La technologie nous aide énormément : la révolution numérique a permis à toutes les productions - françaises, italiennes, suédoises, coréennes... - de traverser les frontières et de toucher un public mondial, car nous sommes sur des plateformes mondiales. Il y a eu un miracle Lupin. J'espère bientôt un miracle Notre-Dame.
À chaque fois que nous réalisons une série pour des plateformes, nous essayons d'en faire un succès local, mais aussi qu'elle puisse avoir une chance d'être un succès mondial. C'est très excitant pour tous les créateurs français. Le fait d'avoir aussi deux ou trois gros distributeurs en France est une opportunité.
Je ne suis pas un grand fan des groupes américains. J'ai eu la chance de pouvoir convaincre le Président de la République d'avoir l'audace d'aller jusqu'au bout d'une véritable régulation des plateformes. Ce n'est pas rien ! C'est la première fois que nous le faisons en Europe. C'est par l'audiovisuel que nous avons commencé à réguler les plateformes. Netflix a accepté, puis Amazon, puis Disney. Si l'on dit stop à un géant, il s'arrête en raison de la loi européenne, parce que c'est notre souveraineté. Je travaille beaucoup avec ces groupes, qui sont très malins. Ils ont compris la diversité avant les autres. Netflix fait beaucoup de diversité. Il a tout un service interne dessus, y compris sur l'éducation. La banlieue s'exprime beaucoup plus sur Netflix que sur les chaînes traditionnelles. Les plateformes ont ciblé un public plus jeune qui n'était pas servi par les chaînes traditionnelles. Canal+ s'est mis à réaliser des programmes sur les banlieues. La diversité rentre de tous les côtés. Les plateformes ont une petite longueur d'avance, aux autres de les rattraper. Ils vont aussi beaucoup plus vite dans leurs décisions et obligent TF1 et Canal+ à accélérer. C'est dans notre intérêt : quand il y a de la concurrence, il y a de la création et de la diversité. L'absence de concurrence est dangereuse.
Certes, les sujets religieux font très peur aux groupes américains, et un peu le sexe - cette pudibonderie s'est un peu aggravée récemment. Ils sont un peu trop obsédés par la violence depuis quelques décennies. Je ne sens pas de censure, mais une envie de trouver la nouvelle pépite.
En France, nous avons trop vécu les chaînes comme des appareils semi-politiques : j'avais souvent l'habitude de discuter avec TF1 comme avec un acteur de la vie politique française, de même sur France Télévisions, avec l'enjeu des réélections... Je sentais parfois plus de pression. La concurrence desserre l'étau et permet plus de diversité culturelle, d'ouverture aux réalisatrices et à tous les thèmes minoritaires. Cette diversité devient obsessionnelle dans les plateformes. On ne peut pas aller chez HBO si on ne présente pas des réalisateurs d'origines minoritaires ni de thème lié à des minorités. Cela devient un peu ridicule, car il y a tous les publics. Je n'ai donc pas d'inquiétude sur le contenu culturel. Le véritable sujet concernera plus l'information, la politique et les fake news. Nous avons un énorme chantier en Europe. C'est la priorité.