J'étais encore, il y a six ou sept mois, le directeur de l'eau et de la biodiversité et gérais le programme Ecophyto auprès des ministres. Cette politique date de 2008 et visait à réduire de 25 % les pesticides à horizon 2020. Nous avons dressé un constat il y a quelques mois avec les ministres : nous ne sommes pas à une réduction de 25 %, mais à une augmentation de 25 %. Sur mon territoire, les industriels ont fait leur travail : ils traitent leurs pollutions puisqu'ils sont raccordés ou ont leur propre station. D'importants efforts ont été consentis sur la question. Pour les urbains, il existe la directive-cadre européenne pour les eaux résiduelles urbaines : la France n'a pas à rougir des actions menées au cours des 20 ou 25 dernières années. Nous n'avons plus de contentieux européen et il nous reste 200 ou 300 stations problématiques, parmi les milliers de stations d'épuration qui existent. Un effort majeur a été accompli au cours des vingt dernières années : les villes se sont équipées et traitent les effluents. Reste le problème des réseaux unitaires : quand des phénomènes d'orage sont observés, toute la pollution lessivée par les pluies va dans les stations ou dans les rivières.
Notre problème concerne aujourd'hui les agriculteurs. Si je dois dire quelque chose en mon âme et conscience, je trouve que nous avons un problème fondamental avec le monde agricole qui refuse fondamentalement de changer de modèle. Il y a eu la politique des 3 000 fermes Dephy. Nous avions ensuite décidé d'un objectif de 30 000 fermes agrobios, mais nous en sommes loin. Nous avons bien 3 000 fermes Dephy : ces fermes ont démontré leur capacité à réduire de 30 à 40 % les pesticides. Nous savons que l'objectif peut être atteint, mais ce modèle reste un modèle de militant. Nous avons eu une audition à l'Élysée avant mon départ et je l'ai dit à Alexis Kohler qui me demandait quels étaient les résultats de la politique Ecophyto. Nous en sommes loin et n'atteindrons pas l'objectif du Plan biodiversité de réduire les pesticides de 25 % en 2020 et de 50 % en 2025. Nous n'atteindrons pas cet objectif : la France compte 400 000 exploitations. Si seulement 3 000 exploitations jouent le jeu, voire 30 000 exploitations dans quatre ou cinq ans, seules 10 % des exploitations auront réduit de 40 % leurs pesticides. Le problème de révolution industrielle de l'agriculture doit être pris en compte dans la future politique agricole de l'Union européenne. Pour l'instant, les agriculteurs subissent la pression citoyenne et politique, mais résistent encore aux changements. Sur les zones de non-traitement, bandes qui doivent protéger les habitations, il avait été proposé de ne pas traiter les 20 mètres situés à proximité des habitations, mais les grandes fédérations se sont insurgées contre cette mesure. Le ministère de l'agriculture a alors décidé de traiter la question au niveau des départements, avec des chartes départementales qui n'ont pas abouti à des résultats.
Je considère que les pressions industrielles relèvent du passé, même si une rémanence existe dans les milieux et doit être traitée. Les masses d'eaux souterraines sont complexes, puisqu'elles communiquent entre elles, et il est compliqué de savoir ce qui se passe. Nous avons engagé des études avec le BRGM. Nous devons traiter le passé, pour les industriels, et continuer à travailler avec eux pour réduire leur pollution et leur consommation d'eau, mais ces acteurs ont accompli un important effort.
Vous parliez du maïs. En 2050, dans le bassin de la Garonne, il y aura deux fois moins d'eau. Au lieu d'avoir 2,4 milliards de mètres cubes, il n'y aura plus que 1,2 milliard de mètres cubes. Devons-nous maintenir les pratiques qui consistent à arroser le maïs en plein midi, sur des rampes de 500 mètres de long ? Je pense qu'un sujet existe sur ce point. J'ai envie, dans la région Nord-Pas-de-Calais, de m'attaquer à cette question.