Intervention de Paolo Gentiloni

Commission des affaires européennes — Réunion du 27 avril 2020 à 14h00
Économie finances et fiscalité — Audition de M. Paolo Gentiloni commissaire européen à l'économie par téléconférence

Paolo Gentiloni, Commissaire européen à l'économie :

Je remercie André Gattolin pour sa première question. Elle est si générale que l'on pourrait organiser un séminaire entier sur ce thème ! Je n'apporterai donc qu'une réponse brève : l'Europe ne sera plus la même après la pandémie. Nous aurons besoin d'une aide publique accrue, pesant plus dans nos économies ; la demande de protection, de la part des citoyens, des travailleurs, comme des entreprises, sera également plus forte ; l'Europe devra jouer un rôle géopolitique plus important que celui qui a été le sien jusqu'à présent.

Nous devrons, en particulier, trouver un équilibre entre la protection de nos systèmes industriels, de leurs chaînes de valeur, et la nécessité pour l'Union européenne de demeurer un champion du commerce et des relations économiques multilatérales internationales. Cela ne répond pas seulement à une vision du monde, il y va de la préservation de nos intérêts. Il y aura des changements à apporter à la suite de cette pandémie, pour plus de résilience, plus de protection, mais il conviendra de trouver le juste équilibre entre ce qu'il faut changer et ce qu'il faut maintenir.

Sur le renforcement du rôle géopolitique de l'Union européenne, nous en parlons depuis longtemps sans aboutir à grand résultat ; une occasion nous est offerte aujourd'hui. La crise va créer des tensions au niveau mondial, en particulier entre les deux grandes puissances économiques actuelles. Nous ne sommes pas neutres dans cette opposition, mais nous avons un intérêt stratégique à ne pas rester de simples spectateurs ou des acteurs de troisième rang : nous devons jouer un rôle en tant qu'Europe !

Nous parviendrons à exercer cette capacité géopolitique seulement si nous sommes capables d'agir, ensemble, sur le plan de la diplomatie, de la défense, du commerce et de la monnaie unique. L'utilisation de ces quatre instruments fera de nous une grande puissance, dans le sens du multilatéralisme, du dialogue et de la paix ; sans cela, ce sera très difficile !

Effectivement, la fraude à la TVA est élevée et cela nous laisse une marge pour récupérer des ressources autonomes pour l'Union européenne. Je travaille actuellement à un plan, associé à une proposition législative, contre l'évasion fiscale et la fraude aux taxes, en particulier à la TVA. J'espère présenter ce plan à la fin du mois de juin.

Pourquoi les chefs d'État ou de Gouvernement n'ont-ils pas retenu l'option du fonds dédié, comme le suggérait la France ? À mon sens, au regard de la structuration de l'Union européenne, de ce que l'on aurait dû discuter durant la Conférence sur l'avenir de l'Europe et qui sera peut-être discuté plus tard dans l'année, ce serait une bonne chose que ce fonds s'inscrive dans un cadre communautaire, et non intergouvernemental. Mais il faut effectivement des clarifications : sur les relations avec d'autres fonds ou instruments, sur le dimensionnement juste pour une bonne articulation entre tous ces instruments, etc...

Quoi qu'il en soit, c'est la préférence du Conseil européen et il n'est pas certain que l'autre proposition aurait donné lieu à une mise en oeuvre plus rapide. Les prochaines semaines nous diront si les conclusions du Conseil européen du 23 avril nous ouvrent bien la voie vers un dispositif aussi robuste et clair que nécessaire.

Par ailleurs, le mécanisme d'activation de la clause dérogatoire - qui repose sur la demande de la Commission européenne, acceptée par le Conseil européen - vaut aussi pour sa suspension. Selon les règles en vigueur, la clause peut être introduite en cas de grave récession affectant l'ensemble de l'économie européenne. Il faudra, pour mettre fin à son application, que la Commission considère que l'économie européenne n'est plus en crise sérieuse. Franchement, même si ce n'est pas envisageable dans les prochains mois, j'espère que nous n'aurons pas à attendre dix ans !

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