Commission d'enquête sur la lutte contre le dopage

Réunion du 4 avril 2013 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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  • AFLD
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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Humbert

Monsieur Rieu, je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation.

Notre commission d'enquête sur l'efficacité de la lutte contre le dopage a été constituée à l'initiative du groupe socialiste, en particulier de M. Jean-Jacques Lozach, notre rapporteur.

Une commission d'enquête fait l'objet d'un encadrement juridique strict. Je signale au public présent que toute personne qui troublerait les débats serait exclue sur le champ. Je vous informe en outre qu'un faux témoignage devant notre commission serait passible des peines prévues aux articles 434-13 à 434-15 du code pénal.

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Michel Rieu prête serment.

Debut de section - Permalien
Michel Rieu, conseiller scientifique à l'Agence française de lutte antidopage

Je vais rappeler mon parcours afin d'apporter quelque crédibilité à mon intervention. J'ai eu dans la passé des fonctions universitaires, j'ai ainsi été professeur de physiologie à l'Université René Descartes, chef de service, directeur d'une école doctorale, et directeur de la capacité de médecine du sport.

Dès la fin des années 1960, j'ai commencé à travailler, en tant qu'attaché de recherches au CNRS dans la chaire de biologie appliquée à l'éducation physique et au sport dirigée par le Professeur Malméjac. C'est à cette occasion, au début des années 1970, que je participais aussi à l'activité de l'Institut national du sport, dont l'un des athlètes célèbres a été Roger Bambuck. Entre la fin des années 1970 et 1985, suite à une convention entre l'Université René Descartes et le ministère de la jeunesse et des sports, j'ai aussi été chargé d'organiser et mettre en place le département médical de l'INSEP (Institut national du sport, de l'expertise et de la performance), où j'ai connu Guy Drut, Jean-François Lamour ou encore Alain Calmat.

En même temps, j'ai présidé à la direction générale à la recherche scientifique et technique, l'action recherche « physiopathologie et physiologie de l'exercice musculaire ».

J'ai ensuite été membre de l'expertise CNRS concernant le dopage dans le sport, demandée par Guy Drut et confirmée par Marie-Georges Buffet.

À partir de cela, a été créé le groupe de travail interministériel, auquel j'ai participé, qui a contribué à l'élaboration de la loi Buffet, laquelle a mis en place le CPLD (Conseil de prévention et de lutte contre le dopage). Michel Boyon m'a demandé d'être conseiller scientifique du CPLD à sa création, fonction que j'ai conservé à l'AFLD (Agence française de lutte contre le dopage) jusqu'au 1er mars 2013.

J'ai enfin été membre à l'Académie de médecine du groupe concernant « le dopage, enjeu de santé publique » dont j'ai eu l'honneur d'être co-rapporteur avec Patrice Queneau, dont le rapport a été adopté à l'unanimité en 2012.

Dans le domaine sportif, j'ai été membre du comité exécutif de la fédération internationale de médecine du sport et à ce titre j'avais participé à l'élaboration de la convention internationale à l'Unesco concernant la lutte contre le dopage.

J'ai vécu le passage du CPLD à l'AFLD. Après 12 ans, il est légitime de s'interroger sur les améliorations à apporter.

Les points positifs sont les suivants : l'indépendance institutionnelle du CPLD et l'AFLD, malheureusement limité, pour l'AFLD au territoire national, puisque les fédérations internationales ont compétence pour les manifestations sportives internationales.

Néanmoins, la loi Lamour a eu des aspects positifs : l'AFLD a eu l'autorité pour diligenter les contrôles. Le département des contrôles est une pièce maîtresse, à condition d'être totalement indépendant. Il l'est, au moins en théorie.

Deuxième aspect : le laboratoire d'analyses est rattaché à l'AFLD. C'est un gage d'indépendance car celui-ci est hors risque de conflits d'intérêt. Sans doute faut-il améliorer sa productivité, je le pense, et surtout conforter son support scientifique, peut-être grâce à un apport universitaire en la matière. D'ailleurs Pierre Bordry avait réalisé un audit, réalisé en 2011 et 2012, dont les résultats ne sont pas totalement connus mais qui devraient être intéressants.

