Intervention de André Rouvière

Réunion du 3 février 2005 à 9h30
Conventions civile et pénale sur la corruption — Adoption de deux projets de loi

Photo de André RouvièreAndré Rouvière, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ces deux conventions complémentaires ont pour objet la lutte contre la corruption.

Adoptées en 1999 sous l'égide du Conseil de l'Europe, elles s'inscrivent dans un mouvement général, amorcé en 1990 dans le contexte des « affaires » qui ont ébranlé plusieurs pays d'Europe occidentale, mettant en lumière à la fois l'ampleur du phénomène et la sensibilité accrue des opinions publiques.

A la différence des autres instruments internationaux adoptés dans ce domaine, ces deux conventions privilégient une approche globale du phénomène de corruption.

Le suivi de l'application de ces textes est confié au GRECO, dont la France est membre, et dont l'objet est d'évaluer la mise en oeuvre des instruments adoptés dans le cadre du programme d'action contre la corruption.

La convention civile est, à ce jour, le seul texte ayant recours au droit civil dans la lutte contre la corruption, avec l'effet, que nous souhaitons dissuasif, de sanctions pécuniaires.

Son objet est de permettre aux personnes physiques ou morales ayant subi un dommage du fait d'actes de corruption de pouvoir en obtenir réparation. Elle exige des parties qu'elles prévoient des procédures appropriées avec des garanties en matière de procédures et de délai. Elle pose le principe de la nullité de tout contrat ou de toute clause d'un contrat dont l'objet est un acte de corruption, ce qui correspond à notre droit.

La convention civile ne nécessite pas de modification de notre législation. Sa portée est relativement limitée, mais elle offre l'avantage, au moyen des réparations financières qu'elle prévoit, de dissuader certains comportements. Elle est entrée en vigueur le 1er novembre 2003 et a été ratifiée par vingt-deux Etats.

La convention pénale vise, quant à elle, à l'incrimination d'une gamme très large de comportements de corruption et de catégories très variées de corrupteurs et de corrompus.

Je n'en citerai que quelques exemples.

Elle couvre ainsi les cas de corruption passive et active d'agents publics et de membres du secteur privé. Elle couvre aussi le trafic d'influence, le blanchiment du produit des délits de corruption et les infractions comptables liées à la commission des infractions de corruption.

Elle exclut de son champ d'application les activités à but non lucratif.

Les Etats sont tenus de prévoir des sanctions et des mesures efficaces et dissuasives incluant des sanctions privatives de liberté pouvant donner lieu à extradition.

Les personnes morales devront être, elles aussi, tenues pour responsables des infractions pénales commises à leur profit.

Actuellement, notre législation n'est pas entièrement conforme aux exigences de la convention pénale et devra être adaptée.

En exprimant certaines réserves à cette convention, notre pays, très actif lors des négociations, a considéré que certaines incriminations étaient difficilement applicables, notamment celle de la corruption passive d'agents publics étrangers et de membres d'assemblées publiques étrangères et du trafic d'influence en direction d'agents publics étrangers.

La France a aussi indiqué qu'elle entendait limiter la compétence de ses juridictions pénales aux seuls cas où l'auteur de l'infraction est l'un de ses ressortissants et que les faits sont punis par la législation du pays où ils ont été commis.

La convention pénale, entrée en vigueur le 1er juillet 2002, a été ratifiée par trente Etats.

Ces conventions présentent toutefois, selon moi, deux points faibles, que je vais souligner très rapidement.

Le premier ne concerne que la convention pénale et réside dans les réserves que peuvent formuler - et ne manquent pas de formuler, hélas ! - les Etats signataires. Bien que limitées à cinq, ces réserves peuvent être reconduites sans limitation dans le temps.

Le second point faible intéresse les deux conventions : celles-ci peuvent être dénoncées à tout moment. Leur efficacité me paraît donc aléatoire, car soumise à la seule volonté des Etats signataires.

C'est un exemple peu encourageant, me semble-t-il, de signatures non contraignantes.

Au demeurant, ces conventions traduisent une volonté de prise en compte globale du phénomène de corruption. La lutte contre ce fléau, endémique dans certains Etats, exige, en effet, une coopération internationale renforcée.

Bien qu'affaiblies par les réserves que j'ai soulignées, elles mettent en place les outils nécessaires. C'est pourquoi, à l'unanimité, la commission des affaires étrangères recommande leur adoption.

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