Madame Primas, quand les projets sont importants, l'État demande un suivi scientifique des mesures de compensation. C'est notamment prévu pour l'A65. On observe si les populations reviennent et dans quels effectifs. La loi le prévoit explicitement. Auparavant, il s'agissait d'une obligation de moyens ; désormais, c'est une obligation de résultat.
Les ouvrages plus anciens ont été équipés pour vérifier le nombre de passages. Nous avons donc déjà engrangé des informations, par type d'ouvrage et par type d'espèce, sur l'efficacité relative de telle ou telle méthode. La Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer a publié un rapport intitulé Infrastructures linéaires de transport et reptiles et un autre sur les chiroptères, dans lesquels on trouve des éléments sur l'efficacité des mesures de réduction.
Il faut être honnête : le suivi des mesures compensatoires sera plus intense pour les projets importants que pour ceux de plus petite dimension. Les quatre que vous avez sélectionnés feront l'objet d'un suivi scientifique. Quelquefois, des échanges scientifiques ont même lieu en amont du projet : la DREAL organise par exemple en Provence-Alpes-Côte d'Azur des comités de pilotage avec des membres du Conservatoire botanique national de Porquerolles, du conseil scientifique régional du patrimoine naturel et avec le maître d'ouvrage pour réfléchir aux aspects scientifiques de la future compensation.
Je citerai le cas spécifique de la compensation par l'offre. Une expérimentation est en cours dans la plaine de la Crau sur une sorte de steppe, appelée coussoul. Le suivi scientifique est très important et central dans cette opération conduite par l'État.
J'en profite pour rappeler que la compensation est forcément de la recréation ou de la restauration de milieux qui en remplacent d'autres ; ce n'est jamais la mise sous cloche de milieux existants en bon état. Créer une réserve n'est pas de la compensation. L'opération de la Crau était intéressante, car elle permettait d'intervenir sur des milieux très dégradés sur lesquels on essaye de reconstituer la steppe caractéristique de la Crau. Il faudra un millier d'années pour qu'elle retrouve ses spécificités d'origine, mais cela permet toute de suite de restaurer l'habitat de certaines espèces.
Monsieur Pointereau, je ne dispose pas d'éléments précis sur les passages à grande faune. Mais les animaux de la grande faune empruntent souvent les mêmes passages. C'est une question comportementale. Cela ne marche pas forcément pour des animaux plus petits, comme les batraciens. Cela dit, les passages à grande faune sont une solution onéreuse, qui suppose la construction de ponts, de viaducs... C'est la forme de rétablissement de continuité la plus aboutie : on reconstitue un milieu qui a toutes les caractéristiques du milieu naturel.
Dans les documents que je vous ai transmis, vous trouverez des exemples de passages toute faune assez récents qui montrent leur efficacité. Des études ont été faites sur le sujet par certains maîtres d'ouvrage, avec le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement notamment.
Enfin, tout serait joué d'avance ? La question est culturelle. Nous ne sommes pas en Suède, où l'on peut mettre vingt ans à élaborer un projet. Dans notre pays, il est plus compliqué de faire évoluer substantiellement un projet, sauf en cas d'enjeu majeur. Tout est fait pour que des changements soient possibles, notamment grâce à la Commission nationale du débat public. Nous avons encore quelques années d'apprentissage devant nous !