Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le principe retenu par le présent article 5 bis soulève des interrogations de fond qui m’amènent à remonter jusqu’à la genèse du processus qui a conduit au statut actuel de Saint-Barthélemy.
Je veux rappeler les liens solides qui unissent Saint-Barthélemy à la République française. C’est en effet par référendum que la population a souhaité redevenir française alors que le roi Louis XVI avait échangé l’île contre un hangar dans un port suédois.
Je veux aussi rappeler que, jusqu’en 1963, Saint-Barthélemy a été totalement délaissée par l’État. Le grand paradoxe, c’est que l’État n’y a jamais été aussi présent que depuis qu’elle a accédé au statut d’autonomie.
Si je vous dis cela, c’est pour que chacun ait en tête que le statut de Saint-Barthélemy s’inscrit dans la culture de la responsabilité : les élus ont depuis bien longtemps assumé les compétences de l’État, du département, de la région, afin que l’île connaisse son niveau de développement actuel. Le statut d’autonomie n’est ni plus ni moins que la reconnaissance législative de ce que nous faisions déjà de manière dérogatoire.
Mais – et j’en arrive plus directement à la question posée par l’article 5 bis – cette autonomie suppose des moyens financiers, à Saint-Barthélemy comme ailleurs.
Depuis que je suis élu, je relève que Saint-Barthélemy suscite énormément de clichés. En réalité, cette île est d’abord une vitrine de l’excellence française.
Certes, cette excellence génère des recettes pour la collectivité. Ainsi, lorsque la loi organique statutaire a été rédigée, nous savions tous que le transfert des ressources serait supérieur à celui des charges : la commune assumait seule le port, l’aéroport, le collège, le transport public de passagers et d’élèves, l’hébergement des fonctionnaires de la police nationale – elle nourrissait même les gendarmes mobiles –, le traitement des déchets, etc.
Il fallait donc des recettes pour financer toutes ces dépenses, sachant que les dotations d’État n’ont jamais excédé à Saint-Barthélemy plus de 8 % du budget de la commune.
On nous accuse, par ailleurs, de ne pas avoir payé d’impôts. Mais, dans le même temps, au moment du transfert des recettes, nous apprenons que l’impôt sur le revenu générait 11, 2 millions d’euros. Désormais, l’État demande à la collectivité de reverser 5, 6 millions d’euros par an au budget de l’État, soit 20 % de son budget annuel, de manière pérenne, dont 2, 9 millions d’euros seraient affectés au département de la Guadeloupe.
Mes chers collègues, je sais que nombre d’entre vous sont ou ont été à la tête d’une collectivité et je suis certain que vous me comprenez.
Prélever 20 % du budget de la collectivité pendant les deux années à venir, puis 15 % à partir de 2011, reviendrait à réduire toutes ses marges de manœuvre d’investissement et ce, à un moment où nous subissons de la même façon, voire plus que partout ailleurs, les conséquences de la crise financière.
Cette disposition doit être également examinée au regard du principe de libre administration des collectivités territoriales. À ce titre, ce versement de 5, 6 millions d’euros représente une contrainte qui obligera la collectivité à faire des choix qu’elle n’avait pas elle-même prévus.
La collectivité ne cherche pas davantage à se dérober, c’est-à-dire à ne pas payer ce qu’elle doit à l’État. Elle conteste simplement les proportions de ces versements, d’autant que ceux-ci ont été révisés entre la loi de finances rectificative pour 2007 et le présent projet de loi.
En outre, des divergences apparaissent entre les chiffres que nous ont présentés les services du ministère du budget et ceux dont nous disposons.
Gérer sans dotation de l’État est une chose, et la collectivité de Saint-Barthélemy en avait accepté le principe ; gérer avec une dotation globale de compensation négative en est une autre, surtout quand cette situation s’applique à une collectivité dotée de l’autonomie.