Je suis chef du bureau de la protection du public, de la promotion de la santé et de la prévention du dopage à la direction des sports du ministère des sports depuis février 2008. Je suis également représentant de la France au comité ad hoc pour l'Agence mondiale antidopage (CAHAMA) du Conseil de l'Europe, et représentant de la France au groupe d'experts sur le dopage mis en place par la Commission européenne. J'ai été le chef de délégation de la France aux deux conférences des États membres de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), en 2009 et 2011. J'ai participé durant deux ans au comité qui gère le Fonds pour l'élimination du dopage dans le sport, dans le cadre par l'UNESCO, où je représentais les continents européen et nord-américain.
Un certain nombre de discours se révèlent sceptiques en matière d'efficacité de la lutte antidopage, voire fatalistes...
Je considère que l'histoire de la lutte contre le dopage, dans son acception moderne, depuis la fin des années 1990 et la création de l'Agence mondiale antidopage (AMA), se situe dans un processus relativement nouveau d'homogénéisation des politiques publiques, dont les outils participent de la dynamique collective internationale.
Il est tout à fait sidérant de penser que les pratiques dopantes, dans le sport de haut niveau, qui obéissaient à des protocoles certainement très élaborés, aient eu en face d'elles un dispositif lacunaire, parsemé d'incohérences, d'inégalités et d'approches peu communes.
Depuis 1999, date de la création de l'AMA, puis avec les codes 2003, 2006 et 2009, ou la conférence de l'UNESCO, en octobre 2005, le processus d'homogénéisation, de partage, d'outils communs, de lignes directrices s'est accéléré et a donné tendanciellement aux acteurs de la lutte antidopage des outils radicalement nouveaux, gages d'une efficacité et d'une efficience globale. Il est important de le préciser, car c'est dans ce cadre que nous nous situons.
Si nous voulons améliorer encore davantage le rythme et l'ampleur de cette lutte contre le dopage, il faut concevoir le sujet de manière internationale et nationale.
L'AMA doit conforter son autorité et, dans un équilibre toujours compliqué à obtenir, concilier les intérêts des États et les attentes du mouvement sportif. La cogestion est, en quelque sorte, au sein du Conseil exécutif de l'AMA et du Conseil de fondation, la marque de fabrique de cette institution internationale.
À l'échelon international, les progrès peuvent se caractériser, dans les mois à venir, par un processus de révision du code mondial, qui doit aboutir à la conférence de Johannesburg de novembre 2013. Cette révision doit être à même de potentialiser l'ensemble des évaluations des politiques telles qu'elles ont été menées. Une négociation est en cours. La manière dont le comité en charge de recevoir l'ensemble des amendements aux différentes versions du processus de révision étant quelque peu opaque, je ne puis donc préjuger de la première épure de ce projet, qui doit s'appliquer au 1er janvier 2015. Il sera certainement présenté au comité exécutif et Conseil de fondation, en mai 2013, et suivi par un processus de consolidation et d'amodiation à la marge. Les États auront treize mois pour se mettre en conformité.
Sur le plan européen, la France a un rôle stratégique à jouer. Elle est adossée à une politique crédible, globale, qui fait de notre pays l'un des leaders en matière de lutte contre le dopage, cette politique se caractérisant par sa complétude. L'ensemble des éléments constitutifs de cette politique sont mis en place de manière effective et indépendante. Les fondamentaux de la lutte contre le dopage sont, me semble-t-il, réunis dans notre pays -même si, pour chacun des domaines en question, il existe des marges de progression que l'on peut imaginer.
Néanmoins, cet adossement permet à Valérie Fourneyron, ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative, qui représente depuis le 1er janvier 2013 le continent européen au Comité exécutif de l'AMA, de faire valoir une autorité et une crédibilité qui vont augmenter la voix de l'Europe au sein des instances de l'AMA.
En second lieu, nous devons concevoir une stratégie à l'échelle européenne, du fait de la représentation unique dans les instances de l'AMA -un représentant au Comité exécutif, cinq au Conseil de fondation. Les cinq représentants vont eux aussi être plus crédibles, la troïka ne prévoyant jusqu'à présent qu'un mandat de dix-huit mois pour ses trois représentants.
Sur le plan national, il nous faut continuer à ambitionner l'excellence. Dans de nombreux domaines, l'AMA a aujourd'hui pleinement conscience qu'elle peut s'appuyer sur la France pour promouvoir un certain nombre de ses actions. Alors que les outils stratégiques de l'AMA sont questionnés par le mouvement sportif -ADAMS, localisation, passeport biologique- le fait que la France dispose déjà d'un fondement juridique pour échanger les informations, qu'une jurisprudence du Conseil d'État du 24 février 2011 permette d'établir une lutte d'intérêt général contre le dopage, les moyens utilisés étant proportionnés par rapport aux objectifs recherchés, l'Agence mondiale peut pleinement s'appuyer sur la France pour mutualiser ce type de politique.
Par ailleurs, nous disposons, dans tous les domaines, depuis la prévention de la lutte contre le dopage, dont le ministère est responsable depuis la loi du 5 avril 2006, jusqu'à la lutte contre les trafics de produits dopants, des marges importantes de progression.
Nous ne partons pas de rien en matière de lutte contre les produits dopants, l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (OCLAESP) jouant un rôle pivot et démantelant déjà des réseaux. Un officier de police judiciaire, le capitaine Mathieu Holz, est à la disposition d'Interpol. Dans quelques jours, sera probablement publié un décret instituant une instance nationale en matière de lutte contre les produits dopants, coprésidée par le garde des sceaux et le ministre des sports, avec un secrétariat général assuré par l'OCLAESP. Il s'agira d'un élément d'impulsion de la politique d'information, qui permettra de la coordonner, d'impulser aussi cette culture et cette pratique régionale, via les commissions régionales...