Mes chers collègues, nous le savons tous, l'agriculture, comme le reste de l'économie européenne, traverse actuellement la crise la plus grave depuis 1945 et, puisque la Politique agricole commune (PAC) est, avec la pêche, l'une des deux seules politiques intégrées, la Commission européenne joue ici, à la place des États membres, le rôle de décisionnaire principal, pour faire face aux évènements.
Disons-le clairement : jusqu'à la semaine dernière, le commissaire européen à l'agriculture, M. Janusz Wojciechowski, ne semblait pas prendre la mesure de la gravité de la situation, en ne prévoyant que des mesures techniques. Fort heureusement, la Commission a finalement annoncé, le 22 avril, le déclenchement des mesures d'urgence de gestion des crises, prévues aux articles 219 et 222 du règlement dit « OCM unique », relatif à l'organisation commune des marchés agricoles. Par là même, l'exécutif européen se dote enfin de pouvoirs spéciaux.
Nous ne pouvons que nous féliciter de cette évolution, que nous avions appelée de nos voeux, avec notre collègue Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques, dans un courrier conjoint au commissaire Wojciechowski, dès le 10 avril.
Pour autant, ce geste politique fort risque de décevoir les espérances des agriculteurs européens s'il ne s'accompagne pas de moyens suffisants.
Or il semblerait que le budget consacré à cet effet se borne à 88,5 millions d'euros, sans quasiment aucun argent frais. À titre de comparaison, le premier et le seul plan d'aide de septembre 2015, destiné à contrer les effets de la dernière crise laitière, avait mobilisé 500 millions d'euros. Je rappelle que le fonds pluriannuel de gestion de crise, envisagé pour le prochain cadre financier pluriannuel, s'élève à environ 400 millions d'euros.
Se limiter aujourd'hui à un montant cinq fois plus faible alors que, cette fois, toutes les filières agricoles souffrent en même temps, reviendrait à pratiquer un faible « saupoudrage » dans chacun des 27 États membres.
Si l'on devait en rester là, la réponse de l'Union européenne ne serait pas à la hauteur. Un financement additionnel par rapport à celui prévu par le cadre financier 2014-2020 apparaît plus que jamais nécessaire.
Cette question, à elle seule, mérite une réponse de notre part mais, au-delà de nos inquiétudes quant à la dimension de notre réaction commune à la crise agricole, il me semble que nous gagnerions aussi à dégager dès à présent les premiers enseignements des évènements auxquels nous faisons face.
C'est dans cet objectif qu'a été élaboré le projet d'avis politique, qui vous a été préalablement transmis afin de permettre aux membres de notre commission qui ne sont pas en mesure de participer aujourd'hui à notre réunion à distance d'apporter leur contribution. Il rassemble 23 demandes et recommandations visant, en particulier, à :
- obtenir la remise à plat du projet de réforme de la PAC à l'étude, dont le nouveau modèle de mise en oeuvre - new delivery model - risque d'aboutir à une renationalisation de la PAC, ainsi qu'à des distorsions de concurrence supplémentaires, au détriment de la France ;
- faire valoir qu'au regard de l'ampleur de la crise de la pandémie Covid-19, la PAC ne saurait être considérée comme une « vieille politique » destinée à faire l'objet de fortes coupes budgétaires, de l'ordre de 15 % en termes réels, pour la période 2021-2027 ;
- reconnaître un caractère prioritaire à l'objectif de souveraineté alimentaire de l'Union européenne, dans l'élaboration de la stratégie dite de nouvelle donne verte, ou Green New Deal, en cours d'élaboration à l'initiative de la Commission ;
- affirmer, à l'instar du Parlement européen dans sa résolution du 14 février 2017, que les objectifs de la PAC doivent prévaloir sur ceux de la politique de la concurrence, laquelle défend les seuls intérêts des consommateurs ;
- enfin supprimer la prohibition des clauses de prix à l'article 209 du règlement OCM, afin de permettre aux agriculteurs européens de pratiquer des prix communs de cession, comme le font les agriculteurs américains depuis le Capper Volstead Act du 18 février 1922.
Telles sont donc, mes chers collègues, les grandes lignes du projet d'avis politique, sur lequel je vous invite à vous exprimer.
Nous l'avons corrigé suite aux réactions justifiées d'un certain nombre d'entre vous.
À la demande de Gisèle Jourda, nous avons ainsi ajouté un paragraphe destiné à venir en aide à la filière viticole, en soutenant le recours à la distillation et au stockage privé, grâce à des moyens financiers nouveaux, les montants actuellement envisagés étant insuffisants.
En outre, en réponse aux crispations découlant de l'annonce, par le commissaire Phil Hogan il y a 48 heures, de la concrétisation d'un accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Mexique, nous avons intégré un paragraphe soulignant la nécessaire réciprocité en matière d'accords de libre-échange.
Enfin, nous avons ajouté un paragraphe sur les coproduits issus de certaines activités agricoles, référence directe à la problématique des biocarburants, que l'on a évoquée dans le cadre du dernier projet de loi de finances rectificative, sujet que connaît bien Pierre Cuypers.
La parole est aux commissaires.
J'aurais souhaité élargir le mécanisme de sauvegarde à l'ensemble des productions animales ou végétales, mais je comprends qu'en voulant défendre un plus grand secteur, on risquerait d'affaiblir celui du sucre et de l'alcool, en particulier de l'éthanol, ce que j'admets volontiers. Tout est donc réglé pour ma part.
