Je souhaiterais répondre aux deux questions de M. Duran. Comment financer la dépollution là où le coût de la dépollution est supérieur au prix du mètre carré ? On peut passer par l'incitation fiscale, mais aussi par des mécanismes de compensation : on pourrait ainsi imaginer une mutualisation entre les zones où il est facile de revaloriser une friche et les autres, à travers une assurance peu chère payée par les pollueurs, qui financerait un fonds d'amorçage là où le foncier n'est pas dense. On peut donner des subventions d'amorçage à verser à partir du moment où l'acquéreur ne gagne pas d'argent sur une acquisition, mais il ne faudrait pas que la subvention lui paye son acquisition foncière. Une telle réflexion en amont coûterait un peu plus d'argent, mais dégagerait des projets de plus long terme.
Concernant le traitement sur site, comment éviter que le remède soit pire que le mal ? Dans le métier de la dépollution des sols in situ, il y a beaucoup de chercheurs, d'ingénieurs, de techniciens, qui doivent être à la fois humbles et persévérants. Il faut aussi se méfier des chants des sirènes qui vous expliquent que l'on va dépolluer avec des champignons ou des bactéries miraculeux : il y a des cas où ce n'est pas possible - en cas de pollution à trois mètres de profondeur - et des cas où c'est possible, mais où cela présente des inconvénients. Il n'est pas facile, de fait, de trier le bon grain de l'ivraie, car les polluants des sols sont difficiles à dégrader, car ultrastables.
Mme la rapporteure demande si une friche peut être gelée demain à cause de nouveaux polluants. Oui, je pense à des polluants émergents, comme les perfluorés, issus des produits de lutte contre les incendies industriels, et qu'on retrouve dans l'estomac des pingouins et des phoques en Antarctique et en Arctique, par exemple.
Il faut donc accepter que l'on chauffe le sol à 150 degrés, que l'on fasse des traitements par oxydoréduction. À un instant t, toutes les techniques ne peuvent pas être favorables à toutes les fonctions du sol en même temps. C'est pourquoi il faut des entreprises compétentes, et des bureaux d'études qui conçoivent leurs plans d'intervention. Dans les plans de conception de travaux, nous appliquons toujours des pilotes pour développer à petite échelle les techniques innovantes avant de passer à grande échelle. Le guide de 2019 encadre l'action des entreprises, imposant par exemple un pilote en laboratoire puis à petite échelle. C'est utile : une entreprise a remporté un prix de l'innovation, car elle avait su dégrader des polychlorobiphényles (PCB) avec des bactéries. Toutefois, la technique fonctionnait en laboratoire, mais pas sur le chantier.
Aujourd'hui, rien n'impose au propriétaire d'un terrain pollué d'en mesurer l'état, sauf si une industrie cesse son activité. Un autre problème est que l'on sait ce qu'est une eau potable, mais que l'on ne sait pas ce qu'est un sol pollué. On ne le mange pas, même si on y fait pousser des artichauts et on y construit des écoles. Il faut définir ce que l'on attend d'un sol et arrêter de le traiter comme un déchet. Aujourd'hui, notre activité relève de lois sur les déchets. Il faut une nomenclature définissant ce qu'est un sol pollué, les valeurs-seuils, les usages. Nous pouvons vous transmettre des éléments. Il y a tout à faire.