Mission commune d'information sur le Mediator

Réunion du 5 mai 2011 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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  • médicament

La réunion

Source

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Nous souhaitons vous entendre sur les expertises et la gestion des conflits d'intérêts.

Debut de section - Permalien
Corinne Lepage, députée européenne

Ces questions me tiennent à coeur. Elles renvoient au fonctionnement du système démocratique ; je songe aussi à la confiance des patients dans des médicaments dont ils ont été finalement les victimes. J'évoquerai le travail mené au Parlement européen sur la pharmacovigilance. La législation européenne a été renforcée mais elle demeure insuffisante, en particulier sur les conflits d'intérêts. Le texte sur l'information des patients de fin 2008 était incompatible avec nos principes et l'Assemblée nationale s'en était fortement émue, elle avait voté un rapport très critique. Nous sommes revenus de loin par rapport à cette première mouture qui, il est vrai, avait le mérite de faire l'unanimité contre elle. Elle autorisait en effet les laboratoires à communiquer directement avec les patients ! Elle jouait sur les mots, information et publicité étaient habilement confondues. Le projet a été remanié en profondeur.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Tout ce qui était de la publicité déguisée a été écarté du texte. Nous parlons, je le précise, non pas de la directive de 2010 mais de celle qui est en préparation.

Debut de section - Permalien
Corinne Lepage, députée européenne

Au Conseil européen du 6 décembre dernier, la Commission a fait part de sa volonté de modifier le texte.

On a refondu l'an dernier le texte sur la pharmacovigilance : ce fut aussi l'occasion d'un débat intense et nous avons obtenu des avancées en faveur des patients et de la transparence : exigences renforcées pour les demandes d'autorisation de mise sur le marché (AMM), meilleure identification des médicaments soumis à autorisation supplémentaire, renforcement d'Eudravigilance, possibilité de demander à la Commission l'évaluation de la lisibilité d'une notice. Il reste à améliorer le financement de l'Agence européenne du médicament, qui provient à 80 % de l'industrie pharmaceutique.

Debut de section - Permalien
Corinne Lepage, députée européenne

M. Xavier Bertrand entend modifier ces règles : je le souhaite vivement ! Le contrôle de la gestion des fonds doit selon moi être confié aux autorités nationales. J'ai présenté à la commission de l'environnement un amendement tendant à ne prévoir que des financements essentiellement publics pour les activités liées à la pharmacovigilance, je n'ai pas été suivie. Je connais la situation budgétaire des Etats mais je souhaitais au moins des financements majoritairement publics.

Il est pourtant manifeste que les résultats de l'expertise varient du tout au tout selon qui la paie.

Debut de section - Permalien
Corinne Lepage, députée européenne

Financement par le demandeur, par la puissance publique, par des associations : les résultats des études ne sont jamais les mêmes. Les parlementaires européens en ont fait l'expérience lors de l'épidémie de grippe H1N1. A l'été 2009, le European Centre for Diseases Prevention and control (ECDC), financé à 100 % par de l'argent public, nous a dit que l'épidémie n'était pas grave, qu'un vaccin en cours de test serait prêt à l'automne, réservé aux adultes en bonne santé - il fallait attendre le mois de janvier suivant pour vacciner les enfants, les femmes enceintes et les personnes à risque, d'autres tests étant nécessaires auparavant.

A quinze jours d'intervalle, l'Agence européenne du médicament (EMA), nous informe que l'épidémie est très grave, qu'il faut vacciner tout le monde... en commençant par les enfants, les femmes enceintes et les personnes à risque. Nous avons interrogé notre interlocuteur sur les tests, il nous a répondu : « les tests sont inutiles, nous avons effectué une modélisation ». Dans notre rapport sur la gestion de l'épidémie de grippe H1N1, nous posons la question : pourquoi les autorités ont-elles retenu la version de l'EMA et non celle de l'European Centre for Disease Prevention and Control (ECDC) ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

On nous a signalé lors des auditions sur la grippe H1N1 que le vaccin pouvait entraîner des problèmes respiratoires. Les tests l'avaient montré mais on n'en a pas tenu compte !

Debut de section - Permalien
Corinne Lepage, députée européenne

En outre, dans cette affaire, les risques secondaires ont été pris en charge par les Etats, non par les laboratoires. Et comme chaque Etat a négocié de son côté son approvisionnement en vaccins, les enchères ont monté. Au final, le coût a été démesuré, on a pris un risque sanitaire et la défiance s'est installée dans la population à l'égard de ce qu'affirment les autorités. Moi-même, comme députée, je ne savais plus quoi penser ! Sur quoi fonder notre décision ? C'est intolérable.

Le texte sur la pharmacovigilance n'a pas réglé tous les problèmes. L'EMA n'a recommandé officiellement qu'en 2009 le retrait du Mediator du marché européen. La décision a été prononcée le 14 juin 2010. L'agence estime qu'elle n'avait pas mandat pour évaluer ce médicament, elle précise qu'elle n'a jamais été saisie de cette affaire entre 2000 et 2009, mais le choix des dates n'est pas innocent, puisqu'elle avait été saisie en 1999 !

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Mais aucun Etat n'a saisi l'EMA en appliquant la procédure de l'article 12 ! L'EMA était extérieure à cette affaire puisque le Mediator a été mis sur le marché selon des procédures nationales. L'agence n'intervient qu'à la demande des Etats membres, or ni la France ni l'Italie ne l'ont saisie.

Debut de section - Permalien
Corinne Lepage, députée européenne

Effectivement, elle n'avait pas obligation d'intervenir. Et malheureusement, les récentes modifications ne changent rien à cela, l'affaire pourrait donc se reproduire ! Je rappelle que le Mediator a été retiré du marché en Suisse en 1998, en Espagne en 2003...

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

C'est le titulaire de l'autorisation qui a retiré le produit du marché espagnol...

Debut de section - Permalien
Corinne Lepage, députée européenne

Il en a été de même en Italie. Le Mediator a été retiré au Luxembourg en 2006, l'AMM suspendue en 2009 ; il a été retiré en Grèce en 2008, où la commercialisation avait été arrêtée en 2005 ; il a été retiré au Portugal en 2009 après ce qui s'est passé en France.

Il est regrettable qu'un retrait à l'initiative du titulaire de l'AMM n'entraîne pas une saisine automatique de l'EMA. Je ne dis pas que l'Agence européenne soit responsable, mais que des modifications dans les règles actuelles seraient bienvenues. Lorsqu'un laboratoire retire discrètement son produit de la vente, pays après pays, il y a lieu de s'y intéresser, même en l'absence d'une saisine par un Etat. L'EMA, à mon avis, ne s'est pas donné beaucoup de mal, mais je reconnais que juridiquement elle n'est pas en tort.

Il serait nécessaire que le retrait d'un médicament à la demande du laboratoire soit suivi d'une information auprès des autorités nationales.

Autre problème : des organisations non gouvernementales (ONG), dont Formindep, m'ont alertée fin janvier dernier sur le parcours de l'ancien directeur exécutif de l'EMA. J'ai immédiatement demandé des éclaircissements à l'agence ainsi qu'au commissaire européen à la santé, M. John Dalli. J'ai interrogé l'agence sur les règles déontologiques appliquées en cas de départ de ses dirigeants. En l'occurrence, le directeur exécutif a informé l'agence par un courrier du 20 décembre 2010 qu'il la quittait pour créer une société et mettre son expérience à disposition du public, des associations, des autorités...

Debut de section - Permalien
Corinne Lepage, députée européenne

Il indiquait qu'il gérerait scrupuleusement les éventuels conflits d'intérêts.

Et il devient tout de suite après le directeur scientifique et stratégique d'un laboratoire, qui ne se prive pas de communiquer largement sur ce recrutement - quel succès en effet et quelle publicité pour cette entreprise ! Or, le 17 janvier la réponse de l'EMA à son ancien collaborateur est laconique : puisque vous gérez vos conflits d'intérêts, tout va bien. Plus tard, au moment même où l'EMA m'adressait les courriers échangés entre elle et son ancien dirigeant, elle a écrit à nouveau à celui-ci, pour préciser les restrictions imposées à son activité future. Coïncidence ?