En demandant l'introduction de ce paragraphe, je ne pense pas exclusivement aux vignerons du Sud, mais à tous ceux qui, depuis la Gironde jusqu'à l'Alsace, sont touchés par la problématique liée aux stocks. Ces derniers n'ont pu être écoulés au plan international du fait de la politique des États-Unis ainsi que de celle de la Chine, qui a augmenté ses droits de douane, et bien sûr du coronavirus, qui a entraîné le non-écoulement de la production nationale et européenne de vins, encore stockés dans les caves privées ou publiques.
La distillation de crise est très attendue par les professionnels. Or nous connaissons les réticences de la Commission sur ces sujets. Les montants financiers doivent être au rendez-vous, et ce n'est pas avec des moyens divisés par cinq qu'on va y arriver.
Envoyer ce signal à la filière viticole est extrêmement important, et je tiens à vous remercier, Monsieur le Président, de proposer de l'intégrer dans cet avis politique. Dans le futur, ce sujet fera certainement l'objet d'une résolution spécifique.
Monsieur le Président, j'ai fait parvenir hier, par l'entremise de mon groupe, des observations sur ce projet d'avis politique, avec lequel nous sommes globalement en phase, d'autant qu'il fait écho à des demandes formulées par la plupart des États européens, et notamment la France, ainsi que par le Parlement européen.
Je vous prie de m'excuser d'avoir réagi tardivement, mais nous sommes en ce moment en visioconférence ou en réunion téléphonique pratiquement de 9 heures à 20 heures, et il devient très difficile de travailler sur tous les dossiers dans ces conditions. Dans un autre domaine, j'ai assisté cette semaine à deux auditions sur le même sujet dans deux commissions différentes. Il va falloir éviter de tomber dans la « réunionite » téléphonique. Pour autant, il est important d'échanger le plus possible avec les commissions au fond sur tous les sujets.
Cet avis politique démontre le caractère éminemment stratégique de la sécurité alimentaire et de la résilience des exploitations agricoles en Europe. Ceci justifie l'idée d'un budget ambitieux pour la PAC. Nous sommes tous d'accord sur ce point.
Nous nous interrogeons cependant, car le plan de relance voulu par la Commission et un certain nombre d'États membres pourrait finalement s'insérer dans le cadre financier pluriannuel, si celui-ci était porté à hauteur d'environ 2 % du produit intérieur brut de l'Union. Il est très difficile de savoir si on continue à raisonner sur la base des précédentes évaluations des présidences finlandaise et croate, ou si l'on passe dans une dimension qui représenterait pratiquement un doublement des moyens disponibles, dans laquelle s'imposeraient naturellement des priorités - et je suis d'accord pour dire que la question de la PAC en est une.
Je voudrais néanmoins que tout ceci ne se fasse pas au détriment du Green New Deal, de la lutte contre les changements climatiques ou de la protection de la biodiversité.
Le texte qui nous est présenté est prudent et, en ce sens, très intelligent. Le point 20 demande d'accorder un caractère prioritaire à l'objectif de souveraineté alimentaire de l'Union européenne. Je suis d'accord, à condition qu'il y ait plusieurs priorités et que l'une ne chasse pas l'autre.
Nous avons aussi besoin de faire évoluer notre modèle agricole. La sécurité alimentaire, ce n'est pas simplement l'autonomie, c'est aussi la qualité des produits. Nous avons encore une agriculture très performante. Il ne faudrait pas, au nom de l'indépendance alimentaire, nous acheminer vers une production de qualité dégradée. C'est le point sur lequel je voulais insister, sans plus d'éléments.
Le point 21 est important. On est là dans la préservation d'un certain nombre de secteurs, et je soutiens ce qu'ont dit Gisèle Jourda et d'autres collègues concernant les secteurs stratégiques.
Au-delà de la préservation, il va peut-être falloir reconquérir des espaces. C'est le but du plan de relance. On a aujourd'hui du mal à articuler le futur budgétaire de l'Union européenne avec les priorités et les marges de manoeuvre de la PAC dans ce domaine.
Merci pour cet avis, que j'approuve.
Toutefois, compte tenu de l'annonce de Phil Hogan concernant la finalisation de l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Mexique, l'ajout que vous avez prévu en matière de réciprocité suffit-il ?
On nous répète que tout doit être mis en oeuvre pour préserver notre souveraineté alimentaire en cette période de pandémie. Au même moment, l'Union européenne valide l'importation de 20 000 tonnes de viande bovine mexicaine, aujourd'hui interdite pour des raisons sanitaires.
Je suis très perplexe, alors qu'on évoque le Green New Deal et la stratégie « De la ferme à la table ». Un ajout suffit-il, comme vous l'avez proposé, Monsieur le Président ? On sait que la Commission poursuit ses discussions avec le MERCOSUR, et notre commission a déjà eu l'occasion d'exprimer les craintes qu'elle avait à cet égard.
Au moment où cet avis politique évoque l'importance de la PAC, ne devrait-on pas envoyer un signe plus fort que celui qui est prévu concernant la nécessité de préserver à l'avenir la qualité de l'alimentation des Européens ? Je rappelle quant à nous notre opposition ferme à un accord avec le MERCOSUR en l'état actuel. C'est ma réserve sur ce plan.
Mon intervention s'inscrit dans le prolongement de ce que vient de dire André Reichardt par rapport à l'accord avec le Mexique.
Je trouve qu'en la circonstance, cet accord est très mal venu et ne sera pas compris. Je le dis comme je le pense.
Par ailleurs, l'ALENA vit ses derniers moments, avec un accord de nouvelle génération entre le Mexique, les États-Unis et le Canada. Pour ma part, je ne mesure pas encore complètement les interactions avec le Mexique. Je serais favorable à un renforcement sur ce point du texte qui nous est proposé.
Pour le reste, il n'y a aucun problème.
Je voudrais indiquer à André Gattolin que la problématique de la biodiversité reste au coeur non seulement du Green New Deal mais de l'évolution de nos sociétés.
