S'agissant de la revalorisation des enseignants, j'appuie les propos du rapporteur concernant de la perte d'attractivité du métier, dont nous avons déjà parlé. La presse s'en est fait l'écho de façon extrêmement large ces derniers mois. Je dois dire que les efforts que nous faisons ne vont pas à notre sens inverser brutalement les choses d'une année sur l'autre. C'est un travail de longue haleine, qui va prendre plusieurs années.
Cette revalorisation ne répond pas en effet à l'ensemble des facteurs qui permettent d'expliquer le faible rendement des concours et le faible nombre de candidats. Je suis en accord total avec vous sur ce sujet. D'ailleurs, la question des difficultés de recrutement d'enseignants se pose à l'échelle de toute l'Europe, sauf dans deux d'entre eux, y compris dans des pays voisins du nôtre, comme l'Allemagne ou le Luxembourg, où les rémunérations sont beaucoup plus élevées qu'en France.
Par conséquent, la question des rémunérations, même si elle est importante, n'explique pas tout. Il existe d'autres facteurs, comme les conditions de travail, la manière dont les jeunes se projettent dans ce métier, qui a été conçu pour des carrières longues, jusqu'à la retraite. Aujourd'hui, les étudiants envisagent l'enseignement pour une période plus brève, une dizaine d'années, avant de pouvoir faire autre chose. Ils veulent des portes de sortie dans les trajectoires de carrière. Il existe aussi des possibilités pour les personnes qui souhaitent entrer dans l'éducation nationale après une première expérience professionnelle. Il y a donc un gros travail à mener du point de vue des carrières.
J'ai déjà eu l'occasion de dire à quel point la place symbolique des enseignants dans la société française doit être revalorisée. Les enseignants n'ont jamais été bien payés. Leurs salaires étaient relativement plus élevés il y a 30 ans, mais les historiens de l'éducation insistent sur le fait que les rémunérations, durant l'entre-deux-guerres, étaient modestes. Les enseignants du premier degré connaissaient même des difficultés, mais ces rémunérations étaient compensées par une place sociale, symbolique et politique importante. Il y a parfois un sentiment de déclassement qui va au-delà des simples questions financières.
S'agissant des inégalités selon la discipline, je remarque que les deux disciplines qui ont été les plus en tension et à propos desquelles nous avons eu le plus de difficultés pour cette rentrée 2022 n'ont pas été les disciplines les plus en concurrence sur le marché du travail. Il s'agit des lettres classiques et de l'allemand. Vous conviendrez que ce sont des disciplines qui sont un peu à contre-intuition par rapport à ce qu'on pourrait imaginer s'agissant des mathématiques ou de la physique-chimie. Il me semble donc que la question du marché du travail, dans sa globalité, y compris du marché du travail privé, n'est pas la seule question dans les difficultés de recrutement que nous pouvons rencontrer.
La question des démissions se pose en effet. Vous avez eu raison de dire que ces démissions sont importantes dans les cinq premières années du métier. On est à 0,4 % pour les cinq premières années, contre une moyenne de 0,2 % pour l'ensemble de la carrière, ce qui rejoint d'ailleurs des données que nous avons à l'échelle internationale. Les démissions se concentrent sur les premières années, avec des chiffres beaucoup plus élevés dans les pays européens voisins, compris entre 4 et 6 %. On est donc à un niveau beaucoup plus bas, mais la pente va croissant. Raison de plus pour y travailler. C'est pour cela que, les premières années sont, y compris du point de vue de la revalorisation, des années essentielles sur lesquelles il faut se pencher.
Quant aux contractuels auxquels nous avons recours, les proportions qui restent modestes, en dépit de ce qu'en a dit la presse. Nous sommes entre 1 et 1,5 % dans le premier degré, entre 6,5 et 8 % dans le second degré, avec des variations, je le concède, selon les régions.
