Intervention de André Santini

Réunion du 18 décembre 2008 à 9h30
Loi de finances rectificative pour 2008 — Discussion d'un projet de loi

André Santini, secrétaire d'État :

Les recettes de la TVA baissent de 1 milliard d’euros sous l’effet d’une augmentation significativement accrue des remboursements et des dégrèvements. Une partie de cette augmentation, soit 0, 6 milliard d’euros, tient en réalité à la restitution de la TVA collectée à tort sur les contributions d’exploitation versées par les régions à la SNCF au titre des transports régionaux de voyageurs.

Pour autant, l’aggravation du déficit causée par ces moindres recettes fiscales ne nous autorise pas à relâcher l’effort sur la maîtrise de la dépense.

Je mets à part les conséquences du choc d’inflation que nous avons connu en début d’année et que nous ne pourrons surmonter totalement. Je fais référence ici à l’augmentation tout à fait exceptionnelle de la charge de la dette, en particulier sous l’effet de l’indexation des obligations assimilables du Trésor indexée sur l’inflation, ou OATi, de l’ordre de 4 milliards d’euros au-delà de l’évaluation retenue en loi finances initiale.

Le collectif confirme l’objectif de maîtrise de la dépense, à l’exception de ce dépassement, qui est purement contraint.

Il assure un strict équilibre des ouvertures de crédits par des annulations de même montant : 1, 1 milliard d’euros de crédits, qui sont ouverts pour assurer la couverture de besoins apparus au cours de la gestion, sont ainsi strictement compensés par 1, 1 milliard d’euros de crédits annulés sur l’ensemble des missions du budget général, en priorité sur la réserve de précaution constituée au début de l’année.

Je tiens à souligner l’effort particulier que nous consacrons à la remise à niveau de certaines dotations versées aux organismes de sécurité sociale pour assurer le financement de prestations ou d’exonérations de charges sociales.

Ainsi, 0, 8 milliard d’euros sont ouverts pour éviter la reconstitution d’une dette, dont l’expérience montre toute la difficulté du remboursement : 236 millions d’euros pour le financement de l’allocation aux adultes handicapés, ou AAH, 36 millions d’euros pour l’allocation de parent isolé, ou API, 94 millions d’euros pour l’aide médicale de l’État, ou AME, 100 millions d’euros pour l’aide personnalisée au logement, ou APL, 215 millions d’euros pour le remboursement des exonérations de cotisations sociales en outre-mer et, enfin, 90 millions d’euros pour les régimes de retraite de la RATP et de la SNCF.

Vous me pardonnerez la longueur de cette énumération, mais elle a le mérite de bien signifier l’importance de l’effort auquel nous nous astreignons et auquel il serait si tentant de se soustraire. La responsabilité des comptes publics ne nous permet plus de céder à cette facilité.

En complément de l’effort fait pour remettre à niveau les dotations versées à la sécurité sociale au titre de l’année 2008, nous avons souhaité procéder à un nouvel apurement de la dette anciennement constituée vis-à-vis des régimes.

Le Gouvernement poursuit ainsi l’effort engagé l’an dernier en prévoyant l’affectation du surplus du panier de recettes de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite TEPA, pour couvrir le remboursement de 750 millions d’euros de dettes anciennes. C’est notamment près de 400 millions d’euros que nous remboursons au régime des indépendants et 300 millions d’euros au régime de sécurité sociale de la SNCF.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement n’abandonne rien de sa stratégie de maîtrise de la dépense publique. Ne voyez donc pas de contradiction avec les mesures que le Président de la République a annoncées il y a deux semaines, à Douai, pour répondre à la mesure des enjeux à la crise que nous connaissons.

D’un côté, il y a une volonté toujours intacte de réforme afin de rendre un meilleur service public, tout en gagnant en productivité sur les charges de personnel et tout en réduisant significativement les coûts de fonctionnement.

Tous les travaux que nous avons réalisés à l’occasion de la révision générale des politiques publiques, ou RGPP, ne sont pas devenus caducs du jour au lendemain. La programmation budgétaire pluriannuelle, alimentée par la RGPP, n’est pas davantage remise en cause dans sa recherche d’une plus grande efficacité de la dépense.

D’un autre côté, il y a aussi l’exigence d’une intervention active, adaptée et ciblée de l’État pour affronter la crise et non pour la subir.

Le plan de relance de l’économie, ce n’est certainement pas la consécration du retour à une politique de laxisme budgétaire. C’est un plan constitué de mesures à fort impact sur l’économie, ciblées sur des priorités bien identifiées et limitées dans le temps.

C’est aussi un plan fondé sur une puissante accélération de l’effort d’investissement, alors que ce dernier a été trop souvent considéré, par le passé, comme une variable d’ajustement budgétaire, sacrifiant ainsi l’avenir.

