Intervention de Michèle André

Réunion du 18 décembre 2008 à 9h30
Loi de finances rectificative pour 2008 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Michèle AndréMichèle André :

Selon les études les plus sérieuses, la loi TEPA n’a pas entraîné d’augmentation du nombre des heures supplémentaires en France. De toute façon, en cette période de montée du chômage, cette mesure bénéficie surtout à ceux qui ont déjà un travail au détriment de ceux qui le perdent. La diminution des emplois intérimaires et l’extension du chômage technique témoignent de l’inanité d’un choix politique aussi saugrenu que l’idée selon laquelle les salariés pourraient être maîtres de leur temps de travail, alors que ce sont les carnets de commandes qui décident du volume des heures travaillées !

Selon l’INSEE, dans la plus favorable des hypothèses, cette mesure de défiscalisation pourrait être à l’origine de la destruction de 11 000 à 66 000 emplois. Selon la direction de l’animation et de la recherche des études et des statistiques, la DARES, le nombre d’heures travaillées en 2007, à savoir 730 millions, était au même niveau qu’en 2006 : la loi a vraisemblablement créé un effet d’aubaine ! Quatre milliards d’euros ont donc été jetés par les fenêtres, alors qu’ils auraient été bien plus utiles, par exemple, pour une augmentation sensible de la prime pour l’emploi !

Il faudrait, au moins, que des entreprises ne puissent pas bénéficier à la fois des avantages de la loi TEPA, d’une part, et des mesures de soutien relatives au chômage partiel, d’autre part !

La déductibilité des intérêts d’emprunts, alors qu’un endettement excessif des ménages est à l’origine de la crise, n’a pas été, non plus, une bonne idée : non seulement elle revient à demander aux salariés de troquer d’éventuelles augmentations de salaires contre des crédits, mais elle pèse pour deux milliards d’euros sur le budget de l’État, et donc sur la dette !

Parlons des recettes : fallait-il, à cause du « paquet fiscal », qui restera le péché originel du gouvernement Sarkozy, se priver de quinze milliards d’euros de recettes ? Poser la question revient, pour nous, à y répondre. Et que dire du dégrèvement permanent de la taxe professionnelle pour les investissements nouveaux effectués d’octobre 2008 à décembre 2009, qui annonce la fin de cette taxe ? Bien sûr, cette taxe doit, en principe, être compensée par l’État. Mais nous pensons que les collectivités locales doivent pouvoir agir au moyen d’un impôt économique.

Parlons de la dette, car le creusement du déficit entraîne l’accroissement de la dette. Il ne faut pas diaboliser la dette : elle peut-être justifiée et utile, mais elle n’est saine que si elle sert à investir.

Parlons de la crise financière : le collectif d’octobre a précédé celui de décembre, lequel précède celui de janvier, je n’y reviens pas. Pour sauver le système bancaire et financier, le Gouvernement a dépensé 360 milliards d’euros, dont 320 milliards d’euros pour garantir les actifs et 40 milliards d’euros pour augmenter les fonds propres. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 360 milliards d’euros pour les banques, 26 milliards d’euros pour la relance !

Deux mots sur l’amendement relatif à Dexia : cette société a fait l’objet d’une recapitalisation de 6 milliards d’euros, dont 3 milliards proviennent de la France – 2 milliards d’euros sont fournis par la Caisse des dépôts et consignations et 1 milliard d’euros par l’État. De plus, 40 milliards d’euros d’actifs de cette banque ont été garantis dans le cadre du collectif d’octobre. Par le collectif de décembre, on demande au Parlement d’avaliser une garantie supplémentaire de 6 milliards d’euros en faveur de cette même banque. Or rien ne garantit que l’État français ne devra pas alimenter encore davantage le capital, c’est-à-dire apporter une fois de plus son soutien à un établissement bancaire respectable, qui représente une aide précieuse pour les collectivités territoriales, mais qui s’avère aujourd’hui coûteux pour l’État : sur les 320 milliards d’euros dégagés dans le cadre du plan de sauvetage bancaire, 55 milliards d’euros sont « réservés » à Dexia.