S'agissant de la loi de 2005, deux compétences ont été retirées à l'AFLD :

- la recherche tout d'abord. Heureusement Pierre Bordry a réussi à faire subsister cet aspect, voire à l'étendre. Malheureusement le fait qu'institutionnellement ce pouvoir ait été retiré au successeur du CPLD a stoppé l'exercice de cette compétence en relation avec les autres acteurs de la recherche sur la lutte contre le dopage ;

- la prévention ensuite. Elle était une compétente importante du CPLD et a été confiée au ministère, ce qui avait une certaine logique. Mais elle a conduit à une rupture calamiteuse entre les antennes médicales de lutte contre le dopage et l'AFLD, alors que le lien était fort avec le CPLD.

Il y a par ailleurs quelques défauts sur le plan du fonctionnement de l'Agence.

La confusion des genres entre l'instruction des dossiers, la fonction disciplinaire et la gestion quotidienne existe.

S'agissant de l'instruction des dossiers, cette confusion avait entraîné dès la création du CPLD, la démission du premier avocat général désigné par la Cour de Cassation car il ne trouvait pas cela conforme à sa façon d'envisager les choses.

Le collège de l'Agence n'est en outre pas suffisamment sollicité pour discuter au fond des dossiers sensibles de l'Agence, en dépit de la grande expérience de ses membres. Néanmoins il faut reconnaître que ces lacunes dépendent largement de la personnalité de son président.

La représentation nationale de l'Agence souffre enfin d'un déficit. Elle est essentiellement de nature administrative et juridique, au contraire des autres agences, qui prennent des personnalités compétentes en matière scientifique ou de connaissance de terrain.

Au final, je crois que la France, longtemps reconnue comme étant à la pointe de la lutte antidopage, le soit encore.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lozach

Vous avez été pendant longtemps en contact direct avec les meilleurs athlètes français, notamment dans le cadre de l'Institut national du sport et de l'éducation physique (INSEP). La question du dopage est-elle suffisamment abordée au sein de cet établissement, en particulier par les personnels d'encadrement ?

Debut de section - Permalien
Michel Rieu, conseiller scientifique à l'Agence française de lutte antidopage

Entre 1978 et 1985, lorsque je m'occupais de l'organisation et de la mise en place du département médical de l'INSEP, le dopage était encore un mot tabou. J'avais à cette époque pour ami le docteur Pierre Dumas qui avait tenté, en tant que médecin fédéral, de réanimer Tom Simpson après son malaise lors de l'ascension du mont Ventoux. Traumatisé par cette affaire, Pierre Dumas a essayé d'engager un mouvement pour lutter contre le dopage mais cela lui a valu d'être exclu du Tour.

Je me souviens cependant d'un champion dont je tairai le nom et qui, de retour d'un pays de l'Est, m'a montré une petite pilule bleue qui lui avait été donnée dans ce pays. À cette époque, il n'existait pas en France de pratique du dopage aussi systématique que celle qui avait cours en Allemagne de l'Est ; les méthodes étaient plutôt artisanales. À l'inverse aujourd'hui, avec l'affaire Armstrong, nous sommes vraiment en présence d'un système. La nouveauté, c'est que l'omerta a été brisée.

Tous les dirigeants de clubs et de fédérations affirment que le dopage est une chose épouvantable mais qu'heureusement le sport dont ils ont la responsabilité est plutôt épargné. Une étude que nous avions menée au sein du CPLD à propos du sport scolaire montrait pourtant que près de 10 % des jeunes avaient été confrontés, à un moment ou à un autre, au problème du dopage. La proportion de jeunes ayant avoué avoir consommé des produits dopants était de deux sur dix, ce qui n'est pas négligeable. Le rapport de l'Académie de médecine a beaucoup insisté sur ce problème.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lozach

Quelle est l'implication des fédérations sportives dans la lutte contre le dopage ? Celle-ci doit-elle d'ailleurs relever des fédérations ou bien d'acteurs totalement indépendants ?

Debut de section - Permalien
Michel Rieu, conseiller scientifique à l'Agence française de lutte antidopage

L'implication des fédérations sportives dans la lutte contre le dopage est très variable. Les grandes fédérations, comme celles d'athlétisme ou de rugby, entretiennent de bons rapports avec la lutte contre le dopage. J'ai le souvenir qu'en 2003, M. Laporte et le président de la ligue ou de la fédération avaient eux-mêmes demandé à être reçu par le CPLD que présidait alors Michel Boyon. Ils tenaient à exprimer leurs plus grandes préoccupations sur le dopage compte tenu notamment des garanties de transparence attachées au transfert d'un joueur de l'hémisphère Sud à l'hémisphère Nord.

