producteur-cueilleur de plantes médicinales, herboriste et botaniste, porte-parole du syndicat des Simples - Je porte la parole de centaines de personnes réparties sur tout le territoire. Personnellement, j'ai commencé il y a une trentaine d'années. Nous étions alors une cinquantaine et nous nous connaissions tous. Notre activité est en pleine expansion. Nous sommes aujourd'hui entre 500 et 1 000.
En tant que paysan-herboriste, je représente aujourd'hui la Fédération des paysans-herboristes. Lorsque j'ai commencé, cette activité était essentiellement pratiquée dans les zones de montagne, principalement dans les Cévennes, en Haute-Provence, en Auvergne, en Ariège et dans des zones un peu défavorisées. Aujourd'hui, elle se pratique partout : dans le Pas-de-Calais, en Gironde, en Bretagne, en Normandie. Le secteur est très dynamique, très jeune. Le métier d'herboriste, comme vous le savez, a existé brièvement d'une manière légale, de 1803 à 1941. S'il n'existe plus légalement dans ce pays, il n'a pour autant jamais disparu. Depuis toujours, il y a des gens qui connaissent les plantes, savent les cueillir, les sécher correctement et les fournir.
Le syndicat des Simples est un groupement d'agriculteurs. La Fédération des herboristes réunit la FNAB, la Fédération nationale de l'agriculture biologique, et le Mouvement d'agriculture biodynamique.
Aujourd'hui en France, quand on est agriculteur, on est avant tout un professionnel délivrant des matières premières à l'industrie ou à des détaillants. Or de plus en plus d'agriculteurs veulent désormais suivre leurs produits de bout en bout, à partir du monde animal ou végétal, qu'ils transforment, puis proposent directement au public.
Notre métier est très porteur, comme en témoigne le nombre de jeunes désireux de s'installer malgré les difficultés. Le public est demandeur. Le problème est que si je vends du plantain, autrement appelée queue de rat à cause de la forme de son inflorescence, plante que l'on trouve dans toutes les régions en France, y compris dans les territoires d'outre-mer, et sur une grande partie de la planète depuis des temps très anciens, et dont le suc est efficace sur les piqûres d'insectes, je risque deux ans de prison et 30 000 euros d'amende, car cette plante relève du monopole pharmaceutique. Je n'ai même pas le droit de dire à quoi elle sert !
La filière des plantes médicinales est l'une des plus dynamiques dans le monde agricole. Ainsi, 30 % des plantes sont produites en agriculture biologique, soit un taux largement supérieur au reste de la filière agricole. Nous n'avons donc pas de problème d'existence. Nous avons un problème juridique et politique. Il faut que législateur accepte de donner une place légale aux herboristes.
Nous sommes aujourd'hui entre 500 et 1 000 producteurs. Le réseau le plus organisé, le syndicat des Simples, compte aujourd'hui 450 adhérents, dont 280 producteurs. Ces producteurs se heurtent à cette difficulté juridique et ne peuvent exercer sereinement.
Pour ma part, j'ai commencé il y a une trentaine d'années dans la Creuse. Ma passion des plantes est une histoire de famille : je suis petit-fils d'agriculteurs, mon grand-père, comme les gens de sa génération, utilisait les plantes pour se soigner. Même si cela a été un peu compliqué au début, j'ai rencontré le succès. La première fois que j'ai tenu un stand de tisanes, à Clermont-Ferrand, beaucoup de gens ricanaient. Il faut avoir à l'esprit que nous avons rompu avec l'herboristerie depuis 70 ou 80 ans. Aujourd'hui, la situation a bien changé, même s'il est toujours compliqué, compte tenu de l'insécurité juridique, de faire quelque chose de novateur. Il m'a fallu dix ans pour percevoir un véritable revenu...
Tout allait bien, jusqu'en 2005. La coopérative Biotope des montagnes, dont je suis un adhérent, s'est retrouvée au tribunal pour avoir vendu de la presle des champs. Nous avons été condamnés en première instance, puis relaxés en appel. Tout ça pour une plante utilisée depuis les débuts de l'humanité et qui ne présente aucun risque !