Insincérité de certaines prévisions budgétaires, légèreté avec laquelle les milliards valsent au profit des moins nombreux : nous pouvons apprécier !

J’évoquerai brièvement le plan de relance.

Lors d’un discours prononcé à Douai, le 4 décembre, le Président de la République a présenté un plan de relance de l’économie française, qui comporte des mesures fiscales et sociales. Les mesures fiscales visent, pour l’essentiel, à accélérer le paiement des créances fiscales que les entreprises détiennent sur l’État. Les mesures sociales prévoient notamment une aide à l’embauche pour les entreprises de moins de dix salariés.

La ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi a annoncé au Sénat, le 8 décembre dernier, que les mesures fiscales du plan de relance seraient intégrées dans le collectif budgétaire de fin d’année : doublement du prêt à taux zéro, remboursement anticipé de crédits d’impôt recherche, d’impôt sur les sociétés et de TVA, amortissement accéléré pour l’impôt sur les sociétés, instauration d’un report en arrière au titre de l’impôt sur les sociétés.

Le conseil des ministres du 19 décembre examinera l’ensemble des autres dispositions, et le Parlement sera saisi début janvier 2009 de deux projets de loi de mise en œuvre du plan de relance : un collectif budgétaire comprendra toutes les dispositions financières du plan, un projet de loi comportera les mesures de simplification des procédures, notamment celles du code des marchés publics.

Les trois dispositifs – le remboursement immédiat début janvier du trop perçu d’impôt sur les sociétés, le remboursement du crédit d’impôt recherche et ce que l’on appelle le carry back, c’est-à-dire le report en arrière des déficits – représentent 7 à 8 milliards d’euros, auxquels il convient d’ajouter le remboursement plus rapide de la TVA, pour 2 milliards d’euros, soit un enjeu total de trésorerie d’une bonne dizaine de milliards d’euros. Toutefois, même si ces mesures s’avèrent efficaces, encore faut-il que la trésorerie de l’État, et donc la gestion de la dette, permette d’y faire face !

Au vu des échéances de remboursement du début du mois de janvier, l’État va devoir faire face à un important besoin de trésorerie, qui se traduira par un besoin d’émissions d’emprunts : il faudra alors financer 20 à 30 milliards d’euros dans le courant du mois de janvier, ce qui représente une dette supplémentaire pendant le temps que durera cet effort de trésorerie.

Le plan de relance n’est pas composé d’un ensemble de dépenses supplémentaires : il est constitué par la mobilisation de créances de l’État, par la concentration, maximale en 2009, du remboursement du crédit d’impôt recherche et du carry back, ou même par l’anticipation du retour des excédents versés au titre de l’impôt sur les sociétés. Cette concentration de dépenses, à un moment donné, nécessitera des émissions supplémentaires d’emprunts.

Pour ces raisons, ce plan de relance n’en est pas un, pour le moment du moins : il se résume à une accélération de remboursements, donc de dépenses qui étaient déjà prévues et seraient intervenues, quoi qu’il arrive. Les dispositions qui correspondent à des dépenses déjà programmées pour la période 2009-2013 représentent 22 milliards d’euros sur les 26 milliards d’euros annoncés.

Nous vivons au rythme des annonces et des milliards : pas moins de sept plans en deux mois ! Mais les plans proposés négligent systématiquement les mesures de soutien direct à la consommation des ménages, alors même que la Commission européenne recommande, comme une priorité, « des dépenses publiques ciblées, notamment, sur les ménages particulièrement touchés par la crise, grâce à une augmentation des transferts et une réduction temporaire du taux de TVA ».

Je vais maintenant présenter rapidement les principaux amendements que le groupe socialiste va défendre au cours de ce débat : ils sont consacrés pour l’essentiel au logement et aux collectivités territoriales.

En ce qui concerne le logement, nous proposons de recentrer les conditions d’accès au prêt à taux zéro en direction des ménages qui en ont le plus besoin.

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