Je vais rappeler mon parcours afin d'apporter quelque crédibilité à mon intervention. J'ai eu dans la passé des fonctions universitaires, j'ai ainsi été professeur de physiologie à l'Université René Descartes, chef de service, directeur d'une école doctorale, et directeur de la capacité de médecine du sport.
Dès la fin des années 1960, j'ai commencé à travailler, en tant qu'attaché de recherches au CNRS dans la chaire de biologie appliquée à l'éducation physique et au sport dirigée par le Professeur Malméjac. C'est à cette occasion, au début des années 1970, que je participais aussi à l'activité de l'Institut national du sport, dont l'un des athlètes célèbres a été Roger Bambuck. Entre la fin des années 1970 et 1985, suite à une convention entre l'Université René Descartes et le ministère de la jeunesse et des sports, j'ai aussi été chargé d'organiser et mettre en place le département médical de l'INSEP (Institut national du sport, de l'expertise et de la performance), où j'ai connu Guy Drut, Jean-François Lamour ou encore Alain Calmat.
En même temps, j'ai présidé à la direction générale à la recherche scientifique et technique, l'action recherche « physiopathologie et physiologie de l'exercice musculaire ».
J'ai ensuite été membre de l'expertise CNRS concernant le dopage dans le sport, demandée par Guy Drut et confirmée par Marie-Georges Buffet.
À partir de cela, a été créé le groupe de travail interministériel, auquel j'ai participé, qui a contribué à l'élaboration de la loi Buffet, laquelle a mis en place le CPLD (Conseil de prévention et de lutte contre le dopage). Michel Boyon m'a demandé d'être conseiller scientifique du CPLD à sa création, fonction que j'ai conservé à l'AFLD (Agence française de lutte contre le dopage) jusqu'au 1er mars 2013.
J'ai enfin été membre à l'Académie de médecine du groupe concernant « le dopage, enjeu de santé publique » dont j'ai eu l'honneur d'être co-rapporteur avec Patrice Queneau, dont le rapport a été adopté à l'unanimité en 2012.
Dans le domaine sportif, j'ai été membre du comité exécutif de la fédération internationale de médecine du sport et à ce titre j'avais participé à l'élaboration de la convention internationale à l'Unesco concernant la lutte contre le dopage.
J'ai vécu le passage du CPLD à l'AFLD. Après 12 ans, il est légitime de s'interroger sur les améliorations à apporter.
Les points positifs sont les suivants : l'indépendance institutionnelle du CPLD et l'AFLD, malheureusement limité, pour l'AFLD au territoire national, puisque les fédérations internationales ont compétence pour les manifestations sportives internationales.
Néanmoins, la loi Lamour a eu des aspects positifs : l'AFLD a eu l'autorité pour diligenter les contrôles. Le département des contrôles est une pièce maîtresse, à condition d'être totalement indépendant. Il l'est, au moins en théorie.
Deuxième aspect : le laboratoire d'analyses est rattaché à l'AFLD. C'est un gage d'indépendance car celui-ci est hors risque de conflits d'intérêt. Sans doute faut-il améliorer sa productivité, je le pense, et surtout conforter son support scientifique, peut-être grâce à un apport universitaire en la matière. D'ailleurs Pierre Bordry avait réalisé un audit, réalisé en 2011 et 2012, dont les résultats ne sont pas totalement connus mais qui devraient être intéressants.
S'agissant de la loi de 2005, deux compétences ont été retirées à l'AFLD :
- la recherche tout d'abord. Heureusement Pierre Bordry a réussi à faire subsister cet aspect, voire à l'étendre. Malheureusement le fait qu'institutionnellement ce pouvoir ait été retiré au successeur du CPLD a stoppé l'exercice de cette compétence en relation avec les autres acteurs de la recherche sur la lutte contre le dopage ;
- la prévention ensuite. Elle était une compétente importante du CPLD et a été confiée au ministère, ce qui avait une certaine logique. Mais elle a conduit à une rupture calamiteuse entre les antennes médicales de lutte contre le dopage et l'AFLD, alors que le lien était fort avec le CPLD.
Il y a par ailleurs quelques défauts sur le plan du fonctionnement de l'Agence.
La confusion des genres entre l'instruction des dossiers, la fonction disciplinaire et la gestion quotidienne existe.
S'agissant de l'instruction des dossiers, cette confusion avait entraîné dès la création du CPLD, la démission du premier avocat général désigné par la Cour de Cassation car il ne trouvait pas cela conforme à sa façon d'envisager les choses.
Le collège de l'Agence n'est en outre pas suffisamment sollicité pour discuter au fond des dossiers sensibles de l'Agence, en dépit de la grande expérience de ses membres. Néanmoins il faut reconnaître que ces lacunes dépendent largement de la personnalité de son président.
La représentation nationale de l'Agence souffre enfin d'un déficit. Elle est essentiellement de nature administrative et juridique, au contraire des autres agences, qui prennent des personnalités compétentes en matière scientifique ou de connaissance de terrain.
Au final, je crois que la France, longtemps reconnue comme étant à la pointe de la lutte antidopage, le soit encore.