Intervention de Philippe Léglise-Costa

Commission des affaires européennes — Réunion du 17 avril 2020 à 11h00
Institutions européennes — Audition de M. Philippe Léglise-costa représentant permanent de la france auprès de l'union européenne par téléconférence

Philippe Léglise-Costa, représentant permanent de la France auprès de l'Union européenne :

Toute mesure trop stricte ou désordonnée aux frontières crée immédiatement des difficultés sur les chaînes d'approvisionnement, avec des files de camions à certaines frontières et un risque pour les biens essentiels, alimentaires ou médicaux.

On s'est immédiatement rendu compte qu'il était illusoire, même en période de crise majeure, de penser que chaque État puisse se refermer sur son marché intérieur, les chaînes d'approvisionnement étant totalement intégrées. Ceci suppose toutefois de prendre certaines mesures. C'est pourquoi la Commission européenne a proposé de mettre en place des voies vertes aux frontières afin de s'assurer, même en cas de contrôle sanitaire ou de contrôle d'identité, que les marchandises essentielles puissent traverser de manière fluide. C'est aujourd'hui ce qui se passe.

Cela a été l'occasion de constater la très grande mobilité des Européens entre les États membres. Quand il a fallu mettre en place des contrôles spécifiques, beaucoup ont souhaité rentrer dans leur pays par crainte du confinement.

À cela s'est ajouté, au moment où on a fermé les frontières extérieures de Schengen et de l'Union européenne, le fait qu'on a rapatrié des centaines de milliers d'Européens qui se trouvaient à l'étranger, qui atterrissaient souvent dans un autre État membre que leur État de résidence. Il fallait donc aussi leur permettre de circuler.

Aujourd'hui, les choses se sont organisées pour les marchandises et les personnes. Nous sommes parvenus, grâce au travail de la Commission européenne, à mettre en place à chaque frontière des mesures de coordination transfrontalières qui permettent d'assurer que les travailleurs frontaliers puissent continuer à exercer leur métier et que les professions médicales, les transporteurs, les pompiers, activités essentielles, puissent circuler.

Si on a l'impression qu'il existe une distinction entre la circulation des biens et des personnes, c'est parce que l'immense majorité des Européens vit aujourd'hui confinée. La circulation des personnes n'existe plus au sein des États. Il n'est pas évident de pouvoir faire coexister des mesures facilitant le transport des marchandises et des mesures très strictes concernant la circulation des personnes.

Nous manquons de moyens pour gérer ce type de crise. Il faudra pouvoir l'anticiper, parce qu'il y aura malheureusement sûrement d'autres crises de différentes natures. On l'a vu lors de la crise migratoire, après les attentats terroristes... La Commission européenne, qui y réfléchit déjà, proposera de tirer les leçons de la crise en matière de circulation des personnes et de prévoir des mesures de coopération et de coordination aux frontières permettant de réintroduire des contrôles adaptés, sans remettre en cause l'ensemble des principes.

La dernière leçon, s'agissant de Schengen, réside dans le fait que le caractère opérationnel de nos frontières extérieures est évident. On le voyait déjà auparavant. Nous avons des moyens de contrôles, des bases de données et d'autres outils qui sont ceux d'une frontière extérieure classique. La décision simultanée, à notre initiative, de mettre en place des interdictions d'entrée sur le territoire à toutes les frontières extérieures de l'Union européenne pour tous les ressortissants des pays tiers résidant en Europe est exceptionnelle. Nous ne l'avions jamais fait et nous ne savions pas si c'était possible. Cela s'est fait sous l'empire d'une crise énorme, mais cela montre à tous qu'il existe une frontière extérieure et qu'elle est capable de nous protéger. C'est une leçon qu'il faudra tirer lorsqu'on réfléchira à l'avenir de Schengen.

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