Quoi qu'il en soit, si les associations ne m'avaient pas informée, jamais je n'aurais su cela. Mais l'affaire a fait du bruit, au point que le Parlement, la semaine prochaine, reportera peut-être la décharge budgétaire de l'EMA à plus tard, en attendant que le fonctionnement de l'agence soit infléchi. Un vote en ce sens serait un acte fort : j'espère que l'Assemblée suivra la recommandation du rapporteur de la commission du contrôle budgétaire. Le Parlement commence à sortir l'artillerie lourde !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

De tels votes se sont déjà produits dans le passé, mais rarement.

Debut de section - Permalien
Corinne Lepage, députée européenne

Deux fois j'ai voté contre le quitus à l'EMA ou à l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa), la European Food Safety Authority, pour des raisons tenant à la manière dont ils gèrent les conflits d'intérêts. Nous n'étions pas nombreux à le faire...

La présidente du conseil d'administration de l'Efsa exerçait des fonctions au sein de l'International Life Sciences Institute (ILSI), l'organisme de lobby de l'agroalimentaire. L'ISLI regroupe 474 entreprises dont Nestlé, Coca-Cola, etc. Et l'Efsa est chargé d'instruire les demandes d'autorisation dans ce secteur ! La présidente a démissionné de l'ISLI, pas de l'Efsa. Quant au « panel OGM », son président fait aussi partie de l'ISLI ! Cela ne peut plus durer...

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Les dirigeants de l'EMA ne se privent pas de participer à des think tanks financés par l'industrie pharmaceutique.

Debut de section - Permalien
Corinne Lepage, députée européenne

C'est fréquent !

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

On y trouve aussi de hauts fonctionnaires français qui ont des responsabilités sensibles dans le domaine de l'évaluation des médicaments ou la fixation de leurs prix.

Debut de section - Permalien
Corinne Lepage, députée européenne

Ces pratiques sont intolérables. Elles sont hélas très ancrées dans les moeurs, personne n'étant jamais allé y regarder de près. Ou plutôt, ceux qui l'ont fait ont été considérés comme des marginaux. Dans le rapport que j'avais remis à M. Jean-Louis Borloo sur la gouvernance écologique au début des discussions du Grenelle, début 2008, j'abordais les questions de l'information, l'expertise, la responsabilité dans les domaines des nanotechnologies et des organismes génétiquement modifiés (OGM). Je formulais des propositions sur les conflits d'intérêts. Aucune n'a été retenue dans les lois qui ont suivi.

Ce dont nous parlons n'est du reste que la partie émergée de l'iceberg. Il y a tout le reste. Par exemple, la pratique dite « des portes tournantes » : un cadre de laboratoire ou l'avocat de cette entreprise rejoint la commission d'expertise le temps nécessaire pour veiller à l'obtention d'une autorisation ; puis il revient à son poste antérieur. Mme Suzy Renckens a quitté l'Efsa et rejoint du jour au lendemain le groupe Syngenta. Chacun a le droit de changer de vie, mais de tels départs témoignent de contacts antérieurs et c'est cela qui me dérange. Et voilà comment on peut aboutir à des catastrophes comme celle du Mediator.

Il faudrait parvenir à un système dans lequel on ne se prive pas de l'expertise privée, car la recherche y est de haut niveau, mais en nous dégageant du piège dans lequel nous nous sommes enferrés en abandonnant à l'expertise privée le soin d'orienter les choix publics. Je plaide pour une expertise contradictoire et pluraliste. Je suis avocate et je crois fermement au pouvoir des procédures contradictoires. Un panel neutre, ensuite, prend la décision.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Un panel composé de personnes qui n'ont pas de lien d'intérêts avec le laboratoire qui demande une autorisation.

Debut de section - Permalien
Corinne Lepage, députée européenne

Tout le monde rirait si nous suggérions des experts « indépendants » : ceux-ci doivent à tout le moins ne pas être dépendants. Les experts du laboratoire exposeraient leurs arguments, les opposants diraient les leurs. Le processus de décision serait complètement différent. Certes, le secret industriel doit être respecté : mais il s'arrête là où commence la connaissance des données de santé, d'environnement, qui sont d'intérêt général. Les données doivent être publiques.

Il faut aussi un statut des experts, pour éviter d'une part le mélange des genres entre évaluation des risques et gestion des risques, d'autre part le déni de responsabilité.

Debut de section - Permalien
Corinne Lepage, députée européenne

Experts et décideurs se renvoient trop souvent la balle lorsque l'on invoque leur responsabilité. Il est temps de fixer très clairement les droits et devoirs, les obligations et responsabilités, des uns et des autres.

Debut de section - Permalien
Corinne Lepage, députée européenne

C'est ce que j'avais proposé à M. Jean-Louis Borloo : une entité chargée de définir les règles du jeu et de sanctionner les infractions. Le rapport Sauvet contient des propositions intéressantes.

Debut de section - Permalien
Corinne Lepage, députée européenne

Elles sont graves ! En droit, le faux par omission existe.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Certains laboratoires manoeuvrent pour présenter une demande à tel moment plutôt qu'à tel autre pour des raisons de concurrence.

Debut de section - Permalien
Corinne Lepage, députée européenne

Il est ici question des seuls experts, non des laboratoires. Dans le rapport d'initiative de Mme Michèle Rivasi, nous avions prévu des déclarations d'intérêts, publiées, contrôlées, sanctionnées. Or, à la demande du parti populaire européen (PPE), je dois le dire, contrôle et sanction ont été retirés de la résolution : nous avons lors du vote été minoritaires. La formulation qui demeure est presque un appel au meurtre : « déclarez ce que vous voulez, peu importe ! »

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Mais la législation nationale n'est pas obligée de se cantonner à cela.

Debut de section - Permalien
Corinne Lepage, députée européenne

Heureusement qu'il n'est pas interdit de faire mieux !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Les modèles nationaux d'agences sont reproduits au niveau européen. La délégation du Sénat s'est penchée sur la question des agences. Le financement de l'Afssaps peut-il s'affranchir de tout lien avec les laboratoires ? On connaît les restrictions budgétaires actuelles. L'ancienne direction du médicament, qui occupait quelques mètres carrés du ministère et employait quelques personnes, est devenue une agence, dotée d'un personnel nombreux et de superbes locaux. Comment la financer ?

Debut de section - Permalien
Corinne Lepage, députée européenne

On est pris entre deux feux. On souhaiterait une indépendance complète de l'aide à la décision publique par rapport au privé, mais en période de vaches maigres sur le plan budgétaire, on ne peut être trop naïf... Un financement majoritairement public serait déjà une avancée, avec des dotations fixées à trois, quatre ou cinq ans pour plus de visibilité. Afin d'éviter que les « donateurs » de fonds n'influent sur les résultats des études, peut-être faudrait-il adopter des montages financiers moins primaires. Aujourd'hui, le demandeur paie. Demain, qu'il soit laboratoire pharmaceutique, groupe agroalimentaire, chimiste ou autre, il pourrait verser sa contribution à un fonds global qui répartirait les dotations entre les agences. Disjoindre ainsi le lien entre allocation et utilisation des fonds ne pourrait nuire...

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Il existe aujourd'hui onze taxes parafiscales sur l'industrie pharmaceutique. Elles sont versées au budget général, financent des agences ou vont à l'assurance maladie. Prenons conscience que l'argent des laboratoires est de l'argent public puisqu'il provient des remboursements de sécurité sociale. Les taxes n'ont rien de scandaleux. Nous n'avons pas achevé notre réflexion sur cette question. Mais il nous semblerait judicieux de réduire le nombre de taxes - par souci de simplification - et d'affecter celles qui restent soit vers le budget général, soit vers un fonds chargé de redistribuer les sommes entre agences.

