En m'intéressant à nos forces de souveraineté prépositionnées outre-mer j'ai souhaité répondre plus particulièrement à deux questions : disposons-nous de la capacité à protéger et à faire respecter nos zones d'exclusivité économique ? Quel rôle assignons-nous à nos forces armées prépositionnées dans les trois grandes zones où nous sommes présents : océan indien avec la Réunion et Mayotte, les Antilles avec la Guadeloupe et la Martinique auxquelles on associe la Guyane et enfin le Pacifique avec la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie ?
Nous pouvons nous enorgueillir de disposer de la deuxième plus grande zone économique exclusive du monde après celle des États-Unis, avec environ 10 millions de kilomètres carrés représentant 8 % de la surface de toutes les zones économiques exclusives (ZEE) tandis que la République française ne représente que 0,45 % de la superficie des terres émergées. Pour autant, savons-nous exploiter cette situation, tant sur le plan économique que géopolitique, les deux étant intimement liés ?
Les forces de souveraineté exercent chacune leurs missions au sein de leur zone dite « de responsabilité permanente », qui englobe les pays alentour. Si les contextes et les enjeux diffèrent, ces missions peuvent se résumer autour de trois axes permanents : premièrement, contribuer à la protection du territoire national, de nos concitoyens et d'installations stratégiques ; deuxièmement, affirmer la présence de la France dans les zones considérées et contribuer à la stabilité ; troisièmement, collecter du renseignement.
S'ajoutent également deux types de mission dites « de crise » : des opérations de secours aux biens et personnes ; des opérations de participation et de soutien à des opérations militaires.
Un premier constat s'impose. Pour mener à bien l'ensemble de ces missions, les forces de souveraineté doivent compter sur des effectifs limités à 8 473 ETP en 2021 et les crédits budgétaires qui leur sont alloués représentent un total inférieur à 1 milliard d'euros.
Le choix a été fait en 2008, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), de « tailler au plus juste » les moyens déployés sur la base - je cite - « d'une rationalisation des moyens militaires stationnés en dehors de la métropole, afin de grouper nos capacités d'intervention à partir du territoire national ou sur ces axes ». Il s'ensuit que « les forces de souveraineté stationnées dans les départements et collectivités d'outre-mer devront être définies au niveau strictement nécessaire aux missions des armées proprement dites ».
Le résultat est là : - 20 % d'effectifs entre 2008 et 2021. Et une baisse des crédits d'investissement de plus de 10 %.
Au regard des enjeux de trafics ou environnementaux - et l'on pense en particulier au canal du Mozambique - ou bien géo-politico-militaires - et l'on pense en particulier aux velléités de la Chine - le moins que l'on puisse dire est que l'on peut se poser sérieusement la question de savoir si les moyens alloués sont à la hauteur des ambitions affichées. Si la remontée des effectifs prévue par l'actuelle loi de programmation militaire (LPM) tranche avec la période qui précède, elle reste insuffisante et devra encore être renforcée. C'est le sens de ma recommandation n° 1.
Ainsi ai-je été étonné de découvrir sur place que les moyens alloués aux Forces armées pour la zone sud de l'Océan indien (FAZSOI) pour la surveillance n'étaient pas vraiment adaptés, à plus forte raison dans le contexte actuel de fortes tensions internationales dans l'Indopacifique. Elles disposent deux fois deux semaines par an de l'allocation d'un Falcon 50. La relève des équipes chargées de surveiller la zone depuis les îles éparses est assurée de façon tellement régulière que les contrevenants en connaissent les dates. C'est le sens de ma recommandation n° 2.
S'agissant du choix de concentrer les moyens sur le territoire national, si l'on peut en comprendre certains aspects bénéfiques en termes de gestion et d'optimisation des matériels, il ne faudrait pas que ce principe soit un alibi pour justifier un relâchement des efforts. Si je note avec satisfaction l'arrivée de nouveaux moyens maritimes avec six patrouilleurs Outre-mer (POM) je ne puis que déplorer l'état général des casernements.
Dans l'immédiat il y a urgence à repenser les moyens de transport logistique - à titre d'exemple, les Forces armées en Polynésie française (FAPF) ne disposent que de deux avions Casa dont les capacités d'emport sont faibles -, à disposer de moyens de remorquage et à intégrer à la LPM des moyens pour assurer un casernement digne pour nos militaires. C'est le sens de mes recommandations n° 3, 4, 5 et 6.
La présence française dans les territoires ultramarins gagnerait en « acceptation » et efficacité si elle était mieux coordonnée avec la politique d'aide au développement. En effet les relations avec les pays voisins de nos zones selon les périodes et sujets peuvent être plus ou moins fluides et les nécessaires coopérations peuvent s'en trouver altérées. Un rapprochement avec l'Agence française de développement (AFD) paraît souhaitable. C'est l'objet de ma recommandation n° 7.
Enfin, tout en connaissant la sensibilité du sujet, votre rapporteur s'interroge sur une évolution de l'octroi de mer. Est-il pertinent que les armées et d'une façon plus générale les ministères acquittent une taxe sur des équipements alloués à des missions régaliennes et qui ne peuvent être produits en l'état sur place ? Une contrepartie devrait alors être trouvée pour les territoires concernés mais serait neutre pour le budget de l'Etat. D'où ma recommandation n° 8.