Tel est le message que je tenais à délivrer dès maintenant. Il n’y a pas de schizophrénie dans l’action de l’exécutif, car c’est bien en améliorant l’efficacité de l’État dans l’exercice au quotidien de ses missions, et en réduisant ses coûts de fonctionnement avec ténacité, que l’on parviendra à préserver sa capacité à mobiliser les moyens nécessaires en période de crise. On le voit bien d’ailleurs dans la situation d’aujourd’hui, et l’examen du prochain collectif nous donnera l’occasion d’en débattre plus largement.

Deuxièmement, la dépense reste donc fermement maîtrisée, mais ce projet de collectif s’inscrit aussi pleinement dans le soutien et la relance de l’économie, d’une part, en ne cherchant pas à compenser les moins-values de recettes et, d’autre part, en vous proposant de voter, à peine quinze jours après leur annonce par le Président de la République, les mesures fiscales dont ont besoin nos entreprises.

En dehors de l’augmentation de la charge de la dette, l’aggravation du déficit budgétaire ne fait que traduire le jeu des stabilisateurs automatiques, dans un contexte économique dégradé. Laisser diminuer les recettes fiscales avec la baisse de croissance est en soi une première réponse, rapide et puissante, à la crise.

À cet égard, la position du Gouvernement est constante : nous ne voulons pas ajouter la crise à la crise en cherchant à compenser de moindres recettes par une augmentation des prélèvements obligatoires.

Au-delà du jeu des stabilisateurs automatiques, ont été prises des mesures concrètes, qui trouvent leur traduction dans le texte transmis par l’Assemblée nationale.

Deux orientations illustrent parfaitement la cohérence du plan de relance porté par le Président de la République et par le Gouvernement.

La première concerne le soutien à l’investissement, à travers deux mesures.

D’abord, l’exonération de la taxe professionnelle sur les investissements réalisés jusqu’au 31 décembre 2009 est une mesure puissante de soutien à l’investissement, que nous mettons en œuvre sans délai, en attendant qu’une réforme de plus grande envergure de la fiscalité locale ne pénalise plus les investissements de nos entreprises.

Cette mesure touchera également les entreprises bénéficiant du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée. La baisse de la taxe professionnelle sera pour elles de l’ordre de 1 milliard d’euros. Mais elle ne pèsera sur les finances publiques qu’à partir de 2011, et son coût sera limité par rapport au dispositif actuel de dégrèvement pour investissement nouveau, qui n’était que provisoire et dégressif.

Ensuite, une seconde mesure incitant les entreprises à réinvestir est l’accélération de l’amortissement des biens acquis ou fabriqués jusqu’au 31 décembre 2009.

Il y aura une sortie de crise, qui, je l’espère, sera rapide. En tout état de cause, elle ne doit pas conduire à renoncer à préparer l’avenir. Dans cette optique, l’État accélère ses investissements et incite les entreprises à en faire autant par les deux dispositions que je viens d’indiquer.

La seconde orientation – qui est une priorité et se trouve traduite dans les amendements apportés au collectif à l’Assemblée nationale – réside dans l’accélération du remboursement aux entreprises des créances qu’elles détiennent sur l’État. Car, en temps de crise financière, la première contrainte pour l’investissement, c’est le financement.

Il est donc du devoir de l’État d’accélérer le paiement de ce qu’il doit aux entreprises. Dans cette perspective, nous allons leur permettre de bénéficier, à titre exceptionnel, d’un remboursement accéléré du crédit d’impôt recherche. Elles pourront ainsi se voir restituer en 2009 les créances de crédit d’impôt recherche au titre des années 2005, 2006 et 2007, soit trois années.

Concrètement, ce remboursement immédiat bénéficiera à près de 5 000 entreprises, dont plus de 90 % des PME, notamment dans les secteurs des services et de l’industrie.

Les entreprises qui sont en situation de carry back, c’est-à-dire déficitaires, mais avec un crédit d’impôt sur les sociétés, dû à leurs versements d’impôt sur les sociétés passés, pourront aussi se voir rembourser en 2009 cette créance.

Par ailleurs, toutes les entreprises qui estiment avoir versé trop d’acomptes en 2008 au vu de leur résultat fiscal pourront demander le remboursement du trop versé dès le début de l’année 2009, sans attendre la déclaration du mois d’avril. J’ajoute que nous réduirons aussi les délais de remboursement des crédits de TVA, en permettant à toutes les entreprises d’opter pour le remboursement au mois le mois.

En outre, des instructions ont été données aux services fiscaux et aux URSSAF pour qu’ils fassent preuve de la plus grande bienveillance à l’égard des entreprises qui connaissent actuellement des difficultés de trésorerie.

Dans cette même perspective, il est prévu d’aller plus loin en assouplissant les règles qui prévalent pour l’inscription et la publicité du privilège du Trésor, ce qui fait l’objet d’un article du texte qui vous a été transmis.

J’ai mis en avant, à dessein, les mesures visant à soutenir la compétitivité de nos entreprises. Nous n’oublions pas pour autant les ménages, avec le doublement du prêt à taux zéro, qui viendra conforter les projets d’accession à la propriété de nos concitoyens, tout en soutenant un secteur du logement aujourd’hui en difficulté.

