C'est effectivement très compliqué. Le harcèlement est l'affaire de tous et il n'y a pas une catégorie de personnels qui doive être spécialiste du harcèlement, car il peut se passer n'importe où et chaque adulte doit être à même de déceler, écouter et agir. Il en est de même avec les élèves car la prévention grâce aux élèves formés pour cela est très importante.
Il y a un progrès effectivement quand les conseillers principaux d'éducation (CPE), les infirmières scolaires sont formés pour cela mais c'est plus compliqué dans le primaire car il n'y a pas de vie scolaire. C'est une de nos erreurs de se focaliser sur le second degré et de ne pas suffisamment prendre en compte le primaire alors que la prévention précoce est probablement la plus efficace. C'est complexe d'en faire une obligation, car nos enseignants sont formés par nature à enseigner, à transmettre des savoirs et des connaissances, spécialement en France. Dans notre pays, curieusement, y compris dans le discours ministériel, tout ce qui est en dehors de la transmission des savoirs est considéré comme moins important alors que la recherche montre que le harcèlement est un obstacle, y compris chez les très bons élèves, à la transmission des connaissances.
Il faut donc opérer un changement global de nature idéologique pour régler cette contradiction presque philosophique : qu'est ce qui est premier, l'enfant ou le savoir ? Les deux en réalité. Mais on aimerait bien déléguer, que ce « sale boulot » de la prise en compte du harcèlement soit fait par quelqu'un d'autre, mais malheureusement ce n'est pas possible. C'est donc le rôle de la formation, de la socialisation professionnelle, du travail en équipe que de lutter contre le harcèlement. Mais on en est encore au modèle dit de la « boîte d'oeufs », où on travaille bien, mais chacun pour soi, dans sa classe, et où ce qui ce qui se passe dans l'espace interstitiel, c'est-à-dire souvent le harcèlement, n'est pas suffisamment pris en compte. C'est là une très grande différence dans la manière dont on conçoit même le métier d'enseignant. Si je dis qu'il faut aussi être éducateur, je m'attire les foudres du « clan anti-pédago » et de « supposés penseurs » qui sont très souvent du côté de l'extrême-droite.