Mission d'information Gratuité des transports collectifs

Réunion du 21 mai 2019 à 13h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Vullien

Mes chers collègues, madame, monsieur, l'intitulé même de notre mission d'information « la gratuité des transports collectifs : fausse bonne idée ou révolution écologique et sociale des mobilités ? » montre bien l'objet de notre table ronde d'aujourd'hui : préciser les effets environnementaux de la gratuité totale, c'est-à-dire pour tous, tout le temps et sur tout le réseau.

À l'origine, la mise en oeuvre de cette forme particulière de gratuité ne répondait pas vraiment à une préoccupation environnementale. Celle-ci n'a émergé que plus tard dans les motivations des élus qui ont décidé du passage à la gratuité des transports dans leur collectivité. Mais bien que récent, cet enjeu est aujourd'hui unanimement reconnu et la congestion des villes, avec tous ses effets néfastes en termes de pollution et donc d'impact négatif sur la santé et le réchauffement climatique, est au coeur de la problématique qui nous réunit aujourd'hui.

Malheureusement, il est très difficile de se faire une idée précise du report modal de la voiture vers les transports collectifs gratuits. Les experts que nous avons déjà entendus semblaient plutôt s'accorder sur son caractère limité. S'agissant de son impact environnemental global, certains ont même évoqué une conséquence a priori inattendue : en facilitant les déplacements des personnes les plus éloignées des centres-villes, la gratuité des transports collectifs pourrait contribuer à l'étalement urbain, que nous essayons tous d'endiguer.

C'est pour y voir plus clair sur tous ces aspects que nous avons souhaité vous entendre aujourd'hui. Je vous souhaite donc la bienvenue au nom de tous les membres de notre mission d'information.

Avant de passer la parole à Mme Élodie Trauchessec, chargée des mobilités émergentes au service Transports et Mobilité de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), puis à M. Dominique Mignot, directeur du département Transport, Santé et Sécurité de l'Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux (Ifsttar), je vous précise que nous avions sollicité les représentants du Réseau Action Climat-France, qui ont finalement décliné notre invitation. Les calendriers de chacun sont, il est vrai, fort chargés.

Je vais maintenant laisser la parole à chacun d'entre vous pour une dizaine de minutes. Notre rapporteur, Guillaume Gontard, vous interrogera ensuite, puis ceux de nos collègues qui le souhaitent interviendront.

Madame Trauchessec, vous avez la parole.

Élodie Trauchessec, chargée des mobilités émergentes au service £ Transports et Mobilité (Ademe)

Ainsi que cela a été dit, je suis animatrice des mobilités émergentes. Mes thématiques concernent les mobilités actives récemment définies dans la loi d'orientation des mobilités - vélo, marche, etc. - et les mobilités partagées. On me faisait récemment remarquer à ce propos que les transports en commun constituent une mobilité partagée.

Une trentaine de villes en France ont actuellement mis en place la gratuité totale des transports. On ne peut donc plus parler d'effets de niche. Ceci représente 176 réseaux de transport et une trentaine de collectivités. S'agit-il d'une révolution culturelle ? Faut-il l'encourager ou veiller à ne pas faire fausse route ?

Je participais, à Dunkerque, le 4 septembre dernier, aux premières rencontres des villes ayant mis en place le transport gratuit, événement annuel lancé l'année dernière pour la première fois, et qui doit être reconduit tous les ans.

J'ai eu l'occasion d'y prendre le bus, la gratuité datant du 1er septembre. C'est une expérience assez agréable : vous arrivez dans une ville que vous ne connaissez pas, vous n'avez pas à vous préoccuper d'acheter des tickets, de les conserver, de faire l'appoint ou de savoir si la carte bleue est acceptée ou non.

Cela étant, cette expérience de mobilité continue sera possible demain avec le MaAS (Mobility as A Service). On pourra avoir, en payant, la même expérience sans se préoccuper du ticket, de son achat, etc.

On présente souvent la gratuité comme une mesure sociale et environnementale. Ce n'est pas systématique, loin de là ! D'ailleurs, les pionniers en la matière, comme Châteauroux, n'avaient pas du tout pensé cette mesure comme environnementale ou sociale.

Le maire actuel de Châteauroux aime à raconter que le maire qui a mis en place la gratuité était de droite et concessionnaire automobile. Son objectif n'était pas de réduire la circulation automobile, mais d'optimiser le rapport coût-efficacité de son service de transport. L'offre était auparavant très pauvre, peu utilisée et ne remplissait pas la vocation sociale qu'elle peut avoir dans une ville de cette taille.

En parallèle de cette expérience de gratuité qui remonte à 2001, Châteauroux avait également rendu gratuit le stationnement automobile et fluidifié la circulation en ville. On n'était pas dans un objectif de décongestion ou de réduction de la voiture en ville, mais dans une politique de dynamisation économique du centre-ville.

La gratuité des transports peut cependant présenter un impact environnemental intéressant si elle permet un report modal de la voiture individuelle et éventuellement des deux-roues motorisés vers les transports en commun. On aura alors un apport sur toutes les externalités négatives que l'on a autour des voitures - bruit, émissions de gaz à effet de serre, émissions polluantes, accidentalité, congestion, etc.

Or la métrique utilisée aujourd'hui est toujours basée sur le degré de remplissage des bus. Un bus rempli n'a jamais contribué à réduire le nombre des voitures ! Un bus rempli de personnes utilisant la voiture auparavant amène certes la décongestion et le report modal, mais il prend surtout des parts modales à la marche et au vélo. En outre, les personnes qui utilisent leur véhicule continueront à y recourir.

