Ce texte avait suscité beaucoup d'attente avant même son dépôt. En première lecture, et malgré une certaine déception quant à son véritable contenu, nous avions choisi de l'aborder sans a priori, de manière constructive, pour le rendre plus opérant et lui donner une cohérence qui lui faisait défaut.
Derrière l'échec de la commission mixte paritaire, il y a, d'une part, certains désaccords de fond, non réglés à ce stade, et, d'autre part, un effort insuffisant pour aboutir à des compromis, qui, pourtant, ne nous semblent pas hors d'atteinte. C'est dans cet état d'esprit que nous avons abordé cette nouvelle lecture, avec l'espoir de continuer à améliorer les dispositions qui méritent de l'être.
L'Assemblée nationale a rétabli le texte de l'article 2, créant un « droit à l'erreur » et un « droit au contrôle », tel qu'issu de ses travaux en première lecture, sans vraiment examiner le travail du Sénat. Je le regrette. Nous avions proposé une série d'ajustements pour préciser le dispositif, l'ouvrir davantage et le rendre plus incitatif. Je ne vois aucune raison de ne pas rétablir ces apports.
Comme on pouvait s'y attendre, l'Assemblée nationale a également supprimé l'extension du bénéfice du droit à l'erreur aux collectivités territoriales prévue à l'article 2 bis A, un sujet qui avait cristallisé une partie des débats en CMP. Je demeure convaincue de l'utilité de cette disposition. Le dispositif initial n'en serait absolument pas dévoyé, comme on nous l'oppose, car le droit à l'erreur s'exercerait dans les conditions du droit commun. Dans un esprit de compromis, je vous proposerai de réserver le bénéfice de cette disposition aux communes de moins de 3 500 habitants ou aux établissements publics de coopération intercommunale dont aucune commune membre n'a plus de 3 500 habitants. Si nous voulons vraiment que cette mesure soit adoptée, il faut faire des concessions !
Par ailleurs, nous pouvons nous féliciter de l'adoption par l'Assemblée nationale du report de trois ans de l'inclusion des élus locaux et fonctionnaires dans le champ d'application du répertoire numérique des représentants d'intérêts prévu par la loi Sapin 2. Ce report constitue un compromis très satisfaisant et permet d'acter les difficultés de mise en oeuvre du dispositif voté en 2016. Cette avancée est bien à mettre au crédit du Sénat, dans le cadre d'un travail de fond mené de concert avec le président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
Si la CMP n'a pas abouti, ce n'est pas à cause des dispositions fiscales du texte.
Tout d'abord, plusieurs articles ont fait l'objet d'une adoption conforme en première lecture, notamment ceux qui concernent la réduction de l'intérêt de retard ou la non-application des sanctions en matière douanière et de contributions indirectes lorsque le contribuable est de bonne foi. Mais ces dispositions n'ont rien de particulièrement ambitieux : le droit à l'erreur existe depuis longtemps en matière fiscale et la diminution de l'intérêt de retard est une simple mesure d'incitation au civisme fiscal, et non un nouveau « droit à l'erreur ».
L'article 4, également adopté conforme en première lecture, contient l'avancée la plus substantielle du texte en faveur des contribuables, la « garantie fiscale ». Nous sommes tombés d'accord avec les députés pour inscrire, dans la loi, cette disposition prévoyant que tout point examiné lors d'un contrôle fiscal et n'ayant pas fait l'objet d'un redressement serait considéré comme validé par l'administration, y compris tacitement : cela semble être la moindre des choses, mais il se trouve que ce n'est pas le cas aujourd'hui.
Dans le même esprit, le Sénat avait adopté un article 4 bis A, précisant que le courrier adressé au contribuable à l'issue du contrôle mentionnerait les points ayant fait l'objet de rectifications, mais aussi les points contrôlés n'ayant pas fait l'objet de rectifications. Les députés ont adopté ce dispositif en nouvelle lecture, avec un amendement du Gouvernement prévoyant que les points contrôlés sont les mêmes que ceux auxquels s'applique la garantie fiscale. Cette clarification est bienvenue : elle sauvegarde l'esprit de la garantie fiscale, tout en écartant le risque d'une interprétation excessivement large. En contrepartie de cette nouvelle disposition, un effort de transparence de la part de l'administration fiscale s'impose. Nous y serons très attentifs.
D'autres dispositions introduites par le Sénat ont été reprises par les députés. En outre, le Gouvernement a renoncé à supprimer, en seconde délibération, la dispense d'obligation de télé-déclaration pour les contribuables résidant dans une zone blanche, introduite par le Sénat à l'article 3 bis AAA.
