la Cour des comptes, pensez-vous que les tarifs actuels de l'électricité en reflètent le coût réel ?
Pouvez-vous nous donner des estimations chiffrées du coût complet de production d'électricité à partir des énergies renouvelables ?
Quel jugement portez-vous sur les différents mécanismes de soutien aux énergies renouvelables ?
Un développement important des énergies renouvelables en France vous paraît-il envisageable ? Cette question est certes très large, mais elle appelle des réponses précises !
Du fait de leur caractère intermittent, quelle place peuvent occuper les énergies renouvelables dans la structure de l'offre d'électricité ?
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, je vous remercie de m'avoir invité.
Sur la première question - le tarif de l'électricité reflète-t-il les coûts réels ? -, le SER n'a évidemment d'expertise à apporter que sur la partie qui le concerne, c'est-à-dire les énergies renouvelables.
Nous faisons le constat, et nous aurons certainement l'occasion de revenir sur ce point dans la discussion, que le coût de développement des énergies renouvelables est répercuté sur le consommateur via la contribution au service public de l'électricité, la CSPE. Toutefois, la CSPE est plafonnée à 7,5 euros par mégawattheure en 2011, ce qui engendre un déficit de compensation au détriment d'EDF. Je suppose que mon prédécesseur à cette table, M. Proglio, a dû vous en parler !
À juste titre ! Cela représente 2 milliards d'euros en 2011, un montant qui s'ajoute à 1 milliard d'euros dus pour 2010. Cette somme est supportée aujourd'hui non par le consommateur, mais par EDF. Elle ne s'explique pas uniquement par les énergies renouvelables, qui ne représentaient en 2011 que 42 % de la CSPE.
De ce point de vue, le tarif actuel de l'électricité ne reflète pas entièrement le coût de développement des énergies renouvelables et il n'est pas normal que ce soit EDF qui le supporte. Cela peut d'ailleurs expliquer une certaine réticence de l'entreprise nationale au regard du développement de ce type d'énergies.
En ce qui concerne le rapport de la Cour des comptes sur les coûts du nucléaire, il n'est évidemment pas dans les compétences du SER de porter un jugement sur ce document. Toutefois, j'ai noté que les coûts futurs du réacteur EPR sont estimés entre 70 et 90 euros du mégawattheure, mais il faut y mettre les précautions d'usage : le coût final n'est pas connu puisque le premier exemplaire du réacteur ne fonctionne pas encore, et une tête de série ne préjuge pas du coût qui découlerait de la fabrication d'une plus grande série.
Cependant, cette fourchette donne une indication sur le niveau de compétitivité que devront atteindre à moyen terme les énergies renouvelables électriques. Voilà quelle est la principale indication que je retiens de ce rapport.
Sur la deuxième question, j'ai essayé d'établir une estimation des coûts complets de l'électricité produite par les deux principales filières, l'éolien et le photovoltaïque, et leur probable évolution. Il est difficile d'estimer avec précision les coûts de l'investissement et les coûts de fonctionnement des installations éoliennes ou photovoltaïques parce qu'il s'agit d'informations commerciales que les opérateurs ne donnent pas nécessairement avec la plus grande transparence.
Néanmoins, par recoupement avec les développements qu'on a pu observer à l'étranger, on peut dire que, en 2012, le coût d'investissement pour une centrale éolienne terrestre est de l'ordre de 1 450 kiloeuros par mégawatt et par an, avec un coût de raccordement de l'ordre de 100 kiloeuros par mégawatt, des coûts d'exploitation compris entre 35 et 50 kiloeuros par mégawatt et par an, c'est-à-dire de 2 % à 4 % de l'investissement, et des coûts de démantèlement estimés à 25 kiloeuros par mégawatt, soit 2 % de l'investissement.
L'ensemble de ces coûts est pris en compte dans la détermination du tarif actuellement en vigueur, qui est de 82 euros par mégawattheure, pour une durée de quinze ans.
Toutefois, la durée de vie des installations éoliennes est supérieure à quinze ans. Si l'on devait calculer le tarif en retenant une durée de vingt ans, il serait inférieur à 82 euros. On peut aussi considérer que, au bout de quinze ans, l'opérateur éolien sera présent sur le marché libre de l'électricité et vendra son électricité à un prix qui sera déterminé par les conditions de ce marché. Les coûts marginaux pourraient aller jusqu'au remplacement de la turbine ou à la mise à neuf de l'installation. Il est difficile de les estimer aujourd'hui, mais ils seront certainement inférieurs à ceux d'une installation nouvelle.
Les coûts relatifs à l'éolien sont aujourd'hui assez stables ; ils ne devraient pas énormément diminuer, en dehors de quelques effets d'échelle, à l'horizon 2020. En revanche, les coûts de raccordement risquent d'augmenter fortement avec la mise en oeuvre des schémas régionaux de raccordement au réseau, qui vont succéder aux schémas régionaux du climat, de l'air et de l'énergie. Cela pourrait aller jusqu'au triplement de ces coûts.
Si je vous ai bien compris, le coût du mégawattheure éolien, qui est actuellement de 82 euros sur quinze ans, pourrait descendre autour de 65 euros si la durée de vie des installations était de vingt ans.
Je dirais plutôt 70 euros.
Effectivement !
En ce qui concerne le photovoltaïque, les coûts moyens sont de l'ordre de 3 000 euros par kilowatt, avec une très grande dispersion selon la taille des installations. En 2010, les coûts étaient compris entre 2 200 euros et 6 000 euros par kilowatt.
Ces coûts ont connu une forte baisse en 2010, de l'ordre de 15 %. Toutes les analyses montrent que les prix devraient continuer à diminuer pour se situer, en 2020, entre 1 200 euros par kilowatt pour l'hypothèse basse et 2 000 euros par kilowatt pour l'hypothèse haute, ce qui conduirait à un coût du mégawattheure compris entre 100 et 200 euros.