Debut de section - Permalien
Corinne Lepage, députée européenne

Au niveau européen cela se passe de la même façon, c'est le demandeur de l'autorisation qui finance l'étude. Cela ne peut fonctionner. Je présenterai un amendement pour écarter cette pratique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Votre vision me semble bien angélique. La concurrence économique de tous contre tous est exacerbée et les chercheurs savent d'où coule l'argent. La recherche publique est sous-dotée et il faudrait, dans le budget européen ou national, augmenter considérablement les crédits pour que les meilleurs chercheurs s'intéressent au public. Leur intérêt converge le plus souvent avec celui des firmes privées.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Pourtant le marché pharmaceutique français n'est pas un vrai marché, il n'y règne pas de vraie concurrence, puisque les prix y sont administrés. Pour les laboratoires, la situation est formidable : s'ils mettent en vente un nouveau médicament, identique à celui d'un concurrent, le prix sera le même - ils n'auront pas à le vendre moins cher pour qu'il se fasse une place. Les groupes profitent de tous les avantages d'une économie administrée sans en subir les inconvénients.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Le conflit d'intérêts ne se limite pas à l'intérêt financier et il serait utile de savoir d'où parle l'expert qui soutient une demande.

Debut de section - Permalien
Corinne Lepage, députée européenne

Je ne suis pas naïve et j'ai suffisamment vécu pour avoir vu beaucoup de choses. La recherche publique n'a qu'un budget modeste et la conjoncture n'est pas à son augmentation. Au plan européen, pour financer les services diplomatiques ou d'autres nouveaux postes budgétaires, on en ponctionne d'autres. Le surcoût d'Iter, 1,4 milliard d'euros, a été financé par l'agriculture à hauteur de 400 millions d'euros, par la recherche pour 400 millions, etc.

Un système contradictoire aurait l'avantage de nous créer une obligation de financement : il faudrait bien payer les expertises ! On nous dit que des règles trop strictes chasseraient les groupes pharmaceutiques d'Europe. Que l'on se rassure, le marché reste avantageux pour eux, comme le soulignait à l'instant votre président.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Quelles mesures législatives pourraient améliorer encore la directive en préparation sur l'information ?

Debut de section - Permalien
Corinne Lepage, députée européenne

Qui contrôle l'information donnée au patient ? Là se situe le point essentiel. Nous n'avons pas évoqué la fraude sur Internet, où des médicaments sont vendus hors de tout contrôle.

Debut de section - Permalien
Corinne Lepage, députée européenne

Mais ce phénomène prend en Europe des proportions considérables. C'est sur Internet, bien sûr, que publicité et information sont le plus aisément mélangées. Il faut aussi parler du rôle du praticien dans l'information du patient. Enfin, nous devons nous pencher sur la façon dont sont gérées les alertes sur les effets secondaires. Les associations proposent que l'on instaure des forums de discussions. Il y a des progrès à faire sur les certificats de décès : aujourd'hui, si l'on ne meurt pas de cancer, on meurt d'un arrêt cardiaque... Mais a-t-on pris du Mediator durant les années récentes ? Y a-t-il ou non une valvulopathie ? Rien n'est précisé.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

La pharmaco-épidémiologie gagnerait à de meilleurs certificats de décès.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Comment s'assurer de la pertinence des alertes ? Certains patients ont pris du Mediator pendant des années et n'ont eu aucun problème ; on nous a, du reste, conseillé d'explorer la piste de la prédisposition génétique.

La norme d'élaboration du médicament est pasteurienne, mais le médicament est ensuite utilisé pour des pathologies chroniques. La modélisation n'est plus adéquate.

Debut de section - Permalien
Corinne Lepage, députée européenne

Dans mon rapport à M. Jean-Louis Borloo, sachant que des lanceurs d'alerte peuvent être mal intentionnés - concurrent sans scrupules, employé mécontent,... - je prévoyais leur protection, mais aussi des sanctions lorsque la démarche vise à nuire.

Quant à la modélisation, les événements de Fukushima remettent en cause notre approche probabiliste du risque. Si un accident n'est pas prévu dans les études de probabilité, il ne s'agit pas d'un risque mal évalué : on ne l'a pas évalué du tout ! Le début du XXIe siècle remet en cause les méthodes d'évaluation du risque en vigueur au XXe siècle. Il faut avoir l'humilité de reconnaître les limites de celles-ci.

De la même manière, telles études sur les rats, en matière de pesticides et d'OGM, ne comportent pas d'examen de l'effet dose : elles ne disent pas si le risque augmente avec la quantité de produit ingéré ou diffusé. Les études ne retiennent pas les effets différenciés : si les mâles réagissent en grossissant et les femelles en maigrissant, elles concluront à l'absence d'effet poids, en moyenne !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Sur le benfluorex, le laboratoire Servier nous a dit que les conséquences n'étaient pas les mêmes sur les rats et sur les hommes. Avec le type de règles que vous décrivez, je ne m'en étonne plus !

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Je ne suis pas certain de pouvoir vous suivre : il ne s'agissait pas exactement de cela.

Debut de section - Permalien
Corinne Lepage, députée européenne

Ceux qui ont mis en place ces règles y ont intérêt. Comment le politique peut-il reprendre la main sur ces sujets qu'il a abandonnés ? Voilà la question qui nous est posée.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Monsieur le professeur, je vous souhaite la bienvenue. Professeur émérite à l'Université Paris Descartes et président de l'Institut Necker, vous êtes l'auteur d'un rapport avec M. Bernard Debré sur la refonte du système français de contrôle de l'efficacité et de la sécurité des médicaments.

Cette audition, publique et ouverte à la presse, fait l'objet d'un enregistrement audiovisuel en vue d'une diffusion sur le site Internet du Sénat et, éventuellement, sur la chaîne Public Sénat.

En application du code de la santé, pouvez-vous indiquer quels sont vos liens éventuels avec des entreprises produisant ou exploitant des produits de santé ou avec des organismes de conseil intervenant en ce domaine ?

Debut de section - Permalien
Philippe Even

Je n'ai jamais eu aucun lien avec quelque industrie que ce soit et, en particulier, avec l'industrie pharmaceutique.

Début janvier, le Président de la République a chargé M. Bernard Debré et, par ricochet, moi-même d'une étude avec un objectif précis : proposer une réforme radicale de notre système de contrôle du médicament. Pour ma part, je n'ai jamais eu le sentiment de marcher sur les brisées des missions parlementaires. Celles-ci doivent d'abord fournir une analyse approfondie de l'affaire du Mediator ; nous devions formuler rapidement des propositions de réforme radicale dont le Gouvernement s'inspirera ou non ; et, ensuite, vogue la galère ! Initialement, il était question d'un projet de loi déposé en août ; j'ai cru comprendre qu'il avait deux mois de retard. M. Debré et moi-même travaillons à la rédaction d'un avant-projet de texte qui sera soumis au Gouvernement très prochainement. Le but n'est aucunement de gêner l'action des parlementaires.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Nous ne l'avons jamais pensé... Votre rapport n'est pas un obstacle ; il nous aidera à préciser notre position. Plus nous sommes nombreux, mieux c'est...

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Les sénateurs sont des sages, ils ont l'habitude de travailler avec détermination et dans la tranquillité...

Votre mission a débuté peu de temps après la publication du rapport de l'Igas. Pouvez-vous préciser son cadre ? M. Bernard Debré a-t-il reçu une lettre de mission ?

Debut de section - Permalien
Philippe Even

Non, car M. Debré préférait éviter d'être nommé parlementaire en mission pour, si j'ai bien compris, conserver son siège de député.

En bref, je crois le travail de votre mission et notre approche complémentaires.