Le syndicat des Simples existe depuis 1982. Son cahier des charges définit des pratiques très précises en termes de cueillette, car le respect de la ressource nous tient à coeur. L'ensemble du syndicat représente 260 espèces, issus de différents terroirs, sachant que seules 148 plantes figurent sur la liste des plantes pouvant être vendues par des personnes autres que des pharmaciens. Cette liste est d'ailleurs réductrice, certaines plantes ne pouvant pas être produites sur le territoire français, d'autres ne pouvant pas être produites dans les territoires d'outre-mer. Nos adhérents sont tous situés en métropole. Nous avons des moyens très limités, qui ne nous permettent pas de donner suite aux demandes des producteurs de la Réunion ou des Antilles et d'établir des liens solides et durables avec eux.
Si on inclut les plantes des territoires d'outre-mer, entre 300 et 400 espèces botaniques différentes sont aujourd'hui vendues au public, sur les marchés, à la ferme et sur internet. Les risques réels à consommer des plantes sauvages sont minimes. Selon une étude du centre antipoison de Strasbourg, qui rassemblait les données de la plupart des centres des grandes villes françaises, moins de 5 % des appels concernait les plantes. Seuls dix-huit cas graves ont été recensés, un seul relevant d'une intention thérapeutique (une dame a voulu soigner son cancer avec de la tisane d'if). Les autres concernaient la consommation de plantes psychotropes dangereuses, mais nous ne sommes plus là dans le cadre de l'herboristerie. Notre métier n'est pas du tout dangereux.
Vous me pardonnerez mon discours décousu, mais j'ai tellement de choses à dire...
Comme l'a expliqué Michel Pierre, lorsque je vends une tisane, je n'ai pas le droit d'écrire sur le sachet à quoi elle sert. En revanche, je peux l'écrire dans un livre ! C'est aberrant. On peut trouver des informations sur les plantes dans n'importe quel magazine, pourquoi n'ai-je pas le droit d'en faire figurer sur mon sachet ? Nous ne sommes pas médecins, nous ne faisons pas de diagnostic, nous sommes conscients de nos limites.
Les herboristes, même s'il n'existe pas de formation officielle, ont passé deux ou trois ans dans une école d'herboristerie, suivent des sessions de formation continue, sont formés aux usages des plantes, aux limites d'emploi, aux contre-indications et à la réglementation. Il faudrait vraiment sécuriser juridiquement cette profession et lui trouver un statut.
Le problème est que la réglementation sur les plantes et l'alimentation est complétement segmentée. Une même plante peut être considérée comme une denrée alimentaire ou comme un produit cosmétique si j'indique qu'elle permet d'adoucir la peau ou qu'elle a un parfum agréable. Or, depuis le 11 juillet 2013, la réglementation sur les cosmétiques est extrêmement compliquée. Elle est certes utile, car les cosmétiques contiennent aujourd'hui des nanomatériaux et des perturbateurs endocriniens, mais le problème est qu'elle est la même pour nous qui mettons trois pétales dans de l'huile d'olive, que l'on fait macérer au soleil avant de la filtrer avec un filtre en papier !
Si je dis que cette même plante peut soigner une égratignure, alors elle n'est plus considérée comme un cosmétique car un cosmétique doit être appliqué sur une peau saine. Dès qu'il y a une lésion sur la peau, cette plante devient un médicament. Je dois alors entamer une procédure d'autorisation de mise sur le marché, une procédure dite « simplifiée », qui coûte environ 25 000 euros. Il faut savoir qu'un producteur compte environ une trentaine ou une quarantaine de plantes dans sa gamme. Compte tenu de l'hyper-réglementation, l'offre s'est considérablement réduite ces dernières années. Même les industriels, qui ont pourtant plus de moyens que nous, ne font valider que les plantes qui en valent la peine. On laisse tomber ce qui n'est pas rentable.
Si on veut rétablir le métier d'herboriste, la formation existe. Il faut simplement lui donner un cadre légal, mais aussi trouver un statut particulier pour l'herboriste. On ne peut pas vendre une plante médicinale sans dialogue avec le client. La France porte une grande responsabilité, son offre médicinale étant la plus importante : elle représente 10 % de la biodiversité mondiale si l'on y inclut les territoires d'outre-mer.
Pour conclure, le métier d'herboriste soulève de multiples questions, politiques, techniques, sanitaires, environnementales. Nous avons une belle occasion de répondre aux attentes de la population.