Intervention de Jean Bizet

Commission des affaires européennes — Réunion du 30 avril 2020 à 10h00
Agriculture et pêche — Avis politique sur l'agriculture et la politique de concurrence par téléconférence

Photo de Jean BizetJean Bizet :

Mes chers collègues, nous le savons tous, l'agriculture, comme le reste de l'économie européenne, traverse actuellement la crise la plus grave depuis 1945 et, puisque la Politique agricole commune (PAC) est, avec la pêche, l'une des deux seules politiques intégrées, la Commission européenne joue ici, à la place des États membres, le rôle de décisionnaire principal, pour faire face aux évènements.

Disons-le clairement : jusqu'à la semaine dernière, le commissaire européen à l'agriculture, M. Janusz Wojciechowski, ne semblait pas prendre la mesure de la gravité de la situation, en ne prévoyant que des mesures techniques. Fort heureusement, la Commission a finalement annoncé, le 22 avril, le déclenchement des mesures d'urgence de gestion des crises, prévues aux articles 219 et 222 du règlement dit « OCM unique », relatif à l'organisation commune des marchés agricoles. Par là même, l'exécutif européen se dote enfin de pouvoirs spéciaux.

Nous ne pouvons que nous féliciter de cette évolution, que nous avions appelée de nos voeux, avec notre collègue Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques, dans un courrier conjoint au commissaire Wojciechowski, dès le 10 avril.

Pour autant, ce geste politique fort risque de décevoir les espérances des agriculteurs européens s'il ne s'accompagne pas de moyens suffisants.

Or il semblerait que le budget consacré à cet effet se borne à 88,5 millions d'euros, sans quasiment aucun argent frais. À titre de comparaison, le premier et le seul plan d'aide de septembre 2015, destiné à contrer les effets de la dernière crise laitière, avait mobilisé 500 millions d'euros. Je rappelle que le fonds pluriannuel de gestion de crise, envisagé pour le prochain cadre financier pluriannuel, s'élève à environ 400 millions d'euros.

Se limiter aujourd'hui à un montant cinq fois plus faible alors que, cette fois, toutes les filières agricoles souffrent en même temps, reviendrait à pratiquer un faible « saupoudrage » dans chacun des 27 États membres.

Si l'on devait en rester là, la réponse de l'Union européenne ne serait pas à la hauteur. Un financement additionnel par rapport à celui prévu par le cadre financier 2014-2020 apparaît plus que jamais nécessaire.

Cette question, à elle seule, mérite une réponse de notre part mais, au-delà de nos inquiétudes quant à la dimension de notre réaction commune à la crise agricole, il me semble que nous gagnerions aussi à dégager dès à présent les premiers enseignements des évènements auxquels nous faisons face.

C'est dans cet objectif qu'a été élaboré le projet d'avis politique, qui vous a été préalablement transmis afin de permettre aux membres de notre commission qui ne sont pas en mesure de participer aujourd'hui à notre réunion à distance d'apporter leur contribution. Il rassemble 23 demandes et recommandations visant, en particulier, à :

- obtenir la remise à plat du projet de réforme de la PAC à l'étude, dont le nouveau modèle de mise en oeuvre - new delivery model - risque d'aboutir à une renationalisation de la PAC, ainsi qu'à des distorsions de concurrence supplémentaires, au détriment de la France ;

- faire valoir qu'au regard de l'ampleur de la crise de la pandémie Covid-19, la PAC ne saurait être considérée comme une « vieille politique » destinée à faire l'objet de fortes coupes budgétaires, de l'ordre de 15 % en termes réels, pour la période 2021-2027 ;

- reconnaître un caractère prioritaire à l'objectif de souveraineté alimentaire de l'Union européenne, dans l'élaboration de la stratégie dite de nouvelle donne verte, ou Green New Deal, en cours d'élaboration à l'initiative de la Commission ;

- affirmer, à l'instar du Parlement européen dans sa résolution du 14 février 2017, que les objectifs de la PAC doivent prévaloir sur ceux de la politique de la concurrence, laquelle défend les seuls intérêts des consommateurs ;

- enfin supprimer la prohibition des clauses de prix à l'article 209 du règlement OCM, afin de permettre aux agriculteurs européens de pratiquer des prix communs de cession, comme le font les agriculteurs américains depuis le Capper Volstead Act du 18 février 1922.

Telles sont donc, mes chers collègues, les grandes lignes du projet d'avis politique, sur lequel je vous invite à vous exprimer.

Nous l'avons corrigé suite aux réactions justifiées d'un certain nombre d'entre vous.

À la demande de Gisèle Jourda, nous avons ainsi ajouté un paragraphe destiné à venir en aide à la filière viticole, en soutenant le recours à la distillation et au stockage privé, grâce à des moyens financiers nouveaux, les montants actuellement envisagés étant insuffisants.

En outre, en réponse aux crispations découlant de l'annonce, par le commissaire Phil Hogan il y a 48 heures, de la concrétisation d'un accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Mexique, nous avons intégré un paragraphe soulignant la nécessaire réciprocité en matière d'accords de libre-échange.

Enfin, nous avons ajouté un paragraphe sur les coproduits issus de certaines activités agricoles, référence directe à la problématique des biocarburants, que l'on a évoquée dans le cadre du dernier projet de loi de finances rectificative, sujet que connaît bien Pierre Cuypers.

La parole est aux commissaires.

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