Intervention de Philippe Léglise-Costa

Commission des affaires européennes — Réunion du 17 avril 2020 à 11h00
Institutions européennes — Audition de M. Philippe Léglise-costa représentant permanent de la france auprès de l'union européenne par téléconférence

Philippe Léglise-Costa, représentant permanent de la France auprès de l'Union européenne :

Sur 280 millions d'euros, 45 millions d'euros proviennent d'entreprises privées, qui interviennent dans le domaine du médicament innovant, dans le cadre d'un partenariat entre les autorités publiques et les entreprises.

Nous avons par ailleurs contribué, avec la BEI, au soutien d'entreprises comme la société allemande dont les États-Unis semblent avoir cherché à s'approprier le projet de vaccin.

Enfin, entre 60 millions d'euros et 100 millions d'euros pourront être apportés à la Coalition pour les innovations en préparation aux épidémies (CEPI).

S'agissant du cadre financier pluriannuel, étant en fin de programmation, nous faisons avec les moyens dont nous disposons. Il faudra, dans le cadre du programme Horizon Europe, réfléchir à ce que nous pourrons consacrer à la recherche, en particulier concernant les pandémies.

La préoccupation concernant la Chine prévalait déjà avant la crise. Elle est encore plus aiguë à présent. Les masques tombent - sans jeu de mots. Les Chinois se révèlent très agressifs alors même, comme l'a dit hier le Président de la République dans une interview au Financial Times, que nous ne savons pas tout de ce qui s'est passé là-bas. Nous observons aussi la mise en scène autour des livraisons chinoises de matériels et de masques en Europe, dans les Balkans et en Afrique.

Les intuitions européennes fonctionnent sur le droit. Elles n'agissent pas sur le même terrain, mais elles sont de moins en moins naïves et se dotent de certains outils. Deux axes ont été définis par les ministres des affaires étrangères en début de mois, puis validés par les chefs d'État ou de gouvernement.

Le premier axe concerne la lutte contre la désinformation, criminelle s'agissant d'enjeux sanitaires. Nous avons mis en place un système d'alerte rapide qui réunit la Commission européenne et les renseignements extérieurs des États membres pour échanger des informations, vérifier les faits et réagir de manière ordonnée. Nous fondons bien évidemment nos réactions sur l'alerte, la dénonciation ou des mesures de retrait quand la propagation des informations devient sérieuse, et veillons à rétablir les faits sur des données scientifiques et objectives s'agissant de la pandémie.

Le second axe est celui de la communication afin que l'Europe qui, dans le monde, est le premier donateur, le premier investisseur, le premier fournisseur d'aide humanitaire, soit plus visible et que la vérité soit rétablie dans l'opinion publique.

Ce travail est engagé. Ce n'est pas naturel pour les institutions européennes, qui agissent généralement de manière plus discrète, mais qui prennent conscience que ce n'est plus possible étant donné l'approche d'autres puissances.

Monsieur Marie, s'agissant du plan de relance, le président de l'Eurogroupe a indiqué hier qu'il existait deux options. Le ministre de l'économie et des finances, Bruno Lemaire, a proposé de mettre en place, avec les autres gouvernements, un fonds sur la base d'un remboursement mutualisé permettant d'offrir des conditions de financement très favorables.

Les fonds pourraient aussi être prélevés sur le budget européen. Nous sommes prêts à examiner toute option qui apporterait les mêmes résultats. La Commission européenne y réfléchit.

Les moyens disponibles comprennent le budget européen - mais on a vu la difficulté à relever le niveau des dépenses et les ressources provenant des États. Pour ce qui est de la période 2014-2020, le niveau des dépenses est fixé à 1 % du PIB européen, et le niveau des ressources qui peuvent être appelées à 1,2 %. Cet écart est utilisable pour que la Commission européenne puisse emprunter avec la garantie des États, puis prêter.

L'idée serait de relever significativement le plafond des ressources propres. La Commission européenne réfléchit à la manière d'élargir cet écart pour pouvoir emprunter de manière massive.

Cela pose toutefois beaucoup de questions juridiques, politiques et techniques.

Non seulement il n'y a pas encore d'accord, mais l'intégrer dans le budget européen pose encore d'autres questions. Il faut reconnaître que cette solution serait néanmoins la plus simple. C'est à la Commission européenne d'en démontrer la faisabilité. Ce sera l'enjeu de la visioconférence des chefs d'État ou de gouvernement de la semaine prochaine avant la proposition annoncée à la fin du mois.

