Intervention de Bernard Vera

Réunion du 18 décembre 2008 à 15h00
Loi de finances rectificative pour 2008 — Article 6

Photo de Bernard VeraBernard Vera :

L’article 6 vise à fixer le cadre budgétaire de gestion par l’État des quotas de dioxyde de carbone en créant un compte de commerce intitulé « Gestion des actifs carbone de l’État ». Autrement dit, on met en place une véritable bourse des droits à polluer !

M. le rapporteur général constate, à juste titre, que le prix de la tonne de CO2 émise a une influence sur le prix de biens essentiels payés par les consommateurs européens, par exemple celui de l’électricité acquise sur le marché libre, et il pointe les insuffisances de l’encadrement de ce système d’échange de quotas. Malgré tout, il accepte la philosophie libérale qui a conduit à la mise en place d’un marché des droits à polluer. Pour notre part, nous y sommes fortement opposés.

Comme chacun le sait, le 23 janvier 2008, la Commission européenne a présenté un paquet « énergie-climat » composé de quatre textes visant à la réalisation d’un triple objectif, ambitieux et nécessaire, d’ici à 2020 : diminuer de 20 % les émissions de gaz à effet de serre, réduire de 20 % la consommation d’énergie et augmenter la part des énergies renouvelables jusqu’à 20 % de la consommation totale. Nous ne pouvons qu’approuver ces objectifs ambitieux.

L’urgence est d’autant plus grande que, pour la première fois de notre histoire, l’activité humaine accélère un bouleversement climatique dont les conséquences pourraient être dramatiques. Ainsi, le rapport publié en février 2007 par le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, a démontré qu’il était urgent d’agir.

L’actualité européenne récente montre combien sont fortes les pressions pour obtenir une révision à la baisse des objectifs. Je pense ici aux dérogations accordées à plusieurs secteurs d’activité pour la mise aux enchères des quotas d’émission de gaz à effet de serre, qui risquent d’altérer grandement les règles du jeu.

Ce système d’échange de quotas, mis en place en 2005, a largement démontré ses insuffisances. Étendre ce dispositif et centraliser sa gestion à l’échelle européenne n’inversera pas la donne.

La Commission a évalué le coût du paquet à « 3 euros par citoyen et par semaine », soit 150 euros par an. D’ici à 2020, cela correspondra à une facture d’un peu plus de 842 milliards d’euros, soit 70 milliards d’euros par an, ou encore 0, 5 % du produit intérieur brut européen. Il s’agit de sommes considérables !

Par ailleurs, le risque est grand que la lutte contre le réchauffement climatique soit menée, dans notre pays, au détriment des financements nécessaires à l’ensemble des dispositifs de protection sociale. Ainsi, les débats autour du Grenelle de l’environnement ont fait apparaître que la contribution dite « énergie-climat » sera strictement compensée par une baisse des prélèvements obligatoires des entreprises afin de préserver leur compétitivité. Cependant, les charges patronales en question contribuent au financement de la protection sociale. Si ce dispositif était retenu, cette dernière ferait donc les frais de l’opération.

Peut-on défendre l’environnement en intégrant les quotas de pollution dans un marché favorisant le dumping environnemental et dominé par les plus riches ? Les grandes firmes ont pu délocaliser leurs activités au point que 20 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre sont aujourd’hui liées à la fabrication dans les pays en voie de développement de produits consommés dans les pays riches.

Dès lors, vous comprendrez, mes chers collègues, que les sénateurs du groupe CRC-SPG défendent un autre mode de croissance et de développement, tout à la fois durable et soutenable, social et solidaire, qui présuppose de s’affranchir des politiques libérales européennes et internationales actuelles. Or, dans le système qui nous est proposé, même le gaz carbonique est considéré comme une marchandise. C’est inacceptable !

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