Dans certaines villes, on a constaté que la plupart des nouveaux usagers utilisaient des lignes de bus pour des distances très courtes et les saturaient, alors qu'elles sont utiles pour des distances plus longues. On entre également dans des thématiques de lutte contre la sédentarité, etc. Pour information, un urbaniste rappelait récemment que, selon des études sur le sujet, marche et vélo peuvent assurer à eux seuls les deux tiers des déplacements dans les grandes agglomérations.

Le potentiel des mobilités actives est extrêmement important, mais mettre des personnes dans les bus n'a pas de sens si ces personnes peuvent se déplacer différemment, avec un moindre impact environnemental et un effet sanitaire intéressant.

Première conclusion : sans dire qu'il faut se prononcer contre la gratuité totale des transports publics, une politique qui ne traite que de la gratuité constitue un non-sens. Il faut donc adopter une approche systémique, globale, décourager l'usage de la voiture, établir un report modal vers les transports en commun et mettre en place une politique suffisamment ambitieuse en matière de modes actifs pour que ceux-ci demeurent attractifs - cheminements, infrastructures, stationnements, services, etc.

À titre d'exemple, la politique du vélo coûte aujourd'hui 30 fois moins cher qu'une politique de transports en commun. C'est donc aussi une question d'efficience de la dépense publique.

On a également parlé de la gratuité totale comme d'une mesure sociale. Or la plupart des réseaux disposent déjà d'une tarification sociale. Il faut toutefois la demander, et tout le monde ne sait pas qu'elle existe. Elle a donc des limites, sur lesquelles on peut sûrement travailler. Selon les retours qu'on en a, la part des usagers captifs des transports en commun gratuits n'évolue pas : les gens qui prenaient le bus auparavant continuent à l'utiliser, mais la qualité de service s'est dégradée.

Il peut donc y avoir un effet pervers : en voulant faire monter plus de personnes dans le bus, on sature certaines lignes et on dégrade la qualité de service de personnes qui n'ont pas d'autres choix que de recourir aux bus : femmes avec enfant et poussette, seniors, personnes à mobilité réduite, etc. C'est une erreur qu'ont commise beaucoup de collectivités.

Debut de section - Permalien
Élodie Trauchessec, chargée des mobilités émergentes au service £ Transports et Mobilité (Ademe)

À Châteauroux certains seniors ont dit qu'ils préféreraient payer à nouveau et disposer de plus d'espace et de tranquillité pour prendre le bus.

Debut de section - Permalien
Élodie Trauchessec, chargée des mobilités émergentes au service £ Transports et Mobilité (Ademe)

À Dunkerque, ce sont les mères de famille avec une poussette qui ne peuvent plus prendre le bus à certaines heures, notamment en cas de pluie.

Enfin, dernier point mal anticipé par certaines collectivités qui mettent en place la gratuité, à Châteauroux notamment, on a assisté à une explosion de la fréquentation. Or l'offre de service n'avait pas été dimensionnée pour évoluer assez vite pour faire face à cette explosion. Au final, les collectivités se privent d'une recette, doivent augmenter les investissements afin d'accroître le cadencement, voire diversifier les lignes, alors qu'elles ont moins de moyens financiers pour ce faire.

Châteauroux a réussi à faire évoluer son offre, notamment parce que le taux du versement transport n'était pas à son plafond, mais c'est un vrai défi pour ces collectivités.

En conclusion, la gratuité totale peut être une bonne idée. Dans le cas de Châteauroux, on a constaté un report modal assez intéressant de la voiture vers les transports en commun - mais Châteauroux partait d'un système de transport très faible et l'a beaucoup amélioré. Il se situe aujourd'hui dans la moyenne des autres réseaux. La gratuité totale peut donc constituer une bonne idée, mais doit être étudiée au cas par cas.

On est sûr que c'est une fausse bonne idée dans toutes les villes où les réseaux sont bien installés, en synergie avec d'autres modes de transport. C'est encore plus une aberration dans les villes où le réseau est saturé. C'est aussi une mauvaise idée dans les villes où la part modale de la voiture est déjà faible ou décroissante, grâce aux politiques qui ont été mises en place. Dans ce cas, la gratuité n'apporte rien de plus.

J'ai récemment demandé à un technicien de Nantes si la gratuité constituait un sujet pour la ville. Il m'a répondu qu'il n'avait jamais entendu quelqu'un se plaindre du prix des transports, mais plutôt de la mauvaise desserte, de la lenteur des déplacements, de l'inconfort. Le coût, notamment dans les villes où le réseau de transport est dense et fonctionnel, n'est pas un facteur limitant. Jouer sur celui-ci ne va donc pas transformer l'usage des transports en commun.

On parle beaucoup de la gratuité. Ce qui m'interpelle, c'est plutôt l'interurbain. Si on offre un service gratuit aux personnes desservies par le réseau de transport - ce qui ne concernera peut-être pas tous les administrés -, qu'en sera-t-il des habitants au-delà de la frontière administrative qui viennent sur l'agglomération ? La question de la gratuité questionne aussi la gouvernance du transport en interurbain, en inter-agglomération et l'égalité des administrés.