Permettez-moi une mise au point : dans le cadre des missions parlementaires sur le Mediator, une personne a tenu des propos me concernant qui, sans être diffamatoires ou calomnieux, trahissent une complète ignorance de l'affaire de la ciclosporine. Le recours à la ciclosporine dans le traitement du Sida relève de la proposition double et simultanée de l'équipe de M. John Ziegler, alors directeur du National Cancer Institute aux Etats-Unis, et celle de M. Jean-Marie Adrien et moi-même. Depuis, plus de deux cents articles scientifiques ont validé cette hypothèse, défendue par les plus grands immunologistes et virologues du monde, dont M. Rolf Zinkernagel, lauréat du prix Nobel de médecine. La dernière étude, réalisée par le National Institute of Health aux Etats-Unis, montre que l'utilisation de la ciclosporine permet de réduire les doses d'antiviraux pour des résultats identiques ou supérieurs et, donc, la toxicité. Les arguments scientifiques sont donc solides dans cette aventure de la ciclosporine. Je parle d'ouverture car la ministre de la santé d'alors, mise en difficulté par le scandale du sang contaminé, déclencha un hourvari médiatique un an avant les élections de 1986...

Debut de section - Permalien
Philippe Even

Aujourd'hui paraît Les leçons du Mediator. Ce livre reprend l'intégralité du rapport de M. Debré et moi-même ainsi que ses annexes, qui ne figuraient pas dans le rapport en ligne. Celles-ci comportent des données chiffrées intéressantes. Tout d'abord, une analyse de la valeur scientifique des personnes engagées dans la recherche médicale à partir du nombre de leurs publications et de la qualité des revues dans lesquelles elles interviennent. S'il existe une marge d'erreur, les écarts sont tels que se dégage une cartographie de la valeur des membres et experts des commissions de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (l'Afssaps). Ensuite, le nombre de contrats dont sont titulaires les experts, présidents et vice-présidents de commission de l'agence en distinguant clairement ce qui relève de la rémunération reçue pour leurs services aux laboratoires, celle pour participation à des congrès - elle est marginale - et leurs rémunérations personnelles. Certains, tenez-vous bien, cumulent jusqu'à 150 contrats avec l'industrie pharmaceutique ! Cela n'aurait rien de choquant s'ils n'étaient pas également juges de la valeur et des risques du médicament.

En outre, ce livre a le mérite d'aborder un point peu étudié : quid du rôle des médecins dans l'affaire Mediator ? Si j'ai tendance à exonérer les médecins généralistes, les médecins de terrain, de toute responsabilité compte tenu de leur formation insuffisante en la matière, je serai moins indulgent envers les praticiens universitaires. Ceux-ci ont une connaissance parfaite de la centaine de molécules qu'ils utilisent tous les jours. En revanche, il y a de quoi être surpris de leur ignorance des 12 000 formes thérapeutiques existantes dans les officines pour 1 500 principes actifs - cela vaut pour moi, comme pour les autres, avant que je ne tombe dans les problèmes du médicament à cinquante ans- ; de leur naïveté ou de leur désintérêt à l'égard des procédures de découverte des médicaments, de la qualité des essais cliniques - malgré les progrès accomplis depuis vingt ans, ceux-ci sont souvent biaisés - et, enfin, des mécanismes d'action des médicaments. De fait, nous ignorons si le médicament n'agit pas aussi sur d'autres mécanismes physiologiques sains. D'où le risque d'accidents thérapeutiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Effectivement, cet élément est insuffisamment pris en compte ; nous serons amenés à élaborer des propositions en la matière.

Debut de section - Permalien
Philippe Even

Il y a un problème de formation, d'information et d'intérêt des enseignants pour le médicament. Pour y remédier, il faut en finir avec notre système d'évaluation des médicaments par des experts dont la valeur scientifique et l'expérience des malades sont extrêmement réduites dans plus de trois quarts des cas. Nous devons confier cette mission, à l'instar des Américains et des Anglais, à des universitaires libres de tout conflit d'intérêts qui auront fait la preuve de leur valeur scientifique et clinique, pour une délégation de trois ans. A l'issue de cette mission, rémunérée à la hauteur de son importance, ces médecins devront retrouver une place au moins équivalente à celle qu'ils occupaient dans le système hospitalo-universitaire avant de le quitter. En un mot, veiller à la sécurité et à l'efficacité du médicament deviendra la quatrième mission des médecins universitaires, en sus des soins, de l'enseignement et de la recherche.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Une quatrième mission ? N'ont-ils pas déjà fort à faire ? Les médecins universitaires, même les plus grands, peuvent se tromper...

Debut de section - Permalien
Philippe Even

Exact ! J'en reviens aux experts. On en répertorie 3 500 en France, dont 1 200 à l'Afssaps...

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

L'Afssaps nous a donné pour ce qui la concerne un chiffre différent hier...

Debut de section - Permalien
Philippe Even

Dont acte. Toute la question est : qu'est-ce qu'un expert ? Est-ce celui à qui l'on a demandé d'étudier un dossier ou l'homme aguerri qui a déjà été confronté à un ensemble de données ? Ensuite, une quarantaine de personnes suffiraient amplement à la tâche quand une centaine de molécules nouvelles apparaissent sur le marché par an. Nul besoin de deux ou trois mois, de créer groupes et sous-groupes comme le pratique aujourd'hui l'Afssaps. Lorsque j'effectuai ce travail, il me fallait une semaine pour étudier une molécule. La clé est d'en finir avec les décisions collectives et anonymes, imparfaitement motivées, sans oublier les comptes rendus de réunions tronqués...

Debut de section - Permalien
Philippe Even

« Nous sommes en train... », « nous allons... », « nous réfléchissons à... » Des antiennes du discours politique !

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Il y a des faits : la dernière réunion de la commission d'autorisation de mise sur le marché (AMM) était entièrement filmée et retransmise sur Internet, avec établissement d'un verbatim.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Le Sénat, dans son rapport sur l'affaire du Vioxx de 2006, avait proposé ces mesures. Si l'on avait adopté nos propositions, nous n'en serions peut-être pas là...

Debut de section - Permalien
Philippe Even

Un long délai peut s'écouler entre l'annonce et la mesure....

A notre sens, il faut confier l'étude d'un nouveau médicament à deux ou trois personnes réellement expertes. Après examen du dossier, celles-ci procéderont à des auditions publiques, auxquelles participera l'Union nationale de la caisse d'assurance maladie (Uncam). Elles entendront des médecins généralistes afin de recueillir le point de vue du terrain, mais aussi des représentants de patients ainsi que les industriels et leurs avocats, c'est-à-dire les médecins à leur service. La décision sera individuelle, et non noyée dans le collectif. L'Etat doit responsabiliser, reconnaître la valeur des personnes chargées de l'évaluation ; en un mot - pardonnez-moi de rêver -, déléguer véritablement l'évaluation à des personnes qu'il aura choisies. Certes, il y aura encore des erreurs - certains médecins universitaires se sont trompés et se tromperont -, mais ces erreurs seront infiniment moins nombreuses.

Voyez l'exemple des Etats-Unis : ce pays a connu des drames depuis vingt ans, dont celui du Vioxx sur lequel le Sénat a travaillé. La Food and Drug Administration (FDA) y dispose du seul pouvoir de mettre en garde, et non d'interdire un médicament. Pour autant, elle y dispose d'un magistère d'autorité : la presse, telle une chatte sur un toit brûlant, réagit à ses indications ; les conséquences juridiques et financières sont telles que les laboratoires préfèrent retirer leurs produits. Seule exception à ma connaissance depuis vingt ans, celle de la molécule Avandia, interdite en Europe, commercialisée par Glaxo. Après que la FDA a récemment averti la presse, le laboratoire a préféré résister et provisionner 3 milliards de dollars pour faire face à une éventuelle action de groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Quel serait le statut de ce nouveau corps d'experts ? N'y a-t-il pas un risque de mandarinat ? Quelle sera la place des lanceurs d'alerte dans votre système?

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Statisticiens et psychologues pourraient avoir une vision complémentaire, sans parler des praticiens de terrain, sans parler des usagers de la santé. Oui à l'indépendance des membres de commission, mais pourquoi se priver de l'expérience d'autres professionnels de la santé ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Une quarantaine d'experts est-ce suffisant pour remplir toutes les missions de l'Afssaps qui vont de la cosmétique à la thérapie cellulaire en passant par les produits thérapeutiques auxiliaires ?