Avec d'autres fédérations, comme le tennis par exemple et notamment la fédération internationale, les choses sont plus compliquées. L'implication du cyclisme est variable : la fédération internationale est plutôt peu engagée dans la lutte contre le dopage ; en revanche, la fédération française a souvent collaboré. Le problème est que la fédération française est très tributaire de la fédération internationale. La première a pleinement joué son rôle lors du Tour de France de 1998 mais avec une profonde crainte de se voir désavouée par la seconde.

S'agissant de la prévention, l'insuffisance de nos connaissances nous empêche d'être efficaces. Trop d'approximations sont à déplorer. Depuis des années, je demande la réalisation d'études épidémiologiques rétrospectives. Nous pourrions nous servir des dossiers pluriannuels de suivi des sportifs de haut niveau dont dispose l'INSEP et qui permettraient de connaître, sport par sport et décennie par décennie, les programmes d'entraînement réalisés et les taux de morbidité, voire de mortalité, observés chez les sportifs. Je n'ai malheureusement jamais pu obtenir ces dossiers.

Nous nous sommes heurtés aux mêmes difficultés en ce qui concerne la mort subite sur laquelle Jean-François Lamour nous avait demandé de réaliser une enquête. Il y a pourtant plus de deux morts subites par jour sur les terrains de sport. Ma conviction est que ces chiffres sont globalement en adéquation avec la prévalence des morts subites naturelles, sauf que la classe d'âge est légèrement plus jeune que ce que l'on observe dans la population générale.

Nous avons mis au point un protocole avec le procureur Laurent Davenas qui avait travaillé sur la mort subite du nourrisson. Ce protocole prenait en compte, d'une part, les aspects anatomo-pathologiques, et d'autre part, les aspects génétiques et toxicologiques. Nous n'avons toutefois jamais pu obtenir de la part du ministère de la justice la possibilité de mener une enquête de façon exhaustive car il fallait l'avis de procureurs et que la circulaire qui nous aurait permis de le faire n'a jamais paru.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Humbert

Il semblerait que le dopage touche bien d'autres activités que le sport. Dans l'actualité récente, un rapprochement a été opéré entre la mort brutale d'un participant à un jeu télévisé et la présence éventuelle d'amphétamines.

Au-delà de ce tragique fait divers, comment expliquez-vous la coexistence d'une liste de substances dopantes interdites en permanence avec une liste de substances interdites uniquement en compétition ? La France doit-elle militer au niveau international pour l'intégration de ces deux listes au sein d'un document unique ?

Debut de section - Permalien
Michel Rieu, conseiller scientifique à l'Agence française de lutte antidopage

Cela fait cinq ans que nous le demandons mais nous ne sommes pas écoutés. Cette double liste relève d'une vieille tradition. En dehors des compétitions, les stimulants, notamment les amphétamines, et les narcotiques ainsi que les corticoïdes sont autorisés. Toutes ces substances peuvent être utilisées pour augmenter la charge d'entraînement. Malgré nos demandes d'explications, nous n'avons jamais compris ce qui justifie cette distinction.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Humbert

Mais la France doit-elle agir pour la fusion des deux listes en un document unique détaillant les substances dopantes interdites en permanence ?

Debut de section - Permalien
Michel Rieu, conseiller scientifique à l'Agence française de lutte antidopage

La France agit déjà en ce sens. Je ne peux que regretter que ses demandes ne soient pas suivies d'effets.

Il paraît même qu'il est aujourd'hui envisagé de restreindre les critères d'inclusion d'un produit dans la liste des substances interdites au seul caractère ergogénique ou non du produit en question. Or, je n'ai pas réussi à savoir exactement ce qu'était une substance ergogénique.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Bailly

Vous avez indiqué que certains laboratoires, comme celui de Cologne, étaient en avance. Êtes-vous liés à ces laboratoires par des partenariats qui contribueraient à l'amélioration de la lutte contre le dopage ?

Debut de section - Permalien
Michel Rieu, conseiller scientifique à l'Agence française de lutte antidopage

Chaque année, les laboratoires se réunissent à l'échelle mondiale pour s'échanger des informations. Il existe donc une collaboration mais qui a plutôt lieu a posteriori.