Je précise que la seule évaluation qui existe sur la gratuité totale est une étude de l'Ademe de 2007. Elle porte sur le cas de Châteauroux, mais recense un certain nombre de réseaux sur lesquels on trouve des tarifications au moins incitatives. Cette étude est en ligne. Je pourrais vous faire suivre le lien.

Debut de section - Permalien
Dominique Mignot, directeur du département Transport, Santé et Sécurité (Ifsttar)

L'Ifsttar travaille beaucoup sur les questions de transport et de report modal. Personnellement, je me suis penché il y a quelques années sur les questions de tarification sociale et de mobilité pour les personnes en difficulté et, pour une autre partie de mes activités de recherche, sur les questions de report modal.

La question qui nous anime est un peu à la frontière des deux problématiques : la gratuité constitue une mesure découlant essentiellement de la tarification sociale, et ce sont des raisons environnementales qui soulèvent la question de leur efficacité. Ces deux notions sont assez indissociables.

On l'a dit, un trop grand recours aux transports en commun gratuits entraîne une dégradation du service ou un sous-investissement. On ne peut traiter la question de la gratuité uniquement sous l'angle de l'environnement sans la dissocier de l'aspect social.

À la fin des années 2000, selon une étude que nous avions réalisée, ce qui manquait le plus, c'étaient des abonnements gratuits ou à tarif réduit permettant de répondre aux besoins de la population en difficulté financière.

Les équipes qui avaient travaillé sur la question avaient identifié un besoin d'abonnement soit gratuit, soit à tarif réduit, permettant à la fois de faire les courses, de transporter les enfants, de chercher de l'emploi.

En fait, la gratuité pouvait être interprétée comme la première étape d'un ensemble de mesures tarifaires progressives allant jusqu'au plein tarif en fonction des revenus, du statut, etc.

L'application de ce type de tarification peut poser des problèmes et suppose d'agir en lien avec les services sociaux. Cela fonctionne dans un certain nombre de villes.

Le besoin de gratuité correspond à une vraie attente d'une partie de la population qui n'a pas les moyens d'accéder aux transports. La gratuité permet donc, à un moment donné, de revenir dans la vie sociale et d'accéder à l'emploi.

S'agissant du report modal, on s'appuie généralement sur un concept qui plaît beaucoup aux économistes, celui de coût généralisé qui représente, pour un déplacement, la somme du coût monétaire auquel on ajoute le temps passé, multiplié par une valeur du temps.

Cela revient à prendre en compte à la fois le coût du transport, mais aussi le temps, dont on sait bien qu'il constitue un élément sensible.

Le terme le plus important et le plus sensible pour orienter le choix du transport n'est pas le coût monétaire - qui ne représente qu'une petite partie du coût généralisé de transport -, mais le temps et sa valorisation, même s'il existe beaucoup de limites à cette analyse, dans laquelle, par exemple, on ne tient pas compte du confort.

La plupart des grandes villes - dont Paris - s'appuient sur cette analyse. Même si on annule le coût monétaire, cela ne va pas révolutionner les arbitrages de la plupart des usagers, qui choisiront leur mode de transport en fonction de la rapidité ou de motifs particuliers.

La question du motif est extrêmement importante. Certains travaux réalisés il y a quelques années ont montré que même si un transport collectif est pertinent et performant en termes de temps, le fait d'avoir des enfants à emmener à l'école, de faire de l'accompagnement ou de s'arrêter pour faire des courses amène un certain nombre de personnes à continuer à recourir à la voiture.

Quels sont les arguments qui pourraient contribuer à défendre la gratuité pour des raisons environnementales ? Le premier est de considérer que beaucoup de personnes vont choisir les transports collectifs. Je suis assez dubitatif quant à ce type de changement de comportement. À l'inverse, pour les personnes ayant le moyen de payer leur ticket, qu'est-ce qui justifie de ne pas le faire ?

Je suis convaincu de l'intérêt de la gratuité, pour des raisons sociales, comme première étape d'un dispositif de tarification sociale, mais pourquoi donnerait-on gratuitement accès aux transports collectifs à quelqu'un qui est prêt à utiliser spontanément sa voiture ? Ceci apparaît un peu contradictoire.

Selon moi, l'un des risques de la gratuité est de supprimer une partie des recettes. Certains réseaux sont déjà au taux maximum du versement transport et, même si la part des recettes issue de la tarification est assez faible, elle génère un bénéfice de quelques dizaines voire centaines de millions d'euros qui permet de développer le réseau de transports collectifs.

Le risque est que la gratuité se fasse « au détriment » d'une politique de développement du réseau. Je n'ai toutefois pas d'éléments d'évaluation sur cette question.

La gratuité pour tous va donc, selon moi, à l'encontre d'une véritable politique volontariste de développement des transports publics et d'une tarification sociale la plus redistributive possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Le périmètre de la mission, qui est un choix du groupe communiste républicain citoyen et écologiste (CRCE), concerne la notion de gratuité des transports au sens large, voire de gratuité partielle.

Une trentaine de collectivités sont passées à la gratuité. Ce n'est donc plus anecdotique mais un sujet prégnant dans la plupart des collectivités à l'approche des municipales. Il nous paraissait important d'y réfléchir au-delà des avis tranchés qui peuvent s'exprimer ici ou là.

La gratuité constitue selon moi un outil. Il faut qu'elle ait une utilité sociale et environnementale : le fait d'y recourir va-t-il permettre un report modal et de réduire l'utilisation des voitures ?

