Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les sénateurs, ce projet de loi de finances démontre notre détermination à faire de l'éducation une des priorités de ce nouveau quinquennat, à travers des réformes ambitieuses portées, vous l'avez dit, par une augmentation forte et même inédite du budget de l'éducation nationale.
Cette progression s'inscrit dans une dynamique de croissance constante depuis 2017, mais le présent budget constitue une réelle rupture dans l'ampleur de l'augmentation budgétaire proposée et dans l'ambition qualitative qui est portée.
Le PLF 2023 prévoit ainsi un budget de 59,7 milliards d'euros pour l'éducation nationale. Ce sont 3,7 milliards d'euros supplémentaires, soit une croissance de 6,5 % par rapport à 2022. Il s'agit d'un investissement massif au bénéfice de la réussite de tous les élèves, c'est-à-dire, en réalité, un investissement indispensable pour l'avenir de notre pays.
Cet effort budgétaire permet de mettre en musique les priorités que j'ai déjà eu l'occasion d'énoncer.
La première, vous l'avez indiqué, monsieur le président, c'est la revalorisation de la rémunération des enseignants, et c'est naturellement elle qui compte le plus dans ce budget 2023. Cette revalorisation est le préalable indispensable à toute action de refondation et de transformation de l'école. Il s'agit de reconnaître l'engagement sans faille des enseignants au service de leurs élèves. Trop longtemps, leur dévouement, que je tiens à saluer dans cette enceinte, n'a pas été rétribué à sa juste valeur.
Le Sénat a récemment consacré un rapport très clair et très précis à la situation des professeurs français par rapport à leurs homologues européens. Ce rapport soulignait à juste titre la nécessité d'un sursaut pour éviter une crise profonde du recrutement.
Ce sursaut, ou plutôt ce choc d'attractivité, vous le trouvez dans ce budget. Une enveloppe totale de 935 millions d'euros est consacrée à la revalorisation des enseignants pour 2023. C'est d'autant plus considérable qu'elle entrera en vigueur en septembre 2023 et qu'elle ne couvre donc que les quatre derniers mois de l'année.
Cette revalorisation est composée de deux parties, une part inconditionnelle et une part dite « pacte », perçue à la condition de l'exercice de nouvelles missions, qui seront définies dans le cadre de la concertation avec les organisations syndicales, qui s'est ouverte il y a un mois, le 3 octobre. La part inconditionnelle dispose d'une enveloppe de 635 millions d'euros au PLF 2023, ce qui représentera, en année pleine, 1,9 milliard d'euros. Concentrée sur la première partie de carrière, cette part permettra de casser le faux plat qui caractérise la progression de salaire en milieu de carrière.
En prolongeant les efforts réalisés dans le cadre du Grenelle de l'éducation et de la hausse du point d'indice des fonctionnaires, cette revalorisation permet d'aboutir à une hausse totale moyenne de 10 %. Cela nous permettra de réaliser l'engagement du Président de la République de ne plus avoir d'enseignants payés moins de 2 000 euros net par mois.
Nous devons donner envie aux jeunes de s'engager dans les carrières du professorat et les soutenir au cours de leurs premières années l'exercice, à un moment où les besoins financiers sont importants. Les personnels en fin de carrière ne sont toutefois pas oubliés, puisqu'un effort complémentaire se traduira par l'amélioration de l'accès aux grades finaux - la hors classe et la classe exceptionnelle -, dans le cadre de mesures interministérielles actuellement en discussion. Par ailleurs, la revalorisation passera par un nouveau pacte proposé à tous les enseignants, qui offrira une hausse supplémentaire de rémunération à la condition d'exercer de nouvelles missions, qui sont parfois réalisées sans être pleinement valorisées.
Sans préjuger des conclusions de la concertation, la formation hors temps d'enseignement, la mise en oeuvre de projets pédagogiques, le suivi individualisé des élèves, l'aide à l'orientation ou encore le remplacement de courte durée font partie des missions qui pourraient faire l'objet de ces rémunérations complémentaires. C'est un levier indispensable pour permettre la transformation en profondeur de notre école.
