Monsieur Jomier, si l'on en croit l'OMS, la santé commence par le bien-être. Au regard de cette définition, nous sommes donc des professionnels de santé. Aujourd'hui, dans la métropole ou dans les outre-mer, nous avons la chance d'avoir une offre de soins assez large, des soins les plus technologiques et aboutis à la petite plante qui soulage le petit bobo. C'est un grand médecin phytothérapeute, le docteur Jean-Michel Morel, qui le dit : 80 % de la bobologie peut être prise en charge par les plantes. Nous nous situons dans le bien-être.
J'avais douze plantes sur mon stand lorsque j'ai commencé à faire les marchés. Par la suite, j'ai suivi l'une des cinq principales formations qui existent dans ce domaine, celle de phytologue-herboriste dispensée par l'ARH (Association pour le renouveau de l'herboristerie). Mais il reste toujours des marges de progression ! Aujourd'hui, j'ai 90 plantes, car je suis un passionné (la moyenne est de 30 ou 40). C'est sans doute déraisonnable, car cela demande beaucoup de temps, pour la gestion, la cueillette,... Je devrais être au travail en ce moment !
Pourquoi demande-t-on plus que la vente libre de 148 espèces ? Ayons à l'esprit le terroir. Une plante comme l'aubépine fait d'excellentes tisanes, et le fruit est libre à la vente, mais c'est la fleur qui est consommée, sur laquelle il existe un monopole, j'ignore pourquoi. Aujourd'hui, c'est pourtant un médicament libéralisé, on peut l'acheter d'un clic sur internet : valériane, passiflore sont dans le même cas. Les laboratoires peuvent les vendre sans prescription, pourquoi pas nous ?
Les plantes dangereuses sont bien connues. Il existe environ 365 plantes, dans la liste A de la pharmacopée, environ 140 dans la liste B. Les premières peuvent être utilisées par les pharmaciens, les secondes sont plus nocives qu'utiles.
Certains pays comme l'Espagne ont une liste « négative », plutôt qu'une liste positive de plantes autorisées. Nous pourrions vendre bien plus de plantes qu'aujourd'hui : il y a plus de 900 compléments alimentaires, avec la reconnaissance mutuelle au sein de l'Union européenne, et ils sont vendus hors pharmacie. C'est possible... si l'on dispose des moyens logistiques suffisants, ce qui n'est pas le cas des artisans herboristes. Ils peuvent néanmoins s'identifier sur le portail DGCCRF, très bien fait.
Tout le monde peut devenir opérateur de compléments alimentaires. C'est le temps qui manque, pour se documenter, pour conditionner les produits en portions journalières - comme si les consommateurs ne savaient faire le dosage eux-mêmes pour une tisane !
Certains travaillent avec 500 ou 600 plantes exotiques, chinoises, ayurvédiques, avec des compétences différentes de celles des agriculteurs, qui connaissent 30 ou 40 plantes. Légalement, il n'y a pas de formation, mais la société est en avance sur les lois et dans les centres de formation agricole, on dispense un enseignement - je le fais depuis 22 ans. Il y aura certainement bientôt des modules, dans la formation initiale, pour apprendre à protéger les ressources naturelles, à reconnaître la plante, la transformer, la sécher, la distiller, la faire macérer dans l'huile, l'alcool, etc. sans la dénaturer. Il y a une forte demande de formation sur les usages et le réseau des Simples, qui compte des médecins et des pharmaciens parmi ses adhérents, travaille pour constituer des corpus sur ces sujets.
Sur le site canadien Passeport-santé.net, animé par un collectif de médecins, pharmaciens, herboristes - car la cohésion interprofessionnelle est plus forte au Canada - on trouve des éléments très sérieux sur le degré d'efficacité de chaque plante mentionnée, et sur le degré de fiabilité des informations communiquées. À chacun de faire ses choix, ensuite. Il y a bien sûr très peu de preuves scientifiques : qui voudrait financer la recherche scientifique sur des produits non rentables, non brevetables ? L'Allemagne l'a fait dans le passé, moins maintenant ; en France, la recherche publique ne s'y est jamais intéressée. Le docteur Morel a également un site internet, wikiphyto, avec des données sourcées. On dit souvent qu'internet est dangereux, mais les Français consultent beaucoup les sites pour s'informer sur les questions de santé - principalement sur des questions de prévention. Et les premiers à surfer sur Doctissimo.fr ou d'autres sites de ce type, ce sont les médecins, les pharmaciens et les vétérinaires !
Je représente les agriculteurs ; ils ne souhaitent pas être formés à bac + 4 dans les facultés de pharmacie, ils recherchent simplement un enseignement complémentaire dans leurs formations d'agriculteur. Les pharmaciens eux-mêmes ne savent pas tout concernant chaque plante, mais ils savent où chercher les références précises. Les projets de diplôme universitaire pour le conseil au comptoir sur les plantes prévoient quelques dizaines d'heures de formation. Nous ne demandons pas autre chose. Les agriculteurs sont responsables, ceux qui vendent des plantes savent lesquelles peuvent avoir des effets négatifs. Les plantes n'ont jamais été à l'origine d'un scandale sanitaire...
Nous avons moins de contacts avec l'outre-mer, en raison de l'éloignement. Il y a dans ces territoires moins de cloisonnement, me semble-t-il. L'université de médecine de La Réunion dispense un diplôme d'ethno-médecine par exemple : j'y interviens par visio-conférence, nos échanges sont très riches. J'ai été également en contact avec Christian Moretti, qui a travaillé sur le projet Tramil, traditional medecine of islands. C'est un groupe d'experts qui a validé les plantes médicinales utiles pour les gens qui n'ont pas les moyens d'acheter des médicaments. Le risque zéro n'existe pas, comme chacun sait, mais la tisane fait moins de dommages que le pastis. On a formé des « tradipraticiens », qui sont des herboristes. Nous abordons non la maladie mais la santé, bien-être, hygiène de vie, bobothérapie.