Intervention de Thierry Vatin

Commission d'enquête Pollution des sols — Réunion du 24 juin 2020 : 1ère réunion
Table ronde des agences de l'eau en téléconférence

Thierry Vatin, directeur général de l'agence de l'eau Artois-Picardie :

En Artois-Picardie, le territoire a une image très industrielle, avec une exploitation minière bien connue qui s'est aujourd'hui largement arrêtée. Nous avons effectivement un passé industriel qui a très fortement pesé sur la qualité de l'eau et sur les sols. Nous sommes sans doute la région la plus en retard sur le bon état des masses d'eau. Vous connaissez les objectifs de la directive européenne qui vise 100 % de bon état écologique des masses d'eau à l'horizon 2027 : nous sommes à 22 %, pour une moyenne nationale à 44 %. Notre bassin est celui qui accuse le plus important retard.

J'arrive dans la région, puisque j'ai pris mon poste de directeur général depuis six mois seulement. Malgré ce passé industriel, ce qui pèse le plus aujourd'hui sur le bon état des masses d'eau n'est plus la pression industrielle, mais la pression humaine, ou démographique, puisque nous sommes une des régions les plus denses en termes démographiques. Les deux tiers de la pression relèvent de la présence humaine, en termes de consommation d'eau, mais aussi de rejets. Après la pression humaine vient la pression de l'activité agricole puisque la région a une activité agroalimentaire industrielle très consommatrice de polluants, pesticides et intrants. Nous sommes dans le pays de la pomme de terre, culture extrêmement nocive en termes d'usage des sols et des pesticides.

Le sujet de l'eau, dans le Nord-Pas-de-Calais et dans le bassin Artois-Picardie, ne relève plus tellement de la problématique de l'industrie. Le programme de mesures que nous préparons pour le Sdage 2022-2027 prévoit un investissement de 2,5 milliards d'euros pour les six ans. La part que nous consacrerons à la dépollution et aux aides apportées aux industriels sera très faible. L'effort n'est plus là pour nous aujourd'hui : l'effort a été énorme. Avec les injonctions de la directive-cadre européenne, les industriels ont investi massivement, depuis vingt ans, dans la dépollution industrielle. Ces acteurs ont massivement joué le jeu, contrairement aux agriculteurs qui n'ont pas changé de modèle économique. Les industriels n'ont pas non plus changé leur modèle économique, mais ils se sont équipés et ont investi dans la dépollution. Leurs rejets sont aujourd'hui assez limités, sauf en cas d'accident industriel, comme celui que nous venons de vivre avec l'entreprise Tereos qui a pollué l'Escaut.

La ressource en eau dans le Nord-Pas-de-Calais Artois-Picardie est essentiellement souterraine, puisque 90 % de l'eau potable prélevée pour l'usage habituel provient des eaux souterraines. Nous avons des sols qui ont été fortement marqués par la pollution et nous avons toujours une rémanence de pollutions anciennes, mais plus tellement de nouvelles pollutions.

Notre activité dans la dépollution des sols pollués et industriels est actuellement très faible au sein de l'agence. Entre le septième et le dixième programme, soit entre les années 1997 et 2017, nous avons investi massivement. L'agence de l'eau a apporté une aide dans de nombreuses opérations, pour 20 millions d'euros d'investissement et 8 millions d'euros d'aides de l'agence. Au début des années 2000, d'autres opérateurs, plus légitimes que l'agence de l'eau, se sont progressivement investis dans la récupération et la dépollution des sites pollués, dont l'établissement public foncier (EPF) Nord-Pas-de-Calais qui s'est créé et a repris cette politique de dépollution. L'EPF Nord Pas-de-Calais porte donc aujourd'hui plutôt la dépollution des sites pollués anciens. Depuis une vingtaine d'années, l'Ademe s'est investie dans ce domaine, avec sa politique nationale d'intervention sur les sites pollués. Nous avons progressivement laissé ces deux opérateurs intervenir, sachant qu'ils en font une politique centrale, et nous nous sommes recentrés, dans le onzième programme, sur l'investissement sur les milieux naturels, en plus des questions encore majeures des pollutions urbaines et agricoles.

Nous avons néanmoins lancé quelques appels à projets vers les industriels, par exemple sur le thème de l'économie d'eau, sujet majeur pour notre bassin. D'importants problèmes de ressources d'eau interviendront dans le Nord et nous cherchons à amener les acteurs (agriculteurs, urbains et industriels) à économiser l'eau. Dans le Dunkerquois, un territoire de 100 000 hectares ne compte aucune ressource en eau puisque ce sont des polders, région du Dunkerquois qui se trouve sous le niveau de la mer. Un sujet de gestion quantitative se pose donc.

Dans le prochain Sdage, nous investirons massivement sur la question agricole, sujet majeur pour toutes les agences de l'eau. Nous ne progresserons plus sur le bon état des masses d'eau si cet acteur ne change pas de modèle et ne joue pas le jeu.

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