Intervention de Thomas Échantillac pour l'Association française des cueilleurs (Afc)

Mission d'information Développement de l'herboristerie — Réunion du 6 juin 2018 à 17h35
Table ronde autour de m. thomas échantillac pour l'association française des cueilleurs afc mme catherine segretain pour le mouvement d'agriculture biodynamique mabd m. vincent segretain pour la fédération nationale de l'agriculture biologique fnab mme nadine leduc pour le comité des plantes aromatiques et médicinales cpparm un représentant de ppam de france

Thomas Échantillac pour l'Association française des cueilleurs (Afc) :

Je vais vous présenter l'activité de cueillette.

Une partie importante et non chiffrée à ce jour de la production des PPAM est issue de prélèvement de la flore spontanée en France. Je parlerai malheureusement uniquement de la France métropolitaine, n'ayant pas de contact avec le monde ultra-marin. Le champ d'utilisation des plantes sauvages est très large : denrées alimentaires, cosmétiques, compléments alimentaires, médicaments homéopathiques, parfums...

Cueillir des plantes dans la nature est une activité pratiquée depuis des millions d'années, pour se nourrir, pour se soigner, entre autres usages. Ce sont des gestes transmis par les générations précédentes. C'est une activité qui se professionnalise depuis quelques décennies, en réponse à une demande croissante.

La particularité de la cueillette professionnelle en France est qu'elle est pratiquée par choix, par des personnes indépendantes. Cueillir est un métier qui demande de nombreuses compétences. Il existe plusieurs profils parmi les cueilleurs professionnels : certains cueillent avec une valorisation des produits en vente directe, d'autres répondent aux besoins des industriels.

Malgré nos différences, nous avons conscience qu'il existe une seule ressource commune. Face à l'augmentation permanente de la demande, et en réaction au développement de ce qui nous a semblé constituer des « mauvaises pratiques », nous nous sommes rassemblés au sein de l'association française des professionnels de la cueillette sauvage (AFC) dans le but de préserver cette ressource et de valoriser notre métier.

Notre activité dépend de cette ressource mais il faut bien voir qu'aujourd'hui, la cueillette est loin d'être la première menace sur les milieux naturels : l'urbanisation et certaines pratiques agricoles, pastorales ou forestières, sont des facteurs important de la destruction des milieux dans lesquels nous cueillons les plantes.

Nous avons recensé 721 espèces de plantes sauvages récoltées sur le territoire métropolitain, soit plus de 10 % de notre biodiversité. La protection des espèces menacées en France est encadrée par le code de l'environnement et de nombreux arrêtés ministériels et préfectoraux. L'AFC dialogue aujourd'hui avec le ministère de la transition écologique et solidaire pour l'actualisation de cette règlementation.

En tant que cueilleurs, nous sommes partie prenante des milieux naturels dans lesquels nous intervenons. Ce lien direct à la nature, qui nous anime, nous donne plusieurs fonctions : nous sommes les maillons d'une chaîne de transmission de savoirs et savoir-faire anciens ; nous sommes des témoins de la réduction des espaces sauvages, de la disparition de certaines espèces ; nous sommes un vecteur important de lien à l'environnement pour tous les publics ; nous sommes des acteurs du développement rural et local.

Cette dimension sensible est partagée par l'ensemble des cueilleurs de l'AFC. Depuis la création de notre association, nous avons le souci d'être et d'agir dans le respect et la protection de l'environnement d'une part, et d'autre part de garantir le renouvellement de la ressource.

Nous souhaitons donner une visibilité à notre profession afin de limiter les « mauvaises pratiques », qui sont encouragées par les arguments économiques de certains industriels. Quelle que soit la filière de commercialisation, la traçabilité des plantes ne doit pas être négligée, les sites doivent être respectés.

Nous avons pu travailler ces cinq dernières années sur ces problématiques grâce à un projet de recherche-action porté par l'université de Lausanne et financé par la fondation d'entreprise Hermès, en partenariat avec AgroParisTech, le Conservatoire national botanique des Pyrénées et de Midi Pyrénées et du conservation national des plantes à parfum, aromatiques et médicinales de Milly-la-Forêt.

Nous avons ainsi rédigé une charte et travaillons à un guide de bonnes pratiques de cueillette, qui contient des fiches techniques. Ces outils sont le fruit d'une longue réflexion et de notre expérience de terrain. Ils nous paraissent incontournables pour une gestion intelligente de cette ressource sauvage, en concertation avec les gestionnaires de l'environnement.

Je voudrais à présent vous parler davantage de mon activité.

Je me définis comme cueilleur-distillateur. Je suis basé dans la Drôme. Je cueille au cours de la saison une cinquantaine de références. Je me suis par exemple extrait de ma cueillette de tilleul pour vous rejoindre aujourd'hui. J'ai une gamme en vente directe d'huiles essentielles, d'hydrolats, de baumes et de crèmes. Je les vends sur les marchés, les foires et en réseau de boutiques, dans le cadre d'un groupement de producteurs. Je suis donc un paysan-herboriste.

En quelques années, nos produits ont retenu cinq fois l'attention des services de la répression des fraudes sur les lieux de vente, non pas que nos produits soient réellement non-conformes (nous n'avons reçu qu'un seul rapport de leur part), mais en raison de normes très diverses qui s'appliquent à chaque spécialité. La diversité règlementaire liée à la nature de nos produits est extrêmement lourde pour les très petites structures. Ces règlementations sont souvent conçues pour les industriels.

Ainsi, les huiles essentielles et hydrolats que nous produisons peuvent être utilisés de différentes manières par le consommateur : alimentaire ou cosmétique notamment. Or, la réglementation nous impose un étiquetage unique. Il m'a été demandé d'apposer quatre étiquettes différentes sur mes flacons d'huile essentielle de lavande. Mais le consommateur n'en achètera qu'un flacon à la fois et ne peut avoir une information complète !

Nos baumes naturels à la cire d'abeille sont sujets à la même règlementation cosmétique harmonisée au niveau européen, qui nous impose des dossiers, analyses et expertises inadaptées à des préparations traditionnelles. Les coûts engendrés peuvent être supportés par des industriels mais non par des paysans-herboristes.

La règlementation concernant l'information sur les vertus des plantes ne nous permet pas de donner l'information pertinente que le consommateur attend. La règlementation des allégations nutritionnelles et de santé, conçue pour limiter la publicité mensongère et protéger les consommateurs, n'est pas adaptée aux produits traditionnels à base de plantes. Elle a un effet contre-productif dans la mesure où elle favorise les mésusages.

De nombreux porteurs de projet à travers la France entière sont aujourd'hui effrayés par ces règlementations. Or ces porteurs de projet sont les garants de l'avenir de nos savoirs et savoir-faire autour des PPAM. Nous espérons que le cadre règlementaire puisse s'adapter à nos pratiques de paysans-herboristes afin de développer ce métier d'avenir qui répond à une demande sociétale.

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