Intervention de Paul Delduc

Commission d'enquête Compensation des atteintes à la biodiversité — Réunion du 15 décembre 2016 à 14h00
Audition de M. Paul delDuc directeur général de l'aménagement du logement et de la nature du ministère de l'environnement de l'énergie et de la mer et du ministère du logement et de l'habitat durable

Paul Delduc, directeur général de l'aménagement, du logement et de la nature :

Aucun, madame la présidente.

Je voudrais rappeler quelques éléments historiques pour montrer que la question des mesures compensatoires a pris une ampleur particulière dans la période récente. C'est avec la loi de 1976 et les études d'impact que la séquence « Eviter, réduire, compenser », dite ERC, a été précisée par le législateur. Les réglementations communautaires ont ensuite évolué, avec l'adoption de la directive Oiseaux de 1979 et, en 1992, de la directive habitat-faune-flore puis de la directive-cadre sur l'eau en 2000. Cela a abouti à des régimes spécifiques de protection qui contenaient des versions de la séquence ERC, complétant celle, générale, de l'étude d'impact. À la fin des années 2000, la séquence « Eviter, réduire, compenser » a pris une tournure nouvelle, avec la traduction dans la législation française de l'impératif de protéger non pas seulement les spécimens d'espèces protégées, mais également leurs aires de reproduction et leurs sites de repos, c'est-à-dire une partie de leurs habitats. Les zones désormais concernées par la réglementation des espèces protégées ont été élargies.

La prise de conscience de la nécessité de mesures compensatoires et la dimension de ces dernières ont évolué dans le temps. Pour prendre l'exemple de l'A65, l'État et les parties prenantes ont voulu montrer - on était juste après le Grenelle de l'environnement - que les choses pouvaient être faites correctement, en prenant en compte les caractéristiques des espèces protégées et les zones humides. Le mouvement s'est poursuivi depuis : volonté d'une meilleure compréhension des actions à mener, progression dans la technicité des échanges entre parties prenantes... Je vous ai adressé des documents qui servent à éclairer aussi bien le maître d'ouvrage que les instructeurs, l'État, pour apprécier les atteintes à la biodiversité et la façon de les éviter, de les réduire, de les compenser.

La loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a introduit des éléments de cadre commun qui traduisent la doctrine ERC élaborée par les parties prenantes en 2012. Subsistent malgré tout des régimes particuliers : l'étude d'impact, les zones humides, la réglementation propre à Natura 2000 et les espèces protégées. Le premier, l'étude d'impact, présente un spectre plus large que les autres, puisqu'il permet la prise en compte des impacts significatifs sur de la biodiversité ordinaire. Les autres sont davantage focalisés sur de la biodiversité patrimoniale - Natura 2000 pour des habitats et des espèces d'intérêt communautaire, les espèces protégées pour des espèces listées, les zones humides pour des zones bien déterminées, avec des caractéristiques particulières. Le cadre juridique n'est donc pas aussi simple et univoque qu'on peut l'imaginer. Il existe plusieurs types de compensation, plusieurs natures de dommages à la biodiversité.

Il ne faut recourir à la compensation que si l'on n'a pas réussi à éviter ou à réduire. La compensation est un « résidu » ; elle ne constitue pas un objectif de l'administration ou du Gouvernement. Elle constitue un moyen de maintenir dans un état de conservation favorable les espèces impactées, soit en tant que spécimen soit dans leur habitat.

J'ajoute qu'il y a une spécificité pour les espèces protégées. Leur destruction suppose une raison d'intérêt public majeure. Cette exigence est plus forte que celle des autres réglementations. Les débats sont intenses sur certains projets, et la jurisprudence du Conseil d'État est assez limitée.

C'est au maître d'ouvrage de montrer qu'il respecte la séquence ERC. Pour les projets d'infrastructures, substantiels, que vous allez examiner, cela commence dès la phase initiale, en particulier pour les infrastructures linéaires, avec l'examen des différentes variantes du tracé d'abord, puis le resserrement du faisceau. Les documents produits par l'État, notamment par la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer, superposent les enjeux relatifs à la biodiversité et à l'eau avec les potentiels fuseaux. Cette phase est sous la responsabilité du maître d'ouvrage. Pour des projets ayant un impact majeur, l'État et les parties prenantes sont associés dès le stade de la réflexion préalable, afin de prendre en compte les enjeux les plus importants.

La phase de réduction consiste, pour les grandes infrastructures linéaires, à rétablir la transparence des ouvrages, en réalisant par exemple des passages inférieurs ou supérieurs. Pour prendre l'exemple du hamster, on a installé, sans trop y croire, des passages inférieurs puis on s'est rendu compte que les animaux les empruntaient. Nous faisons encore beaucoup d'expérimentations. On a ainsi essayé de guider les chiroptères dans des couloirs pour éviter leur collision avec des véhicules, ce qui fonctionne partiellement. Depuis dix ans, notre compréhension de l'efficacité des dispositifs de protection des animaux progresse !

Reste, in fine, la compensation. Le responsable est, je le redis, le maître d'ouvrage. Néanmoins, pour les grands projets, l'interaction avec les services de l'État est très forte. Pour reprendre l'exemple de l'A65, juste après le Grenelle de l'environnement, le Gouvernement voulait que les choses soient bien faites : le Conseil national de protection de la nature a donné un avis assorti de nombreuses recommandations, qui ont toutes été suivies par le maître d'ouvrage.

Les relations entre les services de l'État et les maîtres d'ouvrage peuvent être tendues, voire conflictuelles. Mais nous voulons aboutir à des résultats satisfaisants. La prise en compte de l'environnement peut être vécue par les maîtres d'ouvrage comme un « surcoût ». Mais les choses changent. Il est vrai que le coût de la compensation peut s'élever à 5 à 10 % du montant total de l'opération. Il ne faut pas négliger l'aspect pédagogique de cette contrainte, ainsi que de certains contentieux. Certaines décisions de justice clarifient les choses.

La séquence ERC figure dans les principes généraux du code de l'environnement à l'article L. 110-1. Il faut aussi noter que les mesures compensatoires doivent désormais faire l'objet de la plus grande transparence. C'est l'un des grands apports de la récente loi relative à la biodiversité. En pratique, chaque direction départementale des territoires conserve des dossiers pour chaque arrêté, avec des cartes, dans lesquels on pioche pour faire des contrôles. La loi prévoit désormais que les mesures compensatoires soient géolocalisées, mises en ligne, décrites et accessibles à tous. C'est une avancée obtenue à la suite des travaux sur la séquence ERC en 2012-2013. Un groupe de travail a travaillé sur cette question et la loi a acté cette nécessité de transparence. Chacun peut contrôler l'effectivité des mesures. L'État, de son côté, ne peut effectuer que des contrôles par sondage. Les arrêtés de prescription prévoient certaines obligations, comme un rapport annuel du maître d'ouvrage sur l'état d'avancement des mesures compensatoires. Au-delà, on peut effectuer des contrôles inopinés. Certaines verbalisations se font aussi sur la base d'observations des citoyens. Ce contrôle par sondage n'est pas exhaustif.

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