Avez-vous connaissance d'études autres que celles de l'Ademe en 2007 ? On dispose en effet de très peu d'éléments concrets à ce sujet. On entend souvent dire que la gratuité entraîne un report modal des personnes qui utilisent un vélo et des piétons, mais je n'ai jamais lu d'enquête détaillée à ce sujet. On a souvent l'impression qu'il s'agit d'un ressenti.

D'un autre côté, si le forfait Navigo peut presque donner un sentiment de gratuité des transports, il peut aussi permettre, à l'inverse, selon moi, de recourir à la marche ou au vélo, puisque l'usager a à tout moment le choix de reprendre les transports collectifs.

Il existe aussi des éléments contradictoires. On peut estimer - vous l'avez dit - que la gratuité n'a pas grand effet sur le comportement des individus : quelqu'un qui utilise sa voiture ne va pas forcément changer ses habitudes pour des raisons de gratuité. D'un autre côté, on prétend que la gratuité peut surcharger les réseaux.

Il me semble que c'est avant tout une question de financement. Si les usagers n'acquittent plus leur part, ceci entraîne un manque à gagner qui se reporte sur les investissements et donc sur l'offre de services.

Avez-vous une réflexion à ce sujet ? Certaines communes peuvent en effet envisager la gratuité grâce à la recette procurée par le versement transport, alors que d'autres ne peuvent moins.

Enfin, au-delà de la gratuité, la facilité d'accès peut permettre de passer du vélo au bus, au métro ou au train sans avoir à se poser de questions. Ces deux arguments ne sont-ils pas complémentaires ?

Debut de section - Permalien
Élodie Trauchessec, chargée des mobilités émergentes au service £ Transports et Mobilité (Ademe)

L'étude de l'Ademe concerne un programme de recherche sur les transports qui remonte à 2007. Au-delà du seul cas de Châteauroux, elle portait sur soixante-seize réseaux, dont plusieurs ont mis en place la gratuité.

Châteauroux est l'exemple dont on aime parler parce qu'il est assez incroyable : plus de 200 % d'augmentation de la fréquentation des bus constitue une réussite, mais à Vitré, le passage à la gratuité n'a absolument rien changé, pour la simple et bonne raison que la qualité de service était au départ insuffisante.

Il existe d'autres exemples avec des résultats positifs moins impressionnants que ceux de Châteauroux.

Debut de section - Permalien
Dominique Mignot, directeur du département Transport, Santé et Sécurité (Ifsttar)

La gratuité pousse-t-elle à automatiquement prendre le bus ? J'ai travaillé sur la tarification de réseaux comme Nantes, qui appliquent la gratuité sous certaines conditions, ou Lyon, qui applique un tarif très social, dans les deux cas sous conditions de revenus et de statut. On s'est rendu compte que seule la moitié des bénéficiaires potentiels, au mieux, réclamaient l'abonnement auquel ils avaient droit.

Ce n'est donc pas parce qu'on instaure la gratuité que toute la population va recourir automatiquement aux transports collectifs, pour plusieurs raisons : les personnes peuvent ignorer qu'elles y ont droit ; par ailleurs, cela ne correspond pas forcément aux besoins pour des raisons de vitesse, de temps, de motifs de déplacement, etc.

Debut de section - Permalien
Élodie Trauchessec, chargée des mobilités émergentes au service £ Transports et Mobilité (Ademe)

Une étude a été lancée concernant Dunkerque à propos des mécanismes mis en oeuvre en interne par l'opérateur ou la collectivité pour passer d'un service payant à un service gratuit, ce qui constitue en quelque sorte une révolution culturelle.

Ce qui nous intéresse, ce n'est pas tant l'exemple de la gratuité totale que la façon dont on transforme les manières de travailler et de penser des milieux professionnels pour aller vers des mesures de transition écologique.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Vullien

Nous nous rendrons prochainement à Dunkerque. Nous avons beaucoup de questions à poser aux responsables de la collectivité.

Debut de section - Permalien
Dominique Mignot, directeur du département Transport, Santé et Sécurité (Ifsttar)

La gratuité pose la question du financement des transports collectifs. Quelles autres sources peut-on trouver ? Certaines villes se posent la question du péage urbain. Cela a été fait dans un certain nombre de pays. On a imaginé une sorte de vignette d'accès au réseau payée par tous les contribuables. Cette vignette donnerait accès à la fois au réseau de transports publics et au centre-ville. Elle pourrait être couplée à une logique de tarification sociale, les personnes à faibles revenus pouvant payer moins que les autres.

C'est une idée de tarification, mais qui n'est pas appelée à remplacer le versement transport. Comment jouer sur le report modal ? Plus que la gratuité, cela relève du stationnement.

J'aurai par ailleurs une proposition assez provocante à vous faire tout à l'heure, si vous le permettez...

Debut de section - Permalien
Élodie Trauchessec, chargée des mobilités émergentes au service £ Transports et Mobilité (Ademe)

Quelle expérience similaire peut-on proposer pour donner le sentiment de liberté que procure la gratuité ? L'Ademe travaille en ce moment sur le traceur individuel de mobilité et le compte mobilité.

Le traceur de mobilité part du principe que nous sommes tracés en permanence via nos téléphones portables. Les GAFAM récupèrent ces données et connaissent nos traces de mobilité : où est-on allé, quand, à quelle vitesse ? Il est possible que l'individu se réapproprie ces données et les vende ou en fasse ce que bon lui semble.