Les coûts d'exploitation et de maintenance de la filière photovoltaïque sont de l'ordre de 70 à 100 euros par kilowatt et par an, et devraient rester stables à l'horizon 2020. Ce sont surtout les coûts d'investissement qui vont diminuer. En revanche, les coûts de raccordement - je reviens ici sur la question des schémas régionaux de développement des réseaux - pourraient faire l'objet d'une augmentation sensible.
Concernant les autres filières, vous savez que la biomasse fait l'objet d'appels d'offres par la Commission de régulation de l'énergie, la CRE, et que les installations, puisqu'il s'agit de cogénération, sont relativement complexes et de grande taille. Nous disposons de très peu d'informations sur les coûts d'investissement. En revanche, via les retours du ministère de l'écologie, nous connaissons les coûts moyens du mégawattheure proposés par les prétendants aux appels d'offres : ils sont de l'ordre de 120 à 150 euros par mégawattheure.
Je vous remercie pour les précisions que vous nous avez apportées. Sur le photovoltaïque, la fourchette que vous avez évoquée est assez large, entre 100 à 200 euros.
Effectivement, mais cette fourchette large correspond à la variabilité de la taille des installations : du générateur individuel de quelques kilowatts installé sur une maison à la centrale au sol de plusieurs mégawatts : on comprend bien que les coûts peuvent être notablement différents.
Cet effet d'échelle n'existe pas pour l'éolien, car la puissance des installations est toujours de plusieurs mégawatts.
Que pensez-vous du développement des centrales de taille importante dont la puissance atteint 60, 80, voire 100 mégawatts ? Je pense à celle qui est située sur une ancienne base aérienne près de Nancy, dont la puissance doit être de 100 ou 120 mégawatts.
Sur la base de Toul-Rosières ?
Oui ! Est-ce que cette taille de centrale permet de diminuer les coûts de production ?
Certainement ! On peut atteindre des coûts beaucoup plus bas que sur des installations individuelles.
Le coût de production du mégawattheure issu d'une centrale de cette taille doit être comparé à celui d'une centrale classique. La comparaison se fait avec le prix de gros de l'électricité.
Le coût du générateur photovoltaïque situé sur une habitation doit, quant à lui, être comparé au coût délivré par le réseau au droit de cette habitation.
Les coûts évoqués par M. Proglio - ceux de l'accès réglementé à l'électricité nucléaire historique, l'ARENH, ou ceux du prix de gros de l'électricité - sont de l'ordre de 50 euros par mégawattheure. Or le tarif de distribution de l'électricité se situe aujourd'hui autour de 110 euros du mégawattheure : la différence est assez importante.
Vous voulez dire qu'une personne qui installerait un panneau solaire économiserait 110 euros ?
Pas tout à fait, car elle ne peut pas non plus se passer complètement du réseau, mais ce serait vrai si elle consommait entièrement l'électricité produite sur son toit.
Nous n'avons pas progressé sur la question du stockage de l'électricité.
La question qui se pose tient moins au stockage qu'à la consommation intégrale de la production. Si le consommateur consommait toute sa production, il pourrait réaliser une économie de 110 euros par mégawattheure produit. C'est ce qui se passe aujourd'hui, par exemple, en Californie, où la production photovoltaïque est parfaitement adaptée au profil de consommation : elle est entièrement absorbée par la consommation du bâtiment, laquelle est essentiellement imputable à la climatisation.
Dans ce domaine, on estime aujourd'hui que les coûts d'investissement sont deux fois plus élevés, c'est-à-dire de l'ordre de 3 000 euros par kilowatt. Mais ces estimations sont assez fluctuantes, car nous ne disposons que de peu de retours d'expériences.
Dans le monde, 4 000 mégawatts d'éolien sont installés en mer, contre 200 000 mégawatts sur terre. En mer, le coût d'investissement dépend de plusieurs facteurs : distance de la côte, profondeur, nature des sols. Il peut donc osciller de façon importante autour de 3 000 euros par kilowatt.
Des appels d'offres ont été lancés par le ministère chargé de l'énergie. On estime encore assez mal les coûts d'exploitation, qui sont probablement plus élevés que pour l'éolien terrestre, mais, là encore, le retour d'expériences est relativement faible. Les estimations faites au moment du lancement des appels d'offres tablaient sur un coût de l'ordre de 180 euros du mégawattheure. Les calculs de la CSPE à l'horizon 2020, tant ceux qui se fondent sur les chiffres que je viens de vous présenter, que ceux qui s'appuient sur les évaluations de la CRE, reposent sur une hypothèse de ce niveau-là.
J'en viens à la troisième question, qui portait sur les mécanismes de soutien, en particulier les tarifs d'achat.
Le système dit de l'obligation d'achat avec un tarif incitatif est celui qui permet le mieux de répondre à un objectif de développement de capacités nouvelles de production d'électricité de sources renouvelables. En dix ans, depuis la loi de février 2000, près de 10 000 mégawatts ont été installés, dont 6 500 mégawatts en éolien terrestre, 2 500 mégawatts en électricité solaire, le reste provenant de diverses sources, notamment des centrales en biomasse. Ce système tarifaire peut être très satisfaisant, à condition qu'il permette d'accorder une juste rémunération des capitaux sans générer de rentes indues. Pour cela, l'administration doit s'attacher à mener un travail très pointu pour établir des tarifs justes et incitatifs.
Pour les filières dont les coûts de production baissent très vite, comme le solaire photovoltaïque, le système tarifaire peut présenter des lacunes si l'inertie de l'analyse et du processus réglementaire n'est pas en mesure de faire évoluer le niveau tarifaire assez rapidement, de façon à coller à la réalité.
Je souligne donc ici le besoin d'un pilotage très fin de la politique de soutien aux énergies renouvelables : cela nécessite que l'administration centrale puisse disposer de moyens humains à la hauteur des enjeux.
