À Dunkerque, ce sont les mères de famille avec une poussette qui ne peuvent plus prendre le bus à certaines heures, notamment en cas de pluie.
Enfin, dernier point mal anticipé par certaines collectivités qui mettent en place la gratuité, à Châteauroux notamment, on a assisté à une explosion de la fréquentation. Or l'offre de service n'avait pas été dimensionnée pour évoluer assez vite pour faire face à cette explosion. Au final, les collectivités se privent d'une recette, doivent augmenter les investissements afin d'accroître le cadencement, voire diversifier les lignes, alors qu'elles ont moins de moyens financiers pour ce faire.
Châteauroux a réussi à faire évoluer son offre, notamment parce que le taux du versement transport n'était pas à son plafond, mais c'est un vrai défi pour ces collectivités.
En conclusion, la gratuité totale peut être une bonne idée. Dans le cas de Châteauroux, on a constaté un report modal assez intéressant de la voiture vers les transports en commun - mais Châteauroux partait d'un système de transport très faible et l'a beaucoup amélioré. Il se situe aujourd'hui dans la moyenne des autres réseaux. La gratuité totale peut donc constituer une bonne idée, mais doit être étudiée au cas par cas.
On est sûr que c'est une fausse bonne idée dans toutes les villes où les réseaux sont bien installés, en synergie avec d'autres modes de transport. C'est encore plus une aberration dans les villes où le réseau est saturé. C'est aussi une mauvaise idée dans les villes où la part modale de la voiture est déjà faible ou décroissante, grâce aux politiques qui ont été mises en place. Dans ce cas, la gratuité n'apporte rien de plus.
J'ai récemment demandé à un technicien de Nantes si la gratuité constituait un sujet pour la ville. Il m'a répondu qu'il n'avait jamais entendu quelqu'un se plaindre du prix des transports, mais plutôt de la mauvaise desserte, de la lenteur des déplacements, de l'inconfort. Le coût, notamment dans les villes où le réseau de transport est dense et fonctionnel, n'est pas un facteur limitant. Jouer sur celui-ci ne va donc pas transformer l'usage des transports en commun.
On parle beaucoup de la gratuité. Ce qui m'interpelle, c'est plutôt l'interurbain. Si on offre un service gratuit aux personnes desservies par le réseau de transport - ce qui ne concernera peut-être pas tous les administrés -, qu'en sera-t-il des habitants au-delà de la frontière administrative qui viennent sur l'agglomération ? La question de la gratuité questionne aussi la gouvernance du transport en interurbain, en inter-agglomération et l'égalité des administrés.
Je précise que la seule évaluation qui existe sur la gratuité totale est une étude de l'Ademe de 2007. Elle porte sur le cas de Châteauroux, mais recense un certain nombre de réseaux sur lesquels on trouve des tarifications au moins incitatives. Cette étude est en ligne. Je pourrais vous faire suivre le lien.