Certains acteurs internationaux travaillent notamment sur un accès aux transports en commun qui se ferait directement par traçage avec le téléphone. Je n'ai plus besoin de billet. Mon téléphone détecte que je prends le bus, le tramway, le métro, le taxi, le train et facture à l'usage, ex post, en fonction des traces récupérées. Cela nécessite un certain équipement, une certaine infrastructure de réseau, mais cela se développe.

L'inconvénient des traces de mobilité vient de ce qu'elles sont aujourd'hui la propriété des GAFAM, qui les revendent très cher aux collectivités, alors que cette information de base appartient à celui qui la produit. Si demain je produis mes propres traces, je peux les mettre à disposition de la collectivité et les inscrire dans l'offre de transport, en interface avec la billettique. Il s'agit d'une réappropriation des données de mobilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Vullien

À Lyon, on essaye de mettre en place un tel système depuis plus de vingt ans. C'est un peu un serpent de mer. On n'avait pas jusqu'à présent les outils numériques adaptés. L'expérimentation que nous menons actuellement à Lyon est déjà obsolète, puisqu'il s'agit d'une carte, encore que tout le monde ne possède pas un téléphone portable. Il faudra prendre garde à ne pas créer d'inégalités entre ceux qui disposent de tous les outils, et qui savent les manier, et les autres, comme les personnes les plus fragiles.

La complexité vient également de l'ensemble des flux et du partage des déficits entre les différents services - transports publics, musées, bibliothèques, cinémas, matches, etc.

C'est une réflexion d'ensemble sur la facilité. Je suis très attachée aux tarifs sociaux qu'on a développés à Lyon. La question est de savoir si c'est à l'autorité organisatrice de prendre les tarifs sociaux en charge ou au conseil départemental...

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jacquin

Je me demande si la gratuité est bien appréhendée. À chaque fois que l'on reçoit des techniciens, ils répondent du point de vue technique et du point de vue de la congestion. Or la question politique est assez fondamentale : les mobilités sont-elles devenues une nécessité du quotidien ? Certains le disent. Si elles constituent un service public universel, la question de leur gratuité se pose en effet.

Face à la congestion et aux flux saturés, je ne vois pas d'autre solution que d'utiliser des signaux incitatifs, qui peuvent être financiers. Dans l'hypothèse de la gratuité, des incitations positives pourraient-elles permettre, à terme, de réguler la congestion, comme le péage inversé de Lille, par exemple ?

Un deuxième point important réside dans le problème du non-recours en cas de tarification sociale. Beaucoup d'intervenants conseillent, si l'on ne veut pas de la gratuité, de prévoir une tarification solidaire élaborée. Les nouvelles techniques de billettique peuvent-elles permettre de baisser substantiellement le non-recours ?

Par ailleurs, les forfaits comme le forfait Navigo ou le forfait SNCF nous mettent déjà en situation de ne plus payer à l'usage du tout et de raisonner comme si on était en situation de gratuité. Des études ont-elles été faites sur les comportements ?

Enfin, vous avez parlé du traceur de mobilité mais vous n'avez pas expliqué le compte mobilité.

Debut de section - Permalien
Élodie Trauchessec, chargée des mobilités émergentes au service £ Transports et Mobilité (Ademe)

Il s'agit d'une sorte de compte épargne qui permet d'accéder aux différentes solutions de mobilité sur un territoire donné. Cela peut se faire sans traceur de mobilité dans un premier temps mais, à terme, les deux ont vocation à être complémentaires pour offrir une utilisation sans interruption.

Nous pourrons vous transmettre des éléments sur ces deux solutions.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Ramond

Qu'en est-il de votre réflexion sur les territoires ruraux ? On a beaucoup parlé des villes, mais ces territoires ont aussi terriblement besoin de mobilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Rambaud

Je suis toujours réservé à propos de l'idée de gratuité. Si cela a pour objectif de « faire riper » un certain nombre d'usagers qui utilisaient la marche ou le vélo, on n'a rien gagné. En outre, il va falloir proposer d'autres offres, et l'on sait très bien que cela revient à augmenter le déficit pour les autorités organisatrices.

En second lieu, vous avez dit qu'on pourrait régler les déplacements en agglomération rien qu'avec la marche et le vélo à hauteur des deux tiers. Pouvez-vous être plus précise ?

Enfin, quid des territoires périphériques ? On risque en effet de créer une nouvelle catégorie de « gilets jaunes ». Qui va payer ? Ce ne sont pas les collectivités des territoires périphériques qui auront la capacité de financer la gratuité.

Debut de section - Permalien
Dominique Mignot, directeur du département Transport, Santé et Sécurité (Ifsttar)

Les territoires périphériques de grande banlieue ou ruraux sont des territoires qui ne sont généralement pas bien desservis par les transports collectifs. On ne saurait de toute façon pas le faire. Les transports collectifs fonctionnent bien quand on peut faire de la masse. Dans le cas contraire, il s'agit d'expérimentations de navettes, etc.

Je vais en profiter pour lancer un pavé dans la mare, mais cela répond en partie à la question...

En travaillant sur les questions de tarification sociale, on avait clairement mis en évidence que l'inégalité principale en matière de mobilité des Français résidait dans l'accès à la voiture. Dès lors que riches ou pauvres possèdent une voiture, les pratiques de mobilité du quotidien sont identiques à peu de chose près. J'avais écrit à l'époque - et je le pense toujours - qui si l'on voulait réduire les inégalités, il fallait aider les personnes les plus en difficulté à accéder à la voiture.