Toujours par esprit de compromis, nous proposons de ne pas rétablir trois articles introduits par le Sénat et supprimés par l'Assemblée nationale : l'article 3 bis AA - qui assouplissait les obligations déclaratives pour bénéficier du taux réduit de TVA sur les travaux de rénovation, cet assouplissement étant déjà permis par la doctrine - ; l'article 4 quinquies - qui assouplissait les obligations déclaratives pour bénéficier du pacte « Dutreil », le Gouvernement s'étant formellement engagé à traiter le problème dans le cadre de l'examen de la loi PACTE ou du prochain projet de loi de finances - ; et enfin l'article 6 bis - qui étendait la présomption de bonne foi des distributeurs de carburant « sous condition d'emploi », extension qui était sans doute trop imprécise pour être réellement applicable.
À l'initiative du Gouvernement, les députés ont supprimé les dispositions prévoyant, à l'article 4 bis AA, la non-application des amendes administratives pour les PME de moins de 21 salariés dans le cadre de la mise en oeuvre du prélèvement à la source. Nous reviendrons sur le sujet à l'occasion de l'examen d'un amendement de notre collègue Élisabeth Lamure.
Trois points de désaccord demeurent sur les dispositifs fiscaux. Sur chacun d'entre eux, un compromis est possible.
En premier lieu, l'Assemblée nationale a supprimé l'article 4 bis B, introduit par le Sénat, qui prévoyait la publication des réponses de l'administration aux demandes de rescrits ayant une portée générale et impersonnelle, estimant son champ trop large et s'en remettant aux engagements pris par l'administration sur la question. Nous proposons de le rétablir, mais dans une rédaction limitée aux demandes présentant un « intérêt » général, ce qui laisse à l'administration une plus grande marge d'appréciation, sans pour autant se contenter du statu quo.
En deuxième lieu, , le Sénat avait assorti le dispositif de l'article 4 ter qui prévoitl'ouverture au public de l'ensemble des données relatives aux transactions immobilières, d'une série de garanties nécessaires à la protection de la vie privée qui existent dans le droit en vigueur et qui auraient été supprimées. Nous proposerons de rétablir ces garanties, supprimées par l'Assemblée nationale, en conservant tout ce qui concerne l'anonymat des propriétaires. L'impossibilité d'effectuer des recoupements avec d'autres données semble en revanche impraticable dans le cadre d'un système d'open data.
En troisième lieu, le Sénat avait précisé l'habilitation initialement prévue à l'article 7 s'agissant de la « relation de confiance », jugée trop vague, afin de garantir, notamment, un accompagnement des entreprises dans leurs obligations déclaratives, en cours d'exercice, et une composition mixte des équipes chargées de la relation de confiance. Les députés ont choisi de rétablir le texte initial ; c'est insuffisant pour garantir que l'esprit de la relation de confiance ne soit pas détourné. Nous proposons donc le maintien du texte du Sénat, tout en conservant un apport des députés : la « labellisation », par l'administration, des sociétés engagées dans la relation de confiance.
Les dispositions touchant aux affaires sociales visent notamment à développer la médiation au sein des Urssaf, du régime agricole et des branches vieillesse et maladie du régime général. Dans le cadre de la procédure de législation en commission, la commission spéciale a adopté plusieurs amendements pour préciser ces dispositions. Sur proposition du Gouvernement, l'Assemblée nationale a créé un dispositif de médiation harmonisé pour les branches du régime général de la sécurité sociale, y compris la branche recouvrement, laissant persister le dispositif propre au régime agricole. Ce dispositif tient compte des garanties que nous avions souhaité apporter.
En première lecture, nous avons choisi d'encadrer davantage l'expérimentation d'un régime dérogatoire au droit du travail pour permettre la mise en place de prestations de relayage des proches aidants. L'Assemblée nationale est revenue à son texte ; je proposerai de rétablir le nôtre.
Je proposerai également le rétablissement de l'article visant à moduler le montant de l'annulation des exonérations de cotisations sociales encourue par l'employeur lorsqu'il omet de déclarer certaines heures supplémentaires ou qu'une prestation de service est requalifiée en travail salarié.
Enfin, je proposerai, à nouveau, la suppression de l'habilitation demandée par le Gouvernement pour réformer par ordonnance les règles régissant les modes d'accueil du jeune enfant. Il s'agit d'un cavalier législatif et le champ de l'habilitation est excessivement large.