Ce dispositif est doté d'une enveloppe de 300 millions d'euros sur les quatre derniers mois de 2023. L'équivalent en année pleine à compter de 2024 évoluera en fonction du rythme des adhésions au pacte, qu'on ne peut pas complètement prévoir à ce stade. L'ensemble des enseignants, y compris ceux des lycées professionnels, mais aussi les enseignants des lycées agricoles, bénéficieront de ces revalorisations.
D'autres professionnels de l'éducation nationale, hors enseignants, bénéficieront également de mesures de revalorisation pour traiter les enjeux spécifiques d'attractivité et de reconnaissance de certains métiers de l'éducation nationale. Je pense aux personnels de la filière médico-sociale, qui jouent un rôle déterminant auprès des élèves. Les personnels administratifs ou les conseillers pédagogiques sont également concernés. Au total, une enveloppe de près de 66 millions d'euros sera mobilisée pour l'ensemble de ces mesures catégorielles.
Le deuxième axe fort de ce budget, c'est la réussite de tous les élèves. Budgétairement, cette priorité se traduit par deux actions : en premier lieu la poursuite de l'amélioration du taux d'encadrement dans le premier degré et sa stabilisation dans le second degré, en deuxième lieu la prolongation et l'engagement des dispositifs pour la réussite des élèves, tels que les dédoublements en REP, le plafonnement à 24 des classes de primaire hors REP, ou le développement des unités localisées pour l'inclusion scolaire (ULIS).
L'effort sur les taux d'encadrement se traduit par une reprise partielle de la baisse démographique que nous connaissons déjà, qui va s'accentuer dans les prochaines années. En dix ans, la France est passée d'une moyenne de 830 000 naissances par an à 738 000 naissances. C'est considérable et, après une baisse de 300 000 élèves ces cinq dernières années, nous prévoyons une baisse de 500 000 élèves sur la période 2022-2027. Cette évolution se traduit par la diminution constatée de 58 000 élèves à la rentrée 2022. Les prévisions pour 2023-2024 atteignent presque 100 000 élèves en moins.
Les prévisions que j'avais données au mois de juillet étaient un peu plus négatives en matière de baisse d'élèves pour l'année écoulée, mais ne tenaient pas compte des quelque 20 000 élèves ukrainiens qui ont été scolarisés. Il y a donc eu une légère compensation l'année dernière.
Répercuter complètement cette baisse sur le nombre d'enseignants reviendrait à supprimer 5 000 postes. En limitant cette baisse à 2 000 postes, nous poursuivons l'effort pluriannuel sur les taux d'encadrement. Dans le premier degré, nous sommes passés d'une moyenne de 23,6 enfants par classe en 2016 à 21,6 en 2022, et nous prévoyons de faire baisser ce chiffre en 2023, pour atteindre 21,3 élèves par classe en moyenne.
Dans ce cadre, je réaffirme que la baisse des effectifs d'enseignants tiendra compte des enjeux liés à la ruralité, en conformité avec l'engagement du Président de la République. Aucune fermeture d'école n'interviendra sans l'accord des maires.
Au-delà des dispositions budgétaires du PLF, la réussite des élèves passera aussi par des réformes structurantes, comme celle du collège, sur laquelle nous travaillons activement, ou la réforme de la voie professionnelle annoncée par le Président de la République, qui a souhaité que celle-ci soit construite dans le cadre d'une large concertation, qui a débuté.
La réussite de tous les élèves passe aussi par la poursuite de l'école inclusive. L'école inclusive demeure une priorité pour mon ministère et le Gouvernement. 4 000 postes d'AESH ont été créés à la rentrée 2022, et 4 000 postes seront créés à la rentrée 2023. Cette hausse continue, que nous assumons, ne peut cependant pas être la seule réponse aux besoins particuliers de certains élèves.
La hausse des notifications, que nous ne maîtrisons pas puisqu'elles dépendent des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), est beaucoup plus rapide que celle du nombre d'AESH. Les fortes divergences entre départements, les situations de saturation dans certaines classes, les difficultés de recrutement d'AESH dans certains bassins nous imposent de réfléchir plus globalement à la situation et de construire ce que nous appelons un « acte II de l'école inclusive », de manière à répondre de façon pertinente et soutenable à la situation de chaque enfant, tout en garantissant dans le temps cette école inclusive, en particulier d'un point de vue budgétaire.
