Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 18 décembre 2008 à 15h00
Loi de finances rectificative pour 2008 — Article 6

Photo de Nicole BricqNicole Bricq :

L’article 6 est important, car il prévoit la création d’un compte de commerce dédié à la gestion des « actifs carbone » de l’État et il révise les allocations du plan national d’affectation de quotas, pour la période allant de 2008 à 2012, en faveur des nouveaux entrants.

M. le rapporteur général a fait état de ses interrogations, que nous partageons, sur l’émergence de ce nouveau marché qu’il faudra, comme les autres, réguler. À cet égard, l’inventivité en matière financière ayant été ce que l’on sait ces dernières années, il a raison de se méfier !

Je soulèverai à mon tour quelques interrogations, d’un autre ordre. Il convient en effet de dissiper toutes les incertitudes au moment où un accord est intervenu, sous présidence française, au sein de l’Union européenne. Je reconnais une certaine valeur à cet accord, qui ne mérite toutefois certainement pas le qualificatif d’« historique », car il a été obtenu au prix de concessions importantes.

Du reste, le compromis de Bruxelles fait dix-huit pages, et, comme nous savons que le diable est dans les détails, c’est en réalité au moment du débat sur la transcription des premières mesures consécutives au Grenelle de l’environnement qu’il sera possible de porter une appréciation plus juste, sans doute plus mesurée que celle qui a été avancée ce matin par nos collègues de l’UMP et, encore à l’instant, par M. le secrétaire d’État, s’agissant en particulier des critères d’accès aux quotas gratuits.

Cela étant, nous approuvons la création d’un compte de commerce spécifique, qui devrait permettre une meilleure lisibilité des opérations d’achat et de vente d’actifs carbone par l’État. Cependant, nous nous interrogeons sur les mouvements financiers pouvant intervenir entre le budget général et ce compte de commerce.

En effet, il est prévu que le budget général puisse venir abonder ce fonds, probablement en vue d’alimenter en quotas d’émission de gaz à effet de serre la réserve destinée aux nouveaux entrants.

Quel montant ces dépenses de l’État pourront-elles atteindre ? Nous ne le savons pas. Le rapporteur général de l’Assemblée nationale, Gilles Carrez, a indiqué que le montant de découvert autorisé que le Gouvernement souhaite inscrire au titre de l’année 2009 serait de l’ordre de 120 millions d’euros.

Si nous avons bien compris, le compte de commerce retracera également les opérations de vente de ces quotas aux entreprises de production d’électricité. À quoi les fonds de ce compte de commerce serviront-ils alors ? Si un solde existe après l’achat des quotas, cet argent pourra-t-il retourner au budget de l’État ? Servira-t-il alors à financer des dépenses du budget général, ou sera-t-il affecté à des politiques environnementales ? Il ne faudrait pas que l’État cherche sans oser l’avouer, à travers ce compte de commerce, une nouvelle recette fiscale.

En ce qui concerne la révision au profit des nouveaux entrants des allocations du plan national d’affectation de quotas, qui prévoit, après examen du texte à l’Assemblée nationale, une réduction progressive jusqu’à 60 %, en 2012, des quotas alloués aux industries du secteur de la production d’énergie, quel sera le contrôle exercé par l’État sur l’utilisation de ces quotas ?

Je voudrais à cet égard vous donner un exemple qui me semble particulièrement adapté à la période dans laquelle nous sommes.

Un nouvel entrant, bénéficiant de quotas gratuits, pourra-t-il en revendre une partie, et par conséquent augmenter son profit, au détriment d’autres entreprises ?

Ainsi, le groupe Arcelor-Mittal, qui vient de réduire l’activité d’une grande partie de ses usines avec la mise au chômage technique de ses salariés, revend aujourd’hui ses quotas de CO2 excédentaires, ce qui lui rapporte entre 30 millions et 40 millions d’euros, somme qui lui permettra d’amortir le coût du chômage partiel frappant les personnels… Vous voyez que la question a bel et bien une portée pratique !

Le Gouvernement nous dit vouloir lutter contre les délocalisations, mais il ne faudrait pas, à l’inverse, qu’il crée un effet d’aubaine pour les nouveaux entrants.

C’est la raison pour laquelle nous nous interrogeons principalement sur le contrôle qui sera exercé par l’État sur ce marché, rejoignant en cela les préoccupations exprimées par M. le rapporteur général.

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