En ce qui concerne les mécanismes de soutien, le tarif tel qu'il est actuellement conçu n'engendre pas automatiquement une structuration industrielle des filières. De ce point de vue, l'appel d'offres peut présenter des avantages assez nets. Nous espérons que celui qui a été lancé pour l'éolien offshore, dont on devrait connaître les résultats dans les prochaines semaines, permettra d'engendrer un tel développement industriel.
Puisque l'on parle de l'obligation d'achat, via des tarifs ou des appels d'offres, je voudrais rappeler qu'aujourd'hui, le tarif est supérieur au prix du marché. Les surcoûts devraient être entièrement répercutés sur le consommateur d'électricité, et ne pas être à charge de l'opérateur EDF ou des distributeurs non nationalisés.
La question portait aussi sur les dispositifs fiscaux que sont le crédit d'impôt développement durable et l'éco-prêt à taux zéro, dit éco-PTZ. S'ils ne concernent que marginalement la production d'électricité, ils sont en revanche très utiles pour les équipements utilisant une source d'énergie renouvelable thermique, comme les appareils de chauffage au bois, les chauffe-eau solaires et les pompes à chaleur.
Néanmoins, ce système permet d'inciter les ménages à s'équiper en panneaux photovoltaïques puisque, à son niveau actuel, la seule incitation tarifaire ne permet pas de déclencher des investissements. Je signale que le photovoltaïque n'est pas éligible au dispositif de l'éco-PTZ.
Par ailleurs, nous ne sommes pas opposés à un rabotage régulier des dispositifs fiscaux, les énergies renouvelables n'ayant pas vocation à être éternellement subventionnées. Nous demandons simplement que ces rabotages soient visibles dans le temps.
De ce point de vue, nous nous réjouissons que le mécanisme du crédit d'impôt, qui devait prendre fin en 2012, ait été prolongé jusqu'en 2015. Il est important de connaître, année par année, le niveau de diminution du crédit d'impôt afin que les industriels puissent s'adapter.
La quatrième question portait sur le respect des objectifs du Grenelle de l'environnement et les investissements nécessaires, sur les obstacles au développement des énergies renouvelables et sur les conséquences sur la facture d'électricité.
Concernant les énergies renouvelables, l'objectif est d'atteindre 23 % sur l'ensemble des usages de l'énergie, contre 9 % en 2007. Nous en sommes aujourd'hui à environ 13 %. Le progrès est incontestable, même si nous ne nous inscrivons pas totalement dans la trajectoire nécessaire pour atteindre les 23 %.
Oui ! Pour parvenir à ce pourcentage, il faudra également atteindre des objectifs en termes de diminution de la consommation, lesquels ne sont bien évidemment pas de notre ressort.
L'objectif de 23 % a été ventilé entre électricité, usage thermique et transports.
Pour l'électricité, il s'agit d'atteindre 27 % à l'horizon 2020, ce qui nécessite d'augmenter la capacité de toute une série de filières.
Comme M. Proglio l'a souligné à la fin de son audition, l'hydro-électricité n'en sera qu'une composante mineure : il s'agit là de passer de 25 000 à 27 500 mégawatts.
Les progrès viendront essentiellement de l'éolien terrestre, d'abord, qui doit atteindre les 19 000 mégawatts, contre 6 500 mégawatts actuellement. L'éolien maritime, dont la production est actuellement égale à zéro, devra atteindre 6 000 mégawatts.
Pour le photovoltaïque, l'objectif est de 5 400 mégawatts, contre 2 600 mégawatts aujourd'hui. Dans le livre blanc qu'il vient de publier, le Syndicat propose de porter cet objectif à 20 000 mégawatts.
Concernant la biomasse, il s'agit, en cogénération, d'atteindre l'objectif de 2 300 mégawatts.
Les 1 000 mégawatts restants se répartissent entre diverses énergies renouvelables.
Les investissements privés nécessaires pour atteindre ces objectifs sont estimés à environ 50 milliards d'euros d'ici à 2020.
Nous insistons sur le fait que ce coût doit être considéré comme un investissement, qui doit ensuite se traduire par une structuration industrielle de la filière. En effet, ce coût doit « rapporter » financièrement, en termes de création d'emplois, d'exportations et d'importations évitées.
Nous avons estimé l'impact sur la CSPE en reprenant les objectifs du Grenelle de l'environnement, à l'exception du photovoltaïque pour lequel je vous rappelle que le SER propose de porter l'objectif national à l'horizon 2020 à 20 000 mégawatts, au lieu de 5 400 mégawatts.
Le surcoût pour la CSPE serait d'environ 6 milliards d'euros en année courante en 2020. Ce chiffre est voisin de l'estimation de la CRE, avec toutefois la différence notable d'objectif du photovoltaïque.
Il convient de souligner que, en huit ans, le coût estimé peut varier très sensiblement selon les hypothèses. Je rappelle que le coût pour la CSPE correspond à la différence entre le tarif d'achat de l'énergie concernée et le prix de gros de l'électricité. Suivant les hypothèses que vous formulez quant à l'évolution de ce coût - la CRE l'a estimé à 2 % en euros constants, contre 4 % à 5 % selon nous -, les résultats peuvent être très différents.
Une autre variable, qui concerne essentiellement le photovoltaïque, est évidemment le coût de la filière, pour laquelle nos hypothèses sont beaucoup plus optimistes que celles de la CRE ; mais c'est aussi notre compétence de mieux connaître les évolutions de cette filière. Nous avons pris en compte les évolutions récentes du coût du photovoltaïque, lesquelles ont été très spectaculaires.
L'évolution de la CSPE devrait se traduire par une augmentation du prix facturé au consommateur de l'ordre de 10 % à 12 %, d'ici à 2020, par rapport au prix actuel.