En ce qui concerne l'accord avec le Mexique, je persiste à penser qu'il peut être bénéfique pour l'Union européenne de conclure d'autres accords de libre-échange. Je l'assume très clairement, mais j'ai trouvé cela extrêmement maladroit de l'annoncer en la circonstance.
Ceci est de la compétence exclusive de l'Union européenne, mais faire abstraction de la circonstance présente ne fait que crisper les États comme le nôtre, déjà inquiets pour certaines de leurs filières. 20 000 tonnes de viande bovine ne représentent de mémoire que 0,03 ou 0,02 % de la production de l'Union européenne. Il s'agit donc moins d'un problème comptable que d'un problème d'image.
Cet avis politique pourrait au moins exprimer notre incompréhension au vu de la conjoncture. On parle beaucoup de la grande crise de 1929. Elle avait été amplifiée à l'époque par un protectionnisme exacerbé. Il ne faudrait pas tomber dans cette dérive. Mais je suis tout à fait d'accord avec Pascal Allizard et André Reichardt pour estimer que c'est une grande maladresse d'annoncer aujourd'hui un accord avec le Mexique.
Ne peut-on aller plus loin ? Nous avons régulièrement réclamé à l'Union européenne et à la Commission de faire un point sur l'ensemble des traités de libre-échange. Ne faudrait-il pas, sans parler de moratoire, demander qu'une étude soit menée dans le cadre de la reconfiguration des discussions et des traités en cours, à la suite de la crise ?
On ne peut continuer à négocier une quarantaine d'accords de libre-échange selon un calendrier antérieur. La machine ne doit pas tourner seule, sans tenir compte des nouvelles orientations. Il faudrait demander a minima à la Commission un panorama de l'impact des traités en discussion au regard des nouveaux objectifs stratégiques.
Je suis parfaitement d'accord. Il faut que l'on mesure bien les interférences avec les autres accords régionaux. Je pense qu'on ne les évalue pas assez globalement.
Je vous propose donc, au regard des interventions des uns et des autres, d'évoquer notre incompréhension, compte tenu du moment, et d'insister sur la nécessité d'études d'impact et de vision d'ensemble. Nous mènerons bien entendu une analyse plus approfondie de ce nouvel accord.
Cet avis politique fera l'objet par la suite d'une proposition de résolution européenne, dès que nous retrouverons la possibilité matérielle d'en adopter une.
La commission adopte l'avis politique ainsi rédigé, qui sera adressé à la Commission européenne :
Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), en particulier ses articles 39, 40, 42 et 101,
Vu le règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles (couramment appelé « OCM »),
Vu le règlement (UE) n° 2017/2393 dit « Omnibus » du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2017, modifiant en particulier sur plusieurs points les dispositions du règlement n° 1308/2013 précité, y compris les déclarations de la Commission européenne publiées en annexe au Journal officiel de l'Union européenne,
Vu la directive (UE) n° 2019/633 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 sur les pratiques commerciales déloyales dans les relations interentreprises au sein de la chaîne d'approvisionnement agricole et alimentaire,
Vu la résolution du Parlement européen du 14 février 2017 sur le rapport annuel sur la politique de concurrence de l'Union européenne et en particulier ses points 79, 80, 81 et 82,
Vu l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (grande chambre) du 14 novembre 2017, dans l'affaire C-671/15, Président de l'Autorité de la concurrence contre Association des producteurs vendeurs d'endives (APVE),
Vu les propositions législatives de réforme pour la Politique agricole commune à l'horizon 2021/2027, publiées par la Commission européenne le 1er juin 2018,
Vu le rapport sur les « Nouvelles règles de concurrence pour la chaîne agro-alimentaire dans la PAC post 2020 » réalisé, à la demande de la commission AGRI du Parlement européen, par les professeurs Antonio Iannarelli et Catherine Del Cont et publié le 14 septembre 2018,
Vu la première résolution européenne n° 130 (2016-2017) du Sénat, en date du 8 septembre 2017, sur l'avenir de la Politique agricole commune (PAC) à l'horizon 2020,
Vu la deuxième résolution européenne n° 116 (2017-2018) du Sénat, en date du 6 juin 2018, en faveur de la préservation d'une politique agricole commune forte, conjuguée au maintien de ses moyens budgétaires,
Vu la troisième résolution européenne n° 96 (2018-2019) du Sénat, en date du 7 mai 2019, sur la réforme de la PAC,
La commission des Affaires européennes du Sénat :
Affirme que les difficultés traversées par l'agriculture des États membres en raison de la pandémie de Covid-19 justifient la mise en place de mécanismes exceptionnels temporaires permettant de garantir de justes prix aux agriculteurs européens, compte tenu de la raréfaction drastique des débouchés potentiels, à l'intérieur et à l'extérieur du marché unique ;
Demande que la Commission européenne, après s'être saisie des prérogatives dont elle dispose, au titre des dispositions non seulement de l'article 219, mais également de celles de l'article 222 du règlement « OCM », prenne toutes les mesures d'urgence exigées par les circonstances de la crise du Covid-19, y compris en dérogeant au cadre général de la réglementation de la concurrence, pour permettre aux producteurs agricoles de s'entendre ;
Plaide pour que ces mesures exceptionnelles incluent la mise en place d'aides au stockage privé et de stockage public d'une envergure suffisante face à la crise exceptionnelle à laquelle les États membres doivent faire face, afin d'éviter une baisse massive de la production agricole, risquant de priver de denrées alimentaires indispensables les États membres mais aussi de nombreux États tiers;
Constate que la crise sanitaire et économique liée au Covid-19 a mis au jour une évidence, trop souvent négligée dans le débat public au cours des dernières années, à savoir que la PAC permet de nourrir les citoyens européens et d'assurer leur autosuffisance collective, évitant ainsi d'ajouter une crise alimentaire à une crise sanitaire déjà aiguë ;
Fait valoir, dans ces conditions, que la PAC n'a rien d'une « vieille » politique et ne saurait faire l'objet de fortes « coupes budgétaires », comme celles de l'ordre de 15 % en termes réels envisagées pour la période 2021/2027 ;
Insiste a contrario sur le caractère hautement stratégique de la PAC, socle de la souveraineté alimentaire européenne ;
Appelle, dans ces conditions, à reconsidérer l'économie générale du projet de réforme de la PAC en cours de négociation depuis le 1er juin 2018, en renonçant, pendant qu'il en est encore temps, à la perspective d'une « renationalisation » de cette politique, impliquant un transfert de bureaucratie sans bénéfice réel pour les agriculteurs européens et un risque de distorsions de concurrence intra-européennes supplémentaires;