Debut de section - Permalien
Philippe Even

Commençons par lever une hypothèque : contrairement à ce que l'on répète depuis trente ans, il n'est pas difficile de trouver des experts sans lien avec l'industrie pharmaceutique. Après avoir passé de longues années à évaluer les mérites des universitaires, j'ai dressé une liste de cinq à six cents personnes que je transmettrai au ministre.

Une coopération étroite entre les deux mondes est indispensable pour accomplir des progrès thérapeutiques. Les Etats-Unis, engagés dans cette voie depuis vingt ans, viennent de créer l'Institut de recherche translationnelle ; la France, après la Grande-Bretagne, prend depuis peu la mesure du phénomène. L'industrie a besoin des médecins, donc, et vice-et-versa. Mais on ne peut confier aux mêmes l'évaluation d'un nouveau médicament. En somme, il y a deux catégories d'universitaires : ceux qui travaillent avec l'industrie pour créer les médicaments de demain, ceux qui n'entretiennent aucun lien avec les laboratoires et peuvent assurer la sécurité des malades d'aujourd'hui. Elaborer des recommandations thérapeutiques, guider la profession médicale, ces deux volets de l'activité médicale doivent et peuvent être séparés, car ces deux catégories existent déjà.

Certes, il faut associer d'autres professionnels de santé, médecins et psychologues - en revanche, les statisticiens sont davantage utiles à l'industrie pharmaceutique. D'où les auditions publiques que nous proposons : il ne s'agit pas de réunions à la Comédie française, leur but est de prendre en compte l'avis du terrain. Après ces auditions, les experts devront revoir leur copie, la signer. Des erreurs étant possibles, il faudra une procédure d'appel. Seuls les scientifiques peuvent évaluer des médicaments aussi complexes que ceux utilisés aujourd'hui pour traiter le cancer ou le diabète. Le médecin généraliste est, lui, essentiel, pour recueillir les réactions des malades, assurer la pharmacovigilance, poser des questions ; mais il ne peut pas apporter des réponses. Un risque de mandarinat ? Non, cette mission est proche de celle de l'enseignement. J'ai rencontré des hommes de grande envergure qui l'ont remplie aux Etats-Unis. Ils ont rendu service aux malades, c'est-à-dire à tous les concitoyens, car nous sommes tous des malades qui nous ignorons...

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

On aurait des difficultés à trouver de nouvelles molécules pour certaines pathologies - je pense au diabète et à l'hypertension artérielle -, marquées par des prédispositions génétiques complètement différentes. Dans ces domaines, les laboratoires ne tâtonnent-ils pas ? Cela m'amène à vous interroger sur le service médical rendu (SMR), dont s'occupe la commission de la transparence, et l'amélioration du service médical rendu (ASMR), critère des propositions de remboursement. Ces notions ne sont-elles pas sources de confusion ?

Debut de section - Permalien
Philippe Even

Plutôt que de parler d'ASMR, employons le terme de valeur ajoutée...

Debut de section - Permalien
Philippe Even

Si vous voulez, le terme est peut-être moins marqué politiquement... Le ministre Xavier Bertrand a pris position clairement : l'époque où l'on jugeait d'un médicament par rapport à un placebo est révolue - au reste, la psychologie des laboratoires a profondément évolué depuis cinq ans avec l'évolution de la médecine. Le médicament sera désormais évalué par rapport aux produits antérieurs. Vous n'imaginez pas le nombre de nouveaux médicaments moins actifs, plus dangereux et souvent plus chers que les produits précédents. Raison pour laquelle on utilise les mêmes produits qu'il y a vingt ans dans la chimiothérapie pour traiter le cancer.

Debut de section - Permalien
Philippe Even

Comme nous tous ! Pas moins de 200 000 cancéreux vivent sur le territoire français. Reste que les nouveaux traitements visent des catégories de tumeurs très particulières. L'exemple vaut également pour le diabète et l'asthme, que je connais bien en tant que pneumologue. Les corticoïdes inhalés restent la meilleure solution, malgré la campagne de désinformation fort opportune qui accompagna le lancement d'un nouveau produit, dix fois plus cher... ASMR, valeur ajoutée ou progrès thérapeutique doivent être le critère d'évaluation.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Dans votre rapport, vous citez des chiffres. Quelles sont vos sources ?

Debut de section - Permalien
Philippe Even

J'affirme que 40 % des médicaments sont non ou peu actifs. Je m'en explique dans un livre à paraître en octobre. J'ai étudié chacun des médicaments un par un... Le lecteur saura faire la part des choses. Pourquoi l'Etat devrait-il rembourser des molécules de confort ? Ce n'est pas à lui de prendre en charge les malades en déshérence psychologique, proies faciles des charlatans ; c'est le travail des médecins de terrain. Avez-vous vu le dossier d'AMM du Mediator ?

Debut de section - Permalien
Philippe Even

Il était rempli de mensonges ! C'est en travaillant pour la commission de l'AMM que j'ai compris...

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Quand avez-vous travaillé pour cette commission ? Pourquoi être revenu si tard au médicament ?

Debut de section - Permalien
Philippe Even

J'ai été nommé en 1981, en même temps qu'à l'Inserm. Je quitte la recherche pour m'occuper de clinique et des malades. A la fin de mon mandat, quand je suis prêt à m'engager, mes collègues me portent à la tête de la faculté. Je deviens leur mandataire pour faire de notre établissement un lieu d'excellence ; je ne vais donc pas en compromettre les moyens en heurtant le politique. Puis en 2000, je retourne à mes premières amours...

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Et vous écrivez le livre sur les scandales des hôpitaux de Paris et de l'hôpital Pompidou...

Les notions de rapport risque-bénéfice et l'amélioration du service médical rendu sont-elles substituables et peut-on faire l'économie d'une réflexion sur la législation européenne ?

Debut de section - Permalien
Philippe Even

Il faut violer l'Europe. Seule, elle ne fera que piétiner. Il faut lui poser les questions pertinentes lui soumettre des propositions de solutions. Xavier Bertrand semble décidé à modifier la législation.

La Haute Autorité de santé et l'Afssaps sont jalouses de missions qu'elles partagent, à commencer par la vigilance qui incombe à la première et qui se retrouve dans le nom des commissions de la seconde. Les informations circulent mal. Une agence, une mission. La Haute Autorité de santé doit être un organe de stratégie globale de la santé. A elle d'élaborer, sur les bases scientifiques et économiques, des recommandations sur les médicaments, les dispositifs médicaux, les établissements de santé, les parcours de soins, les programmes de prévention...

Debut de section - Permalien
Philippe Even

Elle ne le fait pas ou, quand elle le fait, le Conseil d'Etat annule sa recommandation...

En amont, on trouve l'évaluation des médicaments, des dispositifs médicaux, des « alicaments » de l'industrie alimentaire - les prochains Mediator porteront sur ces derniers produits et ceux de l'élevage.

Debut de section - Permalien
Philippe Even

J'ai reçu trop de lettres sur ces sujets pour ne pas être inquiet.

Debut de section - Permalien
Philippe Even

Bien sûr : pensez aux prothèses mammaires, mais aussi orthopédiques, aux sondes ou aux défibrillateurs. Quelles disparités de prix comme de qualité, et quelle stagnation de l'effort de création ! Johnson & Johnson vient de mettre 19 milliards sur la table pour les prothèses.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Lors du débat de la proposition de loi Fourcade, nous avons prévu la transparence sur les prothèses.

