Intervention de Catherine Bonnet

Mission commune d'information Répression infractions sexuelles sur mineurs — Réunion du 6 février 2019 à 16h30
Audition conjointe de mmes isabelle de gaulmyn rédactrice en chef au journal la croix catherine bonnet ancien membre de la commission vaticane chargée de lutter contre la pédophilie dans l'église soeur véronique margron théologienne présidente de la conférence des religieuses et religieux en france corref père stéphane joulain père blanc psychothérapeute spécialisé dans le traitement des abus sexuels père pierre vignon prêtre du diocèse de valence

Catherine Bonnet, ancien membre de la commission vaticane chargée de lutter contre la pédophilie dans l'Église :

Je partage tout à fait l'avis du père Joulain. Le père Vignon est trop bon !

Les violences sexuelles sont intentionnelles. Certaines, brutales, provoquent une forme traumatique. L'un de mes livres, L'enfant cassé, traite des victimes d'un prêtre qui était le meilleur enseignant de la classe de CP. Tout le monde le réclamait. Il était extraordinaire.

Nous n'avons pas, en France, une bonne traduction du terme grooming. Il s'agit de « faire le gentil », comme disent les enfants, avant « d'être méchant ». L'un de mes petits patients de dix ans me disait : « Il est très méchant et, en même temps, il nous fait des chatouilles ». L'érotisation des enfants est terrible. Les enseignants m'envoyaient des enfants qui commettaient des agressions sexuelles sur d'autres enfants. En l'espace d'une ou deux consultations, l'enfant dévoilait qu'il en avait été victime.

L'adolescence est une période extrêmement importante. C'est pourquoi la prévention est essentielle. Faute de détection précoce, il existe en effet un risque de fixation.

Quant au célibat des prêtres, je rappelle que 85 % des agressions sexuelles en France relèvent de l'inceste et qu'elles sont donc commises majoritairement par des hommes mariés...

Quand une agression a lieu dans un milieu institutionnel, il faudrait procéder à des enquêtes dans la famille. Dans l'Église, certains prêtres ont également agressé des membres de leur famille. Il faut que les procureurs travaillent sur cet aspect des choses.

Père Pierre Vignon. - Laëtitia Saavedra-Cherel, journaliste à Radio France, a enquêté sur un prêtre de Paris, aujourd'hui très âgé, qui a saccagé trois générations de sa famille, sans compter le reste...

Père Stéphane Joulain. - La problématique du célibat n'est pas nécessairement là où on désire la voir. Il est vrai qu'un style de vie qui se veut et se dit asexuel est toujours un peu suspect dans les sociétés où la sexualité est importante, mais ce qui « allume » un pédophile, ce n'est pas une femme, ni un homme, c'est le corps d'un enfant. Vous pourrez mettre dans son lit toutes les femmes que vous voudrez, il ne se passera rien. Cela ne réglera donc pas le problème, même si cela peut combler un vide affectif chez certains.

La question du célibat est la clé d'accès au pouvoir dans l'Église catholique. La problématique de l'institution, c'est de savoir qui encadre quoi, et à qui ceux qui exercent et qui sont détenteurs du pouvoir rendent des comptes. On peut, par exemple, désirer plus de femmes dans l'Église catholique, mais il ne faut pas se faire d'illusions : on sait par la recherche que le nombre des agressions sexuelles commises par des femmes augmente, non pas seulement en tant que complices d'un homme violent, mais aussi comme seule auteure de l'agression sexuelle. Dans les universités américaines, par exemple, les femmes qui sont en position d'autorité dans les universités, comme doyenne ou chef de service, sollicitent de plus en plus leurs étudiants pour du sexe. C'est donc l'encadrement du pouvoir qui est problématique. À qui rendons-nous des comptes ?

Une fois le prêtre catholique ordonné prêtre, c'est un « missile autoguidé » : il rend compte de temps en temps à son évêque, et c'est tout. L'accompagnement spirituel pouvait être considéré comme un garde-fou, mais certains prêtres n'en ont bénéficié qu'une seule fois, en sortant du séminaire ou à l'occasion d'une grande retraite. En tant que psychothérapeute, je dois rendre des comptes à un superviseur. J'aimerais que l'Église catholique prévoie un superviseur pastoral pour ses prêtres, quelqu'un face à qui ils iront s'asseoir une fois par mois ou une fois tous les deux mois pour faire le point sur leurs pratiques pastorales, leur vie, etc.

Sans ces garde-fous, on place un pouvoir absolu dans les mains du prêtre - sans parler des évêques - et cela pose problème.

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