Demande, de la même façon, d'accorder désormais un caractère prioritaire à l'objectif de souveraineté alimentaire de l'Union européenne, dans l'élaboration des deux volets « de la ferme à la fourchette » et « biodiversité » de la stratégie dite de « nouveau pacte vert », actuellement en cours d'élaboration à l'initiative de la Commission européenne ;
Fait valoir qu'au-delà des possibilités actuelles de transferts entre les deux piliers de la PAC, l'indemnisation des pertes d'activité des producteurs agricoles européens consécutives à la pandémie du Covid-19 nécessitera des dépenses additionnelles, dépassant les montants initialement prévus dans l'enveloppe budgétaire 2020 de la PAC ;
Demande, pour permettre au secteur vitivinicole de faire face à la pandémie de Covid-19, des mesures supplémentaires spécifiques, qui incluent des aides à la distillation et au stockage privé, et qui ne soient pas financées par les seuls fonds disponibles des programmes nationaux d'aide, aujourd'hui notoirement insuffisants ;
Considère qu'il convient d'accroître la dotation budgétaire - prévue à ce stade pour 400 millions d'euros - de la réserve pluriannuelle de gestion des crises agricoles que la Commission européenne propose de créer pour la PAC 2021/2027, en remplacement de l'actuel dispositif, demeuré totalement inopérant jusqu'à ce jour ;
Demande la mise en place d'un mécanisme de sauvegarde particulier pour le secteur sucrier en raison de la chute brutale des cours du sucre et de l'éthanol imputable à la crise pétrolière, qui s'est développée parallèlement à la pandémie du Covid-19 ;
Souligne, avant l'ouverture de toute négociation d'un accord commercial, l'importance de revoir la PAC et la politique de concurrence, afin de mettre nos agriculteurs dans les meilleures conditions de compétitivité ;
Rappelle la nécessité de s'assurer, avant toute signature d'accord de libre-échange entre l'Union européenne et un pays tiers comportant un volet agricole, qu'il existe une équivalence sur la base d'une réciprocité des normes de production entre les produits importés et les produits européens, sans laquelle les producteurs européens seraient pénalisés ;
Prend connaissance avec un vif étonnement, dans le contexte actuel de crise économique aigüe liée à la pandémie de Covid-19, de l'annonce par la Commission européenne de la conclusion de négociations commerciales avec le Mexique et manifeste son incompréhension à cet égard ;
Souligne la nécessité d'une vision d'ensemble de toutes les négociations commerciales en cours, ce qui implique que la Commission européenne fournisse aux États membres et aux Parlements nationaux des études d'impact permettant d'évaluer, filière par filière et pays par pays, les conséquences ex ante et ex post, des choix opérés lors de ces diverses négociations et leurs effets croisés ;
Souligne qu'au-delà de la crise provoquée par la pandémie de Covid-19, dont les répercussions se font sentir sur de très nombreuses filières et se répercuteront sur l'approvisionnement en coproduits pour l'alimentation animale, l'agriculture européenne souffre de handicaps persistants, parmi lesquels figurent, d'une part, l'insuffisante prise en compte, en matière de droit de la concurrence, de la spécificité de l'agriculture et, d'autre part, la faiblesse structurelle des producteurs face aux industriels transformateurs et aux distributeurs, toujours plus concentrés ;
Affirme, d'une façon générale, que les objectifs de la PAC, qui a démontré son caractère vital, doivent de ce fait prévaloir de façon effective sur ceux de la politique de la concurrence ;
Souligne en conséquence la nécessité d'aller au-delà des avancées du règlement dit « Omnibus » (UE) n° 2017/2393 du 13 décembre 2017, ainsi que de celles, plus modestes, de la directive (UE) n° 2019/633 du 17 avril 2019 sur les pratiques commerciales déloyales, quelles que soient les réserves formulées par la Commission européenne dans sa singulière « déclaration » annexée audit règlement « Omnibus » et publiée au Journal officiel de l'Union européenne du 29 décembre 2017 ;
Affirme, comme le Parlement européen dans sa résolution du 14 février 2017 sur le rapport annuel de la politique de la concurrence de l'Union européenne, que les activités collectives menées par les organisations de producteurs (OP) sont bénéfiques dès lors qu'elles contribuent à atteindre les objectifs de la PAC définis à l'article 39 du TFUE et devraient donc, par principe, être présumées compatibles avec les règles européennes de concurrence, destinées à protéger les seuls intérêts des consommateurs ;
Fait valoir, en conséquence, la nécessité de renforcer le pouvoir de négociation des producteurs agricoles et de favoriser une répartition plus équitable de la valeur ajoutée tout au long de la chaîne d'approvisionnement ;
Considère qu'il y a lieu, pour ce faire, de développer les moyens d'action des organisations de producteurs et de leurs associations en matière de régulation des prix, de façon, en particulier, à venir en aide à la filière viande bovine, confrontée à des faiblesses structurelles persistantes entraînant un niveau beaucoup trop faible de revenus pour les producteurs ;
Demande ainsi la suppression, à l'article 152 du règlement (« OCM ») 1308/2013, de la référence au §1 de l'article 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (visant à interdire les pratiques susceptibles de fausser le jeu de la concurrence dans le marché intérieur), dans la mesure où les missions et objectifs des organisations de producteurs échappent nécessairement à l'application des règles de concurrence ;
Demande également que les pratiques des agriculteurs et de leurs associations soient présumées contribuer à la réalisation des objectifs de la PAC définis à l'article 39 du TFUE, conformément aux articles 152 et 209 du règlement « OCM » 1308/2013 ;
Affirme que la négociation collective doit permettre aux producteurs agricoles de convenir de prix minimaux ;
Soutient en conséquence la nécessité de supprimer la prohibition des clauses de prix à l'article 209 §1 du règlement « OCM »1308/2013, afin de permettre aux agriculteurs européens de pratiquer des prix communs de cession, comme le font les agriculteurs américains depuis le Capper Volstead Act du 18 février 1922 ;
Mes chers collègues, la Commission a présenté, le 4 mars 2020, sa proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant le règlement (UE) 2018/1999. Cette « loi européenne sur le climat » fixe en particulier un objectif phare, atteindre la neutralité climatique dans l'Union européenne dans son ensemble d'ici 2050.
