Commençons par lever une hypothèque : contrairement à ce que l'on répète depuis trente ans, il n'est pas difficile de trouver des experts sans lien avec l'industrie pharmaceutique. Après avoir passé de longues années à évaluer les mérites des universitaires, j'ai dressé une liste de cinq à six cents personnes que je transmettrai au ministre.
Une coopération étroite entre les deux mondes est indispensable pour accomplir des progrès thérapeutiques. Les Etats-Unis, engagés dans cette voie depuis vingt ans, viennent de créer l'Institut de recherche translationnelle ; la France, après la Grande-Bretagne, prend depuis peu la mesure du phénomène. L'industrie a besoin des médecins, donc, et vice-et-versa. Mais on ne peut confier aux mêmes l'évaluation d'un nouveau médicament. En somme, il y a deux catégories d'universitaires : ceux qui travaillent avec l'industrie pour créer les médicaments de demain, ceux qui n'entretiennent aucun lien avec les laboratoires et peuvent assurer la sécurité des malades d'aujourd'hui. Elaborer des recommandations thérapeutiques, guider la profession médicale, ces deux volets de l'activité médicale doivent et peuvent être séparés, car ces deux catégories existent déjà.
Certes, il faut associer d'autres professionnels de santé, médecins et psychologues - en revanche, les statisticiens sont davantage utiles à l'industrie pharmaceutique. D'où les auditions publiques que nous proposons : il ne s'agit pas de réunions à la Comédie française, leur but est de prendre en compte l'avis du terrain. Après ces auditions, les experts devront revoir leur copie, la signer. Des erreurs étant possibles, il faudra une procédure d'appel. Seuls les scientifiques peuvent évaluer des médicaments aussi complexes que ceux utilisés aujourd'hui pour traiter le cancer ou le diabète. Le médecin généraliste est, lui, essentiel, pour recueillir les réactions des malades, assurer la pharmacovigilance, poser des questions ; mais il ne peut pas apporter des réponses. Un risque de mandarinat ? Non, cette mission est proche de celle de l'enseignement. J'ai rencontré des hommes de grande envergure qui l'ont remplie aux Etats-Unis. Ils ont rendu service aux malades, c'est-à-dire à tous les concitoyens, car nous sommes tous des malades qui nous ignorons...