M. de Ladoucette a annoncé ici, comme il l'avait déjà fait dans plusieurs enceintes, les augmentations du prix de l'électricité qui devaient être attendues dans les prochaines années. Il a évoqué une hausse du prix de l'électricité de 30 % à l'horizon 2016 ; nous pensons, pour notre part, que l'augmentation due aux énergies renouvelables sera de 1,5 % par an, soit 6 % à l'horizon 2016 sur les 30 % annoncés par M. de Ladoucette.
Il avait intégré 15 % d'inflation. Vous retenez donc de 6 %, au lieu de 15 %.
J'en viens à la question relative aux obstacles au développement des énergies renouvelables. À notre sens, ils sont de trois ordres.
Il s'agit, en premier lieu, des obstacles administratifs. La filière principalement concernée est l'éolien terrestre.
Je vous rappelle qu'a été mis en place un véritable millefeuille, avec une réglementation particulièrement lourde.
D'abord, une double planification a été prévue, avec les zones de développement de l'éolien et les schémas régionaux. Encore une fois, nous ne contestons pas l'intérêt de disposer d'une planification ; mais pourquoi en avoir prévu deux ?
Ensuite, une double autorisation est nécessaire : le permis de construire et la procédure des installations classées pour la protection de l'environnement, ou classement ICPE.
À cela s'ajoute la règle du nombre minimum de cinq éoliennes par parc.
Par ailleurs, se pose la question de la compatibilité entre la loi Littoral et la loi Grenelle 2. La loi Littoral oblige, dans les communes littorales, à construire dans la continuité de l'urbanisme, alors que la loi Grenelle 2 interdit toute construction d'éoliennes à moins de 500 mètres des habitations. Entre ces deux lois, il y a une contradiction évidente.
En deuxième lieu, nous avons identifié des obstacles économiques, particulièrement pour le solaire photovoltaïque.
Le nouveau cadre économique mis en place à la suite du moratoire de mars 2011 est de moins en moins incitatif pour les installations inférieures à 100 kilowatts : la dégressivité du tarif d'achat est automatique tous les trimestres, sur la base d'un mauvais indicateur : l'entrée en file d'attente, et non pas la réalisation d'installations.
Au-dessus des 100 kilowatts, s'applique la procédure d'appel d'offres, qui nous semble peu adaptée à des installations de taille moyenne. Elle convient mieux, semble-t-il, à des installations de plus grande taille. On pourrait d'ailleurs s'interroger sur l'intérêt de ces appels d'offres dans l'optique de la structuration des filières industrielles.
En troisième lieu, les deux filières sont confrontées à un obstacle technico-économique : l'accès au réseau électrique, c'est-à-dire le raccordement, avec des procédures qui risquent de devenir de plus en plus coûteuses.
J'ai évoqué précédemment les schémas régionaux de raccordement au réseau qui, sur le principe, sont une excellente chose : ils permettront de mutualiser les coûts de développement des réseaux entre l'ensemble des producteurs.
La répartition de ces coûts de développement des réseaux, qu'il s'agisse du réseau de transport ou du réseau de distribution, entre gestionnaires de réseaux et producteurs d'énergies renouvelables est une question très importante. Quelle que soit la clé de répartition adoptée, les coûts, qui sont aujourd'hui estimés entre 2 et 3 milliards d'euros d'ici à 2020, devront être ensuite répercutés sur les tarifs, soit le tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité, le TURPE, pour les réseaux de transport et de distribution, soit le tarif d'achat de l'électricité produite par les producteurs, si l'on répartit la charge sur eux.
En ce qui concerne l'acceptabilité des énergies renouvelables - on pense d'emblée à l'éolien -, contrairement à une opinion répandue, l'acceptabilité de l'éolien est bonne, cela mérite d'être souligné.
Il suffit pour s'en convaincre de relire les résultats des enquêtes d'opinion menées depuis 2001 par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME. Ils montrent que l'acceptation de l'éolien est bonne et s'améliore d'année en année. Malgré cela, il existe effectivement des mouvements contestataires, qui sont plutôt le fait d'une minorité agissante. Il n'y a pas de véritable problème d'acceptabilité sociétale.
La cinquième question concernait la façon dont les énergies renouvelables s'inscrivent dans la structure de l'offre, et leur caractère intermittent, susceptible de les cantonner à un rôle d'appoint.
Je tiens à le dire d'emblée, nous ne contestons pas que l'éolien et le photovoltaïque soient actuellement des formes d'énergie « fatales » ne produisant, effectivement, que lorsque la ressource est disponible, et pas nécessairement en fonction des besoins des consommateurs.
Cette production se substitue aujourd'hui aux moyens marginaux, c'est-à-dire les plus chers mis en oeuvre à un instant donné, qui sont généralement thermiques, évitant ainsi l'utilisation de ressources fossiles et l'émission de gaz à effet de serre.
Tout d'abord, la part de l'éolien dans le mix électrique progresse assez rapidement. Elle a représenté en 2011, en moyenne sur l'année, 2,5 % de parts de la consommation couverte, soit la consommation domestique de près de 5 millions de personnes. Selon les objectifs du Grenelle de l'environnement, cette part devrait atteindre 10 %.
On constate chaque année une augmentation notable de la production éolienne lors des mois les plus froids, c'est-à-dire en période de pointes de consommation. C'est le cas, notamment, lors des vagues de froid. Durant le mois de décembre 2011, le parc éolien français a couvert 4 % de nos besoins en électricité, et on a retrouvé des taux similaires lors de la vague de froid de janvier 2012, dont tout le monde se souvient. Ainsi a été évité le recours à des centrales thermiques - charbon, gaz ou fioul - et à des productions au coût élevé. Nous avons réduit d'autant nos besoins en importation d'électricité, qui sont tout de même très carbonés.