Sur la suggestion de son groupe de travail sur la subsidiarité, notre commission a demandé à nos collègues Benoît Huré et Jean-Yves Leconte d'intervenir ce matin pour nous présenter leur analyse de ce texte, non pas sur le fond - nous aurons certainement l'occasion d'y revenir ultérieurement, tant le sujet est important -, mais au regard du respect du principe de subsidiarité. En application des traités et du protocole sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité, nous n'avons que huit semaines pour adresser un avis motivé à la Commission, si nous considérons que le principe de subsidiarité n'est pas respecté.
Ce délai de huit semaines expire la semaine prochaine, alors que nous serons toujours en période de confinement obligé pour lutter contre la pandémie de Covid-19. Or dans son état actuel, le règlement de notre assemblée ne prévoit pas la possibilité d'un vote à distance en commission.
La Commission a certes assuré les parlements nationaux qu'elle ferait preuve de souplesse à l'égard de ce délai de huit semaines au vu des circonstances inédites, mais ce délai reste ce qu'il est, puisqu'il est fixé dans les traités. Aussi, avec l'accord du Bureau de notre commission, il vous est proposé aujourd'hui de convenir d'une position informelle sur le respect du principe de subsidiarité par le texte que nous examinons.
Chacun d'entre vous est invité à contribuer aujourd'hui à l'élaboration de cette position, dont le projet vous a été adressé en amont de notre réunion à distance. Nous pourrions ainsi la transmettre à titre informel à la Commission, dans le délai imparti, afin de lui signifier notre préoccupation.
Nous pourrons plus tard l'adopter formellement en commission et la déposer officiellement, sous forme de proposition de résolution européenne. Celle-ci sera alors renvoyée à la commission compétente au fond, celle de l'aménagement du territoire et du développement durable, avant de devenir enfin résolution du Sénat. Nous serons alors hors délai, mais nos procédures internes auront été respectées.
La parole est aux rapporteurs.
L'exercice est un peu difficile, car il s'agit d'un sujet d'importance qui, sur le fond, fait largement consensus, même si on s'aperçoit très vite que les prétentions de la Commission peuvent prêter à discussion.
En matière de lutte contre le changement climatique et de problématiques d'énergie, les compétences sont partagées entre l'Union européenne et les États membres. C'est l'article 4 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et la justification de cette proposition de règlement sur le climat qui prend toute son ampleur dans le cadre du Green Deal.
Les délais impartis aux parlements nationaux sont trop contraints, vous l'avez dit, Monsieur le Président. Nous l'avions déjà dénoncé, mais l'épidémie de Covid-19 a compliqué les choses.
Nous avons malgré tout réussi à mener quatre auditions avec le Secrétariat général des affaires européennes, la Direction générale de la Commission européenne en charge du climat, l'Institut Jacques Delors et l'Institut de l'économie pour le climat (I4CE). Nous avons constaté que la communication passait mieux entre Bruxelles et la Pologne qu'entre Bruxelles et les Ardennes, qui ne sont pourtant qu'à 90 kilomètres - mais nous avons fini par nous entendre !
En préambule, nous proposons de réaffirmer le souhait de notre commission de rallonger ce délai pour le porter de huit à dix semaines, et de fixer un délai de douze semaines à la Commission pour répondre à un avis motivé.
Nous proposons également de prévoir une suspension de ces délais en cas de circonstances exceptionnelles, comme celle de l'épidémie que nous traversons. Ces propositions nécessiteraient une modification du protocole numéro 2 sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité, annexé aux traités.
Concernant la proposition de règlement elle-même, nous avons relevé quatre points.
Le premier point concerne l'objectif phare de cette proposition, à savoir la fixation d'un objectif de neutralité climatique évalué globalement au niveau de l'Union à l'horizon 2050.
La France s'est déjà fixé, à son niveau, un objectif identique en phase avec les objectifs de l'accord de Paris sur le climat. Le Parlement européen a adopté une résolution demandant la fixation de cet objectif, et le Conseil européen l'a approuvé en décembre dernier, même si un État membre, la Pologne, a indiqué qu'il ne pouvait s'engager pour l'instant à mettre en oeuvre cet objectif en ce qui le concerne. Ce point devrait être abordé par le Conseil européen en juin 2020.
