Intervention de Jean-Yves Leconte

Commission des affaires européennes — Réunion du 30 avril 2020 à 10h00
Environnement — Projet de proposition de résolution européenne portant avis motivé sur la conformité au principe de subsidiarité du projet de loi européenne sur le climat par téléconférence

Photo de Jean-Yves LeconteJean-Yves Leconte, rapporteur :

Le dernier point est le plus problématique.

Au cours de la période allant de 2030 à 2050, la Commission propose de se voir habilitée à adopter des actes délégués pour définir la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre en vue d'atteindre l'objectif de neutralité climatique d'ici 2050. Elle considère que « la mise en place d'une gouvernance solide dans la perspective de l'objectif de neutralité climatique à l'horizon 2050 contribuera à faire en sorte que l'Union européenne reste sur la bonne voie pour atteindre cet objectif ».

Nous relevons que le texte proposé par la Commission ne comporte pas de perspective d'un objectif spécifique à l'horizon 2040, alors que l'Union européenne s'est jusqu'à présent fixé des objectifs pour 2020 et 2030.

Toutefois, les actes délégués et les actes d'exécution, aujourd'hui, ne sont pas transmis aux parlements nationaux aux fins de contrôle du respect du principe de subsidiarité, alors qu'ils constituent des compléments des actes législatifs qui, eux, sont soumis à ce contrôle.

Le recours aux actes délégués est encadré par l'article 290 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Il stipule ainsi qu'« un acte législatif peut déléguer à la Commission le pouvoir d'adopter des actes non législatifs de portée générale qui complètent ou modifient certains éléments non essentiels de l'acte législatif. (...) Les éléments essentiels d'un domaine sont réservés à l'acte législatif et ne peuvent donc pas faire l'objet d'une délégation de pouvoir ».

Or nous considérons que la définition de la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre n'est pas une définition technique ni mécanique. C'est une décision éminemment politique qui emporte, dans chaque État membre, des conséquences économiques et sociales, technologiques et industrielles, mais aussi en termes d'aménagement du territoire. Pour être mise en oeuvre avec succès, nous pensons que la trajectoire doit être pleinement acceptée par les États membres et les peuples. C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons le faire selon les modalités proposées par la Commission.

Cette trajectoire doit également donner aux acteurs de l'économie et aux investisseurs de la prévisibilité sur la durée complète d'un cycle d'investissement.

Nous considérons dès lors que la définition de la trajectoire est un élément essentiel au regard de l'objectif de cette proposition de règlement, ce qui interdit le recours envisagé aux actes délégués. Nous partageons à cet égard la conclusion d'une étude réalisée par les services du Parlement européen.

Pour ces raisons, même si le principe de la fixation d'un objectif de neutralité climatique de l'Union dans son ensemble à l'horizon 2050 nous paraît justifié au regard de la répartition des compétences entre les États membres et l'Union européenne, nous vous proposons de considérer que la proposition de règlement ne respecte pas le principe de subsidiarité.

J'ajoute, compte tenu du changement de contexte en Europe depuis le 5 mars dernier, qu'il n'est pas concevable que la Commission laisse inchangées ses propositions au regard du fléau mondial que constitue la pandémie de Covid-19.

Il ne s'agit pas ici de constater la propreté des eaux à Venise ou la probable réduction des émissions de gaz à effet de serre estimée par le Haut Conseil pour le climat entre 5 % et 15 %, mais de s'inquiéter des répercussions à moyen et à long terme de la crise si les actions pour financer le redémarrage de l'économie ne sont pas congruentes avec le Green Deal. La Pologne et la République tchèque pèsent déjà pour un report des objectifs climatiques, à l'instar d'Airbus et Rolls-Royce, qui ont annoncé mardi la fin du développement de leur démonstrateur d'avion hybride qui faisait appel à la supraconductivité.

Nombreux sont les industriels qui pourraient avoir la tentation de retarder ou d'annuler les recherches les plus audacieuses en matière d'évolution énergétique. Rappelons pourtant qu'un cycle d'investissement sur cette question est de plus de vingt ans et pèsera sur la capacité de l'Union européenne à tenir ses objectifs pour 2050.

Il est probable qu'il existe, pour relancer l'économie, des pistes qui feront converger les préoccupations économiques de court terme avec les préoccupations écologiques et sanitaires, notamment dans les transports publics ou la rénovation des logements et des bâtiments publics. N'opposons pas le redémarrage de l'économie et le défi écologique. L'Union européenne doit miser sur des financements qui permettent de coupler ces deux objectifs.

Il me semblait important de le rappeler compte tenu du contexte.

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