La question des contractuels doit être abordée de deux manières : sous l'angle du rendement des concours, qui n'a pas été bon cette année - 8 % -, mais aussi en tenant compte du fait que nous avons besoin d'enseignants contractuels de façon structurelle, de manière à ajuster finement notre offre à la demande et à pouvoir répondre à un certain nombre de difficultés temporaires.
S'agissant du pacte, les missions nouvelles que nous entendons proposer aux enseignants volontaires sont discutées avec les organisations syndicales jusqu'au 15 novembre. Nous reprendrons après les élections professionnelles, début janvier, pour conclure vers la fin février. Je ne sais pas si nous parviendrons à un accord. Nous discutons d'un éventail assez large de missions avec les organisations syndicales, mais si je devais insister sur quelques points, je mentionnerais d'abord la question des remplacements de courte durée, celle du suivi et de l'orientation des élèves, particulièrement dans le second degré, et enfin la question de la formation continue, élément essentiel pour les premier et second degrés.
Nous avons besoin de former nos enseignants de manière continue, ne serait-ce que parce que la formation initiale, en France, est réduite par rapport à d'autres pays. Vous l'avez vous-même noté dans votre rapport : on a une formation aux métiers très académique et très réduite par rapport à certains pays.
Dans l'immédiat, nous devons faire un effort de formation continue, y compris dans des disciplines comme les mathématiques, qui ne sont pas les plus familières aux enseignants du premier degré, qui viennent plutôt du monde littéraire au sens large.
S'agissant de l'école inclusive, nous avons créé des postes d'AESH, mais j'ai eu l'occasion de souligner à quel point cette question nécessitait d'être remise à plat, tant le système se trouve frappé d'embolie du côté des instituts médico-éducatifs (IME), où il n'y a plus assez de places. Les élèves sont versés dans le milieu ordinaire. Les classes ULIS sont pleines elles aussi, et nous avons des difficultés structurelles, sans compter les notifications des MDPH qui « pleuvent » et qui nous posent de réelles difficultés.
Il faut donc sortir d'une simple logique de création de postes d'AESH, création nécessaire, mais qui ne nous permet pas de « rattraper la marée » pour mettre les choses à plat et réfléchir à la meilleure manière d'accueillir les enfants en situation de handicap.
Je voudrais également mentionner la question des inégalités territoriales en fonction du coût de la vie. C'est en effet un facteur répulsif dans le métier que d'être nommé dans le secondaire dans des académies où le coût de la vie est élevé, notamment en matière de logement pour ce qui concerne les académies franciliennes, à un moment où la rémunération est basse, lorsque l'on est néotitulaire. On a là une crise due au coût de la vie qui se combine à la faiblesse de la rémunération.
La question du logement est un point sur lequel nous nous penchons très sérieusement. Des tentatives ont été engagées pour réserver des logements dans le parc locatif public, mais c'est très coûteux et cela n'a pas eu un succès extraordinaire, en particulier parce que les logements se trouvent dans des quartiers peu attractifs pour les néotitulaires.
Ce sujet est également vrai dans certains départements d'outre-mer. C'est une question que le ministère de la santé ou le ministère de l'intérieur connaissent également. J'ai échangé à ce sujet avec mes collègues pour réfléchir à une offre de logement qui puisse être mutualisée.
Quant au fonds d'innovation pédagogique, il est mis en oeuvre à partir de janvier 2023 et non à partir de la rentrée 2023. Nous escomptons que des projets pédagogiques issus des concertations soient prêts à partir de l'hiver 2023 et que le financement pourra intervenir très rapidement, comme le Président de la République s'y est engagé.
Des opérations administratives sont à réaliser pour transférer les sommes d'argent depuis France 2030 vers les rectorats, le financement se faisant à partir des académies. La question se pose pour les établissements du premier degré, qui n'ont pas de personnalité financière. Dans le cadre de l'expérience marseillaise, le financement a transité par des établissements du second degré. Ce n'est pas une situation optimale, je le reconnais volontiers, mais nous devons travailler là-dessus et résoudre quelques obstacles juridiques.