La Commission européenne a présenté, le 14 juillet dernier, ce paquet « Ajustement à l'objectif 55 », pour mettre en oeuvre la « loi européenne sur le climat ».
Cet élément phare du pacte vert s'inscrit en cohérence avec les objectifs de l'Accord de Paris de 2015 : il impose d'atteindre la neutralité climatique à l'horizon 2050 et, dans ce but, rehausse de 40 % à 55 % l'objectif de réduction nette des émissions domestiques de gaz à effet de serre d'ici 2030 par rapport à 1990. Ce point a donné lieu à de nombreux débats avec certains États membres, notamment la Pologne. Le règlement affirme également la volonté de l'Union d'augmenter les absorptions de gaz à effet de serre par les puits de carbone.
L'impact budgétaire, économique et social de cette inflexion est majeur, la Commission européenne évoquant une « transformation radicale ». Lors de la réunion des Présidents de la Conférence des organes spécialisés dans les affaires de l'Union des Parlements nationaux de l'Union européenne (Cosac) qui s'est tenue au Sénat, le 14 janvier dernier, la présidente de la Banque centrale européenne (BCE), Christine Lagarde, a relevé l'importance du plan de relance européen pour financer la transition écologique mais a aussi pointé l'ampleur des besoins complémentaires. Elle a ainsi estimé que « la transition écologique demandera[it] des investissements supplémentaires de 520 milliards d'euros par an d'ici à 2030 ».
Sur un autre plan et à un échelon national, l'Institut de l'économie pour le climat met en avant l'écart entre les dépenses de l'État en faveur du climat au cours des dernières années et celles qui devraient être déployées pour atteindre les nouveaux objectifs : la marche est considérable, d'autant que la mise en concrète du pacte vert et de la loi européenne sur le climat implique de trouver de nouveaux équilibres et de prendre garde à accompagner la transition économique, sociale et territoriale.
Aussi, avant d'entrer dans le détail de ce paquet, je voudrais relever quelques problématiques transversales ou critères d'analyse ayant une importance politique.
Le paquet tel qu'il est conçu devrait conduire à renchérir les prix de l'énergie, dans un contexte où ces prix flambent déjà. Se pose clairement une question d'acceptabilité sociale de la transition écologique et de choix des outils, à la fois pour atteindre les objectifs et accompagner les mutations nécessaires. Le président de la commission de l'environnement du Parlement européen, M. Pascal Canfin, agite lui-même le spectre de l'apparition de « gilets jaunes » à l'échelle de l'Union.
Deuxième sujet : comment donner les bons signaux à l'industrie tout en tenant compte de ses capacités d'innovation et en préservant la compétitivité des entreprises de l'Union européenne vis-à-vis des entreprises étrangères ? C'est notamment l'enjeu du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières.
Troisième sujet : comment finance-t-on le besoin massif d'investissements ? Quelle doit être la part des investissements publics et privés ? Cette question est en suspens et renvoie à des éléments qui ne figurent pas en tant que tels dans ce paquet, comme le débat sur l'éventuelle adaptation du pacte de stabilité et de croissance pour donner aux États membres des marges de manoeuvre budgétaires supplémentaires, comme la taxonomie ou encore la réglementation financière. Nous avons eu un échange très intéressant avec le fonds Amundi concernant la finance verte et l'intégration par les investisseurs et les entreprises des enjeux climatiques.
Ces différentes questions nous conduisent à poser celle du mix pertinent d'outils : comment combiner de manière efficace objectifs, réglementation, mécanismes de marché, dépenses budgétaires ou fiscales ? Cela nous conduit également à nous interroger sur les curseurs pertinents sur le niveau de solidarité entre les États membres, mais aussi sur l'articulation entre l'action qui doit être menée par les États membres et celle qui doit relever de l'Union européenne.
Ces enjeux sont importants du point de vue des principes et de la capacité opérationnelle à mener à bien les négociations de ce paquet qui implique des transitions particulièrement importantes dans l'Est de l'Europe. Or, les tensions en cours relatives au lien entre État de droit et fonds européens pourraient provoquer un raidissement de certains États membres, voire percuter directement ces négociations.