Intervention de Dominique de Legge

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 5 octobre 2022 à 10h00
Forces de souveraineté — Contrôle budgétaire - communication

Photo de Dominique de LeggeDominique de Legge, rapporteur spécial :

Beaucoup de questions se recoupant, je les résumerai autour d'un premier thème : avons-nous les moyens de nos ambitions ?

Le discours politique affirme souvent que la France est un grand pays. Cela nous fait plaisir de le dire, de l'entendre, et surtout de le croire. On l'illustre en disant que nous sommes présents dans le monde entier grâce à nos territoires d'outre-mer.

Il me semble qu'il faudrait se poser la question de savoir à quoi servent ces zones d'exclusivité économique. Est-on capable de les valoriser ?

Nos collègues d'outre-mer nous rappellent les atouts, mais aussi les contraintes, que représente la présence de l'administration française dans ces territoires qui font partie de la République. Les personnes qui y vivent doivent être administrées comme le reste des Français.

Par ailleurs, ces territoires sont aussi, pour nous Français le moyen d'être présents dans le débat international, que ce soit sur le plan militaire, géopolitique ou environnemental.

J'ai le sentiment que nous ne nous donnons pas les moyens de répondre à ces deux problématiques. Pour les militaires, les forces sont prépositionnées. Tout cela fonctionne théoriquement bien s'il ne se passe rien ! C'est un peu comme la SNCF, qui rêve de trains sans gare ni voyageur : dans de telles conditions, il va de soi qu'il serait plus facile de les faire circuler !

C'est pourquoi, en 2008, nous avons décidé de « tailler au plus juste », en décidant, en cas de problèmes, de faire appel aux services centralisés, c'est-à-dire aux moyens dont disposent nos armées.

En conséquence, les capacités sont moindres et, lorsque des crises éclatent, elles n'ont pas forcément été suffisamment anticipées. Nous avons tous en tête un certain nombre d'exemples où il a fallu attendre des renforts administratifs, sinon militaires, pour maintenir l'ordre.

Je réaffirme qu'il est important, à la faveur de la LPM, même si ce pas le vecteur le plus adapté pour ce faire, de dire ce que nous voulons faire de ces territoires. Nous le devons aux populations qui s'y trouvent ainsi qu'à nos partenaires, dans le concert international.

Enfin, je crois répondre au travers de ces propos à l'excellente question posée par le président Raynal, qui a parlé de « présence limitée ». J'entends bien ce que dit Vincent Delahaye, qui demande comment financer davantage de moyens. C'est la question générale de la France et de notre budget. Avons-nous les moyens de nos ambitions ? Si tel n'est pas le cas, il faut avoir le courage de dire ce que nous abandonnons. C'est cette question qui est posée pour nos territoires.

Il me semble que notre position vis-à-vis des territoires d'outre-mer n'est pas claire. Le discours est ambitieux, mais je n'ai pas vu que les moyens attribués sont à la hauteur de celui-ci. Or cela participe sans doute d'un certain malaise.

Je crois avoir répondu ainsi à Jérôme Bascher.

Philippe Dominati pose à juste titre la question des moyens civils. Les moyens civils sont là : à Mayotte, où j'ai eu l'occasion de me rendre, j'ai pu constater une densité de sous-préfets très importante au kilomètre carré. Je n'ai pas vu que ce territoire est mieux administré que l'Ille-et-Vilaine. Sachez que, pour faire fonctionner l'éducation nationale, on fait appel à des contractuels, chèrement payés pour venir passer trois mois. On enregistre 30 naissances par jour, ce qui correspond à la nécessité d'ouvrir une classe tous les jours, ce que nous sommes incapables de faire. On peut continuer à croire que ces territoires sont administrés. Je rends hommage à tous nos compatriotes, notamment aux fonctionnaires sur place, mais il faut peut-être se rendre compte qu'on ne fait que remplir le tonneau des Danaïdes.

M. Requier pose la question du lien avec l'AFD. J'insiste sur un point : lorsque nous faisons de la surveillance maritime, nous avons besoin de nous entendre avec les pays riverains. Ils sont heureux de nous trouver quand ils ont besoin d'un secours qui les concerne directement. Lorsqu'il s'agit de trafics, opérations par lesquelles ils ne sont peut-être pas concernés ou à propos desquelles ils préfèrent fermer les yeux, nous ne recevons pas forcément le soutien ou l'écoute que nous pourrions espérer.

Il me semble qu'une relation resserrée avec l'AFD serait de nature à fluidifier les choses.

M. Bilhac pose la question de l'octroi de mer. Je vais mettre les pieds dans le plat et vous dire ce que j'en pense sincèrement : l'octroi de mer a été créé pour inciter la production sur place de ce qui était nécessaire aux populations locales et éviter d'importer de tels produits depuis l'hexagone, notamment un certain nombre de produits alimentaires ou manufacturés.

Lorsque ces produits arrivent, ils sont taxés. Certains territoires d'outre-mer ont fait le choix d'exonérer de cette taxation des produits qui ne peuvent être produits localement et qui participent de la défense nationale et des missions régaliennes de l'État.

Je pense que si nous reconnaissons que ces territoires font partie de la République, les moyens qu'on envoie pour faire assumer nos droits régaliens ne doivent pas être taxés. On peut s'interroger sur le bien-fondé de la taxation sur les munitions, les avions ou les bateaux destinés à assurer la sécurité publique et celle des populations.

C'est une opération neutre, car cette taxation constitue bien un produit pour les territoires concernés, mais représente déjà une dépense pour le budget de l'État. Il faudrait peut-être trouver un autre mécanisme.

Je pense que, politiquement, philosophiquement et économiquement, la question de l'octroi de mer mérite d'être posée.

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