Nul doute que, pour la Pologne, l'acceptation de cet objectif est liée à la finalisation du prochain cadre financier pluriannuel, essentiel pour accompagner ses efforts en matière d'émissions carbone.
Cette appréciation globale au niveau de l'Union européenne implique une solidarité entre les États membres : certains pourraient ne pas atteindre l'objectif, tandis que d'autres le dépasseraient. Nous ne disposons pas, à ce stade, d'évaluation des écarts possibles entre les États membres autour de cet objectif 2050, mais il est important de souligner que cette exigence de neutralité globale est logique.
Elle permet en effet de prendre en compte la diversité des pays qui possèdent des atouts, des activités et des mix énergétiques très différents. Fixer un objectif de neutralité carbone à chaque État ne correspondrait pas à un effort équivalent entre la République tchèque et la Finlande. C'est pourquoi la solidarité est importante.
Nous relevons que l'Union européenne s'est déjà fixé des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, notamment aux horizons 2020 et 2030. Nous considérons que la fixation dans la loi européenne d'un objectif de neutralité carbone à l'horizon 2050, au niveau de l'Union européenne dans son ensemble, présente une valeur ajoutée importante et utile.
Compte tenu du fait qu'une action coordonnée au niveau de l'Union est essentielle pour compléter et aiguillonner les mesures prises au niveau des États membres, cet objectif nous semble, tel qu'il est présenté, justifié au regard du principe de subsidiarité.
Le deuxième point concerne la perspective d'une révision à la hausse de l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2030, qui avait été validé par le Conseil européen en octobre 2014, puis décliné en 2018 dans un règlement sur la répartition de l'effort entre les États membres.
La Commission devrait réexaminer d'ici septembre 2020 l'objectif spécifique de réduction des émissions de gaz à effet de serre de l'Union européenne à l'horizon 2030. Elle souhaiterait relever cet objectif, qui était fixé à 40 %, pour le porter à 50 %, voire 55 % par rapport aux niveaux de 1990. Des propositions de modifications législatives européennes pourraient alors être proposées en ce sens d'ici le 30 juin 2021 au plus tard.
Le Parlement européen, dans une résolution adoptée le 28 novembre 2019, a appelé à relever cet objectif de réduction des émissions à l'horizon 2030 à 55 %.
Cette perspective de rehaussement de l'ambition de l'Union européenne à l'horizon 2030 peut apparaître cohérente avec l'objectif élevé que la proposition de règlement fixe d'ici 2050. C'est toutefois un point très sensible politiquement et il n'y a pas, à ce stade, de consensus entre les États membres.
Nous regrettons que l'étude d'impact concernant les cibles de réduction envisagées à l'horizon 2030 n'ait pas été présentée en même temps que la proposition de règlement pour permettre d'apprécier la proportionnalité de cette proposition.
L'Agence européenne pour l'environnement a en effet souligné l'importance des efforts nécessaires pour respecter l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 % à l'horizon 2030.
Dès lors que l'actuel objectif 2030 a été validé en 2014 par le Conseil européen, à l'unanimité, nous observons que la décision de rehausser le niveau de l'ambition à l'horizon 2030 devrait également être approuvée par le Conseil européen, avant d'être validée dans le cadre de cette proposition de règlement au terme de la procédure législative ordinaire.
Les deux points qui suivent sont plus problématiques au regard du respect de la répartition des compétences entre les États membres et l'Union.
La proposition de règlement prévoit des modalités d'évaluation des progrès et des mesures prises par l'Union européenne et les États membres. À partir de 2023, et tous les cinq ans ensuite, la Commission évaluera les progrès réalisés et pourra ainsi adresser des recommandations à un État membre si les mesures qu'il a adoptées sont incompatibles avec l'objectif de neutralité climatique, ou inappropriées pour améliorer la capacité d'adaptation au changement climatique.
Nous convenons que le principe d'une évaluation est nécessaire pour assurer un suivi effectif d'un objectif contraignant. Il se justifie également au regard des investissements exigés pour atteindre cet objectif et des financements qui seront octroyés par l'Union européenne.
Lors de l'audition des représentants de la Direction générale en charge du climat, les services de la Commission nous ont indiqué que l'article concernant la procédure d'évaluation des mesures prises par les États membres reprend des éléments déjà validés dans le règlement du 11 décembre 2018 sur la gouvernance de l'union de l'énergie et de l'action pour le climat. Le champ de ces deux textes est toutefois différent.
En effet, la procédure d'évaluation des mesures nationales renvoie notamment à la trajectoire entre 2030 et 2050, que la Commission souhaite définir par voie d'actes délégués, en s'appuyant sur des éléments très larges.
Cela inclut notamment le rapport coût-efficacité et l'efficience économique, la compétitivité de l'économie de l'Union, les meilleures technologies disponibles, l'efficacité énergétique, l'accessibilité financière de l'énergie et la sécurité de l'approvisionnement en énergie, la nécessité de garantir l'efficacité environnementale et une progression dans le temps, enfin les besoins et les possibilités d'investissement.
Après avoir entendu le Secrétariat général des affaires européennes, nous considérons qu'il conviendrait de clarifier cette procédure d'évaluation des mesures nationales, notamment au regard de l'article 194 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui affirme le droit pour un État membre de déterminer les conditions d'exploitation de ses ressources énergétiques, son choix entre différentes sources d'énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique.
Il est évidemment légitime, dès lors que l'Union se fixe un objectif, que la Commission veille à en assurer le respect, mais le principe de subsidiarité impose aussi de veiller à ce qu'elle n'interfère pas de manière excessive dans les compétences des États membres au travers des recommandations qu'elle pourrait leur adresser. Or il nous semble qu'il existe aujourd'hui un flou sur ce point.