De ce point de vue, je reprendrai les conclusions de RTE dans son bilan prévisionnel 2011 : les capacités éoliennes installées permettent d'éviter l'utilisation ou l'installation d'une certaine quantité de centrales thermiques. Ainsi, malgré l'intermittence de sa production, le parc éolien participe à l'équilibre de l'offre et de la demande. On peut retenir que, en France, en termes d'ajustement du parc de production, 25 000 mégawatts produits par des éoliennes équivalent à 5 000 mégawatts produits par des équipements thermiques.
Le photovoltaïque a couvert, quant à lui, 0,5 % de la consommation d'électricité en 2011. Là encore, je prends pour référence RTE, qui considérait, dans son bilan prévisionnel 2009, que, à une échelle globale, sur l'ensemble du territoire, la production photovoltaïque vient directement se soustraire à la courbe de consommation. À l'horizon 2020, l'impact de la production photovoltaïque sera notable en été. Elle viendra effacer en partie la pointe journalière et sera probablement corrélée à la consommation due à la climatisation.
En ce qui concerne la question de l'intermittence, il convient tout d'abord de rappeler que le système électrique est aujourd'hui conduit pour gérer une consommation subissant des variations quotidiennes de l'ordre de 15 gigawatts, et dimensionné pour faire face à des événements imprévus, tels que des pannes subites de groupes de production, qui peuvent atteindre 1 500 mégawatts, ou des erreurs de prévisions météorologiques. Rappelons qu'un seul degré d'écart, en hiver, se traduit par la consommation de 2 300 mégawatts supplémentaires.
En France, grâce au dispositif IPES, Insertion de la production éolienne dans le système, mis en place par RTE, dont Dominique Paillard a dû vous parler et auquel nous avons été associés lors de la phase expérimentale, la production éolienne est suivie en temps réel. Bénéficiant d'un foisonnement à l'échelle du territoire, la variation de la production est relativement lente, et le système IPES permet de prévoir la production éolienne la veille pour le lendemain, avec une précision satisfaisante, limitant ainsi les incertitudes sur les volumes produits. L'aléa résiduel lié aux erreurs de prévision reste donc très inférieur aux autres aléas auxquels doit faire face le système électrique.
Aujourd'hui, le photovoltaïque n'est pas encore pris en compte dans ces prévisions, mais RTE y travaille.
L'observabilité et la prévisibilité des productions « fatales » sont donc actuellement l'enjeu principal de l'insertion à grande échelle dans le système électrique métropolitain. La nécessité de recourir au stockage de l'énergie ne se posera pas avant dix ans au moins. Il n'en reste pas moins qu'il faut s'en préoccuper dès aujourd'hui et commencer à développer de nouveaux procédés de stockage de l'énergie. Cela se fait d'ores et déjà aujourd'hui, via nos stations de transfert d'énergie par pompage, c'est-à-dire les barrages. Il reste donc encore des marges de manoeuvre en matière de stockage d'énergie.
Je ne sais pas si vous avez prévu d'auditionner un représentant de l'ADEME. Cette dernière ayant entamé des travaux sur ce sujet dans le cadre des investissements d'avenir, je pense que cela pourrait être intéressant.
Tout ce que je viens de dire vaut pour la métropole.
Dans les territoires de Corse et d'outre-mer, dont les réseaux électriques sont beaucoup plus sensibles, car non interconnectés, ou, pour ce qui concerne la Corse, peu interconnectés, et surtout de taille réduite, la situation est très différente, et peut être intéressante. À ce titre, les années à venir seront riches d'enseignements. Ces territoires pourraient devenir des laboratoires du point de vue de la gestion des réseaux et de l'intermittence, ainsi que du développement du stockage.
Les limites empiriques des 30 % de pénétration des énergies « fatales et aléatoires » seront bientôt atteintes dans la plupart de ces territoires. La direction des systèmes électriques insulaires d'EDF mène actuellement des travaux sur le développement du stockage de l'électricité qui, associé à des installations d'énergies renouvelables, pourrait permettre de dépasser cette limite. Est ainsi en cours, à la Réunion, un projet de recherche assez intéressant portant sur les batteries sodium-soufre.
Vous n'êtes pas le premier, depuis que nous procédons à des auditions dans le cadre de cette commission d'enquête, à nous dire que la filière photovoltaïque est en train d'évoluer et qu'elle deviendra vraiment compétitive parce que les coûts d'investissement vont baisser. Pourriez-vous préciser par quels mécanismes ?
L'une des raisons d'être du moratoire - je suis bien placé pour le savoir, car je participe à un projet intéressant dans ce domaine ! -, nous a-t-on dit publiquement, tient au fait que l'on avait fait tourner l'industrie chinoise, pour parler franc, en achetant « hardi petit ! » des panneaux qui arrivaient par containers, et que l'on avait ainsi créé une bulle fiscale et déstructuré les industries européennes, notamment françaises, du secteur.
Y a-t-il à nouveau un avenir pour la fabrication de panneaux photovoltaïques en Europe et en France, à part l'usine Photowatt, dont on parle tous les jours, mais pour des raisons « particulières » ? (Sourires.)
J'ai appris que Bosch allait remettre en route une filière de fabrication dans la région lyonnaise, à Vénissieux, dans une ancienne usine d'équipement automobile. Monsieur Bal, sur quoi vous fondez-vous pour affirmer que les coûts d'investissement vont baisser ? Les investissements sont de fait considérables : un projet de 180 hectares de grosses fermes solaires coûte entre 200 et 300 millions d'euros !
Il faut revenir un peu sur le passé. Jusqu'en 2008, les tarifs étaient parmi les plus élevés d'Europe, car ils rémunéraient à sa juste valeur l'équipement, qui coûtait très cher. Ensuite, il s'est produit une chute rapide des coûts, qui n'a pas été suffisamment anticipée. C'est la raison pour laquelle j'insistais précédemment sur la nécessité de mettre en place un pilotage au niveau de l'administration, assuré par un personnel suffisant en nombre, en vue de renforcer l'expertise nécessaire pour anticiper les baisses de coût.