Debut de section - Permalien
Philippe Even

Sur les sondes thoraciques - cinq cents réinterventions sur cinq mille implantations -, seulement 18 % des hôpitaux ont informé les instances de vigilance, et encore avec six mois de retard. Ce décalage est inquiétant. Le politique est-il assez vigoureux dans ses initiatives ? Les hospitaliers et les médecins ne prennent pas suffisamment en compte les risques des gestes qu'ils accomplissent. De quelles études françaises dispose-t-on sur le risque dans les hôpitaux ? Medicare, aux Etats-Unis, a analysé un an d'hospitalisation sur 65 millions de personnes. La France pourrait s'inspirer de cet exemple.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Quinze jours après une stimulation pour une fécondation in vitro, on a déploré un accident cardiovasculaire. Le corps médical se tait sur les sujets qui concernent les femmes. S'agissant de l'agence...

Debut de section - Permalien
Philippe Even

Il a été critiqué. Aux Etats-Unis, l'on débat de la séparation entre l'évaluation du médicament et la pharmacovigilance. Certains faisant remarquer que l'une a besoin des évaluations de l'autre, on les a séparées au sein de la FDA. Pour la France, il convient d'avoir une grande agence stratégique, et, en dessous, une agence du médicament. Regardez la commission d'autorisation de mise sur le marché et celle de la transparence voguer sur les mêmes eaux.

Debut de section - Permalien
Philippe Even

Dès lors, tout se clarifie. L'AMM disparaît. J'ai proposé de la remplacer par une ARM, une autorisation de remboursement du médicament, car le remboursement est le bras armé du politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Nous nous interrogions sur l'opportunité de réserver l'AMM à la procédure européenne.

Debut de section - Permalien
Philippe Even

Que le ministre français se réunisse avec ses collègues européens pour que l'Agence européenne, l'EMA, prenne les décisions, comme elle le souhaite. Il y a d'abord la France, l'Angleterre, la Suède, les Pays-Bas et, un peu, l'Italie, puis les autres. Xavier Bertrand se dit décidé à obtenir la disparition de l'AMM, ce n'est pas fait.

Debut de section - Permalien
Philippe Even

Il dépend de beaucoup de facteurs. L'on ne doit donc pas être excessif pour apprécier l'amélioration, mais l'on ne peut conserver 31 bétabloquants et 156 molécules pour l'hypertension, ou plutôt 25 déclinaisons de cinq molécules. Quand le Coversyl du laboratoire Servier est remboursé deux fois mieux que les autres, il rapporte plus, donc on le vend plus et l'on fait le forcing avec des visiteurs médicaux. Sans être meilleur que les autres médicaments, il se vend mieux et coûte plus cher...

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Nous aurions voulu vous entendre plus longtemps. Votre rapport nous sera très utile.

Debut de section - Permalien
Philippe Even

Il m'a été reproché à l'Assemblée nationale d'avoir rédigé un livre et non un rapport. A cela, je réponds que, quand on connaît bien le sujet, on peut rédiger une synthèse, et qu'étant plongé dans le monde du médicament depuis 1981, j'étais particulièrement bien placé pour le faire.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Mme Catherine Hill, vous êtes épidémiologiste à l'Institut de cancérologie Gustave Roussy. Avec MM. Philippe Ricordeau et Alain Weill, du département des études sur les pathologies et les patients à la direction de la stratégie, des études et des statistiques de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnam), vous êtes en quelque sorte à l'origine de l'affaire du Mediator. Votre audition va faire l'objet d'un enregistrement audiovisuel et pourra être diffusé sur Public Sénat.

Debut de section - Permalien
Catherine Hill, épidémiologiste à l'Institut Gustave Roussy

Je suis mathématicienne et biologiste, pas médecin.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Je n'ai donc pas à vous interroger sur des conflits d'intérêts.

Debut de section - Permalien
Alain Weill (Cnam)

Je suis médecin de santé publique et n'ai jamais eu de relation avec les laboratoires pharmaceutiques.

Debut de section - Permalien
Philippe Ricordeau (Cnam)

Je suis également médecin et n'ai jamais eu de relation avec un laboratoire.

En préambule, je voudrais dire ma peine car je sais les conséquences humaines de cette affaire pour les malades.

Debut de section - Permalien
Catherine Hill, épidémiologiste à l'Institut Gustave Roussy

Je fais partie du comité scientifique de l'Afssaps et l'on m'avait proposé de participer au groupe de travail « Plan de gestion des risques et pharmaco-épidémiologie ». Le 3 juin 2009, lors de la première réunion à laquelle j'assistais, Irène Frachon a évoqué les cas-témoins brestois ; le centre de pharmacologie de Besançon a présenté les cas notifiés. J'ai alors été la seule à détecter un signal.

Debut de section - Permalien
Catherine Hill, épidémiologiste à l'Institut Gustave Roussy

En fait, j'ai envoyé un mail le 10 juin 2009, disant qu'attendre pour agir n'était pas prudent, qu'aux Etats-Unis, le risque de procès serait très grand. J'ai reçu deux réponses, des bonnes paroles, mais Irène Frachon m'a contactée pour me dire qu'elle se sentait moins seule, et nous avons commencé à travailler. Je me suis rendu compte qu'il fallait faire des comparaisons. J'ai aidé l'équipe de Brest. Une nouvelle réunion de la commission de pharmacovigilance en juillet 2009, a décidé de ne rien faire. Puis il y a l'étude Regulate et le retrait de Mediator et j'ai rencontré Alain Weill à un colloque organisé par l'Institut du cancer et l'Institut de veille sanitaire.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Comment arrive-t-on à organiser un colloque sans financement de l'industrie pharmaceutique ?

Debut de section - Permalien
Alain Weill

Je participe à de nombreux colloques organisés sans son concours.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Vous devriez transmettre votre recette aux sociétés savantes.

Debut de section - Permalien
Alain Weill

On ne se réunit pas au Palais des congrès de la Porte Maillot mais dans des salles universitaires ...

Debut de section - Permalien
Catherine Hill, épidémiologiste à l'Institut Gustave Roussy

L'année d'après, en juin 2010, Irène Frachon a publié son livre. Comment estimer la mortalité attribuable au médicament qui venait d'être retiré ? Je saisis l'agence, qui demande un nouveau travail.

Debut de section - Permalien
Alain Weill

L'agence a demandé à l'assurance maladie si elle pouvait fournir des éléments complémentaires sur la mortalité.

Debut de section - Permalien
Philippe Ricordeau

Le 24 ou le 25 août 2010.

Debut de section - Permalien
Catherine Hill, épidémiologiste à l'Institut Gustave Roussy

On n'avait jamais fait cela en France. En particulier, on ne l'avait pas fait pour le Vioxx.

Debut de section - Permalien
Catherine Hill, épidémiologiste à l'Institut Gustave Roussy

Les Américains ont réalisé une estimation, les Allemands également.

Je savais que la Cnam avait transmis des données à l'agence. Quand j'ai demandé à en disposer en octobre 2010, Carmen Kreft-Jais m'a répondu qu'elles étaient confidentielles. Le 10 novembre au soir, Mme Castot m'a proposé de présenter les estimations de mortalité à la commission de pharmacovigilance prévue le 15 novembre au sein de laquelle je venais d'être nommée suppléante. C'était un défi ! On m'a faxé vos deux rapports de dix-huit pages, j'y ai travaillé le 11 novembre, j'ai récupéré les données le 12 et j'ai travaillé le 13 et le 14. Ce processus était bizarre.

Debut de section - Permalien
Catherine Hill, épidémiologiste à l'Institut Gustave Roussy

Une autre étude avait été demandée à Mahmoud Zureik et à Agnès Fournier, que vous allez auditionner.

Debut de section - Permalien
Catherine Hill, épidémiologiste à l'Institut Gustave Roussy

J'ai publié le résultat dans la presse médicale.

Debut de section - Permalien
Catherine Hill, épidémiologiste à l'Institut Gustave Roussy

J'ai dit 500 morts, Mme Fournier parle de 500 à 1 000.

Debut de section - Permalien
Catherine Hill, épidémiologiste à l'Institut Gustave Roussy

J'ai extrapolé les observations de la Cnam sur les 303 000 utilisateurs de 2006, suivis jusqu'au 1er juillet 2010. Quel est le risque à plus long terme ? Je suis d'abord épidémiologiste du cancer.