Ce n'est pour moi absolument pas contradictoire avec une politique de maîtrise de la voiture. Dans les espaces ruraux ou en grande banlieue, ce n'est pas le fait d'utiliser la voiture qui va contribuer à la pollution : on est sur des enjeux environnementaux dès que l'on est sur une concentration très forte, notamment dans les espaces urbains ou les grands corridors.

On pourrait donc à la fois permettre à certains d'accéder à la voiture et réguler l'ensemble en jouant sur ces espaces centraux et ces corridors. Cela suppose des politiques volontaristes en matière d'accès aux centres et à certains corridors, de développer des parkings relais, mais cela implique surtout d'aider l'achat des véhicules particuliers parce qu'on ne saura pas trouver de meilleure solution dans les espaces peu denses.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Vullien

Il y a un article à ce sujet dans Les Échos d'aujourd'hui : le Gouvernement étudie la mise en place d'un dispositif d'aide à l'acquisition d'un véhicule pour les ménages à faibles revenus.

Debut de section - Permalien
Dominique Mignot, directeur du département Transport, Santé et Sécurité (Ifsttar)

J'avais à l'époque fait évaluer ma proposition par un jeune collègue dans le cadre de sa thèse. À partir du cas de Lyon, j'avais fait comparer le coût de prise en charge d'une voiture et de deux ou trois ans de plein d'essence pour les personnes en grande difficulté financière - premier ou second décile de revenus. En termes de volume financier, ce n'était guère plus que le plan d'investissement du réseau lyonnais.

Cela a donc un coût, mais qui n'est pas démesuré par rapport aux dépenses des réseaux de transport public.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mandelli

On a intégré dans la loi d'orientation des mobilités (LOM) un certain nombre de choses comme la collectivisation des données et le transport solidaire. Je rappelle qu'on a en premier lieu considéré la marche et le vélo comme des indicateurs forts.

L'objet de cette mission d'information porte sur la gratuité des transports collectifs. Je voudrais que l'on s'ôte de l'esprit l'idée que le transport collectif ne concerne que le bus et le train. On devrait également pouvoir, grâce aux dispositions qui devraient être intégrées dans la LOM, réaliser du transport collectif dans des véhicules de trois ou quatre places. Cela change l'approche de la notion de transports collectifs, en particulier en milieu rural. La gratuité pourrait donc également être jugée à l'aune de ces moyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Vullien

L'Assemblée nationale vient de faire supprimer la possibilité d'instituer un versement mobilité à taux minoré de 0,3 % même en l'absence de services réguliers de transport !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mandelli

Il faudra de toute façon trouver des financements.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

La question des territoires ruraux ou périurbains est un vrai sujet. Le décalage existe déjà en l'absence de solution sur des territoires ruraux ou très ruraux. Des expériences sont toutefois menées en lien avec la gratuité. Une commune rurale de 1 000 habitants est ainsi en train de réfléchir à la mise en place de l'autopartage. D'autres collectivités mettent également à disposition gratuite des vélos à assistance électrique (VAE).

Debut de section - Permalien
Élodie Trauchessec, chargée des mobilités émergentes au service £ Transports et Mobilité (Ademe)

On parle de transports collectifs, mais on devrait plutôt parler de transports partagés si l'on veut inclure ces notions d'autopartage et de covoiturage. Nous discutons beaucoup avec les opérateurs privés du covoiturage, qui sont en train de se positionner sur le « court-voiturage », le covoiturage sur courtes distances, dont le plus connu est BlaBlaCar, qui est d'ailleurs parti dans ce domaine avec un train de retard, mais qui essaie de se rattraper. La stratégie de ces acteurs est bien de commencer par la gratuité.

Sur BlaBlaLines, pendant de BlaBlaCar pour le court-voiturage, le covoiturage sur courte distance est gratuit pour les covoiturés. Le conducteur reçoit une incitation financière pour partager les places de sa voiture. Pour l'instant, le passager ne paye rien. BlaBlaCar fait le pari de développer ces usages en finançant cette incitation sur fonds propres, partant du principe qu'une fois la pratique établie, les usagers ne refuseront pas à payer un ou deux euros. De la même manière, au début du covoiturage longue distance, on est parti d'une démarche gratuite pour aller vers quelque chose de payant. Aujourd'hui, la qualité de service est telle que les usagers acceptent de payer.

La seule solution que l'on voit aujourd'hui pour le périurbain et le rural repose sur le covoiturage, avec la structuration de lignes. Beaucoup d'expérimentations sont en train d'émerger. On espère que cela fera « boule de neige ».

Debut de section - Permalien
Dominique Mignot, directeur du département Transport, Santé et Sécurité (Ifsttar)

Je pense qui faudra l'évaluer. Je ne suis pas sûr que cela résorbe le nombre de personnes en difficulté.

Debut de section - Permalien
Élodie Trauchessec, chargée des mobilités émergentes au service £ Transports et Mobilité (Ademe)

Ce qui me gêne avec la gratuité totale, c'est le fait qu'elle prive l'autorité organisatrice de la mobilité d'un outil assez extraordinaire : la tarification.

En période de saturation ou de creux, l'outil que constitue la tarification permet d'orienter la demande de transport. Il existe ainsi des plages horaires gratuites pour inciter les usagers à recourir aux transports collectifs durant ces périodes.