Nous avons souhaité lancer au laboratoire de Châtenay-Malabry une recherche, financée par l'AFLD, sur la détection des autotransfusions sanguines. Faute de temps et de moyens, ce projet n'a pas abouti.

Une convention a toutefois été passée avec l'Université Paris-Sud afin d'établir une coopération régulière entre l'université et le laboratoire. Cela va se concrétiser par la mise en place d'un enseignement relatif à la lutte contre le dopage et débouchera sur la création d'un diplôme universitaire ouvert non seulement aux scientifiques mais à toutes les personnes impliquées dans ce domaine.

Il faudrait également mettre en place des cellules de concertation scientifique entre le laboratoire et l'université. Cependant, le laboratoire étant un milieu quelque peu confiné, il pourrait craindre d'être évalué par rapport aux grands départements de biochimie avec lesquels il serait amené à coopérer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lozach

Existe-t-il aujourd'hui de nouvelles formes de dopage ? Faut-il craindre le développement du dopage génétique ?

Debut de section - Permalien
Michel Rieu, conseiller scientifique à l'Agence française de lutte antidopage

Il faut faire attention à la fantasmagorie. L'affaire Armstrong aura eu le mérite de montrer qu'il est possible de déjouer les contrôles, même avec des produits simples, à la condition de suivre un protocole très sophistiqué. Je serais moi-même capable de mettre en place un système de dopage indétectable. Le dopage est avant tout une affaire de contrôles, en particulier inopinés, d'informations et d'investigations. Il faut des liens très étroits avec les autorités publiques chargées de lutter contre les trafics de produits dopants.

Si on entend par dopage génétique le passage d'un gène actif d'une cellule à une autre à travers, par exemple, un vecteur viral, je pense que nous sommes épargnés, en tout cas dans l'immédiat. En revanche, si on définit le dopage génétique comme l'ensemble des procédés pharmacologiques modernes qui infléchissent les voies de régulation, c'est-à-dire qui permettent à un gène d'exprimer en plus ou en moins le produit protéique intéressant, alors le risque de dopage génétique existe déjà. Au laboratoire, nous avons plusieurs exemples de produits qui peuvent jouer ce rôle. Il s'agit de produits non médicamenteux mais dédiés à l'expérimentation et procurés sur Internet, comme par exemple l'Aicar.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Humbert

Avez-vous eu l'occasion de connaître le cas Ciprelli-Longo dans l'exercice de vos fonctions ? Les informations qui ont été portées à la connaissance du public sont-elles exactes ?

Debut de section - Permalien
Michel Rieu, conseiller scientifique à l'Agence française de lutte antidopage

J'ai eu connaissance de cette affaire par le biais de journalistes. Ceux-ci m'ont expliqué que l'un des arguments de la défense était la présence d'EPO à des fins personnelles pour faire grossir les muscles. Or, l'EPO n'a jamais agi de la sorte, donc cette justification était fausse.

En revanche, je crois savoir que cette affaire avait déjà au moins un an d'existence au moment de sa révélation. Je pense que l'Usada avait fourni des informations à l'AFLD qui auraient peut-être pu permettre de lancer l'opération un peu plus tôt et d'alimenter une enquête. Cela ne semble pas avoir été totalement le cas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lozach

Dans cette affaire, il a été reproché à l'AFLD de manquer de réactivité. Des emails transmis à l'agence attestaient de la commande par Ciprelli d'un ensemble de produits.

Debut de section - Permalien
Michel Rieu, conseiller scientifique à l'Agence française de lutte antidopage

J'ai cru comprendre que l'AFLD avait considéré que l'affaire était trop ancienne pour pouvoir faire l'objet d'un recours disciplinaire au sens où l'agence l'entend et qu'elle avait gardé en son sein les documents communiqués par l'Usada. C'est dommage, car même si l'agence ne pouvait instruire l'affaire elle-même, elle aurait pu alerter les forces de l'ordre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Humbert

Quels pouvoirs supplémentaires, conférés à l'AFLD, pourraient permettre de renforcer l'efficacité de son action ?

