Intervention de Marlène Schiappa

Mission d'information Culture citoyenne — Réunion du 2 février 2022 : 1ère réunion
Audition de Mme Marlène Schiappa ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur chargée de la citoyenneté

Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté :

Je suis très heureuse d'être auditionnée dans le cadre de votre mission sur la culture citoyenne. Les actions de culture citoyenne qui sont menées au ministère de l'intérieur s'inscrivent pleinement dans la feuille de route que j'ai présentée lors de ma nomination, notamment sur l'incarnation de la République qui protège et la manière de faire vivre les valeurs de la République. Ce sont deux fondamentaux qui se répondent et qui sont extrêmement importants. Incarner cette République qui protège, c'est aussi affirmer à chacun que sa citoyenneté constitue une part de son identité et lui garantit un socle important de droits et de devoirs. Nous avons la chance, en France, d'avoir une citoyenneté qui a du sens et qui peut s'incarner par des accomplissements concrets.

Toutes et tous, ici, nous sommes engagés. J'ai présidé une association pendant dix ans puis j'ai été élue locale avant d'être membre du Gouvernement. Ce sont des actions de citoyenneté. Nous devons pouvoir transmettre aux jeunes cette envie de s'engager dans la vie démocratique.

Vous vous intéressez au rôle de la transmission de la mémoire dans l'éducation des futurs citoyens : la transmission des mémoires est en effet fondamentale. À mon niveau, j'ai organisé un certain nombre d'évènements mémoriels qui ont permis de travailler sur le sujet. Je pense notamment à l'hommage que j'ai rendu récemment à Renée Périni-Pagès, qui a été la première femme élue dans un conseil municipal après avoir été engagée dans la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale. Il est important de rendre hommage à ces héros et héroïnes que l'histoire a parfois oubliés.

Concernant les atteintes aux élus, je déplore que l'expression métaphorique selon laquelle un maire doit être « à portée de baffe » soit de plus en plus souvent prise au pied de la lettre. Je pense à la violence physique, mais également aux menaces sur les réseaux sociaux ou aux courriers racistes, misogynes et menaçants. Cette violence contribue à détourner un certain nombre de générations du combat public. Beaucoup de jeunes femmes qui sont engagées dans des associations me disent qu'elles n'ont pas envie de cette vie de violence. Elles estiment que le jeu n'en vaut pas la chandelle. Je rencontre beaucoup de personnes qui ne veulent pas s'engager dans la vie démocratique en raison de cette violence. C'est pour cela que nous sommes mobilisés, avec le ministre de l'intérieur, pour lutter contre ces actes inqualifiables. Beaucoup d'élus sont sous protection policière : je le déplore ! Nous ne devrions pas avoir à en arriver là. Le débat, y compris vigoureux, fait partie de la vie politique, mais pas la violence. Il est important de le rappeler et de s'indigner à chaque fois.

Vous connaissez mon attachement à la laïcité en tant que principe structurant qui permet d'être citoyen. Nous avons voulu, avec le Premier Ministre et le Président de la République, développer cette culture de la laïcité, avec notamment des référents laïcité, la création d'un bureau de la laïcité au ministère de l'intérieur, conjoint du bureau des cultes, et un comité interministériel à la laïcité. La laïcité n'a pas la définition que certains lui donnent. Il s'agit d'un principe lié à la citoyenneté qui nous permet d'être ensemble et de partager un même espace de vie.

Pour diffuser la culture de la citoyenneté, nous avons créé une Unité de contre-discours républicain (UCDR), qui permet à la fois de lutter contre les discours islamistes et, surtout, de partager les valeurs de la République sur les réseaux sociaux. Lancée en septembre dernier sur toutes les plateformes, cette unité permet, par exemple, de rappeler comment la Constitution a été construite, de présenter les coulisse du Sénat, de l'Assemblée nationale ou de l'Élysée, d'expliquer comment on fabrique une loi. Nous avons demandé à des associations de nous accompagner. J'ai créé le fonds Marianne, doté de deux millions d'euros. Il nous permet de diffuser ces discours d'adhésion à ce qu'est la République avec dix-sept acteurs associatifs.

Vous avez évoqué la naturalisation des travailleurs étrangers ayant été en première et deuxième ligne pendant le confinement : ce sujet me tient particulièrement à coeur. Pour des raisons qui m'échappent, la presse ne s'en empare pas du tout. Nous avons du mal à mettre en avant ces beaux parcours d'intégration, alors que ces personnes ont permis au pays de tenir ! Plus de 17 000 personnes ont obtenu la nationalité française par ce biais. Nous avons organisé quelques cérémonies. Je pense notamment à la cérémonie au Panthéon présidée par le Président de la République. Une nouvelle cérémonie de naturalisation sera bientôt organisée avec le ministre de l'intérieur à Paris, dans un lieu culturel éminent.

Dans le même état d'esprit visant à valoriser des beaux profils citoyens, j'ai créé le programme des « 109 Mariannes ». Y participent, notamment, une générale de gendarmerie, une astrophysicienne candidate pour une expédition sur la Lune, une jeune pompière volontaire le jour et aide-soignante la nuit, une maire, une intervenante sociale en gendarmerie, une auxiliaire en EHPAD ou encore une avocate en droits humains. On s'inspire en général, pour incarner Marianne, de visages d'actrices : ces femmes disent quelque chose du visage de la France d'aujourd'hui. Marianne est aujourd'hui plurielle. Ces portraits, visibles sur le site du ministère de l'intérieur, ont été exposés devant le Panthéon, où j'ai accompagné les visites de plusieurs groupes scolaires afin que des jeunes puissent s'identifier à ces modèles positifs. C'était très émouvant. J'ai également accompagné un certain nombre d'associations issues de quartiers difficiles à l'occasion de leur visite du Panthéon.

