Si vous le permettez, je vais évoquer surtout évoquer les problématiques de l'expertise scientifique médicale et de la transparence de cette expertise médicale. J'étais encore directeur général de CHU il y a quelques jours. Les établissements hospitaliers sont très concernés par ce sujet car les experts sont des hospitalo-universitaires, qui sont des hospitaliers la plupart du temps. Or nous devons assurer la transparence et l'indépendance de l'expertise, à la fois lorsque l'expertise a lieu dans l'établissement universitaire et lorsqu'elle a lieu dans les différentes agences.
Les CHU jouent un rôle important en termes de soins mais également d'enseignement et de recherche. Ils sont principalement tournés vers la recherche clinique et les essais cliniques. C'est dans ce cadre que nous retrouvons la problématique des conflits d'intérêts. La problématique est celle du lien direct qui s'établit entre l'expérimentateur - que l'on appelle souvent le leader d'opinion - et le laboratoire pharmaceutique. Cela pose des problèmes d'indépendance, de transparence et de liberté d'action.
Les lois de 1993 reprises par M. Kouchner ont veillé à ce que la rupture du lien entre l'industrie pharmaceutique et l'expert scientifique soit assurée. Or cela s'avère très difficile à mettre en oeuvre au sein d'un établissement. Je vous parle d'expérience, pour l'avoir vécu pendant des années. Nous avons du mal à faire passer le message auprès des investigateurs. Nous intervenons dans la commission médicale d'établissement avec un juriste pour expliquer que la loi existe et que les protagonistes pourraient être poursuivis. Nous expliquons aux médecins qu'ils peuvent être responsables de gestion de fait si leurs associations ne sont pas reconnues officiellement et qu'ils pourraient être poursuivis fiscalement concernant les recettes de ces associations.
Nous avons proposé de verser les fonds des essais cliniques à l'hôpital nous engageant à les reverser intégralement, sans charge de gestion, aux équipes. Un certain nombre de pôles acceptent ce challenge. Une autre solution consiste à constituer une association externe, indépendante de l'industrie pharmaceutique, pour recueillir les fonds avant de les reverser aux investigateurs. A Lille, cette association s'appelle Adrinord (Association pour le développement de la recherche et de l'innovation dans le Nord-Pas-de-Calais). Pour autant, parvenons-nous à couvrir l'ensemble du champ et à éviter le lien direct ? Ce n'est pas simple. J'avais par exemple essayé de négocier avec un grand laboratoire une sorte de garantie de chiffre d'affaires sur une année. Je m'engageais à ce que des moyens d'investigation soient mis en place à cet effet. Cependant le laboratoire a refusé. En effet, les laboratoires veulent conserver ce lien direct avec l'investigateur principal.