Debut de section - Permalien
Catherine Hill, épidémiologiste à l'Institut Gustave Roussy

J'ai pris la mortalité observée ; elle a retenu la surmortalité relevée dans une enquête américaine. Il n'y a pas de contradiction entre les 500 morts à court terme que je trouve, et les 1 000 à 2 000 morts à long terme qu'elle calcule.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

C'est une estimation. Or les gens qui écoutent la radio reprendre une information du Figaro la comprennent mal. Pour eux, il y a eu entre 500 et 2 000 morts.

Debut de section - Permalien
Catherine Hill, épidémiologiste à l'Institut Gustave Roussy

C'est le cas ! Si le médicament multiplie le risque par trois et qu'il y a trois décès chez ceux qui le prennent, alors deux sont dus au médicament. Il y a eu au moins 500 morts, peut-être mille...

Debut de section - Permalien
Catherine Hill, épidémiologiste à l'Institut Gustave Roussy

En 1985, en 1990 ou en 1995... Il y a eu 500 morts sur cinq millions d'utilisateurs, c'est une réalité, que le généraliste ne peut détecter. Je ne puis vous dire le nombre exact de personnes décédées, mais je donne une approximation de la réalité.

Debut de section - Permalien
Alain Weill

Le 12 octobre 2009, Catherine Hill nous a parlé de la division des experts, Nous avons choisi d'étudier l'association entre benfluorex et valvulopathie.

Debut de section - Permalien
Alain Weill

Par Catherine Hill. On a, dans le cas espagnol, constaté une lésion sur trois valves chez une femme de cinquante ans qui avait pris le benfluorex pendant un an, lésion comparable à celle provoquée par l'Isoméride et le Pondéral. Il y avait aussi Toulouse et les cas d'Irène Frachon. En outre, le générique était disponible depuis octobre 2009. Les remboursements ont commencé le 7 octobre 2009. Nous avons étudié dans le PMSI une cohorte de cas de fuite des valves cardiaques chez des personnes initialement indemnes, selon une méthode d'observation différente de celle des cas-témoins. Nous avons travaillé sur des diabétiques, en raison des indications de l'AMM, et sur des bases de données anonymisées, avec un million de patients non exposés et 44 000 exposés. Le risque était significatif en cas d'exposition au benfluorex. Le risque relatif (trois d'hospitalisations, quatre pour le remplacement valvulaire) ne doit pas faire oublier le risque absolu qui représente 8/10 000, ce qui est sévère mais limité. L'excès de risque se situe à 5 pour 10 000 pour les autres. Dans ces conditions, il est normal qu'un généraliste ne remarque rien du tout : pour lui, il ne se passe rien. Il y a eu des critiques sur la méthode, mais en termes de risque absolu, pour la chirurgie cardiaque, le risque était de 3/10 000 dans le groupe exposé contre 1/10 000 dans le groupe non exposé. Il y avait en outre une relation dose-effet. A une moindre prise de benfluorex, correspond un moindre risque. C'est très important pour établir la causalité. Nous avons immédiatement alerté le directeur général, qui, le 27, a décidé d'adresser le jour même le rapport préliminaire aux directeurs généraux de la santé et celui de l'Afssaps.

Debut de section - Permalien
Catherine Hill, épidémiologiste à l'Institut Gustave Roussy

Le retrait était déjà prévu, mais une deuxième réunion a été nécessaire faute de quorum pour l'AMM. Ce travail, très important, est très convaincant et n'a pas été contesté.

Debut de section - Permalien
Catherine Hill, épidémiologiste à l'Institut Gustave Roussy

L'agence avait très peur d'une procédure

Debut de section - Permalien
Alain Weill

Nous l'avons publié dans Pharmacoepidemiology and Drug Safety. Nous n'avons soumis cette étude qu'à une seule revue, dont les deux lecteurs-experts ont simplement demandé des précisions.

Debut de section - Permalien
Philippe Ricordeau

Nous avons, à la demande de l'agence, travaillé en 2010 sur l'étude Cnam 2.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Le professeur Lechat vous a adressé un mail en août 2010.

Debut de section - Permalien
Philippe Ricordeau

Nous avons travaillé sur nos bases de données et transmis en toute transparence les résultats aux experts de l'Afssaps.

Debut de section - Permalien
Alain Weill

Un sous-groupe de 133 patients présentait des atteintes plurivasculaires comme dans le cas espagnol. C'est une des caractéristiques de cette maladie.

Debut de section - Permalien
Catherine Hill, épidémiologiste à l'Institut Gustave Roussy

Comment mesurer le risque ? Un dix millième, ce n'est pas facilement détectable. Il y aura toujours un effet indésirable retardé et un antihypertenseur légèrement différent le multiplie peut-être.

Debut de section - Permalien
Catherine Hill, épidémiologiste à l'Institut Gustave Roussy

Si les risques n'apparaissent qu'au bout de dix ans, vous ne pouvez pas le savoir au moment de la mise sur le marché : il y aura toujours des retraits. On ne peut pas attendre quarante ans d'expérimentation pour mettre un médicament sur le marché.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Moins on met de médicaments sur le marché, et moins l'on a de risque.

Debut de section - Permalien
Catherine Hill, épidémiologiste à l'Institut Gustave Roussy

L'espérance de vie augmente de trois mois par an. Cela prouve l'efficacité des médicaments, mais les effets indésirables apparaissent peu à peu. On commence à voir apparaître ceux des antirétroviraux.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Le Sida était mortel. On est plus exigeant quand la maladie ne l'est pas.

Debut de section - Permalien
Catherine Hill, épidémiologiste à l'Institut Gustave Roussy

Vous pensez que, si un médicament n'est pas efficace, il ne peut être mis sur le marché.

Debut de section - Permalien
Catherine Hill, épidémiologiste à l'Institut Gustave Roussy

Si son mécanisme est un peu différent, un médicament peut se révéler meilleur en raison de ses effets à long terme. Votre système est un peu rétrograde.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Il faut donc continuer à avoir autant de médicaments ?

Debut de section - Permalien
Catherine Hill, épidémiologiste à l'Institut Gustave Roussy

Leur action peut être différente.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

On a des centaines de médicaments insuffisants ; 60 % des médicaments sont pas ou peu efficaces.

Debut de section - Permalien
Catherine Hill, épidémiologiste à l'Institut Gustave Roussy

La poudre de perlimpinpin existe ...

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

La question n'est-elle pas de savoir comment améliorer les études épidémiologiques en tenant compte de l'effet différencié des médicaments en fonction des données inhérentes à chacun ?

Debut de section - Permalien
Catherine Hill, épidémiologiste à l'Institut Gustave Roussy

Commençons par réaliser les études, ce qu'on n'avait pas fait jusqu'en juin 2009 pour le Mediator.

Debut de section - Permalien
Philippe Ricordeau

Le système national d'informations inter-régions d'assurance maladie (Sniiram) est une base de données anonymes, fortement sécurisée et rassemblant la consommation médicale de l'ensemble de la population. Anonymisée, elle l'est doublement car on ne peut retourner au dossier des patients. Elle est aussi fortement sécurisée puisqu'en plus de l'anonymat, la Cnil a voulu un environnement d'accès sécurisé et une traçabilité des requêtes, ce qui est lourd mais justifié. Elle contient l'ensemble de la consommation de soins médicaux, chaînée par des statisticiens...

Debut de section - Permalien
Philippe Ricordeau

On intègre la date du décès depuis août 2009, mais pas la cause - c'est une limite. Nous avons connaissance d'un examen, mais pas de son résultat et ignorons si un patient fume.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Depuis la canicule, l'Inserm met à notre disposition des formulaires de décès. Ne les utilise-t-on pas ?

Debut de section - Permalien
Philippe Ricordeau

Je ne puis répondre à votre question. Les données traitées par l'Inserm sont disjointes de notre base.

Debut de section - Permalien
Alain Weill

Les tests de faisabilité laissent penser à une jonction dans trois ans.

