Canal+ offrait beaucoup plus de liberté, il y a une dizaine d'années. La chaîne a été comme le premier Mediapart de la télévision, financée de 70 % à 80 % par ses abonnés et très peu par la publicité. Le système était exceptionnel. Dans les années 2000, je voulais mener une enquête sur les dérives de l'économie et l'on m'y encourageait, car les annonceurs ne représentaient alors que 15 % du chiffre d'affaires de la chaîne. Nous travaillions pour les abonnés.
Au début des années 2000, nous avons commencé à faire des enquêtes dans l'émission 90 minutes, comme celle sur la mort du ministre Robert Boulin, ou bien celle démontrant que l'armée française avait tiré dans la foule en Côte d'Ivoire en 2004, qui avait bousculé la chiraquie et le gouvernement de l'époque. Je voulais également faire une enquête sur « Sarkozy présidentiable ? ». Des pressions politiques ont surgi et à un an de la présidentielle de 2007, l'ancienne direction - il ne s'agissait pas de Vincent Bolloré - a décidé de supprimer l'émission 90 minutes assez brutalement. Le système de Canal+ qui se jouait des pressions politiques a fini par être rattrapé.
La suppression de l'émission a eu pour conséquence l'externalisation complète de l'investigation hors de Canal+. À partir de 2006, seuls des producteurs extérieurs pouvaient solliciter la direction pour mener un travail d'investigation.
En 2015, le système s'est normalisé grâce à l'arrivée d'un actionnaire qui décide de tout et nous n'avons plus pu travailler.
S'il y a donc eu une exception Canal+ dans les années 2000, elle n'a pas duré très longtemps. Des pressions politiques sont intervenues avant même l'arrivée de Vincent Bolloré.