S'agissant des ressources propres supplémentaires, nous avons suspendu la négociation du cadre financier pluriannuel en février, lors d'un Conseil européen extraordinaire des chefs d'État ou de gouvernement qui, sans aboutir, avait cependant permis d'avancer. On a vu comment trouver un compromis, mais deux points restent épineux.

Le premier, c'est la volonté des Pays-Bas, du Danemark, de la Suède, de l'Autriche et de l'Allemagne de conserver des rabais après 2020, alors que ceux-ci tombent en principe, le rabais britannique étant appelé à disparaître. Cela fait néanmoins augmenter leur contribution nette.

Le deuxième, c'est justement celui de l'introduction de ressources propres nouvelles. Le Président de la République, lors du Conseil européen, a insisté sur cet impératif. Nous avons en effet besoin de moyens supplémentaires. La capacité des États a des limites, et il faut bien trouver d'autres sources.

Nous avons proposé d'utiliser la ressource ETS, le système d'échange de permis d'émissions négociables en matière climatique, qui est un cadre européen aujourd'hui redistribué entre les États.

Il en existe d'autres. Ce peut être la taxe sur les services numériques ou le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières. La Commission européenne a proposé d'autres moyens, mais cette discussion a été suspendue face à l'opposition de certains pays de l'est et de l'Allemagne. Il faudra la reprendre dans le cadre politique renouvelé dans lequel nous sommes. Cela nous paraît aujourd'hui plus indispensable encore qu'en février.

Quant au plan Marshall et au verdissement, le Conseil européen a adopté des conclusions d'ensemble le 26 mars. Elles ont été estompées par le débat qui s'engageait sur le fonds de relance et la mutualisation des dettes. Il n'en reste pas moins qu'elles sont importantes.

Elles définissent les objectifs du plan de relance et les investissements massifs qui doivent l'accompagner. Ces objectifs concernent la reprise économique et l'emploi, notamment dans les secteurs les plus affectés, les leçons à tirer de la crise en matière de relocalisations industrielles et de garanties d'approvisionnement et la cohérence à retrouver autour du Green Deal et de la transformation numérique.

Le Premier ministre tchèque a estimé que la crise économique dans laquelle nous allons entrer nécessite de repousser le Pacte vert aux calendes grecques. Ce n'est pas l'avis de la majorité des chefs d'État ou de gouvernement.

La ministre Élisabeth Borne et un certain nombre de ses collègues ont signé une déclaration pour soutenir cette nécessité. Il faudra la réintégrer dans une stratégie économique différente, préciser les calendriers, les réglementations et les investissements afin de retrouver les trajectoires prévues, que ce soit en termes de lutte contre le changement climatique, de biodiversité ou d'économie circulaire.

Il est bien dans l'intention de la Commission européenne de le proposer dans les prochaines semaines. Le Parlement européen l'a répété, et la présidente de la Commission européenne l'a dit elle-même hier à la télévision française.

Monsieur Huré, concernant le centre de gestion de crise européen, on retrouve, certaines des idées portées par Michel Barnier il y a un certain temps dans le mécanisme de protection civile qui avait fait l'objet d'une proposition de sa part, dans le contexte des feux de forêt, et qui fonctionne maintenant à plein régime pour aider à rapatrier des Européens bloqués dans des pays tiers. Des centaines de vols sont organisés et financés à 75 % grâce à ce mécanisme. Ce mécanisme est également utilisé par la Commission européenne pour acquérir des stocks stratégiques d'équipements médicaux, voire de médicaments. C'est un des outils les plus utiles dans ce domaine.

Les chefs d'État ou de gouvernement nous ont demandé de réfléchir à ces mécanismes de crise et à la façon dont on peut les doter des moyens de réactivité et de coordination suffisants pour une prochaine fois. Nous avons commencé à y travailler. Nous ne partons pas de rien. Un certain nombre d'outils existent, comme le mécanisme européen de protection civile.

La Commission européenne dispose de son propre outil de coordination, le Centre de coordination de la réaction d'urgence (ERCC). Le Conseil européen bénéficie de l'IPCR, que j'ai déjà évoqué. L'enjeu est de consolider voire de fusionner certaines structures, de les doter de moyens et de les préparer.

Le Parlement européen joue le rôle d'aiguillon à ce sujet. Je pense que des propositions seront faites dans les prochaines semaines.

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