Je remercie également Mme Schnapper de s'être rendue disponible pour nous : le point de vue du sociologue est en effet essentiel pour réfléchir à la notion de citoyenneté, qui se trouve au coeur de notre démocratie.
Au cours des dernières années, notre pays a connu des moments de communion nationale : je pense notamment aux attentats de 2015 ou à la liesse inspirée par de grands événements sportifs. Mais ces moments ne se sont pas prolongés, et les divisions et les fractures sociales et territoriales ont généralement repris le dessus assez vite.
Nous avons besoin de votre expertise, tant la définition de la citoyenneté, héritée d'une longue histoire, est affectée par des évolutions telles que l'augmentation de l'abstention, qui n'épargne plus aucune élection ; la défiance croissante envers les institutions représentatives et les élus ; l'intérêt pour les pratiques relevant de la démocratie dite participative - « forums citoyens », consultations en ligne, pétitions, « grand débat », convention nationale, etc. - ; la montée des incivilités, dont aucun territoire ne semble préservé - un refus d'obtempérer toutes les trente minutes en France ! - ; ou encore certaines attentes liées, par exemple, aux langues régionales.
Ces évolutions devraient-elles conduire selon vous à redéfinir les notions de citoyen et de citoyenneté ?
Vous écrivez dans votre ouvrage Qu'est-ce que la citoyenneté ?, publié en 2000, que l'école est l'« institution citoyenne par excellence » et que « l'éducation est au coeur du projet démocratique ». Quel devrait être aujourd'hui à votre avis le rôle de l'école dans la formation des futurs citoyens ? Quelle place devrait avoir selon vous l'éducation civique classique dans cette éducation à la citoyenneté ? Êtes-vous favorable au droit de vote dès 16 ans ?
Comment s'articulent aujourd'hui les notions de citoyenneté et de nationalité, alors même que les citoyens européens jouissent de droits, indépendamment de leur nationalité, dans tous les pays de l'Union ?