Les autres mesures, concernant par exemple la prime de solidarité active ou l’augmentation du budget de l’emploi, vous seront proposées dans le collectif de janvier.

Troisièmement, outre les mesures fiscales en faveur de la relance, le projet de collectif comprend une série de dispositions organisées autour de la lutte contre la fraude et de l’amélioration des relations entre le fisc et le contribuable.

La crise ne doit pas nous conduire à renoncer à poursuivre la modernisation de notre système fiscal. L’actualité nous l’a montré, la lutte contre la fraude fiscale passe par de nouvelles mesures contre la fraude organisée à travers les paradis fiscaux.

Or, notre arsenal juridique n’est pas en mesure de nous offrir, aujourd’hui, les moyens de poursuivre les grands fraudeurs. Nous allons donc alourdir les sanctions pour non-déclaration de comptes, en particulier dans les paradis fiscaux, et allonger la durée de prescription pour les revenus éludés via ces pays.

Notre politique en la matière n’est pas pour autant exclusivement construite autour du volet répressif. Elle recherche une plus grande efficacité de l’action conduite contre ceux qui veulent se soustraire au paiement de la contribution à la collectivité, mais elle sait aussi faire confiance aux contribuables de bonne foi, qui sont les plus nombreux.

C’est bien cet équilibre qui transparaît dans le présent collectif, quand il met en regard des mesures de lutte contre la fraude tout un volet visant à renforcer la sécurité juridique des contribuables.

Un certain nombre de ces propositions sont inspirées du rapport remis par Olivier Fouquet, ancien président de la section des finances au Conseil d’État. Je citerai notamment la refonte de la procédure de l’abus de droit, qui constitue un point d’équilibre entre la recherche de la sécurité juridique et la nécessité de lutter efficacement contre les montages fiscaux abusifs.

Nous avons, par exemple, cherché à mieux hiérarchiser l’application des pénalités en appréciant le degré de participation des acteurs du montage abusif.

L’élargissement de la composition du comité consultatif de répression des abus de droit à des professionnels du droit est également un progrès. Le comité pourra compter sur l’expertise de représentants des professions concernées, c'est-à-dire les avocats, les notaires ou encore les experts comptables.

Une autre grande innovation réside également dans la mise en place, pour trois ans, à titre expérimental, d’un contrôle à la demande des déclarations de successions et de donation. Les contribuables pourront demander à l’administration de valider leur calcul des droits dus. À défaut de contrôle dans le délai d’un an, ce calcul ne pourra plus être remis en cause.

Enfin, nous élargissons le champ du rescrit fiscal, notamment pour ce qui concerne la valorisation des entreprises en cas de transmission, les questions de recouvrement de l’impôt, ou bien encore la qualification des revenus – commerciaux ou non commerciaux – des professions libérales.

Toutes les améliorations à apporter ne relèvent d’ailleurs pas de la loi : il faut également changer les pratiques de l’administration fiscale.

En particulier, une expérimentation de ce qu’on appelle la « garantie fiscale » sera conduite dans une vingtaine de brigades de vérification en 2009. Le principe est simple : les vérificateurs doivent s’engager sur tous les points vérifiés, et pas seulement sur ceux qui ont donné lieu à redressement.

C’est aussi toute une révolution culturelle que de demander aux services fiscaux de signaler les erreurs que les contribuables ont commises à leurs dépens, et pas seulement les erreurs en faveur du Trésor ! Pour conforter cette évolution, nous mettrons en place un suivi précis de cette nouvelle partie de l’activité des vérificateurs.

J’aimerais conclure par une rapide mise en perspective de notre politique budgétaire.

Du côté des dépenses, nous restons fermes, plus que jamais et sans la moindre ambiguïté, sur la maîtrise des coûts de fonctionnement. Dans un contexte de crise, nous accélérons les seules dépenses d’investissement, qu’on sait pouvoir engager très vite pour soutenir l’activité dans les mois à venir.

Du côté des recettes, nous laissons jouer les stabilisateurs automatiques, là aussi sans la moindre ambiguïté, et nous ciblons l’effort sur deux types de mesures : premièrement, celles qui ont un fort effet de levier sur l’investissement et sur l’emploi, et deuxièmement celles qui, en complément, ont pour effet d’améliorer la trésorerie des entreprises, car nous voulons tout faire pour éviter que des entreprises fondamentalement saines n’aient à souffrir des conséquences de la crise financière.

Je sais pouvoir compter sur votre esprit de responsabilité sur toutes les travées pour examiner ce texte sans polémique inutile. Nous avons eu un débat de qualité au mois d’octobre pour nous donner les moyens de répondre spécifiquement à la crise financière. Nous aurons, à n’en pas douter, un débat tout aussi constructif pour répondre aux effets de cette crise sur l’ensemble de notre économie.

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