L'objectif de la réforme est clair : chaque enfant doit être correctement accompagné en fonction de ses besoins. Nous nous mettons donc en ordre de bataille pour que des propositions concrètes puissent être inscrites à l'ordre du jour de la Conférence nationale du handicap, qui aura lieu au printemps 2023. Je serai heureux, le moment venu, si vous le souhaitez, de revenir vous en parler.
Une démarche de concertation a été engagée par la Première ministre, dans le cadre du comité interministériel du handicap, le 8 octobre 2022. Au vu des conclusions de cette concertation, nous ferons évoluer les outils de l'école inclusive. Ce sont des évolutions qui bénéficieront aux AESH puisque, dans ce cadre, nous souhaitons définir les modalités qui leur permettront d'atteindre, si tel est leur choix, un temps plein de 35 heures, en partenariat avec les collectivités territoriales. Cela représentera également un progrès pour les élèves en situation de handicap.
La situation matérielle des AESH est ainsi un sujet majeur d'attention dans ce chantier, et nous privilégions pour cela l'option des 35 heures afin d'améliorer leur rémunération. Néanmoins, comme vous l'avez peut-être noté, dans le cadre des débats à l'Assemblée nationale, une préoccupation légitime s'est exprimée vis-à-vis de ces personnels essentiels pour le fonctionnement de l'école inclusive et fragilisés par le contexte inflationniste que nous connaissons.
Nous avons donc décidé, avec la Première ministre, de retenir une proposition d'amendement actant une revalorisation de 10 % des AESH à partir du 1er septembre 2023, selon le même calendrier que celui des enseignants. 80 millions d'euros supplémentaires sont ainsi prévus pour financer cette revalorisation, pour laquelle le gage a été levé.
Cette revalorisation s'ajoute à l'enveloppe de 74 millions d'euros initialement prévus dans le budget, qui permettra à ces personnels, ainsi qu'aux AED de percevoir la prime REP-REP+, lorsque leur affectation les y autorise.
J'ai également souhaité, à travers ce budget, donner corps à la priorité que j'ai fixée en matière de lutte contre les inégalités sociales et territoriales. De fait, la lutte contre les inégalités scolaires est au fondement de notre capacité à faire société. C'est aussi une condition du bon fonctionnement de l'éducation nationale et de l'amélioration globale de nos résultats. Pour cela, nous développons les dispositifs de soutien aux familles les plus fragiles, via la hausse des bourses scolaires - plus 4 % à partir de la rentrée 2022 -, ce qui représente un total de 835 millions d'euros en 2023. Les établissements sont par ailleurs encouragés à améliorer l'utilisation de leurs fonds sociaux, qui sont actuellement sous-consommés.
Je suis également très vigilant vis-à-vis des inégalités territoriales. En ce sens, l'expérimentation des contrats locaux d'accompagnement (CLA) et des territoires éducatifs ruraux (TER) sera étendue : près de 9 millions d'euros sont inscrits au PLF 2023 pour ces deux dispositifs.
Amélioration du niveau scolaire, réduction des inégalités, bien-être, ces priorités se retrouveront dans le fonds d'innovation pédagogique, qui sera doté, en 2023, de 150 millions d'euros pour les quatre derniers mois de l'année 2023. Ce fonds est une vraie nouveauté : il va permettre de financer tous les projets pédagogiques innovants portés par les équipes éducatives, qui seront issus des débats engagés dans le cadre du Conseil national de la refondation (CNR), lancé par le Président de la République le 8 septembre dernier. Si vous le souhaitez, je serai heureux de vous entretenir de ces concertations, qui sont lancées depuis le 3 octobre.
Les projets bénéficiant d'un soutien financier pourront être très divers, dès lors qu'ils visent à améliorer la réussite des élèves. En nous fondant sans la dupliquer sur l'expérience conduite à Marseille, nous préparons le déploiement d'un dispositif ambitieux dans son volume et novateur dans son fonctionnement, puisqu'il sera pleinement déconcentré et proche du terrain. Ce nouveau fonds, qui viendra abonder notre budget à partir d'un transfert de crédits de la mission « Investir pour la France de 2030 », permettra par exemple de financer des projets autour du développement durable, de l'inclusion, des savoirs fondamentaux ou de l'éducation artistique et culturelle, le tout sans mise en concurrence des écoles et établissements les uns par rapport aux autres, dans un esprit de confiance vis-à-vis des équipes pédagogiques.