Intervention de Nikolaus Meyer-Landrut

Commission d'enquête Frontières européennes et avenir espace Schengen — Réunion du 17 janvier 2017 à 13h30
Audition de s. exc. M. Nikolaus Meyer-landrut ambassadeur d'allemagne en france

Nikolaus Meyer-Landrut, ambassadeur d'Allemagne en France :

Monsieur le Président, je vous remercie de votre invitation. En introduction, je souhaiterais revenir sur trois questions générales avant d'aborder les points de détail. Premièrement, il est important de noter que, pour nous, Schengen est un système qui comporte plusieurs éléments. Le débat public en Allemagne décrit souvent Schengen comme étant simplement un espace sans contrôles des personnes aux frontières intérieures. Mais Schengen comporte en fait beaucoup plus d'éléments, comme l'harmonisation et le renforcement de la protection des frontières extérieures, la coopération policière transfrontière, la coopération et l'entraide judiciaire, le système d'information Schengen qui permet des recherches automatisées, les bases d'une politique commune en matière de visas et d'asile et, depuis peu, une harmonisation de la législation sur l'acquisition, et la possession d'armes. Il s'agit donc d'un ensemble de législations, faites pour protéger les citoyens et qui, si elles sont bien appliquées, rendent les contrôles aux frontières intérieures inutiles. Mais il faut mettre en oeuvre l'ensemble de ces éléments.

Deuxièmement, on constate un recul net du nombre de personnes arrivées en Allemagne en 2016 par rapport à 2015 : après neutralisation des double-comptes, nous avons enregistré 890 000 réfugiés entrés en Allemagne et 476 000 demandes d'asile en 2015. En 2016, le nombre d'entrées enregistré en Allemagne n'est plus que de 280 000 personnes. En revanche, le nombre de demandeurs d'asile a augmenté pour s'élever à 745 000 car un certain nombre de personnes arrivées à l'automne 2015 n'ont déposé leur demande que l'année suivante. Nous n'avons pas encore résorbé l'ensemble des demandes d'asile dues à l'afflux observé en 2015.

Pourquoi constate-t-on ce net recul d'arrivées de réfugiés ? Cela s'explique à la fois par les mesures prises aux niveaux national, européen et international. Nous avons réintroduit des contrôles aux frontières intérieures, essentiellement à la frontière avec l'Autriche. Ceci a conduit à une quasi fermeture de la route des Balkans, même si au cours de l'année 2016 un certain nombre de demandeurs sont arrivés en Allemagne par cette route. D'ailleurs, la plus grande part de ces personnes sont arrivées en passant par la Hongrie malgré la mise en place d'une clôture prétendument « étanche ». Vous avez mentionné l'accord entre l'Union européenne et la Turquie. Des législations nationales ont également été adoptées en Allemagne : elles ont entraîné des modifications du droit d'asile dans son application - et non dans son principe - et ont contribué à la réduction du nombre d'arrivées. Tout d'abord, nous avons déclaré certains États tiers comme pays d'origine sûrs : l'Albanie, le Kosovo et la Macédoine. Le nombre de personnes venues de ces pays a beaucoup chuté. La possibilité de traiter ces demandes et de renvoyer les personnes concernées beaucoup plus rapidement a dissuadé les départs. Nous avons aussi accéléré la procédure de demande d'asile et essayé de lever un certain nombre d'obstacles à la reconduction des demandeurs déboutés. De plus, nous avons suspendu le réunification familiale pour les réfugiés qui se sont vus accorder une protection subsidiaire mais pas le droit d'asile ; ceci concerne les personnes que l'on ne peut renvoyer dans leur pays car la situation ne l'autorise pas. Enfin, nous avons réduit les aides dont bénéficient les demandeurs d'asile durant la période de traitement de leur dossier. Auparavant, ces aides étaient principalement versées en numéraire et aujourd'hui une partie est accordée en nature (logement, nourriture, vêtements), ce qui rend la situation moins attractive pour les demandeurs qui savent par avance qu'ils seront déboutés. Toutes ces mesures, prises au niveau national, ont joué un rôle important.

Pour nous, le vrai problème ne vient pas de la convention de Schengen, mais de sa mise en oeuvre défaillante par différents États membres, en particulier en matière de protection des frontières extérieures. Je pense qu'il est important de souligner où se situe la responsabilité afin d'identifier ce qui doit être fait.

Troisièmement, l'année passée, sous l'impulsion des ministres de l'Intérieur français et allemand, un progrès important a été réalisé avec de nouvelles décisions et propositions pour améliorer l'ensemble du système Schengen. Il y a une proposition de réforme du régime d'asile européen commun, actuellement en cours d'examen au Conseil de l'Union européenne, une proposition de révision du règlement de Dublin, une refonte d'Eurodac... Nous sommes également en train de créer un système d'enregistrement des entrées et sorties des ressortissants des pays tiers et un système d'autorisation et d'information pour les voyageurs exemptés de visa (ETIAS). Compte tenu de l'expérience positive de ce type de procédure d'enregistrement dans d'autres pays, c'est une proposition que nous approuvons. Nous avons vu, en octobre 2016, l'entrée en vigueur du règlement créant l'agence européenne de garde-frontières, « Frontex bis » en quelque sorte. Nous avons enfin vu aboutir la directive sur l'utilisation des données des dossiers passagers (PNR). Le Bureau européen d'appui en matière d'asile (EASO) a également été renforcé. Sur un grand nombre de sujets, nous avons donc observé en un an des progrès plus importants que ceux réalisés au cours des dix années précédentes. Cela ne signifie pas que nous soyons au bout des réformes car un certain nombre de dossiers sont encore sur la table. Mais nous nous félicitons de cette accélération et des premiers résultats obtenus. Je vous propose maintenant de répondre à vos questions et de vous remettre par écrit les éléments de réponse chiffrés.

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