Lorsque dans le cadre de mes travaux sur l'intelligence artificielle et les supercalculateurs, nous avons échangé avec Thierry Breton, ce dernier soulignait que la France et l'Europe commettaient l'erreur de se focaliser sur les lieux de stockage des données, les fameuses « fermes de stockage », au détriment du véritable enjeu que constitue le lieu de traitement des données. Par conséquent, disposer d'outils de traitement des données souverains, et notamment de supercalculateurs européens, est un enjeu majeur. Au-delà, il faut que toute la filière technologique soit souveraine : dépendre de microprocesseurs américains ou chinois nous rend forcément vulnérables en raison des back doors, grâce auxquelles il est possible d'intercepter des données pourtant contrôlées, stockées et traitées en France. Or même Atos, sous la direction de Thierry Breton, utilisait des microprocesseurs taïwanais, estimant qu'ils étaient les plus performants au monde. Même avec un cadre juridique robuste, des capacités de stockage de données ou des supercalculateurs, nos données ne seront pas en sécurité si les microprocesseurs que nous employons, fournis par CISCO, Intel ou leurs équivalents chinois, agissent comme de véritables « passoires ».
Je voudrais aussi évoquer un échange avec nos services de renseignement, qui m'alertait sur d'autres dangers que ceux provenant de Russie et que, chaque semaine, des données françaises sont aspirées en direction de la Chine. Or les milieux politiques et économiques semblent ne pas avoir pris conscience de ce danger.
Cette question est pourtant cruciale car les algorithmes de l'intelligence artificielle requièrent des masses de données considérables. La Chine dispose, avec son milliard d'habitants, d'un potentiel de données personnelles énorme, mais les marchés les plus intéressants à investir restent l'Union européenne et l'Amérique du Nord. Or pour investir ces marchés, il faut disposer de nos données, permettant de décrypter le comportement de nos concitoyens. Nous avons là besoin d'une protection efficace.
Enfin, nous avons besoin de moyens bien supérieurs à ceux actuellement à l'oeuvre en matière de cybersécurité, pour assurer un haut degré de protection des données.