J'ajoute, à titre personnel, qu'en matière d'évaluation, nous pouvons faire un parallèle avec les difficultés rencontrées il y a quelques années pour la mise en place d'une évaluation de l'action des États membres en matière de surveillance des frontières de l'Union européenne, compétence régalienne s'il en est, avec des États jaloux de leurs prérogatives. Il a fallu longtemps pour que les États acceptent des procédures et le verdict de Frontex. Ces évaluations sont pourtant indispensables à la poursuite d'objectifs communs.
Le dernier point est le plus problématique.
Au cours de la période allant de 2030 à 2050, la Commission propose de se voir habilitée à adopter des actes délégués pour définir la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre en vue d'atteindre l'objectif de neutralité climatique d'ici 2050. Elle considère que « la mise en place d'une gouvernance solide dans la perspective de l'objectif de neutralité climatique à l'horizon 2050 contribuera à faire en sorte que l'Union européenne reste sur la bonne voie pour atteindre cet objectif ».
Nous relevons que le texte proposé par la Commission ne comporte pas de perspective d'un objectif spécifique à l'horizon 2040, alors que l'Union européenne s'est jusqu'à présent fixé des objectifs pour 2020 et 2030.
Toutefois, les actes délégués et les actes d'exécution, aujourd'hui, ne sont pas transmis aux parlements nationaux aux fins de contrôle du respect du principe de subsidiarité, alors qu'ils constituent des compléments des actes législatifs qui, eux, sont soumis à ce contrôle.
Le recours aux actes délégués est encadré par l'article 290 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Il stipule ainsi qu'« un acte législatif peut déléguer à la Commission le pouvoir d'adopter des actes non législatifs de portée générale qui complètent ou modifient certains éléments non essentiels de l'acte législatif. (...) Les éléments essentiels d'un domaine sont réservés à l'acte législatif et ne peuvent donc pas faire l'objet d'une délégation de pouvoir ».
Or nous considérons que la définition de la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre n'est pas une définition technique ni mécanique. C'est une décision éminemment politique qui emporte, dans chaque État membre, des conséquences économiques et sociales, technologiques et industrielles, mais aussi en termes d'aménagement du territoire. Pour être mise en oeuvre avec succès, nous pensons que la trajectoire doit être pleinement acceptée par les États membres et les peuples. C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons le faire selon les modalités proposées par la Commission.
Cette trajectoire doit également donner aux acteurs de l'économie et aux investisseurs de la prévisibilité sur la durée complète d'un cycle d'investissement.
Nous considérons dès lors que la définition de la trajectoire est un élément essentiel au regard de l'objectif de cette proposition de règlement, ce qui interdit le recours envisagé aux actes délégués. Nous partageons à cet égard la conclusion d'une étude réalisée par les services du Parlement européen.
Pour ces raisons, même si le principe de la fixation d'un objectif de neutralité climatique de l'Union dans son ensemble à l'horizon 2050 nous paraît justifié au regard de la répartition des compétences entre les États membres et l'Union européenne, nous vous proposons de considérer que la proposition de règlement ne respecte pas le principe de subsidiarité.
J'ajoute, compte tenu du changement de contexte en Europe depuis le 5 mars dernier, qu'il n'est pas concevable que la Commission laisse inchangées ses propositions au regard du fléau mondial que constitue la pandémie de Covid-19.
Il ne s'agit pas ici de constater la propreté des eaux à Venise ou la probable réduction des émissions de gaz à effet de serre estimée par le Haut Conseil pour le climat entre 5 % et 15 %, mais de s'inquiéter des répercussions à moyen et à long terme de la crise si les actions pour financer le redémarrage de l'économie ne sont pas congruentes avec le Green Deal. La Pologne et la République tchèque pèsent déjà pour un report des objectifs climatiques, à l'instar d'Airbus et Rolls-Royce, qui ont annoncé mardi la fin du développement de leur démonstrateur d'avion hybride qui faisait appel à la supraconductivité.
Nombreux sont les industriels qui pourraient avoir la tentation de retarder ou d'annuler les recherches les plus audacieuses en matière d'évolution énergétique. Rappelons pourtant qu'un cycle d'investissement sur cette question est de plus de vingt ans et pèsera sur la capacité de l'Union européenne à tenir ses objectifs pour 2050.
Il est probable qu'il existe, pour relancer l'économie, des pistes qui feront converger les préoccupations économiques de court terme avec les préoccupations écologiques et sanitaires, notamment dans les transports publics ou la rénovation des logements et des bâtiments publics. N'opposons pas le redémarrage de l'économie et le défi écologique. L'Union européenne doit miser sur des financements qui permettent de coupler ces deux objectifs.
Il me semblait important de le rappeler compte tenu du contexte.
Il est urgent que la discussion ait lieu. Il nous faut adopter la meilleure coordination possible. Sans oublier l'impératif de parvenir à la neutralité climatique à l'horizon 2050, il convient d'armer tous nos acteurs économiques pour y parvenir.
Il faut conserver l'objectif de neutralité climatique, car nous pourrions être confrontés à des difficultés si nous ne nous y tenons pas.
L'Union européenne doit adopter une position de leader, qui n'est pas incompatible avec les performances économiques si on s'en donne les moyens.
On est déjà dans le débat. Il était en effet frustrant de devoir nous exprimer devant vous sur le seul aspect de la subsidiarité, alors qu'on a eu la chance de participer à des auditions qui ont largement abordé les grands enjeux auxquels il ne faut pas renoncer.
Merci.
Nos deux rapporteurs ont, dans un premier temps, souligné l'enjeu au regard de la subsidiarité. La démonstration est claire.