Dans certaines villes chinoises, les transports en commun sont systématiquement gratuits le matin entre 7 heures et 9 heures, afin d'inciter les travailleurs à les utiliser. On pourrait faire de même.

À Londres, le fonctionnement est inverse et les tarifs sont plus chers durant les heures de pointe pour détourner les touristes des transports collectifs durant cette période. La tarification est un vrai outil de gestion des flux.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Vullien

Vous avez raison. Cela permet de désengorger les réseaux, mais le réseau périurbain ou rural ne connaît pas du tout les mêmes problématiques de congestion. Or ce sont ces populations qui ont besoin d'être aidées.

Sur la ligne SNCF Villefranche-sur-Saône - Vienne, nous avons proposé des trains toutes les quinze minutes aux heures de pointe, assortis d'un système de navettes appelé Réseau express de l'agglomération lyonnaise (REAL) pour les populations des zones rurales. Cette solution n'a toutefois pas connu le succès escompté. Les usagers sont contents de savoir que cela existe, mais ne l'utilisent pas forcément.

Dans ma commune, j'ai mis en place une navette dont je savais qu'elle n'allait pas forcément fonctionner, malgré les pétitions qui réclamaient sa mise en service. Un an après, les communes qui tentent l'expérience appellent au secours, car elles participent pour moitié à l'expérimentation.

Il ne faut cependant jamais se priver d'une expérimentation. Certaines solutions peuvent prendre dans certains endroits et moins bien dans d'autres. Il ne faut pas adopter une solution uniforme pour tout le monde.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Marchand

La question de la gratuité totale des transports commence à être agitée un peu partout, avec des réponses qui diffèrent selon des territoires.

Vous affirmez, madame, que la gratuité ne peut être envisagée que si elle entre dans le cadre d'une politique d'ensemble. Je partage ce point de vue.

On prétend que le péage inversé est à Lille ce que Léonard de Vinci était à la Renaissance. Je trouve personnellement que le péage inversé dans la métropole européenne de Lille (MEL) est une aberration sans nom ! Il doit en effet, selon moi, résulter d'une politique d'ensemble en matière de transports.

Vous dites aussi que les collectivités, comme Dunkerque, vont s'emparer du problème de la gratuité. Quid de tout ce qu'il y a autour ? Il existe en outre une difficulté transfrontalière pour les collectivités qui partagent la frontière avec la Belgique, comme Lille.

Je crois qu'il n'existe pas de réponse toute faite à la question de la gratuité. Tout est fonction des territoires, des aspirations et des politiques d'ensemble. C'est cette logique qui m'a particulièrement intéressé et qui peut constituer un élément de réponse.

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Jouve

La gratuité des transports collectifs constitue vraiment un enjeu des prochaines municipales. La présidente de la métropole d'Aix-Marseille-Provence et du département, Martine Vassal, a lancé ces jours-ci une étude pour se positionner par rapport à l'éventuelle mise en place d'une gratuité, sachant que le territoire d'Aubagne l'applique déjà.

On parle beaucoup des villes, mais les habitants des territoires très ruraux sont bien souvent obligés de prendre leur voiture pour aller jusqu'à un arrêt de bus ou à une gare ou utilisent leur véhicule pour éviter les changements. Il me semble donc qu'il faut jouer sur la complémentarité des différents types de transports.

Dans le territoire du pays d'Aix, des parcs relais ont été mis en place autour de la ville. Les usagers peuvent y laisser leur véhicule. Cela fonctionne plutôt bien. Pour 2 euros la journée, tous les passagers du véhicule peuvent emprunter une navette pour aller en centre-ville. Un mode de transport à la demande a également été mis en place. C'est un peu cher, mais cela permet de prendre en charge des personnes au plus près de chez elles, qui peuvent ensuite, avec un billet commun, emprunter le bus, le train, etc.

Debut de section - Permalien
Élodie Trauchessec, chargée des mobilités émergentes au service £ Transports et Mobilité (Ademe)

Cela soulève une question : si une collectivité met en place la gratuité des transports en commun, les parcs relais et les solutions de covoiturage peuvent-ils devenir gratuits ? Comment assurer l'égalité des administrés ?

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Jouve

Ce sont les questions que se pose la métropole d'Aix-Marseille-Provence, tous les territoires n'étant pas arrivés au même point de fonctionnement. Cela soulève le problème de l'égalité de tous les citoyens en matière de transports collectifs, que la métropole est censée organiser. Or tous les territoires sont différents. On compte même des villages de quelques centaines d'habitants. Dans ces conditions, il est difficile d'assurer l'égalité de tous dans le domaine de transports en commun.

Debut de section - Permalien
Dominique Mignot, directeur du département Transport, Santé et Sécurité (Ifsttar)

Vous évoquez l'importance de la cohérence des politiques. Si on améliore un axe de transport public en même temps que les conditions de circulation des voitures, on ne gagne rien. C'est ce qu'on a souvent fait au niveau interurbain ou urbain.

Toutes ces mesures devraient donc s'accompagner d'une réflexion d'ensemble qui n'est pas toujours facile.

Debut de section - Permalien
Élodie Trauchessec, chargée des mobilités émergentes au service £ Transports et Mobilité (Ademe)

Tous les retours d'expérience montrent qu'on ne peut revenir en arrière vis-à-vis des électeurs une fois qu'on a institué la gratuité des transports en commun. C'est une mesure très électoraliste qui a permis à beaucoup municipales de remporter les élections.