Certaines de ces baisses ont été engendrées par un investissement massif, réalisé essentiellement en Chine. Or le développement du marché mondial concernait surtout l'Europe, le Japon et les États-Unis, et il était piloté par des mécanismes de soutien public. Le résultat fut celui que vous avez décrit : c'est en priorité l'industrie chinoise qui a profité de ces incitations publiques. On peut difficilement en faire le reproche à la Chine, dont la vision était la bonne.
Notre problème, c'est d'avoir réagi trop lentement et de n'avoir pas suffisamment anticipé.
Le reproche que l'on peut adresser à ceux qui, en France, étaient en charge de la politique menée en matière photovoltaïque, c'est d'avoir développé la demande avant l'offre. Avec la forte baisse des coûts engendrée par ces importants investissements chinois, essentiellement liés à des effets d'échelle, nous devons miser sur des technologies innovantes si nous voulons reprendre la main sur l'industrie photovoltaïque. M. le sénateur Vial sera certainement de mon avis sur ce point.
Les Chinois ont développé leur industrie en se fondant sur la technique du silicium standard, à 15 % ou 16 % de rendement, mais à une échelle telle que nous ne pourrons plus les concurrencer sur ce type de produits.
L'une des voies possibles pour développer chez nous une industrie du composant photovoltaïque est de miser sur des cellules au silicium à très haut rendement, du type de celui développé par l'Institut national de l'énergie solaire, l'INES, et le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives, le CEA, avec des techniques d'hétérojonction qui permettront de dépasser les 20 % de rendement.
Une autre voie consiste à travailler sur les couches minces. Il s'agit de déposer sur de grandes surfaces le matériau semi-conducteur sur une épaisseur extrêmement faible, de l'ordre du millionième de millimètre. Le prix du matériau devient alors très réduit.
Des technologies innovantes sont développées en France au sein de l'Institut de recherche et développement sur l'énergie photovoltaïque, l'IRDEP, installé en région parisienne, et, plus récemment, de l'Institut national de l'énergie solaire (INES). La France dispose donc des ressources technologiques permettant d'engendrer un développement industriel.
Pour en revenir à Photowatt, le Président de la République a dit très clairement dans son discours de Bourgoin-Jallieu que cette usine devait miser, pour assurer son avenir, non pas sur les technologies actuelles, mais sur l'hétérojonction, développée dans le cadre de PV Alliance, et dont les rendements sont très élevés.
Nous ne parviendrons à développer de nouveau une filière industrielle française que sur la base de l'innovation et de la haute performance. Bosch, par exemple, a investi non pas sur la cellule, mais sur l'assemblage des cellules en modules. Cette voie, qui est envisageable, permet de produire des modules photovoltaïques adaptés au marché français et, entre autres, à notre exigence particulière en matière d'intégration au bâtiment.
Vous avez dit que la part des énergies renouvelables était passée, entre 2007 et 2011, de 6 % à 13 %...
Je crois avoir plutôt dit de 9 % à 13 %.
Dans ce cas, mon raisonnement n'est plus le même. Si l'on était passé de 6 % à 13 % de 2007 à 2011, ou 2012, il nous était tout à fait possible d'atteindre 23 % en 2020. La progression de 9 % à 13 %, soit 4 %, est bien moins importante. Il faudrait donc que la progression globale soit de 10 % entre aujourd'hui et 2020. Cela vous paraît-il possible ?
Une telle progression est possible, mais nous ne sommes pas aujourd'hui sur la bonne trajectoire. J'ajoute que les progrès accomplis depuis 2007 l'ont été grâce aux biocarburants.
La part de biocarburants consommés et produits en France est passée de zéro, ou presque, à 2,5 millions de tonnes équivalent pétrole. Nous avons probablement atteint la limite de ce qu'il est possible de faire, en France, en matière de biocarburants de première génération. Nous ne ferons plus de progrès dans ce domaine ; il est donc inutile de prolonger cette tendance.
Cet objectif est donc réalisable, mais nous devons faire remonter la courbe de progression.
Pour cela, dites-vous, il convient d'évaluer le prix de chaque filière au plus juste. Les administrations doivent apporter leur soutien. Le prix doit permettre d'éviter des situations de rentes, mais tenir compte aussi des investissements.
Il faut également, selon vous, développer la filière industrielle, et donc les industries de proximité, comme le disait le Président de la République.
Vous avez souligné que l'on avait créé une demande, alors que l'offre n'existait pas. Les entreprises françaises du secteur souffraient donc d'un manque de compétitivité, non parce qu'elles étaient absentes du marché, mais à cause des économies d'échelle réalisées par d'autres pays. Pourquoi les entreprises françaises n'ont-elles pas été capables de faire des économies d'échelle ?
Si l'on m'avait dit que leurs difficultés étaient liées à la différence de coût de la main-d'oeuvre, j'aurais pu le comprendre ! Or, vous soutenez qu'il s'agit seulement d'une question d'économies d'échelle... Dès lors, je m'interroge : pourquoi nos entreprises n'en ont-elles pas aussi profité ?
Par ailleurs, alors que vous estimez que leur salut peut venir du développement de technologies plus pointues, pourquoi les entreprises chinoises ne seraient-elles pas capables, elles aussi, de développer de telles technologies ?
Vous avez déclaré, également, qu'il fallait supprimer les réglementations visant à empêcher les petites installations, dans les domaines du solaire et surtout de l'éolien, afin de soutenir toutes les formes d'énergies renouvelables.
Vous avez indiqué que la population acceptait bien mieux l'éolien qu'on ne le dit généralement. Malgré tout, le développement des énergies renouvelables, de l'éolien en particulier, est forcément limité dans l'espace. Selon vous, quelles sont ces limites ?
