Intervention de Catherine Segretain pour le Mouvement d'agriculture biodynamique (Mabd)

Mission d'information Développement de l'herboristerie — Réunion du 6 juin 2018 à 17h35
Table ronde autour de m. thomas échantillac pour l'association française des cueilleurs afc mme catherine segretain pour le mouvement d'agriculture biodynamique mabd m. vincent segretain pour la fédération nationale de l'agriculture biologique fnab mme nadine leduc pour le comité des plantes aromatiques et médicinales cpparm un représentant de ppam de france

Catherine Segretain pour le Mouvement d'agriculture biodynamique (Mabd) :

Productrice en Auvergne depuis 25 ans, notre exploitation repose sur le travail de trois personnes, dont une salariée à mi-temps, pour produire une centaine de plantes, sur un hectare de culture dont un quart de cueillette sauvage.

Nous cueillons et conditionnons les plantes en sachets à la ferme. Nous les vendons en circuit court, directement à des particuliers ou en magasin d'alimentation bio, tel que Biocoop. Il nous arrive de vendre des plantes en vrac à des professionnels, pour la restauration, la fabrication de savon ou le soin aux vignes par exemple.

Je suis membre du conseil d'administration de la Fédération des paysans-herboristes et je représente ici la voix du Mouvement d'agriculture biodynamique (MABD). Je n'ai pas toujours été agricultrice mais j'ai toujours travaillé autour des plantes : d'abord en tant que chargée d'études sur le développement de la filière PPAM Ardèche, puis au sein d'un petit laboratoire pharmaceutique, pour la fabrication d'extraits hydro-alcooliques de plantes.

Au cours de ma formation en agriculture biodynamique, j'ai fait un stage dans une petite exploitation d'un hectare en circuit court. Ça a été le déclic : j'ai découvert des gens qui vivaient à 100 % de cette activité et c'est à la suite de cela que je me suis installée. C'est toujours un bonheur, même si ce métier demande beaucoup de ténacité et une passion intacte pour les plantes.

Les obstacles en circuit court sont, en effet, nombreux. Et le premier réside dans la réglementation, en partie obsolète et illogique pour nous : l'interdiction de donner des conseils sur les plantes est, en particulier, particulièrement handicapante. Les consignes des agents de la DGCCRF, selon lesquels les consommateurs doivent se renseigner sur Internet, préalablement à l'achat des plantes en magasin, illustre cette incohérence.

Parmi les 148 plantes « hors monopole pharmaceutique », on en trouve une soixantaine dans les supermarchés : en particulier les plantes alimentaires, telles l'ail ou le fenouil, ou les plantes aromatiques couramment utilisées dans la cuisine (rose, menthe). Finalement, très peu de plantes sont réservées aux herboristes. D'autant que cette liste ne prend pas en compte la production des outre-mer.

Au titre des incohérences de cette liste, notez, par exemple, que, si vous voulez acheter du pissenlit, vous pouvez venir chez moi pour la feuille, mais pas pour la racine qui ne fait pas partie de la liste, alors que c'est elle qui entre dans les préparations traditionnelles.

Nous ne produisons pas de cosmétiques et heureusement car, là encore, la réglementation qui s'applique est extrêmement lourde pour les petites structures !

Ceci renvoie à la complexité engendrée par la segmentation de la réglementation : à chaque usage correspond une réglementation, alors même qu'une même plante a plusieurs usages.

Sur le plan agricole, les producteurs en circuit court travaillent sur des petites, voire des très petites surfaces. La production repose donc essentiellement sur le travail de la main-d'oeuvre, puisque tant la cueillette que le séchage, le tri des plantes, leur transformation, ne peuvent se faire que manuellement.

C'est un travail artisanal qui demande beaucoup de précision. Même si, comparativement à des pays comme la Chine ou l'Inde, l'importance de la main-d'oeuvre peut représenter un handicap, nous parvenons néanmoins à valoriser ce travail et la qualité des produits auprès des consommateurs, qui considèrent le respect de la plante comme une composante du prix à payer.

En ce sens, je considère ce savoir-faire artisanal comme une valeur ajoutée et pas comme un poids, ce qui correspond d'ailleurs à une véritable demande de « consommer local » que nous contribuons à soutenir et à transmettre par le respect de l'agro-écologie.

L'avantage d'être positionnée en circuit court, c'est la proximité avec le consommateur. Nous savons pour qui nous prenons soin de nos plantes. Derrière le geste, il y a des noms et des visages. Parallèlement, les personnes qui achètent nos plantes savent l'importance que nous leur donnons et la considération que nous leur portons.

Je voudrais insister, en guise de conclusion, sur la notion de bien commun de l'humanité : les plantes sont notre bien commun. Pour moi, la question est : comment faire pour préserver collectivement ce bien commun en France et à l'échelle planétaire ?

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