Maintenir une certaine qualité de service peut représenter un investissement important et constituer un piège pour une collectivité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Mizzon

Chaque échéance électorale a sa gratuité - taxe d'habitation, transports en commun !

Si la gratuité des transports collectifs devait se généraliser en milieu urbain, elle instaurerait dans le pays une dualité encore plus forte que celle qui prévaut aujourd'hui, ce qui amènera certainement le milieu rural à vivre la situation plus difficilement encore.

Pourquoi ne pas réfléchir à une autre solution : les grandes villes pouvant se passer de l'argent tiré des recettes commerciales, on pourrait imaginer une forme de péréquation pour proposer, au nom de la solidarité, une répartition plus généreuse et plus solidaire avec le monde rural. Ce serait une manière plus constructive de faire évoluer le sujet car, ne l'oublions pas, la question de la gratuité des transports en milieu rural ne se pose pas en tant que telle parce qu'il n'y existe pas de transport collectif.

Debut de section - Permalien
Élodie Trauchessec, chargée des mobilités émergentes au service £ Transports et Mobilité (Ademe)

À l'exception de Dunkerque, toutes les villes qui ont mis en place la gratuité sont des villes de moins de 100 000 habitants. Il s'agit de petites agglomérations.

Il existe une dichotomie assez importante en termes de densité du réseau et de poids des recettes dans le budget de fonctionnement. Lyon est, je crois, à 40 %...

Debut de section - Permalien
Élodie Trauchessec, chargée des mobilités émergentes au service £ Transports et Mobilité (Ademe)

Pour Lyon, mettre en place la gratuité reviendrait donc à renoncer à 60 % du budget de fonctionnement actuel, ce qui est conséquent. À Châteauroux, on était à 12 % ou 14 %.

Dans ce cas, la gratuité ne représentait pas un gros renoncement et payer un peu plus cher pour avoir des bus un peu plus pleins se justifiait. Dans les grandes agglomérations, on voit mal comment cela pourrait arriver, d'autant que les réseaux sont proches de la saturation. Les exemples concernent des villes dont les réseaux sont moins denses, moins fréquentés, très loin de la saturation, et pour lesquels la gratuité ne constitue pas une perte de recettes très forte.

Je n'ai pas de solution pour le secteur rural, mais je rejoins ce que vous disiez à propos du fait que cela renforcerait les clivages actuels et les mouvements sociaux que l'on a connus - et qu'on connaît encore.

Debut de section - Permalien
Dominique Mignot, directeur du département Transport, Santé et Sécurité (Ifsttar)

Dans les petits réseaux, c'est le versement transport qui permet de payer, ce qui n'est pas du tout le cas dans les grandes villes. C'est très simple.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Je suis sur un territoire rural, à 60 kilomètres de Grenoble. À part la voiture individuelle et quelques aménagements comme l'autopartage, il n'y aura jamais de transport en commun et on connaîtra toujours la même différence de fonctionnement. Cependant, si elle existait, les habitants de ma commune qui travaillent dans l'agglomération de Grenoble profiteraient de la gratuité pour se rendre à leur travail. La coupure n'est donc pas si nette.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Vullien

C'est tout le problème du rabattement sur des lignes fiables et qualifiées de fortes. Dans le nord Isère, les usagers se garent près d'un transport collectif après avoir passé le péage à deux et partagé les frais, puis utilisent le réseau urbain. C'est une forme d'organisation à mettre en place. Les élus doivent y être attentifs, mais ceci n'est pas reproductible partout et nécessite un travail énorme.

Debut de section - Permalien
Dominique Mignot, directeur du département Transport, Santé et Sécurité (Ifsttar)

Il est difficile de démontrer qu'un modèle de ville fonctionne mieux qu'un autre. Parvenir à organiser l'étalement urbain grâce à des pôles bien reliés par les transports collectifs et avec du rabattement est une solution qui n'est pas contradictoire. Autant l'organiser au mieux.

Certains travaux sur le polycentrisme organisé allient des politiques fines de desserte des territoires ruraux et péri-urbains et du rabattement sur des lignes fortes sur des axes principaux.

Debut de section - Permalien
Élodie Trauchessec, chargée des mobilités émergentes au service £ Transports et Mobilité (Ademe)

Le rayon de pertinence du vélo représente trois à quatre kilomètres, soit une quinzaine de minutes. Avec le VAE, on peut monter jusqu'à huit ou neuf kilomètres, soit l'intégralité des déplacements en milieu urbain.

Cette solution permet donc de couvrir la majorité des besoins de déplacements intra-urbains. Or une majorité de déplacements d'un ou deux kilomètres se font aujourd'hui encore en voiture. Le travail doit donc porter sur l'abandon de la voiture au profit d'autres modes.

Enfin, certains départements mettent en place un service de cars express pour desservir des villages ou des villes intermédiaires afin de réaliser du rabattement vers les métropoles. Ainsi, à Nantes, le rabattement par car est gratuit, me semble-t-il. Il permet quoi qu'il en soit un report modal assez significatif. Les trajets sont assez courts et les cars LILA confortables. Ils permettent de desservir des milieux interurbains. C'est une vraie réussite de désengorgement pour Nantes - sans voie réservée.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Vullien

Merci à chacun d'entre vous, ainsi qu'au groupe à l'origine de cette mission, ce qui nous permet finalement de pouvoir discuter les uns avec les autres.

La réunion est close à 14 heures 55.