Estimez-vous qu'il faille aussi limiter l'installation de fermes solaires, pour des raisons liées au respect des espaces, des paysages, du patrimoine ?
Mes questions portent donc, tout à la fois, sur l'économie, les conditions d'installation, le prix et les limites spatiales du développement de l'éolien et du solaire.
Vous avez évoqué la concomitance entre le développement de l'offre et celui de la demande. La demande, qui s'est développée en 2007 et 2008, était en effet largement supérieure à la capacité de production de Photowatt. L'offre n'était donc pas à la hauteur.
On peut probablement reprocher aux actionnaires de Photowatt de l'époque de n'avoir pas su mesurer les investissements qu'il était nécessaire de faire, notamment dans le domaine de la recherche-développement, pour permettre à l'entreprise de garder un avantage compétitif.
J'ai parlé des investissements massifs réalisés par la Chine. Nous aurions aussi pu, en France, réaliser de tels investissements.
Les pays d'Asie, notamment la Chine, disposent néanmoins d'un avantage en termes de coût de la main-d'oeuvre, ce qui explique l'ampleur de leurs investissements. Cela dit, l'avantage du faible coût de la main-d'oeuvre concerne plus la phase en « aval » de la production, c'est-à-dire l'assemblage en modules, que la fabrication de la cellule proprement dite.
Vous m'avez demandé, monsieur le rapporteur, quel était notre avantage sur l'industrie chinoise en termes d'innovations.
Pour l'heure, même si cela ne durera pas, les Français, comme les Américains et les Japonais, ont un avantage sur la Chine en termes de ressources en recherche-développement. Nous devons cependant avoir conscience que la Chine travaille actuellement pour développer ses performances en la matière, et qu'elle finira par nous rattraper. Nous devons donc accepter la compétition à ce niveau, le seul auquel nous pouvons encore concurrencer la Chine.
J'ai aussi évoqué les obstacles administratifs relatifs à l'éolien. Il s'agit non pas d'autoriser l'installation d'éoliennes n'importe où et n'importe comment, sans prévoir aucune règle de protection de la population et de l'environnement, mais d'éliminer les règles redondantes ou celles qui n'ont pas de fondement.
Je pense, à cet égard, à la règle prévoyant l'installation de cinq mâts d'éoliennes, au minimum, par parc. Une telle règle peut avoir du sens dans la Beauce, car les terres y sont immenses. En Bretagne, en revanche, où l'habitat est extrêmement dispersé, il devient très difficile d'installer cinq éoliennes ou plus par parc, surtout si l'on veut respecter la règle de l'éloignement des 500 mètres de toute habitation.
Je tiens à le dire clairement : réclamer une simplification des procédures administratives ne signifie en aucun cas rendre la réglementation « laxiste ».
La simplification de certaines règles administratives permettrait d'ouvrir l'accès à l'éolien aux citoyens et aux petites collectivités, ce qui favoriserait son acceptation par la population.
J'en viens aux limites spatiales.
Pour le développement de l'éolien terrestre, tout d'abord, je pense que les limites techniques sont probablement moins fortes que les limites sociétales. Nous avons évoqué la question de l'acceptabilité. Il est bien évident que si l'on avait installé dans notre pays des éoliennes tous les 200 mètres, cela poserait un problème d'acceptation.
La limite de l'acceptation sociale est difficile à évaluer aujourd'hui. Elle sera déterminée au fur et à mesure du développement de cette énergie, et nous verrons bien à quel moment les populations en auront assez.
L'effet inverse pourrait aussi très bien se produire. Nous constatons aujourd'hui que les populations qui vivent à côté d'un parc d'éoliennes acceptent et perçoivent l'éolien bien mieux que celles qui ne les « vivent » pas au quotidien.
Pour ce qui concerne l'éolien en mer, les limites sont tout aussi difficiles à cerner, même si elles sont surtout d'ordre technique. Pour installer des éoliennes en mer, il faut tenir compte de la profondeur, de la distance du rivage. Néanmoins, contrairement à ce que beaucoup croient, il se pose également des problèmes d'acceptation. Je rappelle en effet que les usagers de la mer sont nombreux, dans les secteurs tant du tourisme, de la pêche, du transport que de l'exploitation de granulats, entre autres.
De nombreuses contraintes, que nous n'avons pas encore suffisamment explorées, pèsent donc sur l'éolien en mer. Les mesurer nous permettrait d'évaluer les limites du développement de cette technologie.
Ces limites pourraient s'élargir grâce aux progrès technologiques. Il est en effet question, vous le savez, de développer l'éolien flottant. Les éoliennes seraient alors posées non pas sur les fonds marins, mais ancrées, ce qui permettrait de les installer sur des zones d'une profondeur atteignant 150 mètres, alors que nous sommes aujourd'hui limités à des profondeurs de 30 ou 40 mètres. Ce serait un moyen de repousser ces fameuses limites, que l'on ne connaît pas encore très bien.
Pour ce qui concerne le solaire, le potentiel de développement est beaucoup plus important, pour une raison simple : l'endroit idéal pour installer des panneaux solaires, ce sont les bâtiments. Pour vous donner un ordre de grandeur, l'installation de panneaux photovoltaïques sur 10 000 kilomètres carrés de bâtiments permettrait de couvrir deux fois la consommation d'électricité en France. Ce chiffre, certes tout à fait théorique, suffit à démontrer qu'il convient d'installer les panneaux photovoltaïques en priorité sur les surfaces artificialisées.
Nous devons éviter, bien sûr, d'implanter des centrales photovoltaïques dans les zones agricoles, mais nous disposons de bien d'autres surfaces disponibles, de différentes sortes. Vous avez cité, monsieur le président, l'exemple d'une base militaire désaffectée. On pourrait aussi évoquer les décharges ou les friches industrielles, qui constituent un vaste potentiel d'exploitation.