Debut de section - Permalien
Alain Weill

Pour la collectivité scientifique.

Debut de section - Permalien
Philippe Ricordeau

Cela pose toutefois un problème de confidentialité. Permettez-moi de revenir sur la chronologie. L'avis de la Commission nationale Informatique et libertés (Cnil) est d'octobre 2001, l'entrepôt des données de la Cnam pour les soins de ville est de 2003 ; le chaînage entre ville et hôpital, remontant à 2006, se réalise en 2007 ; les analyses commencent en 2008 et notre première publication avec chaînage entre ville et hôpital intervient le 2 avril 2009 - c'était nécessaire pour l'étude présentée par Alain Weill.

Debut de section - Permalien
Philippe Ricordeau

Nous avons publié un travail le 2 avril. L'intégration de la date des décès a été opérée au début de l'été 2009. Là encore, il n'était pas possible à l'époque de répondre à cette question.

Debut de section - Permalien
Catherine Hill, épidémiologiste à l'Institut Gustave Roussy

Si on avait voulu mesurer la mortalité attribuable au Vioxx, l'on aurait pu faire une estimation à partir du nombre d'utilisateurs.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

On peut regretter que cela n'ait pas été fait car, sans votre étude sur le Mediator, il ne se serait rien passé, et les morts n'auraient pas laissé de trace.

Debut de section - Permalien
Catherine Hill, épidémiologiste à l'Institut Gustave Roussy

L'affaire a pris une ampleur extraordinaire alors que l'on ne parle que du tabac qui tue la moitié de ses consommateurs.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Il n'est pas remboursé par la sécurité sociale après avoir été prescrit par un médecin. Les fumeurs, eux, sont prêts à payer cher pour continuer. Je déplore cela, mais la comparaison n'est pas possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Vous n'avez pas interrogé l'ensemble des personnes qui ont pris du Mediator - j'en connais, pourtant, qui en ont consommé pendant cinq ans sans effet préjudiciable.

Debut de section - Permalien
Philippe Ricordeau

La Cnam n'a pas l'autorisation de conserver les informations nominatives au-delà des deux années qui précèdent l'année en cours.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

On peut espérer que cela va changer. Je souhaiterais proposer qu'on porte cette durée à quinze ans.

Debut de section - Permalien
Philippe Ricordeau

Les données n'existent plus au-delà de deux ans.

Debut de section - Permalien
Alain Weill

Nous avons dans nos bases les victimes dont parle Mme Frachon, mais cachées derrière des identifiants anonymes. Nous observons l'exposition aux médicaments, l'hospitalisation sur des personnes réelles. C'est la réalité anonymisée.

Debut de section - Permalien
Catherine Hill, épidémiologiste à l'Institut Gustave Roussy

Il y a bien eu 303 000 personnes qui se sont fait rembourser du Mediator en 2006 ; certaines ont bien été hospitalisées, ont bien subi une intervention chirurgicale. C'est une réalité objective, ainsi que le fait que soixante-quatre sont mortes après hospitalisation pour valvulopathie.

Debut de section - Permalien
Philippe Ricordeau

Le Sniiram n'est pas aisé à interroger. Ses données occupent un volume considérable. Avec soixante millions d'assurés, sur deux ans plus l'année en cours, nos statisticiens travaillent sur des milliards de lignes. La gestion des données exige une grande qualification. Et comme les bases sont strictement adaptées au code de la santé et à la réglementation, il nous faut aussi des personnes qui maîtrisent cette réglementation de la sécurité sociale. Nous avons pu répondre rapidement sur le Mediator, parce que nous avions la chance de disposer d'un échantillon déjà constitué. En règle générale, une telle étude demande plutôt trois ou quatre mois et l'échantillon « généralistes » mobilise cinq à six personnes.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Mais avec le temps et des moyens, vous atteignez vos objectifs et répondez aux demandes de l'Afssaps. Je souhaite que les autres agences puissent, de façon automatique, formuler des demandes similaires et que vous soyez saisis le plus souvent possible. C'est déjà le cas pour l'Avandia et l'Actos, ce qui va dans le bon sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Êtes-vous favorable à la création d'une Unité nationale de pharmacologie clinique qui pourrait réaliser des essais post-AMM et pensez-vous opportun de donner un rôle plus important à l'InVS ?

Debut de section - Permalien
Philippe Ricordeau

L'utilisation de telles bases de données nécessite une étroite collaboration entre gestionnaires de bases, spécialistes de la réglementation ou encore de la méthodologie. Nous faisons appel à des compétences extérieures. Il ne nous appartient pas de répondre à la question sur l'InVS, mais la piste semble intéressante.

Debut de section - Permalien
Catherine Hill, épidémiologiste à l'Institut Gustave Roussy

L'évaluation du bénéfice et l'évaluation des risques doivent être confiées à des gens qui travaillent ensemble. La réévaluation est permanente, les risques apparaissent à la longue. La Haute Autorité de santé, l'agence du médicament, sont suffisamment séparées : mieux vaudrait essayer de rapprocher les équipes que de les couper encore plus. L'inefficacité du benfluorex aurait-elle été connue plus vite, que l'on aurait examiné de plus près les risques du Mediator. De la même façon, on utilise lors des transplantations pulmonaires un antifongique qui augmente le risque d'apparition d'un cancer cutané très méchant. Il serait donc intéressant de savoir quelle est son utilité par rapport aux autres et quelles sont les alternatives, de connaître s'il est administré à titre thérapeutique ou prophylactique, etc. Sans ces données, comment réfléchir sur la sécurité du produit, les effets indésirables ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

L'amélioration de la pharmacovigilance passe-t-elle pour vous par la réunion de ces deux compétences ?

Debut de section - Permalien
Catherine Hill, épidémiologiste à l'Institut Gustave Roussy

Bien sûr car les problèmes sont liés. Les malades du Sida absorbent des antirétroviraux, dont le bénéfice est immense mais les effets secondaires non négligeables. En tout cas, il ne faut pas éloigner encore l'Institut de veille sanitaire, ce serait une grave erreur !

Debut de section - Permalien
Catherine Hill, épidémiologiste à l'Institut Gustave Roussy

Cela serait dangereux. L'Afssaps est sous-dotée en épidémiologistes qui pourraient faire des enquêtes - même de petites enquêtes rapides, qui montreraient tout de suite ce qui se passe. Dans le cas du Mediator, si l'on avait étudié les polyvalvulopathies chez les moins de cinquante ans, on aurait vite compris ! Mais l'Afssaps n'a pas cette culture. Je le constate en me reportant à la séance de la commission d'AMM, mise en ligne dernièrement, qui portait sur la pioglitazone et le risque de cancer de la vessie. La présentation ne se focalise pas sur les personnes qui ont pris beaucoup et longtemps le produit. C'est pourtant là que l'on trouvera quelque chose éventuellement ! La meilleure façon de brouiller un signal, est de mêler ces cas avec tous ceux où des patients ont pris le médicament pendant une semaine une fois dans leur vie !

Debut de section - Permalien
Catherine Hill, épidémiologiste à l'Institut Gustave Roussy

Oui, l'épidémiologiste recherche les patients les plus concernés. Sinon, cela revient à noyer le poisson.

Debut de section - Permalien
Catherine Hill, épidémiologiste à l'Institut Gustave Roussy

Non.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Pour Actos, rien ne presse... Il faut bien réfléchir avant de retirer un médicament du marché.

Vous pensez que plus on a de médicaments, mieux cela vaut...

Debut de section - Permalien
Catherine Hill, épidémiologiste à l'Institut Gustave Roussy

Non, je crois au plan individuel qu'il ne faut prendre que les médicaments dont on a besoin. Mais une diversité des produits disponibles n'est pas mauvaise, en tout cas sur la variété, la question reste ouverte.

Debut de section - Permalien
Philippe Ricordeau

Il est important que l'expertise publique soit indépendante et dispose de moyens suffisants. Elle doit avoir la capacité de refuser un protocole financé par les industriels et de se montrer impartiale !