La question de la jeunesse est fondamentale. Les jeunes sont très engagés dans leur vie quotidienne. Pourtant, ils ne se rendent pas aux urnes. Nous avons créé le dispositif Les prodiges de la République dans l'objectif de valoriser des citoyens, jeunes et moins jeunes, qui se sont engagés et ont incarné la citoyenneté, notamment pendant la crise sanitaire. Il m'a semblé important de récompenser le meilleur de la nature humaine. Je pense à une couturière qui a confectionné des masques pour tout son village lorsqu'il était difficile d'en trouver, à un jeune homme qui s'est présenté spontanément pour être bénévole à l'hôpital, à un autre jeune homme qui s'est organisé pour monter leurs courses aux personnes âgées qui vivaient à des étages élevées, à des étudiants qui ont mis en place une épicerie solidaire ouverte... Ce sont quelques exemples parmi beaucoup d'autres. À la suite de l'appel à candidatures que j'ai lancé, 20 000 dossiers nous ont été proposés par les préfets et les services de préfecture. Cela démontre à quel point il existe, dans notre pays, une force vive qui a envie de s'engager pour les autres, au service du bien commun. Les « prodiges » ont été sélectionnés par un jury. Là encore, cela n'a pas beaucoup intéressé la presse nationale et les chaînes de télévision, au contraire de la presse quotidienne régionale. Ce dispositif montre pourtant un autre modèle de jeunesse, engagé, loin des clichés que l'on peut parfois présenter.

Il est tout à fait possible de repenser les périmètres ministériels afin de couvrir l'entièreté des sujets même si, dans le même temps, les sujets liés à la citoyenneté sont profondément interministériels. Ils sont liés au ministère de la culture, au ministère de la jeunesse, au ministère chargé de la mémoire et des anciens combattants, au ministère de l'éducation nationale... Cette politique est profondément interministérielle, comme l'est d'ailleurs le SNU, dont les objectifs consistent à renforcer la cohésion nationale, à garantir un brassage social et territorial de l'ensemble des jeunes d'une classe d'âge, à accompagner l'insertion sociale et professionnelle des jeunes et à valoriser les territoires et le patrimoine culturel. Le ministère de l'intérieur participe activement à ce dispositif, qui est piloté par la secrétaire d'État en charge de la jeunesse et de l'engagement. Les policiers et les gendarmes sont pleinement mobilisés. Plus de 2 000 missions d'intérêt général ont été proposées aux jeunes dans des services de police, de gendarmerie et d'incendie et de secours. En 2021, 15 000 jeunes, dont 56 % de jeunes filles, ont été accueillis dans les 122 centres de cohésion. Ils y ont vécu une expérience unique qui leur a permis de sortir de leur vie habituelle. Je pense à un jeune homme harcelé au quotidien qui s'est, pour la première fois, senti valorisé et considéré par un groupe.

La citoyenneté passe aussi par le respect et la reconnaissance de celles et ceux qui risquent leurs vies tous les jours pour nous protéger. Nous avons soutenu et financé des initiatives qui visent à faire se rencontrer les policiers et le reste de la population, notamment dans des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Ces actions sont fondamentales car elles contribuent à déconstruire les stéréotypes de part et d'autre.

Les taux de participation aux élections sont en baisse, ce qui est dramatique. Il est essentiel que la démocratie ne soit pas un privilège. Il y a deux générations encore, les femmes ne pouvaient pas voter. Des femmes se sont battues pour obtenir ce droit. Célébrer les combats féministes implique aussi d'aller voter. Cela illustre les avancées qui ont été réalisées pour les droits des femmes en matière de citoyenneté. Les jeunes s'engagent mais cet engagement ne se traduit pas toujours par un vote. Cette situation est préoccupante. Nous devons absolument identifier les ressorts de l'abstention et les mesures qui permettraient de la réduire.

Les cérémonies de remise officielle de la carte d'électeur à 18 ans pourraient être systématisées. D'ailleurs, nous avons fait évoluer les cartes électorales, puisqu'elles contiennent désormais un QR Code qui permet notamment de s'assurer de son inscription et de connaître les dates des prochaines élections. Cela ne suffit évidemment pas pour convaincre d'aller voter. L'engouement pour le vote relève du rôle des candidats et des partis politiques. J'ai aussi demandé aux plateformes de se mobiliser pour communiquer les dates des élections ou en diffuser les résultats. Cela contribuera à installer le vote et la démocratie comme faisant partie de la vie quotidienne. Nous avons repoussé la date limite d'inscription sur les listes électorales au début du mois de mars. Il n'est donc pas trop tard pour s'inscrire !

J'ai toujours un peu de mal lorsque j'entends des gens dire qu'ils ne seront pas disponibles pour aller voter parce qu'ils ont prévu autre chose. Le vote est un droit civique, mais c'est également un devoir citoyen. Malheureusement, ce discours est difficile à transmettre à une partie de la population.

Enfin, le Président de la République a souhaité faire de la lecture une grande cause nationale de cette année. J'ai saisi cette occasion pour créer, en partenariat avec le ministère de la culture, le premier festival du livre citoyen. Il se tiendra le vendredi 11 février à la Bibliothèque nationale de France. Il s'agit d'un événement gratuit, ouvert à tous, qui a pour but de faire se rencontrer les idées autour du livre et de valoriser le rôle de la lecture dans la construction citoyenne. Nous avons constitué un jury afin de remettre un prix du livre citoyen. Beaucoup de Français possèdent des manuscrits dans leurs tiroirs, mais ne savent pas comment les soumettre à un éditeur. Ce festival leur permettra d'en rencontrer. Enfin, des tables rondes rassembleront des écrivains et des jeunes pratiquant l'art oratoire.

Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.

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