Vous l’aurez compris, mes chers collègues, il y a une faille dans le processus que l’on nous propose, mais il n’y en a pas dans le raisonnement de cette brave Martiniquaise. Elle a en effet compris toute la portée du principe de l’assimilation législative, consacré par la décision du Conseil constitutionnel du 2 décembre 1982, qui a d’ailleurs pu être rendue à la suite de l’intervention vigilante des sénateurs.
Le corollaire de ce principe, c’est l’égalité sociale, dont la mise en œuvre par le président François Mitterrand s’est poursuivie et a abouti, serais-je même tenté de dire, sous la présidence de Jacques Chirac.
Oui, mes chers amis, l’égalité sociale est un principe constitutionnel ; elle est inscrite au cœur de nos droits. Loin de moi l’idée de vous faire un procès d’intention, mais, en soutenant le passage au régime prévu par l’article 74 de la Constitution, vous ouvrez la possibilité de transférer ce droit constitutionnel à une loi organique.
Le domaine de la loi est, certes, le domaine du possible, mais c’est aussi, parfois, celui de l’impossible. Dans la démarche prônée – c’est tout le problème –, apparaît en filigrane la transformation d’un principe constitutionnel en un principe législatif. Pour notre part, nous faisons le pari inverse : pour ce qui est des droits fondamentaux, restons-en au principe constitutionnel de l’égalité sociale. Ce n’est pas une question de polémique, c’est une question de vérité.
La loi n’est pas faite pour ne durer qu’un an. Compte tenu de la conjoncture actuelle, marquée par la mondialisation, la crise économique et la montée en puissance des pays d’Asie, qui peut dire si, dans vingt, trente ou quarante ans, la Haute Assemblée ne répondra pas favorablement à une demande de délégation ? Nous ne pourrons alors que reconnaître notre responsabilité, celle d’avoir poussé le peuple dans la voie de l’erreur !
Par conséquent, le choix proposé, peu clair, est pour le moins risqué. En optant pour l’article 74 de la Constitution, on quitte le boulevard de l’égalité constitutionnelle pour emprunter le sentier sinueux et ô combien aventureux de l’égalité législative.
Telle est notre analyse.
Nous respectons les positions de chacun, mais nous entendons que l’on respecte les nôtres, car elles sont partagées par la quasi-totalité des populations que nous représentons.
En cet instant, je veux citer le garant de l’unité de la République.
Voici, sans déformer le moins du monde ses propos, ce qu’a déclaré en Martinique, le 26 juin dernier, le Président de la République : « [Plus] une collectivité deviendra autonome, moins l’État aura de prise sur les affaires qui la concernent et plus elle devra assumer. Plus une collectivité est autonome, plus elle doit s’assumer. » C’est l’évidence même !