Les bâtiments, et en premier lieu ceux qui sont neufs, représentent la solution idéale pour cette technologie, et permettront la production de très nombreux gigawatts.
Je souhaite conclure cet entretien par une question et deux constats.
Tout d'abord, la décision prise l'année dernière, à l'issue du moratoire, de fixer à 500 mégawatts la limite de production du solaire vous paraît-elle pertinente pour relancer la filière française de fabrication des panneaux photovoltaïques ? Permettra-t-elle vraiment de développer l'emploi dans ce secteur économique, compte tenu de la partition existante, et qui s'apparente à un véritable saucissonnage, entre installations sur les toitures et centrales au sol ?
Premier constat : les militaires se plaignent des difficultés que leur posent les éoliennes, non parce qu'ils ne peuvent pas passer entre des pales en rotation (sourires), mais parce que ces installations sont une source de brouillage électromagnétique des radars des avions lors des vols à basse altitude autorisés dans les zones militaires protégées. Je précise que je tiens ces informations directement d'un général de l'armée de l'air.
Second constat : le service départemental d'incendie et de secours dont je m'occupe commence à rencontrer des difficultés lorsque des feux se déclenchent dans des bâtiments équipés de panneaux solaires, à cause de l'énergie solaire produite en pleine journée.
L'incendie d'une maison ou d'une grange dont la toiture est recouverte de panneaux solaires - cela ne se produit certes pas tous les jours - peut provoquer une coupure de courant. Les pompiers peuvent être privés d'eau, alors que cette dernière est le moyen le plus efficace pour éteindre les incendies. Se pose par ailleurs le problème de la conductibilité de l'électricité, donc de la sécurité des sapeurs-pompiers.
Les industriels seront-ils suffisamment imaginatifs pour inventer un système comparable à celui qui existe pour le gaz, et qui permet de couper les vannes de l'extérieur du bâtiment en cas d'incendie ? C'est un réel problème, qui devient un enjeu de sécurité pour les sapeurs-pompiers.
Monsieur le rapporteur, la limite des 500 mégawatts par an ne nous paraît pas suffisante pour développer la filière industrielle du solaire. Nous proposerons donc, dans notre livre blanc, une limite de 1 500 à 2 000 mégawatts par an.
Si nous voulons donner de la visibilité aux industriels, nous devons prévoir un chiffre bien supérieur à ces 500 mégawatts par an. Rappelons qu'il existe en France, outre Photowatt, plusieurs projets industriels dans ce secteur. Avec une telle limite de production, nous ne pourrions pas opposer de résistance à la concurrence étrangère, qui tentera, elle aussi, de s'imposer.
Cette limite des 500 mégawatts par an avait été fixée, également, en fonction des coûts que représentait le photovoltaïque pour la CSPE au début de l'année 2011. Sachant que ces coûts ont fortement diminué, on peut aujourd'hui envisager d'adopter un rythme annuel bien supérieur, à condition, encore une fois, de mener une politique industrielle permettant de transformer les coûts de la CSPE en investissements.
Les choses sont en cours. Je n'en ai pas beaucoup parlé jusqu'à présent, mais il faut savoir que les investissements d'avenir, qui sont gérés par l'ADEME, permettent de financer des sauts de verrous technologiques initiés par une série d'industriels mobilisés sur le marché français.
Pour ce qui concerne les brouillages de radars, monsieur le président, je suis quelque peu surpris par votre observation.
Nous rencontrons certes quelques problèmes avec les radars. Ces appareils sont de trois types : les radars de l'aviation civile, ceux de l'aviation militaire et ceux de Météo France.
Jusqu'à présent, notre dialogue avec l'armée a toujours été excellent, et nous évitons d'installer des éoliennes à proximité des radars militaires. L'armée a d'ailleurs la possibilité de nous l'interdire.
Je parlais des radars embarqués dans les avions ! Dans certaines zones, en France, les appareils sont autorisés à effectuer des vols d'entraînement à très basse altitude, et il semble que les éoliennes leur posent un problème. Je suis l'élu d'un département très « éoliannisé », si vous me permettez d'utiliser ce néologisme. L'installation de 220 éoliennes a été autorisée, et 190 ou 200 ont déjà été érigées.
Les développements technologiques actuels portent sur des éoliennes non pas furtives, mais à signature réduite. Ainsi, le grand industriel EADS développe actuellement, grâce aux investissements d'avenir gérés par l'ADEME, des pales à signature réduite, destinées à éviter, ou tout au moins à diminuer, les brouillages de radars.
Nous rencontrons ce genre de problème principalement avec Météo France, dont les radars doivent repérer des objets bien plus petits, des gouttelettes d'eau, ce qui est parfois difficile !
Les erreurs de prévisions météorologiques seraient donc dues aux éoliennes ?...
Nous n'avons pas encore provoqué, à ce jour, de brouillage sur les orages cévenols !...
Pour ce qui concerne la réglementation relative aux incendies, nous nous sommes saisis de ce problème et y travaillons avec les autorités concernées. Il existe des dispositifs permettant de court-circuiter les panneaux en cas d'intervention des pompiers. Il nous faut désormais mettre en oeuvre les dispositifs expérimentés, et nous diffusons une réglementation sur ce sujet.
Monsieur Bal, je vous remercie pour toutes les précisions que vous nous avez apportées au cours de cette audition, qui a duré un peu plus d'une heure et quart.
Je remercie également les différents intervenants, notamment M. le rapporteur et M. Jean-Pierre Vial.
Il se peut que, au cours des travaux de cette commission d'enquête, qui doit s'achever à la fin du mois de juin, et en fonction de l'évolution des réflexions du rapporteur et de l'équipe administrative du Sénat, nous nous permettions de faire de nouveau appel à vous, dans le cas où nous aurions besoin de précisions supplémentaires.
Ce sera avec un grand plaisir !