Le fait d'utiliser des actes délégués et des actes d'exécution qui occultent totalement le rôle et le travail des parlements nationaux est inacceptable. Il était important de le relever.
La parole est aux commissaires.
Je dois vous quitter, car je dois participer à une réunion à la préfecture.
J'ai bien reçu le message de tous les élus du Grand Est concernant les problèmes des travailleurs frontaliers, suite au déconfinement « asynchrone » entre l'Allemagne et la France. Le zèle de la police allemande semble excessif. J'ai adressé un courrier au Premier ministre, à l'ambassadeur d'Allemagne à Paris, M. Meyer-Landru, et à Mme de Montchalin à ce sujet. Je crois que Valérie Létard a par ailleurs interpellé hier Mme de Montchalin sur la question.
Nous allons essayer de tourner cette page désagréable pour ceux qui la vivent au quotidien.
Il ne s'agit pas que des travailleurs frontaliers. Malgré les appels à une plus grande coordination que nous avons lancés au moment du déconfinement, cela touche aussi les Alsaciens qui vont faire leurs courses en Allemagne.
C'était à prévoir, dès lors que le déconfinement en Allemagne a débuté lundi dernier et que nous n'engagerons le nôtre que le 11 mai prochain. On relève une absence totale de coordination.
Les choses sont sans doute moins marquées entre la France et la Belgique, mais nous appelons là aussi à une meilleure coordination.
Je confirme ce que vient de dire André Reichardt.
On assiste même à de la délation vis-à-vis des travailleurs transfrontaliers qui s'arrêtent dans une boulangerie, en Allemagne, en sortant de leur travail. Dès que les Allemands voient une voiture immatriculée en France, ils appellent la police. Cela va très loin.
Le message a été transmis aux présidents Larcher et Retailleau.
Je pensais poser une question lundi, dans le cadre de la loi sur le déconfinement, mais elle est examinée en urgence, et on a considéré que l'affaire avait déjà été exposée par Valérie Létard.
Revenons-en à l'environnement...
Il va valoir se fixer des priorités face à l'épidémie de Covid-19. Les agendas peuvent-ils être tenus, alors que les moyens de l'Europe vont être contenus ?
Il est prématuré de le dire. Notre analyse ne portait que sur le respect du principe de subsidiarité. Il faut faire attention à l'affichage qu'on présente. Je crois qu'il faut conserver les objectifs. Certes, une certaine souplesse est nécessaire, mais il ne faut surtout pas relâcher notre vigilance.
La neutralité climatique à l'horizon 2050 est synonyme d'une nouvelle économie dans laquelle l'Europe et nos pays peuvent être leaders. Des transitions sont nécessaires et il faut peut-être ajuster les calendriers mais il ne faut pas se précipiter dans une faille pour remettre en cause les objectifs. J'ai vu certains anti-environnementalistes donner l'impression de se précipiter dans la brèche, un peu comme Donald Trump.
C'est une question de dosage. De même, il ne faut pas oublier que la misère tue bien plus que l'épidémie de Covid-19.
Je partage sur le fond l'avis de nos deux collègues au sujet de l'abus d'actes délégués et de l'effacement de la subsidiarité. Ce n'est pas ainsi que la Commission donnera envie d'Europe.
Il convient cependant de se poser une question par rapport à nos objectifs de réduction des gaz à effet de serre. Si, pour des raisons stratégiques, nous voulons retrouver une forme de souveraineté industrielle et si nous décidons de relancer une politique européenne industrielle avec, à la clef, certaines formes de relocalisation, il ne faudra pas nous retrouver bloqués.
La nouvelle industrie européenne doit être la plus propre possible, mais il faut être conscient que des relocalisations pourraient provoquer une hausse des émissions de gaz à effet de serre en Europe, tout en les faisant diminuer dans d'autres parties du monde. Ne retenir que les objectifs de l'Union européenne constituerait, à mon sens, une erreur conceptuelle : il faut avoir une vision plus large des émissions de gaz à effet de serre.
Très bonne remarque !
Nous devons en effet avoir une vision globale. La problématique de la neutralité climatique concerne le monde entier, même si l'Europe veut avancer plus vite que d'autres. La relocalisation de certaines productions industrielles doit nous amener à beaucoup de pragmatisme.
Il serait stupide d'afficher une neutralité climatique et de continuer à importer des biens produits par des pays qui ne la respectent pas ! On sait où conduisent les dogmes.
Lors d'une précédente communication, j'avais évoqué les émissions de carbone engendrées hors de l'Union européenne par nos importations, mais il faut aussi considérer celles que produit l'Europe par rapport à ses exportations.
La question soulevée par André Gattolin est liée à l'évolution de notre industrie au cours des dernières années. La désindustrialisation, contrairement à ce que nous pensons en France, est d'abord un problème français, et non européen. Il existe des spécialisations en Europe et hors d'Europe, mais pas de désindustrialisation globale et massive.
C'est donc d'abord un problème français et il doit être pris en compte. Si nous voulons réindustrialiser notre pays, nous aurons à le considérer. Il ne serait pas raisonnable de dire qu'on ne soutient pas l'industrie automobile ou l'aéronautique parce que ces industries émettent des gaz à effet de serre.
Il ne faut pas non plus soutenir aujourd'hui, dans le cadre du redémarrage de l'économie, des investissements sur quinze ou vingt ans qui rendraient la trajectoire plus compliquée ensuite. Il faut faire en sorte que l'objectif de court terme et nos objectifs de long terme soient cohérents. Il existe un vrai risque de ce côté si l'on considère les appels de quelques-uns à se relâcher sur ce terrain. Certains investissements peuvent être bons à court et long termes.