Debut de section - Permalien
Michel Rieu, conseiller scientifique à l'Agence française de lutte antidopage

Vous me tendez une perche que je saisis. Je souhaiterais d'abord que l'activité de l'AFLD dans le domaine de la recherche soit reconnue, alors que son activité en la matière est aujourd'hui quasiment clandestine. Avec l'ancien président et l'ancien secrétaire général du CPLD, Philippe Dautry, nous avions entrepris des démarches pour faire en sorte que l'action du CPLD d'alors en matière de recherche soit soutenue, voire élargie, par l'ANR. A l'heure actuelle, la recherche de l'AFLD représente théoriquement un budget annuel compris entre 250 000 et 300 000 euros, soit un peu moins que ce que perçoit un laboratoire de l'INSERM pour ses seuls frais de fonctionnement. Pour résoudre ce problème, nous avions essayé de faire des recherches dites de « faisabilité », avec des contrats compris entre 25 000 et 30 000 euros. Nous avons également créé un conseil scientifique, composé pour moitié de scientifiques étrangers et pour moitié d'experts français, très solides, tous directeurs d'équipe INSERM ou CNRS ; ils ont d'ailleurs parfois un niveau trop élevé par rapport au travail que nous pouvons leur proposer. Je pense qu'il faudrait officialiser cette démarche et cette fonction. Cela permettrait notamment de mettre un terme au fait que le budget de la recherche, qui n'est pas débattu, soit une variable d'ajustement du budget général, tant que la compétence « recherche » n'existe pas à l'AFLD.

Deuxième élément : même si les présidents successifs ont été très vigilants sur cette question, il serait souhaitable qu'il y ait une séparation formelle de la fonction d'instruction des dossiers et de la fonction disciplinaire. Par exemple, lors de l'affaire Landis, nous étions dans la période entre la fin du CPLD et le début de l'AFLD : selon que l'on choisissait les règles de l'un ou de l'autre, l'agence était compétente ou non pour poursuivre l'affaire. Le débat a été très long, et c'est le collège lui-même qui a décidé de poursuivre l'affaire. Ce n'est pas toujours le cas : le collège est parfois peu impliqué dans les affaires importantes et ne se perçoit donc pas comme un véritable conseil d'administration.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lozach

S'agissant de l'affaire Armstrong, vous vous êtes plusieurs fois exprimé pour dire que Lance Armstrong avait bénéficié de soutiens : est-ce une intuition ou une certitude ?

Debut de section - Permalien
Michel Rieu, conseiller scientifique à l'Agence française de lutte antidopage

C'est une conviction. Il y a les faits tout d'abord : 2009 a été une année très difficile pour les contrôles sur le Tour de France, les préleveurs étaient confrontés à d'importantes difficultés sur place pour effectuer leur mission.

Par ailleurs je ne pense que cette personne ait pu échapper aux contrôles pendant 6 ou 7 ans. Cependant, jusqu'en 2001, l'EPO n'était pas recherchée, l'Union cycliste internationale (UCI) ayant repoussé cette échéance. De plus, le règlement interne de l'UCI restreint le contrôle : seuls le premier de l'étape, le premier du classement général et deux tirés au sort sont contrôlés. Avec un programme aussi calibré, il est facile pour le personnel encadrant, très bien informé, de définir un protocole qui rende toute substance illicite indétectable au moment d'un éventuel contrôle.

Tout ce système ne peut pas se faire sans complicité interne, mais je ne sais pas à quel niveau elle se situe.

De plus, tout le monde se connaît : il y a une osmose naturelle qui favorise le maintien de ce genre de pratiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lozach

De façon générale, avez-vous le sentiment que nous avons fait, dans les récentes années, des avancées significatives dans la lutte antidopage ?

Debut de section - Permalien
Michel Rieu, conseiller scientifique à l'Agence française de lutte antidopage

Nous en avons fait sur la mise en évidence des substances. En revanche, sur la réalité de l'implication des sportifs et des cadres dans les pratiques dopantes, la situation est plus complexe. Mais mettons-nous à leur place, au-delà de notre seule perspective française : pour les sportifs français et les fédérations françaises, qui veulent légitimement remporter des victoires, il est difficile et frustrant de se retrouver face à une population mondiale où le dopage est, dans certains cas, flagrant, sinon organisé. On ne peut donc pas leur demander une implication absolue s'ils ne se sentent pas soutenus par ailleurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Humbert

Nous vous remercions d'avoir répondu à notre invitation et à nos questions.